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Théophile Alexandre Steinlen, né à Lausanne le et mort à Paris (18e arrondissement) le , est un artiste anarchiste, peintre, graveur, illustrateur, affichiste et sculpteur suisse, naturalisé français en 1901.
Théophile Alexandre Steinlen est le fils de Samuel Steinlen, un employé des Postes de Lausanne, lui-même fils de Christian Gottlieb (Théophile) Steinlen (1779-1847), peintre et dessinateur. Originaire d'Allemagne, la famille Steinlen avait été admise à la bourgeoisie de Vevey en 1832. Théophile Alexandre Steinlen étudie la théologie à l'Université de Lausanne pendant deux ans, puis, en 1879, se tourne vers l'art, suivant une formation au dessin d'ornement industriel à Mulhouse, chez Schoenhaupt, avant de s'installer à Paris avec sa femme Émilie en 1881.
Logeant depuis 1883 sur la butte Montmartre, Steinlen fait rapidement connaissance avec les personnalités artistiques qui y gravitent. Il entre en relation avec Adolphe Willette, et Antonio de La Gandara avec lesquels il fréquente à partir de 1884 le Chat noir, le cabaret tenu par Rodolphe Salis, devenant notamment l'ami d'Henri de Toulouse-Lautrec. Il y connaît naturellement Aristide Bruant. Il fréquente également le café-restaurant Au Tambourin au 62, boulevard de Clichy.
Il expose initialement au Salon des indépendants, en 1893, puis, régulièrement, au Salon des humoristes.
Adversaire de l’injustice, compatissant envers les déshérités, qui alors ne manquaient pas à Montmartre, il dépeint des scènes de la rue, des usines, de la mine, mettant en scène les malheureux de toute espèce, mendiants, ouvriers dans la misère, gamins dépenaillés et prostituées. Ces personnages semblent plus souvent écrasés par leur triste condition que révoltés. Il est par ailleurs le spécialiste des chats, qu’il dessine sans se lasser, dans toute leur fantaisie, joueurs, endormis ou en colère. Il dessine aussi des nus féminins.
Steinlen pratique de préférence le dessin et le pastel pour dépeindre la vie quotidienne de la rue et ses petits métiers. Le réalisme de ses dessins a inspiré certaines œuvres de Jean Peské, ou les débuts de Pablo Picasso. Il développe également un œuvre gravé, reprenant les mêmes thèmes que ses dessins, ou en y mêlant la politique, comme dans les lithographies par lesquelles il illustre les malheurs de la Belgique et de la Serbie en 1914-1918. Mais ce sont surtout ses affiches qui, comme celle de la Tournée du Chat noir, sont à l’origine de sa popularité. Il pratique aussi la sculpture sur le thème des chats (Chat angora assis). Il illustre également des ouvrages littéraires, comme la refonte en 1903 des Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, et collabore à divers journaux humoristiques tels que Gil Blas illustré, L'Assiette au Beurre (dès le no 1), Le Rire et Les Hommes d'aujourd'hui, puis Les Humoristes, qu’il fonde en 1911 avec Jean-Louis Forain et Charles Léandre.
En 1897, il devient le principal illustrateur de La Feuille de Zo d’Axa et s'engage durant l’affaire Dreyfus en dénonçant les machinations militaires et les mensonges de l’état-major, renvoyant dos à dos la justice et l'armée.
La même année, il se lie d’amitié avec Jean Grave et, quand ce dernier lance Les Temps nouveaux en 1902, il est parmi les illustrateurs comme Maximilien Luce, Jules Grandjouan, Félix Vallotton, Paul Signac et Camille Pissarro. Il fournit également en soutien des estampes pour des tombolas ou pour des ventes au profit des Temps nouveaux auxquels il participe jusqu’à la Première Guerre mondiale et à la reprise jusqu’en 1920. Il fait des portraits de Jean Grave (gouache et estampe), illustre de nombreux livres et brochures liés au mouvement anarchiste ainsi que Guerre et militarisme de Jean Grave (1909), L’État, son rôle historique de Pierre Kropotkine, La Question sociale de Sébastien Faure ou encore Évolution et Révolution d’Élisée Reclus. Entre 1901 et 1912, il dessine dans l’Assiette au beurre où il dénonce les iniquités sociales et affirme ses aspirations et sa démarche libertaires.
En 1901, Samuel-Sigismond Schwarz fait appel à ses talents pour illustrer la première couverture de L'Assiette au beurre. Schwarz n'avait publié jusqu'alors que des magazines plutôt légers ; Steinlen était très au fait de ce qui se passait dans le monde de la presse engagée en Europe, il était un ami d'Albert Langen, le fondateur de la revue satirique allemande Simplicissimus, un éditeur militant qui fut rapidement condamné par le pouvoir impérial, et qui s'était inspiré en 1896 du Gil Blas illustré.
