Françoise d'Aubigné (Madame de Maintenon)
Gravure par Nicolas II de Larmessin, d'après un portrait par Jean Petitot vers 1685.
Voici peut-être mes derniers cousinages découverts en cette fin d'année 2022 :
Ils sont au moins trois : Françoise d'Aubigné, plus connue sous le nom de Madame de Maintenon, son grand père, le poète Agrippa d'Aubigné et Charles de Montalembert.
C'est en cherchant dans la généalogie de Madame de Maintenon que je découvre un ancêtre commun (je dis bien un et un seul et non pas un couple !). Cet ancêtre c'est Jean III de Montalembert (1350-1411), il est le fils de Guillaume de Montalembert et de Marguerite d'Appelvoisin.
Jean III de Montalembert, conseiller et chambellan du duc de Berry se marie deux fois:
Sa 1ère épouse se nomme Jeanne de La Barrière qui lui donne 3 enfants : Marguerite, Jean IV et Géliotte.
C'est Marguerite, née en 1377 qui est nôtre aïeule, elle se marie le 6 mai 1390 à Perrot Cléret de La Rigaudière, seigneur d'Ardilleux.
Sa seconde épouse est Jeanne Hélie de Granzay dame de Granzay et Férrières, d'où Méry (1390 - 1450) qui épouse en 1420 Fortunée du Puy du Fou née vers 1400. Ols vont avoir 5 enfants, Jacques, Méry, Jean, Guillaume et autre Marguerite. C'est de ce second mariage que descend Françoise d'Aubigné.
Agrippa d'Aubigné (le grand père de Françoise d'Aubigné) en 1622, huile sur toile de Bartholomäus Sarburgh (de), Kunstmuseum (Bâle).
Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon (1635-1719), représentée en Françoise Romaine.
Madame de Maintenon, née Françoise d'Aubigné, née le à Niort et morte le à la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr, est une dame française des XVIIe et XVIIIe siècles qui fut l'épouse puis la veuve de Paul Scarron. Par la suite, elle fut titrée marquise de Maintenon. Elle est la fondatrice de la Maison royale de Saint-Louis.
Nommée secrètement — puis ouvertement après leur légitimation — gouvernante des enfants naturels de Louis XIV (1638–1715), roi de France et de Navarre, et de sa maîtresse Madame de Montespan, elle devint secrètement l'épouse du roi après la mort de la reine Marie-Thérèse en 1683. Elle eut alors sur le roi une influence dont on discerne encore aujourd'hui difficilement l'ampleur.
Paul Scarron, écuyer et seigneur de Fougerest, Beauvais et La Rivière né le à Paris et mort le à Paris, est un écrivain français contemporain du règne de Louis XIII et du début de celui de Louis XIV. Son ouvrage le plus connu est Le Roman comique.
Issu de la noblesse de robe, septième enfant de Paul Scarron dit L'Apostre, écuyer, seigneur de Beauvais et de La Guespière, conseiller au parlement de Paris à la Cour des comptes, et de Gabrielle Goguet, il entre dans les ordres en 1629. Inquiet du mode de vie adopté par Paul Scarron, son père essaie en vain, en 1632, d’obtenir de Richelieu, le prieuré clunisien de Rumilly pour son fils. Il est finalement placé dans l’entourage de l’évêque du Mans à la fin de l’année, comme « domestique », au sens d’officier commensal. Il vit au Mans de 1632 à 1640, dans l'entourage de l'évêque Charles de Beaumanoir et fréquente les salons provinciaux. En 1638, il est atteint d’une maladie (sans doute une spondylarthrite ankylosante) qui finit par lui paralyser les jambes, la colonne et la nuque. Selon la légende, la cause serait un bain dans l'eau glacée, durant le carnaval. À partir de 1638, Scarron n’est plus qu’un corps, tordu et perclus, immobilisé dans un « cul-de-jatte » (mot qu'il emploie avec le sens de « sorte de jatte servant à ceux qui n'ont plus l'usage de leurs jambes »), tel qu’il s’est dépeint lui-même :
Il n'est plus temps de rimailler ;
On m'a dit qu'il faut détaller :
Moi, qui suis dans un cul de jatte ;
Qui ne remue ni pied ni patte,
Et qui n'ai jamais fait un pas,
Il faut aller jusqu'au trépas.
