28 août 2022
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Byrrh : un nom étrange venu d’ailleurs certes, mais surtout d’une ville des Pyrénées Orientales, Thuir. Cet apéritif au parfum original réalisé à base de vin et de quinquina fut conçu au départ comme un « fortifiant ». On le découvre à travers son histoire mise à l’honneur dans les lieux de sa création et par des dégustations inédites.
L’histoire est jolie comme la bouteille : dans ce 19ème siècle friand de découvertes et de colonisations exotiques et lointaines, deux frères catalans, les frères Violet, décident de s’établir à Thuir pour créer un breuvage « tonique et hygiénique ». Lewis Carroll, qui écrivait alors la version connue d’ « Alice au pays des merveilles » aurait tout à fait pu « choisir » le vin de Byrrh pour faire « grandir » Alice ! Pallade et Simon Violet aboutissent dans leurs recherches et constituent leur société le 14 septembre 1866. Le Byrrh est né, mélange étonnant de saveurs, vin médicinal par ses apports de plantes aromatiques, boisson de qualité telle que désormais on le considère aussi important qu’un médicament.
La cave de Byrrh est alors développée avec autant de brio que pour la qualité du vin : on donne aux ateliers Eiffel en 1892 la réalisation de la gare, et la maison Violet prend des dimensions de ville. La réussite de Byrrh permet le développement général de la ville de Thuir qui vit alors une révolution industrielle et sociale. Le paternalisme de l’époque mène en 1910 à la construction d’un hôpital où les ouvriers sont soignés gratuitement, et s’attelle à l’idée pionnière des congés payés : les ouvriers acquièrent quinze jours de congés par an, et travaillent 39 heures par semaine.
Les concours prennent le relais : concours d’affiche en 1903, avant le concours spectaculaire de la plus grande cuve en chêne au monde — 16,46 mètres de diamètre, 10 mètres de hauteur, 110 tonnes à vide, un million et 200 litres de contenance. C’est le record de la plus grande cuve du monde en bois, construit par la société française de tonnellerie Marchive-Fruhinsholz, avec 1,860 km de cerclage, en rondins d’acier de 4 cm d’épaisseur pour résister à la pression. Ses douelles en chêne ont une épaisseur de 16 cm pour le fond et de 14 cm pour les parois, et la cuve pèse à vide 110 tonnes et pleine 1100. Pour rendre compte de la complexité de la tâche, il est à noter que la maison Byrrh passa sa commande en 1935 et réceptionna sa cuve en 1950.
De l’idée de développer un produit « bon pour tous » est née l’idée de rayonner à travers le monde par un patrimoine et une modernité inoubliables.
Byrrh est l’histoire d’une superbe réussite française qui s’est immédiatement exportée à travers le monde entier, et demeure par bonheur un patrimoine historique conservé avec soin. Le passage de l’Art Nouveau à l’Art Déco est présent dans les bâtiments. On peut admirer l’immense hall central dont la verrière est due à Gustave Eiffel : long de 81 mètres et large de 20, il a vu s’effectuer toutes les opérations de chargement et de déchargement et était une gare à l’animation exceptionnelle. Une sélection d’une quarantaine d’affiches est exposée au public dans la partie muséale, ce sont les bijoux du concours de 1903 auquel 1900 personnes avaient participé.
La concurrence, toujours sévère, semble avoir progressivement détrôné ce géant français avec les marques américaines de sodas construites sur la même démarche médicinale au départ, comme la marque Coca Cola qui est basée sur l’utilisation de feuille de coca et de noix de kola dans sa composition originelle. Il est à remarquer que l’on cherche toujours des boissons « miracle » à travers les boissons dites « énergétiques » pourtant trop sucrées.
Le vin Byrrh retrouve un look « vintage » avec une étiquette qui rappelle son origine et l’histoire de sa création. Il se renouvelle et s’impose désormais dans la re-découverte actuelle du goût, à travers sa participation grandissante aux concours de cocktails et remet à l’honneur sa spécificité dans le respect de la modération et la qualité. Moins géant, plus spécifique, Byrrh se présente comme un nom de lieu autant que comme le nom du vin et s’inscrit désormais au Patrimoine Français comme lieu d’exception à venir visiter pour lire la page d’histoire d’une réussite française mondiale.
Céline Marcadon
Association des Journalistes du Patrimoine
Published by christianlegac