En 1902, Steinlen milite pour la constitution d’un syndicat des artistes peintres et dessinateurs dont il prononce le discours d’adhésion à la Confédération générale du travail en . En 1904, il adhère à la Société des dessinateurs et humoristes dont, en 1911, il est un des présidents d’honneur. En 1905, il adhère ainsi que Charles Andler, Séverine ou encore Octave Mirbeau, à la « Société des amis du peuple russe et des peuples annexés » dont le président est Anatole France. En 1907, il figure parmi un comité constitué pour ériger une statue à Louise Michel. Il est également signataire de diverses pétitions, contre la condamnation à mort du cordonnier Jean-Jacques Liabeuf en 1910.
Sans doute la plus connue des publicités signées STEINLEN...
Colette, la fille du peintre, née en 1888, lui servait de modèle notamment pour l’affiche “Le Lait de la Vingeanne” où trois greffiers z’yeutent avec concupiscence le bol de lait que la petite fille boit.
Variations de texte sur la très fameuse affiche de la tournée du chat noir.
Dessin d'Alexandre Théophile Steinlen : divers projets d'enseignes surmontées de chats noirs, entre le 19e et 20e siècle. (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) .
Dénommé “le peintre aux chats”, Steinlen les connaissait bien. Il en a eu beaucoup, des chats abandonnés errant dans les ruelles de la Butte et qu’il recueillait. Ils ont été immortalisés grâce à ses oeuvres comme celle du “Chat Violet”. Le chat selon Steinlen peut être ange ou diable selon les circonstances.
Socialiste à ses débuts, Steinlen se tourne progressivement vers les milieux anarchistes et sa démarche artistique s’inscrit, dès lors, davantage dans le champ de la critique sociale et de la satire politique.
Steinlen collabore au Chambard socialiste (de tendance anarcho-syndicaliste) dès sa parution le 16 décembre 1893 et livre des illustrations (lithographies (4)) jusqu’au numéro 32 (5), en signant Petit Pierre.
Steinlen ne signa pas d’illustration pour le 33ème numéro. Il arrêta de collaborer au Chambard en juillet 1894, peu avant un coup de filet contre les anarchistes et autres individus jugés subversifs. Il partit à l’étranger pendant six mois (Allemagne et Norvège).
Le Chambard socialiste était un hebdomadaire de 4 pages dirigé par Alfred Gérault-Richard de format 50 x 35 cm avec généralement une illustration à la une. Le tirage oscillait autour de 20 000 exemplaires.
Dans le Chambard socialiste, Steinlen, l’œil incorruptible et le crayon toujours alerte, s’insurge contre les inégalités sociales, les rapports entre l’opulence et l’insuffisance. Il s’émeut des conditions de vie du monde ouvrier. Dans un dessin aux accents graphiques très réalistes, il montre un groupe d’enfants dépenaillés qui s’affaire autour de quelques maigres victuailles. Près d’eux, passe un chien, indifférent. Il n’a pas froid et est couvert d’un petit manteau. Et la légende explicite, d’exposer : « Jolie société où les chiens des riches sont plus heureux que les enfants des pauvres ».
En surcroît de l’inégalité pécuniaire, il y a, pour Steinlen, deux justices : celle qui écrase les plus faibles et celle qui protège les plus riches, voire les conforte.
Ainsi, l’illustration du n° 11 est titrée « Cent millions ! » avec pour légende : « M. le baron est mis en liberté avec les honneurs dus à un personnage de haut vol ». Un vol qui renvoie au scandale de Panama. Le baron Jacques de Reinach, persona grata, est traité avec égards et remis en liberté, encadré par deux soldats en tenue d’apparat qui, doigts sur la couture, lui adressent leur salut. La semaine suivante, dans le n° 12, Steinlen figure un homme marchant la tête baissée, la mine attristée entre deux gendarmes sous le titre « Sans le sou !». Il porte un pain, celui du menu larcin qui l’a fait arrêter. L’homme soupire : « Ha ! Si au lieu d’un pain j’avais volé cent millions… ».
Grande affiche réalisée en 1899 par l'artiste comme publicité pour le quotidien Le Journal, publié à Paris (Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste).
Le roman de l'écrivain populaire français Jean-Louis Dubut de Laforest sur la prostitution était publié en feuilleton dans Le Journal. Le roman-feuilleton était une rubrique attractive, centrale dans la concurrence entre les journaux vers 1900. Leur lancement donnait lieu à de grandes campagnes promotionnelles.
Une affiche de STEINLEN avec deux versions différentes... Avant et après censure.
Aristide Bruant, né le à Courtenay (Loiret) et mort le à Paris 18e, est un chansonnier et écrivain français.
Ses chansons populaires, sa présence en scène, sa voix rauque et puissante et sa carrure ont fait de lui un monument de la chanson française réaliste. Il est considéré comme un des plus grands poètes de l'argot de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.
Il a été l'un des créateurs de la chanson réaliste, mouvement qui a perduré jusqu'au milieu du XXe siècle avec notamment Édith Piaf comme l'une des dernières interprètes. Ce mouvement a laissé des traces durables jusque dans la chanson française contemporaine.