Tordu dans la forme d'un Z, les genoux rentrés dans l'estomac, la tête penchée sur l'épaule et qu'il ne pouvait redresser, les bras immobiles jusqu'au poignet, il ne se déplaçait qu'à l'aide d'un fauteuil roulant. Il prenait de fortes quantités d'opium qui ne soulageaient pas sensiblement son martyre. Il commence à écrire ses premières œuvres à partir de 1643.
Il rentre à Paris et en 1652, à 42 ans, il épouse une orpheline sans fortune âgée de seize ans et demi, Françoise d'Aubigné, petite-fille d'Agrippa d'Aubigné et future Madame de Maintenon (qui, selon ses dires, lui apporta « deux grands yeux fort mutins, un très beau corsage, une paire de belles mains, et beaucoup d'esprit »). Il ouvre un salon dans le quartier du Marais, qui sera bientôt couru par tous les familiers du Louvre et surtout grâce à son mariage, ce qui fit de lui une nouvelle fable de Paris : à l'annonce de son mariage, Anne d'Autriche se serait écriée : « Une femme ? C'est le meuble le plus inutile de sa maison ! » Il possédait une propriété de campagne à Fontenay-aux-Roses.
Il fut inhumé dans l'église Saint-Gervais. Lui-même rappelle ses souffrances dans sa propre épitaphe, devenue célèbre :
Celui qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d'envie,
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.
Passant, ne fais ici de bruit
Garde bien que tu ne l'éveilles :
Car voici la première nuit
Que le pauvre Scarron sommeille.
Françoise d’Aubigné est la fille de Constant d’Aubigné — lui-même fils du célèbre poète protestant et ami d'Henri IV, Agrippa d'Aubigné — et de sa seconde épouse Jeanne de Cardilhac. Constant d'Aubigné, après avoir abjuré sa foi protestante en 1618, assassine sa première épouse et son amant en 1619, puis dépense rapidement la dot de la deuxième, et est soupçonné d'intelligence avec les Anglais avec qui il est en relation d'affaires. Il est ainsi enfermé dans plusieurs prisons, dont celle de Bordeaux, le Château Trompette, et celle de Niort. Françoise naît le rue du Pont dans la prison royale de Niort (baptisée à Niort, paroisse Notre-Dame), dans la geôle où son père est incarcéré pour dettes (Jeanne de Cardilhac, trop jeune et désargentée, partageant la cellule avec son mari), ce lieu de naissance étant incertain.
Lorsque son père sort de la prison de Niort, la jeune Françoise passe les premiers mois de sa petite enfance chez Madame de Villette, sa tante huguenote, au château de Mursay, au nord de Niort. Elle passe les six années suivantes avec ses parents à la Martinique : son père ayant obtenu la charge de gouverneur des Iles de Marie-Galante, il s'installe dans « l’île aux fleurs » où il a décidé de faire fortune. Elle y garde un souvenir très fort, transmis à ses futurs époux, le poète burlesque Paul Scarron puis le roi de France Louis XIV, qui décide dès 1674 d'intensifier la culture de la canne à sucre en Martinique puis à Saint-Domingue.
Le nom de son père est cité dans un premier voyage un an plus tôt, celui de 1635 avec Pierre Belain d'Esnambuc, fondateur du village de Saint-Pierre en Martinique en 1635. Le couple part en 1636 pour Saint-Christophe, d'où il gagne la Martinique. Françoise vit avec ses parents dans le village du Prêcheur, le premier où est arrivé d'Esnambuc, tout près de Saint-Pierre à l'extrémité nord-ouest de la Martinique, exposé aux attaques incessantes des Indiens de l'île de la Dominique.
Officiellement, son père est gouverneur de la toute petite île de Marie-Galante, toute proche. Mais ce titre ne lui est pas reconnu et il n'a pas les moyens de le valoriser. L'île est alors vierge et doit en principe gouverner la Martinique, elle-même couverte aux neuf dixièmes de forêts, où Indiens et boucaniers font la loi. La famille de Françoise survit en fait dans la pauvreté, alors que la Barbade anglaise, non loin accède bientôt à la richesse. Ce séjour de six ans lui vaudra le surnom de « belle Indienne ». Il s'achève à l'époque où les Martiniquais tentent sans succès d'introduire la culture de la canne à sucre, qui s'avère très rentable à la Barbade dès les années 1640, et entraîne l'éviction des planteurs de tabac. À son retour en France, en , Françoise apprend la mort de son père qui avait abandonné sa famille en 1645 pour chercher en métropole à faire reconnaître son titre de gouverneur.
