Même si nous avions des BOISHARDY dans nôtre généalogie, je n'arrivais pas à faire le lien direct avec ce descendant !.
Par contre ce cousinage va se faire par la grand-mère paternelle de
Amateur Jérôme Sylvestre Le Bras des Forges de BOISHARDY, c'est à dire Louise Françoise Le Mintier épouse de Jérôme Le Bras des Forges.
Amateur-Jérôme Le Bras de Forges, chevalier de Boishardy, est un chef chouan des Côtes-du-Nord. Né à Bréhand, il appartient à la petite noblesse (chevalier). Les origines de sa famille seraient toutefois bourgeoises.
Comme noble, il entre au royal marine en 1780, ancien officier au régiment de Royal-Marine, quitta le service le , s'opposant au départ de son régiment pour Saint-Domingue. Il est porté par erreur sur la liste des émigrés en 1792 et cette erreur lui cause quelques désagréments et il rentre à Bréhand. Mais c'est la levée des 300 000 hommes en mars 1793 qui le pousse vers la Chouannerie.
En effet, la Révolution française,ayant besoin de soldats,ordonne qu'un tirage au sort de combattants soit organisé par commune. Le , Pommeret, à 8 km de Bréhand refuse le tirage au sort et arrache les registres des commissaires de la République. C'est le signal du soulèvement dans les Côtes-du-Nord. Aux cris de Marchons sur Pommeret, les jeunes de Bréhand se dirigent alors, Boishardy à leur tête vers la commune rebelle. Ils sont rejoints sur le chemin au lieu-dit la lande du gras à Meslin par les jeunes des communes alentour. Ensemble (peut être 4000), ils marchent sur Pommeret et molestent l'épicier républicain du bourg.
Le même jour, ils pillent la malle poste républicaine à Sainte-Anne (Coëtmieux). À la suite de cette insurrection François Pincemin, le tout nouveau maire de Meslin, sera arrêté, emprisonné à Saint-Brieuc et guillotiné le suivant. Les événements de Pommeret font tache d'huile notamment à Bréhand où les jeunes suivent l'exemple. Les insurgés sont venus chercher Boishardy en raison de son expérience militaire et non pas de ses origines nobiliaires.
Boishardy, charismatique et accessible s'impose naturellement comme chef de la chouannerie dans la région. Il prit part à la première insurrection, celle de La Rouërie, et fut désigné par lui pour commander les forces militaires de l'Association bretonne sur les Côtes-du-Nord. Il est reconnu ailleurs aussi puisqu'il est en contact avec le Vendéen François de Charette. Mais la chouannerie de la région lamballaise reste limitée. Ses actions de guérilla resteront limitée, à noter toutefois, la prise de Jugon (les lacs) une petite ville entre Lamballe et Dinan où il abat l'arbre de la liberté, déambule avec ses hommes tout en parlant avec les habitants, il y gagna son surnom de Sorcier, car la prise ne fit aucun mort et tous les soldats républicains furent capturés.
Après la mort de La Rouërie, il se retira vers la côte entre Lamballe et Moncontour ; et, réunissant tout ce qui s'armait contre la Révolution, il établit son quartier général à Bréhand. Boishardy était dans la force de l'âge, et aussi adroit qu'intrépide son ascendant était tel sur les paysans qu'ils se seraient tous exposés à la mort pour le défendre, et qu'il passait dans leur esprit pour prédire l'avenir.
Boishardy, proscrit est insaisissable, se cachant entre Pommeret, Bréhand et Moncontour au gré de ses nombreuses amitiés. Il est surnommé le Sorcier par les républicains.
D'ailleurs ses manières douces et l'aménité de son caractère le faisaient généralement aimer. Au mois d'août 1794, il alla trouver Puisaye et le reconnut comme généralissime des chouans. Puisaye le fit colonel et lui donna la croix de Saint-Louis. Il commanda les royalistes des Côtes-du-Nord ; et au mois d'octobre 1794, se voyant accablé par la division du général républicain Louis Emmanuel Rey, et autorisé par l'exemple de Charette, il crut écarter le danger en faisant des ouvertures de paix. Ayant demandé une entrevue au général Jean Humbert, qui commandait à Moncontour une division républicaine, il lui indiqua, dans les premiers jours de décembre, un bois pour le lieu de la conférence, et il s'y trouva avec cinquante chouans armés. Humbert arriva seul, sans aucune escorte. Le général royaliste, étonné de la sécurité de cet officier, lui dit : « Le témoignage de confiance que tu me donnes me décide à la réciprocité ; je vais renvoyer ma troupe, et chercher avec toi les moyens de ramener la paix dans ces malheureuses contrées ! » Les amitiés de Boishardy ne sont pas que royalistes, un respect profond et partagé le lie au général républicain Humbert grâce auquel il signe une trêve avec Lazare Hoche qui l'estime également (mars 1795).
Après la pacification, la trêve n'est pas respectée et des attentats sont commis dans le secteur de Boishardy. Les hostilités ayant recommencé entre les deux partis, Boishardy reprit l'offensive. Les poursuites contre le Sorcier reprennent et un camp républicain est installé à Meslin.
Les républicains ayant été instruits qu'il se trouverait le dans son château de Villehemet, une compagnie de grenadiers marcha pour l'y surprendre. Il devait en effet se marier dans la nuit du 16 au . Il fut trahi par un jeune homme qu'il avait recueilli. Boishardy s'aperçut trop tard de la trahison ; il voulut fuir : les grenadiers le poursuivirent à coups de fusil ; il fut atteint et achevé à coups de sabre par deux soldats sur la route de Bréhand à Moncontour, près de la chapelle Saint-Malo (un calvaire marque le lieu encore aujourd'hui) en présence de sa jeune amie Joséphine de Kercadio. Sa tête sanglante et séparée de son corps fut promenée dans les rues de Lamballe et de Moncontour puis jetée dans l'étang de Launay. Les deux assassins seront très légèrement punis. Plus tard, l'étang fut asséché et le crâne de Boishardy retrouvé; il repose désormais au cimetière de Maroué.
La chouannerie privée d'un chef charismatique change ensuite dans les Côtes-du-Nord. Elle évolue en micro-chouannerie (Legris Duval, Duviquet, Carfort) jusqu'en 1800 et en chouannerie-brigandage (Dujardin) 1800-1804.
On note toutefois que symboliquement, la chouannerie des Côtes-du-Nord reste importante. Mercier la Vendée, adjoint de Georges Cadoudal est nommé chef du département (tué près de Loudéac en 1801) et que Saint-Régent, chef de la région de Merdrignac sera l'exécutant du premier attentat contre Napoléon Bonaparte (Noël 1800).
L'histoire de Boishardy a quelque chose de romantique, notamment en raison de son charisme, de son idylle avec Joséphine de Kercadio et de sa mort tragique. Pour les royalistes, il devint « Achille pour la bravoure, Ulysse pour la fertilité de ses inventions ». On dit que Balzac se serait inspiré de son histoire dans son roman Les Chouans. La version des faits selon laquelle son assassinat fut perpétré la veille de son mariage n'est pas reconnue par tous les historiens.
(Wiquipédia)
C'est Missire Jean Jacques Quintin, recteur de la ditte paroisse qui baptisa l'enfant. Il était issu d'une famille bourgeoise originaire de la paroisse de St Thuriaff de Quintin, qui s'était enrichie dans le commerce des toiles et avait été anoblie dans la seconde moitié du XVème siècle. Son père propriétaire de Boishardy était lui même Officier des Mousquetaires du Roi, il s'était illustré en 1758 au sein des mousquetaires noirs lors de la bataille de Saint Cast menée en 1758 contre les Anglais. Le père du chef royaliste s'appelait Messire Jérôme Silvestre Le Bras des Forges, il était lui même fils de Messire Jérôme Sylvestre Le Bras des Forges, seigneur du Cartier, de Boishardy, de la Ville Chapron et autres lieux, et de dame Louise Françoise Le Mintier, dame des Granges. C'est en l'église paroissiale de Langast que Messire Jérome contracta une première alliance ce 25 février 1743 avec dame Sylvie Louise Françoise Coupé, dame des Essarts, fille de Messire Jean Baptiste Coupé, Chevalier, Sieur de Carmené, Chevalier de l'Ordre royale et militaire de Saint Louis, capitaine des dragons au régiments de la Reine, et gouverneur du château de Moncontour. De cette première union naquirent deux filles : Jeanne Scolatique & Emilie. Devenu veuf, le sire de Boishardy contracta une seconde alliance en l'église de Bréhant Moncontour le 16 février 1757 avec dame Anne du Bosc, fille de Messire François René du Bosc, seigneur de Quembit, et de feue dame Marie Françoise André, également originaires de la paroisse de Bréhand Moncontour.