Aristide Bruant est né dans une famille bourgeoise. Durant son enfance, il apprend le latin par les soins du curé du pays, qui le cite comme exemple d'application. Sa famille l'envoie ensuite au lycée Impérial de Sens où, dès l'âge de onze ans, il collectionne les premiers prix de grec, de latin, d'histoire et de musique vocale. En 1862, il compose sa première chanson.
À la suite de revers de fortune, ses parents doivent quitter Courtenay pour Paris, où les déménagements se succèdent. Afin de fuir les créanciers, de 1863 à 1867, de Ménilmontant à Montmartre, ils effectuent cinq déménagements.
À la fin de l'année 1867, il doit quitter le lycée Impérial, car son père — alcoolique et ruiné — n'avait pu payer les derniers trimestres. Son père décide alors qu'Aristide est en âge de travailler et le conduit chez un avoué. Il peut ainsi faire vivre toute sa famille. Mais, du fait de la traque régulière de ses parents par des huissiers, il doit changer de métier et devient apprenti-bijoutier, puis ouvrier-bijoutier. Il travaille l'or et l'argent et sertit des pierres précieuses dans les arrière-boutiques de quelques bijoutiers. Il suit ses parents à travers Paris et la banlieue, fréquentant les restaurants pour pauvres, les cafés d'ouvriers, côtoyant les malheureux, les révoltés, les filles et les mauvais garçons. Il écoute leurs confidences et s'initie à leur contact à leur jargon.
.Pendant la guerre de 1870, il est engagé comme franc-tireur dans la compagnie des « gars de Courtenay ».
Démobilisé, il travaille à la Compagnie des chemins de fer du Nord. Durant quatre ans, il regarde vivre ses collègues et compare leur existence trop bien réglée à la vie aventureuse de hors-la-loi qu'il a rencontrés. Il se passionne pour leur langage, se met à rechercher les origines de l'argot jusqu'à François Villon et aux coquillards et travaille sur les dictionnaires d'argot des bibliothèques municipales. En attendant d'écrire des refrains argotiques, il compose des romances tendres.
En 1894, il est candidat à l'Académie française.
Léon de Bercy en 1898 évoque les débuts d'Aristide Bruant dans les goguettes. C'est là qu'il trouve son premier public :
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Au lendemain de l'Année terrible, à dix-neuf ans, Bruant pour vivre, entre à la Compagnie du chemin de fer du Nord. Mais il aime le théâtre, et la vie sédentaire, la vie de bureau lui pèsent : il rêve d'affranchissement, et le soir, durant les heures de loisir que lui laisse son existence d'employé, il court les goguettes, où il pousse la « sienne » comme les camarades. Il a de l'allure, du coffre et de la confiance en lui-même ; sa hardiesse et sa franchise le servent à souhait : on l'encourage. C'est alors qu'il écrit ses premières chansons, d'un caractère encore indécis mais d'une manière nouvelle, originale déjà ; car il y emploie la langue colorée de la rue, langue du peuple, avec ses élisions et son patois pittoresque. Il se débarrasse peu à peu des conventions banales ; il devient le rimeur impeccable et, après avoir pris au peuple sa façon de s'exprimer, il va en prendre la pensée et la rendre, pour la servir : sa voie est trouvée.
Il est remarqué par un chanteur qui l'encourage à aller se produire au Robinson, où il triomphe.
Fort de ce succès, il tente sa chance au café-concert et se produit au Concert des Amandiers. Bien que le public y fût difficile, il triomphe à nouveau, ce qui lui donne de plus en plus d'assurance. Son répertoire comprend alors des chansonnettes comiques ainsi que des chants sociaux.
Un impresario le remarque et il est engagé chez Darelli à Nogent-sur-Marne, où il connaît à nouveau le succès. Il commence aussi à vivre dans une certaine aisance. Ces succès l'incitent à aller auditionner au Concert de l'Époque. Là, il se compose un costume de vedette : veston long, pantalon à pattes d'éléphant, gilet clair et chapeau haut-de-forme. L'effet est merveilleux, il connaît l'ivresse des rappels. Jusqu'au jour où il est incorporé au 113e de ligne, à Melun. Opportuniste, il écrit aussitôt une marche militaire : V'la l'cent-treizième qui passe. Adaptée au pas redoublé par le chef de musique du 113e, cette marche devient non seulement la marche du régiment, mais celle de la plupart des régiments de France.
Sa renommée commence à s'étendre. Dès sa démobilisation, il franchit rapidement les étapes. Des tréteaux du Concert de l'Époque, il passe sur les scènes des plus grands cafés-concerts, la Scala et l'Horloge. Chanteur élégant, il porte une jaquette beige rosé et un gilet fleuri (d'un bon faiseur), ainsi qu'un chapeau haut-de-forme sur-mesure. C'est de cette époque que datent les premiers chefs-d'œuvre qu'il compose sur les quartiers de Paris.