Jeanne de Cardilhac et ses trois enfants vivent misérablement dans une pièce unique, dans une maison proche du port de La Rochelle. La future Madame de Maintenon « n'oubliera jamais l'humiliation de la mendicité qu'elle a vécue à l'époque de ses douze ans, dans la faim, le froid, le désespoir de sa mère » qui « se perd dans le monde des hommes de loi parisiens, sans parvenir à recouvrer une partie de l'héritage » de son mari. Elle est à nouveau prise en charge par sa tante de Niort, Mme de Villette, fervente protestante. Sa marraine, Madame de Neuillant, fervente catholique, obtient de la reine-mère Anne d'Autriche une lettre de cachet pour récupérer Françoise et lui permettre de pratiquer le catholicisme (en effet à sa naissance Madame d'Aubigné l'avait fait baptiser dans la religion catholique) et renier sa foi calviniste. Elle la place contre sa volonté au couvent des Ursulines de Niort, puis chez les Ursulines de la rue Saint-Jacques à Paris où, grâce à la douceur et l'affection d'une religieuse, sœur Céleste, la jeune fille renonce définitivement au calvinisme, condition indispensable pour pouvoir accompagner Mme de Neuillant dans les salons parisiens. C'est à l'une de ces réunions mondaines qu'elle rencontre le chevalier de Méré qui se prend d'affection pour celle qu'il nomme « la belle Indienne » et s'offre de l'instruire convenablement.
Quatre ans après son retour en France, en avril 1652, à l'âge de seize ans, Françoise d'Aubigné, sans le sou mais jolie et sage, épouse le poète burlesque Paul Scarron, de vingt-cinq ans son aîné et gravement handicapé. Le salon de ce lettré amateur de fêtes et ami de nombreux artistes est fréquenté par les plus prestigieux noms de la capitale (par exemple le maréchal d'Albret, le marquis de Villarceaux, l'abbé de Choisy), Scarron est partiellement paralysé depuis un malencontreux bain nocturne dans l’Huisne, affluent de la rive gauche de la Sarthe, en hiver. Il propose à une Françoise orpheline, très pauvre (elle ne possède absolument rien) et fragilisée, de la doter pour qu'elle puisse entrer au couvent, ou de l'épouser lui-même. Scarron rédige lui même le contrat de mariage en ces termes : « La future apporte en dot ... deux grands yeux fort mutins, un très beau corsage, une paire de belles mains et beaucoup d'esprit ». Par ce contrat conclu le , il lui accorde aussi trois mille livres de préciput.
« La belle Indienne » influence la deuxième partie de l'œuvre de Paul Scarron, qui fera ensuite fréquemment référence à la nécessité d'aller aux Indes et à la Martinique. Le poète a très sérieusement investi 3 000 livres dans une société commerçant avec la Martinique. Pour faire plaisir à sa jeune épouse, Scarron accepte aussi d'enlever de son œuvre des répliques trop grivoises.
Madame Scarron devient l’animatrice du salon ouvert par son mari, très fréquenté par les écrivains de l'époque. Dès lors, elle se tisse un solide réseau de relations avec les beaux esprits du Marais parmi lesquels se trouvent Françoise-Athénaïs de Montespan et Bonne d'Heudicourt, nièces du maréchal d'Albret, Madame de La Fayette, Madame de Sévigné, Ninon de Lenclos, et bien d'autres.
En 1660, alors qu'elle a vingt-cinq ans, Paul Scarron, qui lui avait transmis une grande culture, meurt en ne lui léguant que des dettes. De son mariage, Françoise a gagné l’art de plaire et en a conservé les relations ; ainsi, Anne d’Autriche, sollicitée par des amis communs, accorde à la veuve Scarron une pension de 2 000 livres. À la mort de la reine mère, sa pension est rétablie grâce à l'intervention de madame de Montespan, dame d'honneur d'Henriette, duchesse d'Orléans, belle-sœur du Roi ; les deux femmes s'étaient rencontrées chez le maréchal d'Albret, cousin par alliance de Mme de Montespan et proche de Paul Scarron.
Si Madame de Montespan pensa à elle pour devenir la gouvernante des bâtards royaux, c'était parce que la veuve Scarron avait su la divertir et qu’elle était discrète. Françoise accepta parce qu'elle aimait les enfants, mais aussi et surtout parce qu'elle savait bien que l’on gagnait toujours à servir le Roi.