L'enfance de Boishardy se déroula entre le manoir familial et la ville de Lamballe où la famille disposait d'une résidence d'hiver. En réalité, Amateur devint orphelin de son père à l'âge de quatre ans, et avec ses deux soeurs, il fut entouré par sa mère et sa demie soeur Jeanne Scolatique. A l'âge de 14 ans il fut admis à l'école royale militaire de Pontlevoy près de Blois où il resta deux ans (ci dessous). Selon la légende, Boishardy était alors réputé pour ses aventures amoureuses à travers nombre de paroisses, tantôt lors de pardons, ou bien auprès d'un moulin, d'un four ou d'une fontaine. Il lui faudra cependant attendre deux ans avant d'intégrer une place de cadet gentilhomme car victime d'un accident de chasse en janvier 1779, et blessé d'une balle à la jambe, il fut soigné par le chirurgien Le Blanc de Lamballe mais resta immobilisé neuf mois. Finalement, le 1er juillet 1780, il intègra à Ajaccio le régiment du Royal la Marine. Durant douze ans il mènera une vie de garnison, d'abord en Corse, à Grenoble, puis à Vienne où il sera affecté. Promu sous lieutenant en 1783, il devra attendre 1791 pour être nommé lieutenant, son régiment ne s'étant pas distingué. Mais c'est à Marseille qu'il se trouvait quand la Révolution éclata. Avec sa soeur Emilie, il entretenait alors une correspondance qui laisse entrevoir un jeune homme peu préoccupé de politique et satisfait de son sort. Il sera amené à la tête de ses troupes à réprimer les paysans qui brûlaient les châteaux en Provence. Puis en juillet 1791 alors qu'à la Rochelle, le 60e Régiment d'Infanterie auquel il appartenait s'apprêtait à se rendre à St Domingue, sans mot dire, il démissionna après avoir désigné sa soeur Emilie procuratrice. De retour au pays, il deviendra l'un des opposants au District de Lamballe, d'autant que sa soeur Emilie l'avisa au cours de cette période que leur domaine dont elle s'occupait depuis la mort de leur mère survenue en 1789 avait été mis sous séquestre par le Directoire. Le séquestre sera bientôt levé, mais Amateur et sa soeur figureront néanmoins jusqu'en 1793 sur la liste des émigrés. Ainsi le frère et la soeur pourront se retrouver au domaine de Boishardy, mais le jeune artistocrate gardera une grande rancoeur vis à vis des patriotes de Lamballe, d'autant que si les réformes furent appréciées dans la campagne, le devenir de l'Eglise fut en revanche une grosse déception.... Boishardy dès lors rentra en opposition avec le nouveau régime. On le voit, tantôt à Pommeret, tantôt à Meslin, tantôt à Jugon, bien décidé à faire sa propagande. A la tête de ses partisans, Boishardy interceptera la voiture de la poste, à son arrivée à Coëtmieux, et vola son contenu, les gardes nationaux intervinrent mais rebroussèrent chemin devant le nombre important de "chouans". Vêtu en paysan et armé de deux pistolets et d'un fusil, Boishardy se joindra aux opposants rassemblés à Saint Brieuc, puis quelques jours plus tard, grimpé sur le mur du cimetière de Bréhand, Boishardy incita une centaine de jeunes hommes à déchirer leur convocation, leur ordonnant de ne pas se joindre à la garde nationale, menaçant d'une balle tous les lâches. Le 30 mars 1793, il fut condamné à mort par contumace, et ses biens furent sequestrés puis vendus comme bien national. Aucun habitant de Bréhand ne se porta acquéreur du domaine de Boishardy ni ducheptel, sauf un...à la solde de son maître. Un maître décidément introuvable, vivement chichement, travaillant tantôt comme tonnelier, tantôt déguisé en femme. En octobre 1793, le Conseil Général des Côtes du Nord apprenant l'arrivée de l'armée de Vendée, et craignant que Boishardy ne reprenne les armes, le commissaire du département : Charles Hello fut choisi afin de prendre la tête de quatre cents hommes, avec pour mission arrêter Boishardy.
Une affiche est bientôt apposée par les républicains :
Signalement d'un chef des révoltés, ayant des allumettes soufrées pour mettre le feu & incendier dans les villes & le campagnes-Amateur Jérome Silvetsre Bras de Forges, du Bois Hardi, paroisse de Bréhan-Moncontour, âgé de vingt huit ans, taille de cinq pieds, trois pouces, cheveux châtains de la longueur de cinq à six pouces, les faces coupées, les sourcils clairs, le front élevé, les yeux grands & bleus, nez grand & aquilin, la bouche petite et pincée, le menton rond, la figure ovale, ayant les oreilles percées & portant des cercles en or, le corps bien fait et un peu gros, la taille bien élevée, les jambes fortes et bien faites, ayant un habit blanc, un gillet semblable, des guêtres, et un chapeau rond à haute cuve. Ce particulier est l'un des chefs des révoltés du département des Côtes du Nord, et on le dénonce à tout citoyen pour le faire arrêter et conduire, sous bonne et sûre garde, dans la maison de justice à Saint-Brieuc: on le dénonce au zèle de la gendarmerie nationale; et l'on récompensera le citoyen qui aura le courage d'arrêter ce forcéné, traître, ennemi de la patrie, traître, ennemi de la patrie; Le samedi 25 octobre, Hello et ses hommes encerclèrent Bréhand, soupçonnant le clandestin de s'y cacher. A chaque issues de villages, des gardes furent postés : les maisons fouillées avec soin, les arbres inspectés, les bosquets battus. La nuit tombante, le comissaire convoqua le maire de Bréhand afin de connaître les liens qui l'unissait au jeune chef, lui reprochant sa complicité avec ce dernier, et soudain des coups de feu retentirent . Le poste situé du côté de la grand route venait d'être forcé par quatre hommes armés de fusils qui désarmèrent les gardes et gagnèrent le large emmenant un otage avec eux. Après la mort de la Rouerie, Boishardy s'imposa naturellement comme le chef del'armée royaliste. En mars 1795, une trêve fut signée avec Lazare Hoche, pourtant très vite Boishardy reprit l'offencive. Le 12 juin 1795, il échappa de justesse à un piège mortel alors qu'il rendait visite à sa fiancée à la Ville Louet, mais trois jours plus tard, ce 15 juin 1795 la mort fut au rendez vous. Le clandestin se trouvait au château de Villehemet en compagnie de celle qu'il devait épouser le lendemain : Joséphine de Kercadio. Des traîtres l'avaient dénoncé, et quand il voulu fuir, les grenadiers le poursuivirent à coups de fusil, il fut atteint et achevé à coups de sabre par deux soldats sur la route de Bréhand à Moncontour, la tête sanglante et séparée de son corps fut promenée dans les rues de Lamballe et de Moncontour puis jetée dans l'étang de Launay.
Article du Poudouvre Pris sur le net.
L'une des caches de Boishardy, près de Bréhand.
La chapelle Saint Malo ne correspond pas non plus à l'édifice d'origine, elle a été recpnstruite après la révolution.
LA FIN DE BOISHARDY
Un de ces personnages dont les partis acceptent les services dans les temps de révolution, mais que l’histoire marque du sceau de l’infamie, offrit de livrer Boishardy. Ce misérable, nommé Charles, était un faux-chouan ou espion que le chef royaliste avait recueilli et attaché à sa personne. Exploitant la trahison sous toutes ses formes, il eut plus tard des relations avec le cuisinier qui fut soupçonné d’avoir empoisonné Hoche, au moyen de poison introduit dans des carottes.
