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Guémené-sur-Scorff est situé dans le département du Morbihan, en région Bretagne. Elle est considérée comme la capitale du Pays Pourlet. Elle doit aujourd'hui surtout sa renommée à sa spécialité gastronomique : l'andouille de Guémené.
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La modeste rivière du Couesnon – 97,8 km de long –, qui prend sa source en Mayenne et se jette dans la baie du Mont-Saint-Michel, serait le Rubicon de l'andouille, selon Maurice Lelong, auteur d'une Célébration remarquée de cette pièce maîtresse de la charcuterie française. Le franchir en direction de l'ouest, c'est pénétrer en terres de Guémené. En sens inverse, c'est entrer sur celles de Vire. La frontière vaut ce qu'elle vaut – c'est-à-dire pas grand-chose –, vu qu'on peut fabriquer les deux n'importe où.
Cette ligne de démarcation imaginaire souligne cependant la notoriété de ces deux appellations dans un secteur riche en andouilles diverses. Chaque province a la sienne : l'andouille savoyarde et la basque, celles du Val-d'Ajol (Vosges), de Revin (Ardennes), de Cambrai et d'Aire-sur-la-Lys (Nord), de Jargeau (Loiret), la fumée sarthoise, la rouge du val de Loire, et j'en oublie…
UN PRODUIT FRANCO-FRANÇAIS
Une telle abondance témoigne du haut degré de civilisation charcutière de notre pays, où le travail du boyau de porc mériterait d'être reconnu comme un art premier. Depuis des siècles, chaque jour, des centaines de mains d'hommes et de femmes lavent, grattent, dégraissent, découpent, assemblent, nouent, embossent, fument et cuisent des kilomètres de boyaux de porc pour le bien-manger des gens d'ici, car l'andouille est un produit franco-français, ne débordant que sur les régions francophones limitrophes. La France a l'andouille dans les tripes.
Benoît Rivalan ne l'avait pas vraiment dans les siennes lorsqu'il s'apprêtait à épouser Françoise Quidu, fille de Laurent Quidu et petite-fille de Joseph Quidu, dans l'andouille de Guémené depuis 1931. Ils se sont connus à l'école et, lors des entretiens préparatoires au mariage, le curé demande un jour à Benoît : "Tu as déjà mangé de l'andouille chaude-purée, j'espère ?
– Non, mon père, je ne mange pas d'andouille. Ce n'est pas mon truc.
– Si tu ne manges pas d'andouille, alors je ne te marie pas", a répliqué le représentant de Dieu. C'est à ce genre d'échanges que s'apprécie la qualité des liens entre le matériel et le spirituel au sein d'une paroisse bretonne. La messe (de mariage) fut finalement dite, et les Andouilles Rivalan-Quidu sont aujourd'hui les premières à Guémené-sur-Scorff – avec 900 pièces fabriquées quotidiennement.
Gilles Asselot, son collègue de Vire né dans une famille de cultivateurs, a, lui, "toujours baigné dans l'andouille". "Quand on arrivait dans la ferme du tonton, ça sentait l'andouille chaude et on savait qu'on allait se régaler." Son père a commencé à en faire en 1981, dans une caravane aménagée en labo. Une planche, deux tréteaux, il la vendait sur les marchés. L'arrêt de la tuerie de porcs aux abattoirs de Villers-Bocage, qui lui fournissaient les boyaux, et les contraintes grandissantes de la réglementation européenne ne l'encourageaient guère à poursuivre.
Gilles, qui avait toujours rêvé d'avoir sa propre entreprise, s'est dit : pourquoi pas dans l'andouille ? En 1994, plan de développement et financement bouclés, il débarque dans la zone commerciale de Vire pour y installer ses ateliers et sa boutique. Dix ans plus tard, il produit 1 400 andouilles de Vire tradition par jour.
UNE DIFFÉRENCE QUI TIENT PLUS À LA FORME QU'AU FOND
Les deux hommes se connaissent et s'estiment, même si on a souvent essayé de mettre en compétition leurs appellations respectives. La différence entre l'andouille bretonne et la normande tient plus à la forme qu'au fond. L'une et l'autre se font avec la ventrée du cochon comme matière première, la Guémené n'utilisant que les chaudins (gros intestin), alors que la Vire mélange le chaudin (50 % au minimum) avec le menu (intestin grêle) et l'estomac.
C'est à la tranche qu'on les distingue : la première présente des cercles concentriques dus à l'enfilage des chaudins les uns sur les autres, du plus petit au plus gros, tandis que la seconde révèle à la coupe une marbrure et une couleur plus foncées, les différents boyaux qui la composent devant être identifiables et non hachés menus.
Pour le reste, le procédé est quasiment identique : salage, montage, fumage au bois de hêtre un mois au minimum, séchage et cuisson. Il faut compter huit semaines pour confectionner une pièce digne de chaque appellation. La véritable Guémené, comme celle de Vire, pèse environ 600 gr pour une longueur de 25-30 cm et un diamètre de 4-6 cm. Elle a la peau noire, résultat du fumage, et présente une surface irrégulière, bosselée, telle l'andouillette – qui, rappelons-le, appartient au registre de la "charcuterie fraîche", alors que l'andouille est un produit de salaison. Les pièces authentiques, respectueuses d'un code de conduite spécifique à chaque origine, ne représentent que quelques centaines de tonnes sur les 6 000 à 7 000 (les estimations varient) produites chaque année en France.
Guémené et Vire ne disposent d'aucune appellation protégée de type AOC, AOP ou IGP. Comme pour le camembert, c'est la porte ouverte à l'agroalimentaire. A Guémené, les Rivalan-Quidu ont résolu le problème en appelant les leurs "Andouilles de Guémené-sur-Scorff", ceux qui la fabriquent ailleurs et autrement ne pouvant se prévaloir d'exercer sur les rives du Scorff. Certains industriels importent en effet des boyaux polonais moins chers, jadis en vrac mais désormais enfilés les uns sur les autres, prêts à cuir et à fumer dans des tunnels express. Cette matière première autorise l'étiquetage "produits de l'Union européenne".
SANS ADJONCTION DE GRAS NI COLORANT