Après la mort de son mari, Françoise devient la maîtresse de Louis de Mornay, marquis de Villarceaux, pendant trois ans, avant de mettre un terme à sa relation avec lui de façon brutale pour préserver sa réputation : « Je ne veux plus te voir ici ou même ailleurs pendant une année, et puis nous nous reverrons comme des vieux amis, mais la porte de ma chambre te sera à jamais fermée. » Il restera de cette liaison une peinture réalisée par Mornay lui-même, et la représentant en déesse grecque, le sein nu, le regard fixé sur l'horizon, indifférente à son amant, représenté sous les traits de l'Amour tenant sa flèche. Cette toile est conservée dans la salle à manger du Château du haut du domaine de Villarceaux, dans le Val-d'Oise.
Elle se forge dès lors une image de femme pieuse et dévote, comme l'atteste sa correspondance avec l'abbé François Gobelin (16..-1692), son confesseur depuis 1666.
Portrait présumé de Françoise d'Aubigné peinte dénudée par son amant Louis de Mornay (vers 1662) qui la représente en Diane ou Nymphe sortant du bain.
Madame de Montespan l'invite à la cour de France en 1668. En 1669, sur la proposition de Mme d'Heudicourt, elle accepte la charge de gouvernante des enfants illégitimes du roi et de Mme de Montespan, alors qu’elle vient de refuser d'être la dame de compagnie de Marie Françoise de Savoie-Nemours, reine du Portugal. Elle s’installe donc à Paris « au fin fond du faubourg Saint-Germain [...] quasi auprès de Vaugirard, dans la campagne », selon la description que fait du lieu en 1673 madame de Sévigné. Madame Scarron y vit, entre 1672 et 1674, dans la plus grande discrétion et y rencontre pour la première fois le roi qui s’y aventurait pour voir ses enfants.
Celui-ci, qui ressent beaucoup d'affection pour ses enfants adultérins, constate l'attention maternelle dont la veuve Scarron entoure ses petits protégés. Lors de la mort de l'aîné d'entre eux, remarquant le chagrin et les larmes de la gouvernante de ses enfants, il confie à un proche : « Comme elle sait bien aimer, il y aurait du plaisir à être aimé d'elle ».
Elle réapparaît à la cour en 1673 lors de la légitimation des bâtards royaux (enfants dont le nom de la mère reste officiellement inconnu). Mais la gouvernante doit affronter la jalousie de plus en plus grande de Madame de Montespan, si bien qu'elle menace de démissionner. Le roi lui fait don d'une gratification extraordinaire de 100 000 écus pour qu'elle reste.
Madame de Maintenon acquiert en 1674, l'année de la dissolution de la Compagnie française des Indes occidentales, la nouvelle ferme du tabac, un monopole fiscal sur les 2,5 millions de livres produites annuellement à Saint-Domingue, que lui confie le roi et qu'elle revend rapidement à un consortium de financiers mené par le banquier Antoine Crozat, futur entrepreneur de la Louisiane.
Le , elle achète pour 150 000 livres, avec l'argent de sa revente, le château et le titre de Maintenon à Françoise d’Angennes, épouse d'Odet de Riantz marquis de Villeroy, et héritière de Charles François d’Angennes, marquis de Maintenon, qui fut gouverneur de Marie-Galante (le titre qu'avait convoité le père de Françoise) et qui devient l'année suivante l'un des chefs des flibustiers aux Antilles pendant deux ans, avant de pourchasser ces mêmes flibustiers pour le compte du roi, puis devenir le plus riche planteur de la Martinique, à partir du village même où avait habité Françoise, au nord de Saint-Pierre de la Martinique. Les enfants bâtards du roi, d'abord élevés rue de Vaugirard, le sont ensuite aussi au château de Maintenon.
Même s'ils se sont rencontrés dès 1669, le roi ne parut pas apprécier la veuve Scarron dans un premier temps. Il avait fini par s'habituer à elle et commença à s'y attacher irrémédiablement lorsqu'elle parut montrer une douleur « plus vive que celle de Madame de Montespan » à la suite du décès de la fille aînée de la favorite à l'âge de trois ans, le .