Ce n’était pas chose facile que de s’emparer de Boishardy, qui, chaque nuit, changeait de retraite. Il couchait, tantôt dans une grotte que l’on montre encore près du château de Boishardy, tantôt dans les champs, où il attachait un hamac aux arbres. Dans la nuit du 16 au 17 juin 1795, ce hamac était suspendu aux genets en fleurs d’un courtil ou jardin situé près de la Villegourio, où Boishardy, avant de partir pour Quiberon, avait donné rendez-vous à une demoiselle aussi spirituelle que jolie, sa fiancée suivant les uns, sa maîtresse suivant d’autres. Elle était au rendez-vous. Dans le courtil couchaient en outre l’aide de camp de Boishardy, Richard, son secrétaire, Le Borgne, son valet de chambre, et deux de ses soldats.
Vers trois heures du matin, Le Borgne, qui faisait sentinelle, vint avertir Boishardy qu’il apercevait de la troupe sur la route qui mène de Lamballe à Moncontour. Boishardy lui-même voit la troupe, mais ne soupçonnant pas qu’il est trahi, il la prend pour un détachement qui se rend de l’une à l’autre de ces villes. Les mouvements des soldats ne lui laissant plus de doute qu’il va être cerné, il conseille à sa compagne de ne pas s’éloigner, dans l’espoir qu’elle ne sera pas découverte, ou qu’il ne lui sera pas fait de mal, puis il s’élance hors du courtil avec ses cinq hommes.
Bientôt ils sont hors de tout danger ; mais Boishardy, inquiet du sort de son amie, se glisse de fossé en fossé jusqu’auprès du courtil. Un soldat qui l’aperçoit lui tire un coup de fusil qui l’atteint dans les reins. Boishardy tombe, se relève, court encore quelque temps, et au moment où il veut franchir un fossé, il est frappé mortellement de trois nouveaux coups de fusil.
On lui coupa la tête qui, le même jour, fut portée au bout d’une pique dans tout Moncontour, et exposée à la porte d’un membre du comité de surveillance qui, ce jour-là, avait du monde. On la promena ensuite dans les rues de Lamballe, où les soldats firent des stations sous les fenêtres d’une sœur de Boishardy et d’une trentaine de citoyens qu’ils voulaient effrayer. En s’en retournant de Lamballe à Saint-Brieuc, les soldats, craignant que la vue de cette tête sanglante ne les fît attaquer par les chouans, la jetèrent dans l’étang de Launay, près de Lamballe. Elle en fut retirée plus tard quand on écoula l’étang, et Lemintier, propriétaire de la terre de Launay, la fit inhumer dans la chapelle de son château.
Le corps de Boishardy avait été jeté dans une douve marécageuse, d’où il fut retiré peu de jours après et porté au cimetière de Bréhand par les soins d’un médecin, son intime ami, auquel, dans la prévision qu’il trouverait la mort à Quiberon, ou à la suite de cette expédition, il avait remis quelques jours auparavant sa flûte et une bague en le priant de les conserver comme un souvenir. Son cœur fut longtemps conservé par son ami qui, plus tard, le remit à sa famille.
« Telle fut dit Émile Souvestre dans la Revue des deux mondes en 1840, la fin de cet homme, qui aurait dû naître au temps du Cid et succomber dans quelque noble guerre contre l’étranger. Hoche, quelque satisfait qu’il fût d’être délivré d’un si redoutable adversaire, fut tellement indigné au récit des actes de stupide férocité qui suivirent la mort de Boishardy, qu’il écrivit à l’adjudant-général Crublier de faire arrêter et punir tous ceux qui avaient pris part à ce crime contre l’honneur. Langage étrange et nouveau sans doute, après les massacres de la Vendée, ajoute Souvestre, mais qui annonçait que le règne des folies sanglantes était passé, et que si la Révolution était une tempête, ce n’était plus du moins une tempête dans un égout. » Cette réflexion, vraie en ce qui concerne Hoche, ne saurait néanmoins être généralisée, quand on songe à la longue tuerie à froid qui, six semaines plus tard, succéda au désastre de Quiberon du 21 juillet 1795 — l’expédition de Quiberon consistait en un débarquement des émigrés à Quiberon visant à prêter main-forte à la Chouannerie et à l’armée catholique et royale en Vendée, en vue de soulever tout l’Ouest de la France et de mettre fin à la Révolution.
D’une taille moyenne, mais svelte et bien prise, d’une figure régulière à laquelle ses cheveux blonds donnaient un aspect de douceur que ne démentait pas son caractère, Boishardy joignait à ces avantages une franchise et une simplicité de manières qui lui avaient gagné le cœur de ses partisans. Naturellement humain, il tempéra bien souvent les excès malheureusement inséparables de la guerre qu’il faisait.
Parmi les traits de générosité et de courtoisie qu’on cite de lui, nous nous bornerons aux suivants. L’acquéreur de ses biens étant un jour tombé en son pouvoir, il le renvoya sans lui faire aucun mal. Une autre fois lors de la prise de Jugon, le 15 janvier 1795, sa bande ayant arrêté un convoi de bœufs destiné au port de Brest, il remit un sauf-conduit aux soldats qui l’escortaient, en leur disant : « Passez, messieurs, passez sans crainte ; la République est pauvre, elle a plus besoin de ces bœufs que les chouans. »
Boishardy, chef chouan
les Bretons qui se sont fait un nom » (Tome 1), paru en 1852)
La croix dite "de Boishardy" marquant, à l'origine, près de la chapelle Saint Malo, l'endroit où fût tué Boishardy. Cette croix a, depuis, été déplacée et installée en bord de route (route de Lamballe à Moncontour, juste avant de prendre sur la droite la route de la chapelle).
Ci-dessous :
Quelques extraits de "LA MIRLITANTOUILLE" ou Episodes de la chouannerie bretonne de G.LENOTRE dans lesquels sont évoqués De Boishardy et Anne Joséphine Quentin de Kerkadio sa "fiancée".
Anne Joséphine Quentin de Kercadio est née le 23 juin 1779 à Bréhand de Pierre Joseph Jean François Quintin de Kercadio (1743 - 1785) et de Charlotte Jeanne Angélique de Bottey (1740 - 1821).
Elle se marie le 17 février 1797 à Ploueuc avec Louis Joseph Hervé du Lorin. Elle décède le 10 avril 1824 à Auteuil.
Quoique sa renommée soit demeurée purement locale, Boishardy reste une de ces attachantes figures qui, parmi la froide phalange des morts dont l’Histoire recueille les noms, semblent garder quelque chose de la chaleur entraînante et de la pathétique sympathie dont surabonda leur vie fougueuse. Il était beau ; de taille moyenne mais naturellement élégante, il avait des traits réguliers, le regard ouvert, des cheveux châtain clair, donnant à sa physionomie martiale un aspect de douceur que ne démentait pas son caractère. Sa courtoisie, sa franchise, sa générosité et aussi la simplicité de ses manières lui gagnèrent l’affection des paysans de la région de Moncontour où était situé, dans la paroisse de Bréhand, son manoir héréditaire, simple gentilhommière, plus ferme que château, entourée d’un potager et de vergers, mais à laquelle une tour du xve siècle, coiffée en poivrière et de hautes et vastes pièces prêtaient assez noble allure.
Boishardy était fils d’un ancien mousquetaire, mort en 1767. Lui-même, lieutenant au Royal-Marine, devenu bientôt le 60e régiment d’infanterie, se trouvait en 1792, en garnison à La Rochelle ; il y prêta le serment civique, mais il se démit peu après et revint en Bretagne, appelé par le marquis de la Rouerie qui lui confia le commandement de la division des Côtes-du-Nord. Boishardy avait alors trente ans ; il recruta activement ; costumé en paysan, en « marchand d’œufs », il courait les foires, endoctrinant les villageois ; son éloquence était si persuasive « que l’on quittait tout pour l’entendre ». La Rouerie mort, Boishardy ne désarme pas ; on est au printemps de 1793 ; la Convention vient de décréter la levée des 300.000 hommes ; avec une témérité insolente, il ameute les gas de Bréhand ; debout sur le mur du cimetière, il les exhorte, se met à leur tête ; il est vêtu « d’une veste de cultivateur », il porte un fusil sur l’épaule, des pistolets sont à sa ceinture. Sa troupe grossit en route de tous les jeunes gens qui répugnent à servir « les régicides », ceux de Meslin, de Coëtmieux, de Pommeret, de Quessoy, de Plaintel ; il les passe en revue à la lande du Gras, qui domine Meslin, marche sur Pommeret « pour y chercher le rôle des conscrits et le mettre en pièces » ; puis il se poste sur le grand chemin de Lamballe à Saint-Brieuc, attaque, au pont sur l’Évron, la diligence qui porte le courrier de Paris, disperse à coups de fusil la garde nationale de Lamballe qui s’oppose mollement à sa marche. Dans la nuit il rentrait victorieux à Bréhand. L’événement mit en grand émoi les autorités du chef-lieu ; on assurait que Boishardy, sur un simple appel, avait réuni pour ce coup d’essai quatre mille paysans suffisamment armés. En groupant toutes les forces dont disposaient les autorités du département, on n’aurait pas mis en ligne pareil nombre d’hommes.
Il fallait sévir : or Saint-Brieuc comptait parmi son tribunal, deux magistrats mal disposés à composer avec les rebelles : le président Leroux de Chef du Bois, — qui se nommait maintenant Leroux, tout court, — homme sévère et sombre, d’autant plus désireux de réprimer toute tentative contre-révolutionnaire que, acheteur de biens nationaux, il arrondissait un domaine aux portes de Tréguier ; — et l’accusateur public, Besné de la Hauteville, — qui lui aussi, depuis peu, signait démocratiquement Besné, sans plus, — républicain renommé pour son intégrité dont il ne cessait de faire étalage. Écrivain d’une prolixité redoutable, il submergeait les ministres et les comités d’un déluge de protestations, de flatteries, voire de conseils ou d’admonestations, certain que son patriotisme éclairé lui procurait des vues lumineuses sur la situation politique générale et sur celle de la Bretagne en particulier. Il se vante à tout propos « d’avoir secoué, le premier, le joug de la tyrannie, proclamé la République dès 1791 ! » et fondé une loge maçonnique, modestement intitulée loge de la Vertu triomphante. Il signe ces élucubrations Besné, vétéran de la Révolution. Ce magistrat modèle approchait, en 1793, de la cinquantaine. De taille presque gigantesque, il avait les yeux bruns et renfoncés, le nez gros et rouge, le teint fortement couperosé ; il couvrait son crâne chauve d’une perruque marron. Sans fortune et père de treize enfants, il pratiquait, pour améliorer ses maigres émoluments, des trafics assez inquiétants : ainsi on vit, non sans étonnement, cet accusateur public se poser en avocat de certains prévenus ; ou bien, quoique ardent démagogue, il se déclarait adjudicataire de propriétés d’émigrés comme prête-nom de familles nobles désireuses de racheter secrètement leurs biens confisqués. Ce cumul louche effarouchait les honnêtes administrateurs du département ; mais comment soupçonner de péculat, ou même d’indélicatesse, l’homme pur à qui Saint-Brieuc devait la loge de la Vertu triomphante ?
On lança des mandats d’amener contre le châtelain de Bréhand et quelques-uns de ses complices dont on était parvenu à se procurer les noms ; le président Leroux les appela à son tribunal, Besné requit contre eux le châtiment suprême : Boishardy et neuf de ses partisans furent condamnés à mort, pour la forme et par défaut, car on n’avait réussi à capturer aucun des accusés. Jamais, d’ailleurs, contumaces ne portèrent plus allègrement si redoutable verdict : Boishardy n’avait même pas quitté le pays : on le voyait partout mais on ne le trouvait nulle part. En vain, durant près d’un an les autorités des Côtes-du-Nord lancèrent à sa poursuite des détachements de troupes ; ceux-ci cernèrent des villages, fouillèrent des châteaux, firent perquisition dans des fermes où l’on supposait que le proscrit pouvait être caché ; on ne découvrît rien. On mobilisa même contre lui vingt-cinq canonniers de Guingamp, pourvus d’une pièce d’artillerie, sous le commandement d’un administrateur du département, Hello, mais sans meilleur succès. On mit en arrestation toute la municipalité de Bréhand, et aussi celle de Quessoy, et encore celle de Hénon, coupables d’avoir souffert sur le territoire de leurs communes la présence du factieux ; nul ne tenta de se soustraire à l’emprisonnement en révélant sa retraite. On essaya de lui tendre un piège : il y avait en Bréhand, un manoir, celui de la Ville-Louët, où, disait-on, Boishardy était fréquemment attiré par son affection pour une très jeune fille, presque encore une enfant, mademoiselle Joséphine de Kercadio. Ayant, depuis huit ans, perdu son père, mademoiselle de Kercadio vivait à la Ville-Louët, seule avec sa mère. On arrêta celle-ci comme suspecte et on la dirigea vers la prison de Lamballe, sans lui accorder, malgré ses instantes prières, l’autorisation d’emmener avec elle Joséphine qui dut rester à la Ville-Louët, sous la garde de ses domestiques. Sans doute espérait-on que l’isolement de l’orpheline conduirait dans le voisinage, Boishardy, soucieux de veiller sur sa jeune amie. Il ne parut pas. Le jugement qui l’avait condamné, ordonnait la confiscation et la vente, au profit de la Nation, de tous les biens du contumace. Le manoir de Boishardy, son mobilier, les terres, les métairies, le moulin qui en dépendaient, — environ 130 journaux de terre dont 50 au moins de landes et de bois, furent mis en adjudication et passèrent à un intrus. Boishardy laissa faire sans se manifester. Le seul résultat de cette spoliation fut d’établir que ce n’était pas « à prix d’or » qu’il achetait le dévouement de ses paysans : il était presque pauvre : tous ses biens, y compris une maison sise à Lamballe, ne lui avaient jamais fourni plus de 1.600 livres de revenu.
Quoique insaisissable, il n’a pas quitté la région de Moncontour, propice aux refuites et aux échappées : prés enclos de hauts talus plantés de chênes étêtés, de haies épaisses ; fourrés inextricables, labyrinthe de chemins creux qui, au fond de cette mer d’arbres, serpentent, se croisent, s’écartent, se nouent, se détournent… Boishardy circule en plus complète sécurité que les détachements lancés à sa poursuite ; pour ceux-ci « chaque champ est une forteresse, chaque arbre masque un piège » ; lui, pas un jour il n’arrête de renforcer sa troupe et de l’exercer : les Bleus l’ont surnommé le sorcier. Quelqu’un l’a vu, dans les bois de Caurel, à une demi-lieue de Mur-de-Bretagne : au cœur de la forêt, est un placis d’environ quatre journaux qui lui sert de terrain de manœuvre. On a laissé, au centre de cette esplanade un grand hêtre à la cime duquel est fixé un crucifix d’étain. Parfois se réunissent là 3 à 4.000 chouans ; on y procède à l’élection des sergents et des caporaux. Boishardy préside, vêtu d’une carmagnole bleue, coiffé d’un chapeau à grande cuve ; il est armé d’un sabre et d’un fusil à deux coups. On croirait que les Bleus, égarés sur de fausses pistes le cherchent partout où il n’est pas, comme dans cette expédition où cent hommes de la 17e demi-brigade envahissent les villages de Plédran et de Hénon, visitent toutes les maisons sans rien découvrir : peut-être Boishardy, tandis qu’on perquisitionne dans Hénon, pêche-t-il tranquillement à la ligne, à une demi-lieue du village, au bord de l’étang du Colombier ; car il consacre ses loisirs à cette occupation pacifique, ainsi qu’en témoigne l’un des officiers municipaux de l’endroit. De temps à autre, il arrive qu’un maladroit de ses bandes se laisse prendre ; on l’amène à Lamballe ou à Saint-Brieuc ; on le menace de mort, on le presse de questions et l’on apprend des choses terrifiantes : telles que les révélations d’un certain Gilles Garandel annonçant que « sous quinze jours ou trois semaines, Boishardy aura 90.000 hommes armés et équipés ; le duc de Chartres commandera cette armée ; tous les patriotes, et particulièrement les corps constitués doivent périr : la cavalerie est dans la forêt de La Nouée, un camp dans celle de La Hunaudais… » Il est aussi fait mention, dans ces délations, d’une belle jeune fille qu’on voit quelquefois, « les cheveux dénoués, montée sur un petit cheval gris »… Mademoiselle de Kercadio évidemment, galopant vers la retraite de son ami.
Au nombre des démocrates farouches qu’inquiètent ces tentatives d’apaisement, compte Besné, l’accusateur public du tribunal criminel des Côtes-du-Nord. Il suit les événements avec une tristesse indignée : la Convention, à son avis, se déconsidère : n’a-t-elle point pardonné aux brigands ? Ne va-t-elle pas se montrer miséricordieuse envers les prêtres insermentés ? Il en détient deux dans sa prison du chef-lieu, et le représentant Bollet estime qu’il serait politique de « les oublier ». Ne voilà-t-il pas que ces criminels vont bénéficier de l’amnistie ! Pas d’indulgence ! Besné désapprouve la mollesse des députés en mission ; pour sa part, rien ne le fléchira. Son devoir est de juger sans délai et selon la rigueur des lois les ecclésiastiques réfractaires et il n’y faillira pas. Une admonestation sévère du Comité de Législation et la menace de perdre sa place calment tout de même son zèle intempestif. Il s’incline, mais « il s’ouvre de ses inquiétudes au Comité » : La République est « sans énergie » ; un scélérat, nommé Boishardy, « se disant chef de division de l’armée catholique et royale… ose prétendre capituler avec elle ! » — « Je crois, citoyens, qu’elle peut traiter avec les puissances ennemies quand sa gloire et son intérêt n’en souffriront point… Mais un traître doit être puni avec les conspirateurs qu’il s’est associés pour multiplier ses forfaits. » Et Besné, amèrement, termine : « — Je supprime mille réflexions… » C’est cela surtout qu’il ne supporte pas : ce Boishardy, dont il a naguère obtenu la tête, soupe à présent avec les généraux de la République ; il a repris possession de son château, vendu cependant « nationalement » ; il y reçoit des royalistes avérés et devant ce scandale la justice a les bras liés ! Mais Besné guette et ne perd pas l’espoir d’une revanche contre ce contumace qui s’est insolemment soustrait à l’échafaud.
Boishardy, en effet, depuis ses entrevues avec Humbert, était rentré dans son petit manoir de Bréhand, soit qu’une entente avec l’adjudicataire de ses biens lui en eût rendu la jouissance, soit que l’acquéreur, pris de panique à la tournure des événements, eût délibérément cédé la place. Le jeune chef royaliste vivait en quotidiennes relations avec sa jolie voisine, Joséphine de Kercadio, dont la mère était gardée en surveillance à Lamballe, et qui habitait la maison de la Ville-Louët, distante d’une demi-lieue à peine du château de Boishardy. Mademoiselle de Kercadio avait à son service une fille de chambre, Marie-Anne Le Roy et un jardinier, homme de confiance, Jean Le Mée : mais elle passait la plupart de ses journées au Boishardy où l’existence était plus animée et plus distrayante que dans la solitude de la Ville-Louët. Malgré la suspension d’armes, le château de Boishardy gardait, en effet, l’animation d’un quartier général : une assez forte garnison, composée de chouans et de déserteurs, cantonnait dans les dépendances, et il était rare que le châtelain ne reçût nombreuse compagnie. D’abord il logeait habituellement chez lui ses aides de camp, de Jouette, Chabron de Solilhac, le chevalier de Chantreau de la Jouberdière et d’autres, tous jeunes, aventureux et gais compagnons ; en outre les émigrés qui débarquaient de Jersey et faisaient route vers le Morbihan, ne manquaient pas de s’arrêter au Boishardy, poste important de la ligne de correspondance et devenu l’un des principaux centres de la conjuration bretonne. Ces arrivants apportaient les nouvelles de l’émigration, les bruits de Londres et surtout des faux assignats qui, eux, parvenaient en masse, par ballots, par caisses, par tonneaux. Toute expédition de munitions ou d’équipements était accompagnée d’un gros paquet de ce papier-monnaie ; dans une lettre saisie sur un émissaire débarqué à la côte, lettre qui se retrouve, déchirée en deux morceaux, aux Archives de la Guerre, on lit : — « Vous recevrez dix millions cette fois et, à chaque occasion, encore davantage… » La manufacture de Puisaye travaillait à plein rendement. On ne manquait donc de rien au Boishardy en ce début de 1795 ; on y menait joyeuse vie. Besné, qui se méfiait de quelque chose, écrivait : — « Les domestiques de la Kercadio viennent à Saint-Brieuc vider les boutiques… » Les proscrits qui, depuis des mois ou des années n’avaient pas vécu en France, trouvaient une agréable étape en ce logis breton, placé sous la sauvegarde de toutes les autorités de la République et qu’égayait la présence de la charmante hôtesse de Boishardy.
L’aimait-elle ? Ardente royaliste, brave, aventureuse, d’esprit romanesque, il est hors de doute qu’elle considérait comme un héros ce maître adoré de tout le pays et dont le prestige s’augmentait, aux yeux de la jeune fille, des dangers sans nombre qu’il avait bravés. Mêlée à sa vie de hasards, elle savait les dévouements qu’il suscitait et elle se rappelait aussi que, toute fillette, il l’avait prise sous sa protection. De l’enthousiasme à l’amour la distance est courte. D’ailleurs on possède, tracé de la main même de mademoiselle de Kercadio, l’aveu sans détour de ses sentiments : c’est un billet d’elle, adressé à Boishardy et qui fut découvert en des circonstances dont on lira bientôt le récit :
Est-il possible, mon cher petit époux, que je sois assez malheureuse pour être loin de toi, de toi qui fais tout mon bonheur. De quelque manière que les choses se tournent, je veux être avec toi. Oh ! si tu m’aimais autant que je t’adore, il n’y aurait jamais eu de couple si heureux que nous, car tous les malheurs qui pourraient m’arriver me seraient indifférents pourvu que je te sache bien portant et que tu aimes celle qui n’est heureuse qu’avec toi. Si tu changeais de sentiments à mon égard, je crois que je serais assez courageuse pour m’ôter une vie qui m’est importune loin de toi, les fois que tu m’as dit que tu n’avais pas un instant pour m’écrire. Oh ! quand on aime comme moi, on trouve toujours un instant pour dire à sa femme qu’on l’aime. Quand tu sacrifierais un demi-quart d’heure par semaine à la pauvre Fifine qui croit que ça ne devrait pas trop te coûter.
On a tiré argument de ce tendre billet pour décider que Joséphine de Kercadio avait été la maîtresse, voire l’épouse de Boishardy. Il apparaît, au contraire, que c’est là style de très jeune fille s’épanchant avec l’exubérance de la naïveté. On peut croire que mademoiselle de Kercadio et Boishardy s’étaient fiancés ; qu’ils se traitaient préventivement, en leurs badinages amoureux, de mari et de femme, d’où cette expression qui vient sous la plume de la pauvre Fine parce qu’elle en conçoit une grande fierté. Telle était la réalité, en dépit des suppositions malveillantes et des médisances : Boishardy allait épouser son amie et le trousseau était commandé chez la veuve Saint-Marc, à Rennes. Trousseau d’une richesse et d’une élégance mal adaptées à la vie errante dans les bruyères du Mené ou les forêts du Penthièvre : — « 16 aunes de moëre de soie chinée et satinée pour robe et jupe ; — 6 aunes de pékin blanc satiné pour une seconde jupe ; » — la robe de mariage, sans doute — « 5 aunes de taffetas blanc pour jupe de dessous ; — un pierrot de batiste brodé en couleurs ; — un manchon d’ourson doré ; » et des gants de peau rose brodés ou peints, et des gants chamois, et d’autres « amadis » ; et puis encore six pots de pommade fine à odeur ; six livres de poudre parfumée ; 25 livres de poudre ordinaire… Pour Boishardy : 5 aunes de drap de Louviers de différentes teintes pour trois habits ; — un gilet de casimir brodé de guirlandes de roses avec revers à trois pointes ; — un autre à bouquets détachés ; un autre écarlate, brodé en guirlande ; des parures de boutons d’acier, des boucles, des jarretières. Il y en avait, en tout, pour 2.500 livres en numéraire, — près de 10.000 livres en assignats.
Quand, le 12 janvier, l’avis parvint au Boishardy que les caisses contenant ces merveilles étaient arrivées chez la citoyenne Le Landais, à Saint-Brieuc, mademoiselle de Kercadio envoya sa femme de chambre, Marie-Anne Leroy, et son jardinier Le Mée pour en prendre livraison ; ils étaient munis d’un gros paquet d’assignats tout neufs, si neufs que la commerçante eut méfiance et, avant de donner quittance, les porta chez le receveur du district afin qu’il les vérifiât. Les assignats étaient faux ! La femme de chambre et le jardinier sont conduits au bureau municipal où Besné, triomphant, les interroge : il apprend que les marchandises « sont destinées aux noces de la fille Kercadio » ; c’est elle qui a remis à ses domestiques la somme en papier-monnaie nécessaire au paiement. Besné fait emprisonner le jardinier et la servante et court enfermer les assignats dans le tiroir de son bureau au Palais de Justice. Même il prend la précaution : — « car je vois à tout », écrit-il, — de placer pour la nuit deux sentinelles à la porte de son cabinet ; il craint que Boishardy, dont il connaît par expérience le caractère entreprenant, ne lui ravisse cette redoutable pièce à conviction. Maintenant Besné tient sa revanche : la loi punit de mort le propagateur de faux assignats : il n’a pas eu la tête de Boishardy ; il aura celle de « la Kercadio ».
La lutte fut épique : le 13 janvier, dès sept heures du matin, cent hommes du 60e régiment d’infanterie quittent Lamballe sous le commandement du citoyen Dubreuil, assisté de deux délégués du comité de surveillance munis d’un ordre de perquisition. On arrive à la Ville-Louët vers neuf heures ; la maison est cernée ; la demoiselle Kercadio s’enfuit dans le jardin ; les soldats la saisissent et arrêtent aussi un homme qui se sauve dans un champ voisin : on le somme de décliner ses noms et qualités : il sort de sa poche un sauf-conduit : — « Laissez passer librement le citoyen Chantreau, voyageant pour ses affaires. Signé Humbert, général de brigade. » Il n’y a qu’à s’incliner ; quant à la citoyenne Kercadio, on l’invite à présenter ses poches et à ouvrir ses armoires ; elle obéit, frémissante : on trouve sur elle une liasse d’assignats qu’on enveloppe et qu’on cachette ; mais elle refuse d’apposer sur ce paquet sa signature. Dans un placard on découvre un brevet portant un cachet à écu fleurdelisé, surmonté de la couronne royale et supporté par deux chats-huants : les commissaires s’en emparent ; mais la jeune fille le leur arrache des mains et le déchire. On va la conduire à Lamballe ; elle déclare qu’elle n’ira pas ; si on la laisse libre, peut-être consentira-t-elle à s’y rendre le lendemain, mais de son propre mouvement. Les commissaires n’osent employer la violence et se retirent. Comme ils sont en route pour regagner la ville avec la troupe, Boishardy surgit d’un fourré, interpelle le commandant Dubreuil, proteste vertement contre cette audacieuse infraction à la convention du 3 janvier et menace de déposer plainte. Sévir contre mademoiselle de Kercadio c’est rompre la trêve et, dans ce cas, on peut « s’attendre à des surprises » ; il n’a pas licencié ses hommes et il est résolu à livrer bataille si la troupe reparaît à la Ville-Louët pour mettre la jeune fille en arrestation. Il adresse le lendemain semblable ultimatum aux administrateurs du département, non cependant sans proposer d’effectuer en assignats vérifiés le paiement des marchandises en dépôt chez la citoyenne Le Landais. C’est, sans doute, cette transaction qu’adoptèrent les magistrats briochains, car les domestiques inculpés bénéficièrent d’un verdict d’acquittement.
Mais le duel se poursuivait entre Boishardy et Besné, et celui-ci ne désarmait pas. Il avait adressé un rapport de l’affaire au Comité de Sûreté Générale, concluant que « la Kercadio était justiciable du tribunal révolutionnaire de Paris ». — Je ne compte pas avec la loi, écrivait-il, et celle de 23 août 1793 est impérieuse… On m’assassinerait, plutôt que j’entrave l’action nécessaire de la justice. » Boishardy, voyant le danger, réclama la médiation d’Humbert, qui intervint et s’attira une lapidaire réplique du spartiate Besné : — « Humbert, ta loyauté a été trompée ; tu ne sais pas tout et je regrette de ne pouvoir rien faire qui te soit agréable. Les ministres de la loi ne transigent pas avec ceux qui la violent… J’ai juré d’être fidèle à ma patrie et je tiens mon serment. Salut et fraternité. » On le fit taire pourtant. Par quel moyen ? Bollet, peut-être, le calma, à moins que Boishardy en personne se fût décidé à employer des arguments lénitifs. Même avec l’austérité républicaine de Besné, — la suite de ce récit le montrera, — il était « des accommodements ».
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Depuis le 14 mai, l’adjudant général Crublier commandait le camp de la lande du Gras, entre Lamballe et Moncontour. Incorrigible coureur de jupons, en dépit de ses 56 ans, c’était un soldat énergique et dur ; Hoche avait en sa fermeté grande confiance. Le jour où il prit possession de son nouveau poste, Crublier rencontra, dans une auberge de Lamballe, Boishardy, vêtu ce jour-là d’une veste de chouan, grise à revers noirs, nouée d’une écharpe de soie violet. Dix jours plus tard, la paix était rompue, Crublier se mit en chasse. Le 3 juin, apprenant, de Lamballe, que Boishardy avait passé la nuit à La Ville-Louët, chez les dames de Kercadio, il part avec un détachement de sa troupe ; aux approches du manoir, une fusillade l’accueille ; pas un de ses hommes n’est atteint. Poursuivant sa marche, il cerne la maison dont les habitants se sont évadés au signal des coups de fusil, sauf une servante et deux paysans aussitôt mis en arrestation. On perquisitionne ; on trouve des provisions de farine, de cuirs, de toile, de chandelles, sept habits de gardes nationaux, un habit d’uniforme blanc brodé de fleurs de lys et vingt-cinq assignats faux qui sont saisis « pour être biffés par le vérificateur ». Les vêtements sont distribués aux soldats et les provisions chargées sur deux voitures à destination de Lamballe. Le surlendemain, 5 juin, nouvelle expédition : Crublier quitte le camp avant le jour, divise sa troupe en deux détachements : l’un, sous sa direction, marche vers La Ville-Louët en suivant la grand’route ; l’autre, commandé par le chef de bataillon Coulombeau, se détourne par le Pont-de-pierre, le château de Launay et La Ville-es-chiens, hameau situé au bord de la Truite, petite rivière qui descend du Mené. Comme ils arrivent là, surgit d’un champ de blé une soixantaine d’hommes qui se dispersent et disparaissent avant que la surprise de leur envolée subite ait permis à la troupe de faire feu. À l’emplacement de leur campement abandonné, on découvre une petite tente, 12 paquets de faux assignats, — environ 12.000 francs, — 5 paquets de poudre à canon, un porte-manteau, une paire de bottes, une houppelande, et une écharpe de taffetas violet que Crublier reconnaît pour celle que portait Boishardy quand il l’a vu à Lamballe. Sous un buisson, on avise un lit fait d’une paillasse, d’un petit matelas de balle et garni de draps, auprès duquel un grenadier saisit « un très beau sabre avec son ceinturon » et divers papiers.
Peut-être faut-il placer à cette date un passage de Hoche à Moncontour : il éprouvait une sorte d’attachement pour ces lieux témoins des premiers rapprochements entre soldats des deux partis. On le vit parfois, dit-on, le mousquet à l’épaule, parcourir à pied la campagne à la tête d’une compagnie de grenadiers. Espérait-il sauver Boishardy et l’amener à une soumission sans réticence ? On a conté « qu’un sentiment plus tendre qu’il ne se l’avouait à lui-même le retenait à Moncontour ». Quand il quitta cette aimable ville, « avec une émotion bien vive et les larmes aux yeux », il dit à madame du Clézieux qui l’avait reçu plusieurs fois : — « Votre vertu, unie à tant de charmes, vous a placée sur un piédestal d’où vous nous dominez tous… Malheur à celui qui tenterait de vous en faire descendre : celui-là ne périrait que de ma main. »
Hoche ne rencontra pas Boishardy ; Boishardy se faisait invisible. Traqué par les soldats de Crublier il menait de nouveau la vie du proscrit, bien plus incertaine encore que naguère : il errait, désemparé, par la campagne, changeant de gîte toutes les nuits. Un fidèle réussit à parvenir jusqu’à lui et le découvrit, non sans peine, tapi dans un champ, parmi les moissons hautes. Il pouvait encore cependant grouper douze ou quinze cents hommes et disposait d’une compagnie de déserteurs à sa solde ; mais à ceux-ci il réservait la surveillance de La Ville-Louët qu’habitaient Joséphine de Kercadio et sa mère. Il connaissait trop ses paysans pour ignorer leur lassitude : la paix fallacieuse, les désillusions avaient tué les enthousiasmes. Lui-même, certainement, était hanté par un pressentiment d’aventures prochaines et tragiques, car, dans sa détresse, il sentait l’urgence d’assurer l’avenir de la jeune fille qu’il aimait, et, malgré les misérables conditions de son existence présente, il résolut d’épouser sans retard, mademoiselle de Kercadio.
Non loin d’un chemin de traverse qui, de Bréhand, conduit à Moncontour, il y a, perdue dans les vergers, une petite chapelle qu’on appelait alors et qu’on appelle encore, bien qu’elle ait été reconstruite depuis la révolution, la chapelle de Saint-Malo. Un étroit cimetière l’entourait et c’était, avant la Terreur, un lieu de pèlerinage, de « pardon ». Depuis que sévissait la persécution religieuse, les fervents catholiques de la région venaient là, secrètement, la nuit, faire rectifier par quelque prêtre insermenté, les baptêmes et les mariages célébrés à contre-cœur devant les ecclésiastiques constitutionnels. Boishardy décida que son mariage serait béni à la chapelle de Saint-Malo ; sa fiancée y viendrait, sans danger, de la Ville-Louët sous la conduite de deux dévoués compagnons, le jeune Hervé Du Lorin, âgé de dix-sept ans, et le fermier Jacques Villemain, qui serviraient de témoins et signeraient, avec les époux, au registre de catholicité où les « bons prêtres » consignaient les actes de cette sorte pour faire foi lors des régularisations futures. Il suffisait de trouver le « bon prêtre », et ce fut facile : la Bretagne ne manquait pas, même aux pires époques de la Terreur, d’ecclésiastiques réfractaires exerçant clandestinement leur ministère et toujours empressés à l’appel des fidèles qui réclamaient leur secours.
La sommaire cérémonie fut fixée à la nuit du 16 au 17 juin. Le 12, deux chouans déserteurs se présentent au commandant Coulombeau, déclarant leur intention de profiter de l’amnistie. Coulombeau, le lendemain, apprit d’eux que Boishardy viendrait, ce jour-là, vers midi, à La Ville-Louët. Le général Crublier, prévenu sur-le-champ, donne ordre à tous ses cavaliers de monter à cheval ; chacun d’eux prend en croupe un grenadier ; La Ville-Louët est investie ; trois hommes sont aperçus « se sauvant à toutes jambes » ; fusillade : l’un des fuyards tombe ; c’est « un chef », mais on ne peut l’identifier ; les deux autres ont disparu. La troupe s’avance jusqu’au manoir de Boishardy : elle y saisit trois chouans, bien armés et qui, tout de suite, implorent grâce, promettant « qu’ils vont faire prendre beaucoup de chefs ». Sur leur indication Coulombeau et ses hommes regagnent la route de Moncontour ; au Pont-de-Pierre sous lequel coule un affluent du ruisseau l’Évron, ils s’engagent dans un étroit chemin qui les amène au moulin de Rainon voisin de la ferme du Vaugourio. La maison est, en effet, occupée par les Chouans : au cri Voilà les Bleus ! deux seulement tirent sur la troupe ; les autres tentent de fuir : dix sont tués ; deux s’esquivent ; trois se rendent : au nombre des morts se trouve un prêtre. Les soldats de Coulombeau, victorieux, regagnent leurs cantonnements, emmenant les trois prisonniers.
Suivant une tradition locale, un jeune garçon de dix-sept ans, recueilli naguère par Boishardy parmi les échappés du désastre vendéen et confié par lui à la femme d’un de ses partisans, Carlo, le métayer du Vaugourio, serait allé trouver le général Crublier : il se faisait fort de connaître la mystérieuse retraite de Boishardy et d’y conduire les Bleus ; on donne même le prénom de ce traître : il s’appelait Charles. Cette tradition n’est pas en désaccord avec les documents authentiques. À la date du 16 juin, le chef de bataillon Coulombeau écrit, en effet, au général de division Rey : — « Il nous est impossible de t’envoyer l’homme qui nous sert… vu que nous ne le voyons point et qu’il ne nous donne de renseignements que par correspondance. De plus, il est très soupçonné et même à la veille d’être fusillé par les chouans. » Coulombeau ajoutait que, la nuit prochaine, « les troupes, divisées en deux colonnes, l’une commandée par lui, l’autre par le général Crublier, marcheraient sur le Vaugourio ; un troisième détachement, sous la conduite du capitaine Ardillos, s’avancerait par la route de Moncontour, jusqu’au Pont-de-pierre et s’engagerait dans le chemin du moulin de Rainon… » Le Vaugourio serait ainsi cerné.
Là, dans une prairie dite les Bas-Champs, entre le Vaugourio et l’étang du moulin, Boishardy attendait avec sa fiancée l’heure de se rendre à la chapelle de Saint-Malo. Un hamac avait été tendu pour la jeune fille, aux branches d’un pommier. Le domestique de Boishardy, Le Borgne, était posté en surveillance sur la chaussée de l’étang : une soixantaine de Chouans, blottis dans les haies, formaient un cordon de sentinelles autour du campement. Vers deux heures du matin, Le Borgne perçoit le bruit d’une troupe en marche avançant avec précaution ; il prévient Boishardy qui prend ses armes, écoute, guette : le bruit vient du grand chemin ; sans doute un détachement du camp de Meslin se dirigeant vers Moncontour. Mais non ! Les Bleus quittent la route au Pont-de-pierre et s’enfoncent, suivant le ruisseau, dans le chemin du moulin. C’est Boishardy qu’ils cherchent ! Vite, celui-ci revient vers sa fiancée, la confie à ses deux amis Du Lorin et Villemain ; il faut qu’elle s’éloigne ; par les landes désertes du Mené, en suivant la piste de correspondance, ils la conduiront de l’autre côté de la montagne, au château de Bosseny ; lui viendra l’y retrouver dans la journée ; il ne craint rien ; connaissant tous les sentiers, tous les fossés, toutes les barrières du pays, il échappera facilement.
Dans ces campagnes morcelées et touffues, déchiquetées en mille enclos cernés de hauts talus sinueux et boisés, aucune troupe ne peut, en effet, atteindre un fugitif auquel ce dédale est familier. Mais, cette fois, les Bleus vont à coup sûr. Charles, le traître, est avec eux ; arrivé au Vaugourio, il frappe à la vitre, appelle la femme Carlo et lui demande où est Boishardy. La métayère, reconnaissant une voix amie, répond, sans méfiance, que « le chef est couché dans les Bas-Champs ». Charles indique la direction aux soldats : à ce moment les Chouans, mis en éveil, tirent au jugé quelques coups de fusil et se dispersent. Les républicains ripostent : l’un d’eux fait feu visant un homme qui traverse le pré, sans hâte, à petits pas, le long de la haie, comme cherchant à s’y enfoncer ; l’homme tombe. C’est Boishardy. Atteint aux reins, il se relève, tamponne sa cravate sur sa blessure, et, se traînant, gagne du terrain dans la direction de la chapelle où, sans doute, sait-il qu’il trouvera du secours. Mais il se heurte à la ligne des soldats de Coulombeau et se détourne vers La Saignerie et La Ville-Graland ; il y a là un chemin tortueux, le chemin des Champs-Piroués, qui le ramènera à la grand’route ; au delà il sera sauvé. Il s’y engage ; mais ses forces s’épuisent ; on le poursuit. À quatre-vingts pas à peine de la route, devant la brèche du champ de François Verdes, il tombe ; déjà les Bleus sont sur lui ; trois coups de feu à bout portant l’atteignent au flanc ; tirant son épée, le capitaine Ardillos achève le chouan moribond. On le dépouille, on prend son fusil, on fouille les poches d’où on retire deux montres, une bourse, des papiers, parmi lesquels la tendre lettre de Joséphine de Kercadio que l’amoureux conservait sur lui :
Est-il possible, mon cher petit époux, que je sois assez malheureuse pour être loin de toi…, de toi qui fais tout mon bonheur…
Puis les soldats s’éloignent, laissant le corps de Boishardy au pied du talus, dans l’herbe foulée et sanglante, sous les premières lueurs de cette aurore de juin, parfumée et joyeuse, — l’aurore qui devait être celle des noces. La fiancée, soutenue et entraînée par ses deux guides, fuyait, suivant des sentiers rudes, vers la montagne et s’enfonçait dans les vastes landes du Mené.
Dans cet article, il est mentionné le nom de Armand Tuffin de La Rouerie.
Je ne reviens pas sur la participation du marquis de La Rouerie à la guere d'indépendance américaine, avant La Fayette, voyez pour cela sa biographie dans wikipédia.
J'évoque juste sa participation à la chouannerie bretonne et sa fin qui se passe tout près de chez moi au manoir de La Guyomarais en Saint Denoual près de Lamballe.
Armand-Charles Tuffin, marquis de La Rouërie, né le à Fougères et mort le au château de La Guyomarais à Saint-Denoual, est un militaire français, héros de la guerre d’indépendance américaine et l'organisateur de l'Association bretonne.
Après une jeunesse orageuse, La Rouërie décide de partir en Amérique. Il participe à la guerre d’indépendance américaine au sein de l'armée continentale. Connu sous le nom de Colonel Armand, il se distingue à la tête de la 1re légion de dragons et participe activement à la bataille de Yorktown. Admirateur de la révolution américaine, ami de George Washington, La Rouërie revient en France avec le grade de brigadier-général, décoré de la croix de Saint-Louis et de l'ordre de Cincinnatus.
De retour en Bretagne, La Rouërie défend le parlement de Bretagne contre les édits de Versailles, ce qui lui vaut d'être enfermé à la Bastille le .
Opposé à l'absolutisme, il voit d'abord avec joie les signes de la Révolution française mais le refus de la noblesse bretonne de députer à Versailles l'empêche de jouer un rôle aux États généraux. Royaliste libéral et franc-maçon, La Rouërie rallie la contre-révolution à la suite de la suppression des lois et coutumes particulières de la Bretagne. Il crée l'Association bretonne afin de lever une armée contre les révolutionnaires. Trahi, La Rouërie meurt avant de pouvoir terminer son entreprise mais le mouvement organisé par le marquis devait par la suite être précurseur de la Chouannerie.
Pendant ce temps La Rouërie, proscrit, erre dans les campagnes de Bretagne, comme l'écrivit plus tard Claude Basire :
« La Rouërie ne perdit rien de son ardeur. Ce conspirateur infatigable, se reposant rarement, courait de château en château, de comité en comité pour ranimer les espoirs. Sans cesse en vagabondage dans les forêts ou les collines, toujours armé, il ne prenait jamais les routes battues, et passait souvent la nuit dans des grottes, inaccessibles à d'autres, au pied d'un chêne, ou dans un ravin. Toutes les cachettes lui étaient bonnes ; et il ne deumeurait jamais deux fois au même endroit. On peut imaginer la difficulté de se saisir d'un homme aussi prudent qu'il était intrépide. »
Il adopte le faux nom de Gasselin et est accompagné seulement de Loaisel dit Fricandeau, son secrétaire et de Saint-Pierre, un de ses domestiques. Ces chevauchées lui font quitter de plus en plus l'Ille-et-Vilaine, pour se porter davantage sur les Côtes-d'Armor.
Le , après avoir galopé dans les environs de la forêt de La Hunaudaye, La Rouërie et ses deux compagnons vont trouver refuge au château de La Guyomarais, appartenant à la famille du même nom, en la paroisse de Saint-Denoual. Il a neigé ce jour-là et Saint-Pierre est atteint de fièvres.
Monsieur de La Guyomarais est membre de l'Association et a déjà hébergé La Rouërie trois fois lors des mois précédent. Ils sont logés dans une chambre du château, mais l'état de Saint-Pierre ne s'améliore pas. Le lendemain, Loaisel va chercher le chirurgien Morel à Plancoët. Le 18 janvier Saint-Pierre guérit, mais La Rouërie tombe à son tour malade le 19 janvier108. La Guyomarais rappelle le docteur Morel, puis par mesure de précaution, fait également quérir le docteur Taburet de Lamballe. Atteint de frissons et de violentes quintes de toux, La Rouërie souffrait d'une pneumonie.
Le 24 janvier, la garde nationale de Lamballe opère une descente sur le château de la Guyomarais. Avertis par un voisin, les Guyomarais cachent le marquis, à la ferme de La Gouhandais, située à une centaine de mètres du château. Les républicains ne découvrent rien, mais ce traitement ne pouvait améliorer l'état de santé de La Rouërie.
Le lendemain, Schaffner et Fontevieux arrivent à la Guyomarais, ils apportent avec eux un journal qui leur a appris de l'exécution de Louis XVI le 21 janvier. Cependant les associés décident de ne pas révéler la mort du roi au marquis, estimant que cela aggraverait la fièvre alors que malgré l'épisode de la veille on entretient l'espoir de son rétablissement. Alité, La Rouërie demande toutefois à ce qu'on lui fasse la lecture du journal, voulant être tenu informé des nouvelles du procès du roi. C’est son domestique Saint-Pierre qui s'en charge, mais le marquis pressentant peut-être qu'on lui cache quelque chose, demande à Saint-Pierre d'aller lui chercher à boire. Celui-ci commet l'imprudence de laisser le journal dans la chambre, La Rouërie le prend et apprend la mort de Louis XVI.
La Rouërie a alors une crise de délire, il saute de son lit, s'habille, déclare vouloir repartir mais s'effondre, totalement affaibli. Pendant trois jours, il agonise, il alterne entre la prostration, le délire et l'inconscience ; un troisième médecin, Lemasson est dépêché mais ne peut rien faire.
La Rouërie meurt le , à quatre heures et demie du matin.
Il fallait cependant cacher le corps, le 31 janvier, pendant la nuit, Schaffner, Fontevieux, Loaisel, Lemasson, le jardinier Perrin, des domestiques et des membres de la famille La Guyomarais, enterrent le corps de La Rouërie en cachette dans le bois de Vieux Semis, qui appartient au château Jusqu'au milieu du mois de février, la mort de La Rouërie demeure secrète.
Peu après l’enterrement, Schaffner et Fontevieux quittent le manoir. Quant à Saint-Pierre, il prend les papiers et la correspondance du marquis et les porte à Désilles, à la Fosse-Hinguant, où il lui apprend également la mort du chef de l'association. Désilles met ensuite les papiers dans un bocal qu’il enterre.
Mais auparavant, à la fin du mois de janvier, Thérèse de Moëlien, qui sait La Rouërie malade, écrit à Valentin Chevetel. Elle lui demande son aide, se souvenant de sa profession de médecin. Chevetel arrive alors à La Fosse-Hinguant. Il y apprend de Désilles la mort du marquis de La Rouërie, ainsi que le lieu et les circonstances de son décès. Chevetel transmet aussitôt toutes ces informations à Lalligand-Morillon.
Le 25 février, celui-ci, à la tête de 15 soldats républicains, fait irruption à La Guyomarais. Il y fait arrêter tous ses occupants, soit la famille de La Guyomarais, ainsi que leurs domestiques. Les trois médecins qui avaient soigné le marquis sont également arrêtés et conduits au manoir. Lalligand-Morillon interroge ensuite les détenus, un par un, pendant de longues heures et dans le manoir même. Tous les accusés nient avoir hébergé La Rouërie. Cependant Lalligand enivre le jardinier Perrin qui finit par parler. Celui-ci mène Lalligand et quelques soldats devant la tombe. Le corps du marquis de La Rouërie est exhumé, Lalligand le fait décapiter.
Il retourne alors à La Guyomarais et jette au sol la tête de La Rouërie qui roule aux pieds des accusés. Monsieur de La Guyomarais dit alors :
« Soit, il n'y a plus à nier. Voilà bien la noble tête de l'homme qui si longtemps vous a fait trembler. »