Par la suite, elle se rendit à Barèges pour soigner le duc du Maine, franchissant le col du Tourmalet en 1675. Dès lors, tout s'accéléra, sa faveur grandit, Louis XIV lui conféra la charge de seconde « dame d’atours » de la dauphine Marie-Anne de Bavière le , spécialement créée pour elle, et elle forma aussitôt avec le roi le vrai couple parental des bâtards, dont l'aîné, le duc du Maine, faisait les délices d'après les chroniques.
Madame de Maintenon avec le duc du Maine et le Comte de Vexin.
.
La disgrâce progressive de Madame de Montespan, compromise dans l’affaire des poisons, la mort en couches de Mademoiselle de Fontanges, dernière favorite du roi, puis, le , celle de la reine Marie-Thérèse d'Autriche mettent fin au cas de conscience qui se posait à Mme de Maintenon concernant sa relation avec Louis XIV et lui permettent de prendre un ascendant grandissant sur le roi. Celui-ci, éternel amoureux, a besoin d'une femme, mais sa « conversion » l'incite à fuir le péché de la chair. Ne voyant pas d'utilité en une union politique avec l'infante Isabelle de Portugal ou la princesse Anne-Marie-Louise de Toscane, pourtant citées comme favorites pour le trône, le roi penche vite pour un mariage d'inclination avec celle qu'il aime et qui est appelée par les courtisans « Madame de maintenant ».
Avec le soutien actif de l'Église catholique en France, Françoise d'Aubigné, veuve Scarron, âgée de près de quarante-huit ans, épouse secrètement, dans la nuit du 9 au , le roi de France et de Navarre, ce mariage secret ne choquant ainsi ni la cour, ni l'Église. Selon un article publié sur le blog de la Bibliothèque nationale de France en 2014, « il n’existe apparemment aucune preuve écrite du mariage de Madame de Maintenon avec le roi Louis XIV. »
À la Cour, on sait bien ce qu'il en est : le roi passe une grande partie de son temps dans les appartements de sa femme et, lorsque Madame de Maintenon se déplace en chaise à porteurs, les princesses doivent suivre immédiatement derrière. Ce qui fera dire à Madame de Maintenon : « Mon bonheur est éclatant ». La question de ce mariage gardé secret agite la cour française et les cours étrangères. À sa tante, Sophie de Hanovre, qui lui en demande des nouvelles, la princesse Palatine, grande ennemie de Madame de Maintenon, admet toutefois : « […] il est impossible de savoir ce qu’il en est. En tout cas, ce qu’il y a de certain, c’est que le roi n’a jamais eu pour aucune maîtresse la passion qu’il a pour celle-ci [Madame de Maintenon] ; c’est quelque chose de curieux à voir quand ils sont ensemble ». Le mariage dut être tenu secret pour que l'épouse ne fût pas titrée reine, le sacrement du mariage donnant en France à l'épouse la condition et le rang de son mari, contrairement aux mariages dits morganatiques qui se pratiquaient dans les dynasties allemandes.
Le château de Maintenon, Jardin de Maintenon, le monogramme de Louis XIV, le jardin à la Française de Le Nôtre, portrait de Françoise d'Aubigné au château de Maintenon vue du château depuis l'Eure.
Photos "survol de France"
Mme de Maintenon fait planer sur la cour à la fin du règne de Louis XIV une ère de dévotion et d'austérité. On lui prête une grande influence sur le roi et sur la Cour, notamment concernant la décision ayant conduit à la révocation, en 1685, de l’édit de Nantes, qui provoqua l’exode d'une grande partie des protestants, ou l’incitation au déclenchement de la guerre de Succession d'Espagne en 1701. Les historiens se sont beaucoup interrogés sur le rôle effectif joué par Mme de Maintenon, accusée de tous les maux. En ce qui concerne précisément la révocation de l'édit de Nantes par l'édit de Fontainebleau, l'ensemble des historiens souscrit aujourd'hui à la démonstration résumée par François Bluche dans sa biographie de référence sur le grand roi :
« La marquise de Maintenon se réjouit des conversions, quand elles lui semblent le résultat de la persuasion et de la douceur. Mais elle répugne à la contrainte envers ses anciens coreligionnaires. Seules une polémique outrancière, puis une légende sans fondement pourront faire croire qu'elle ait encouragé le monarque à la dureté. » Si elle pensait que les moyens tels que l’augmentation des charges pouvaient donner quelque chose, elle préférait les voies de la persuasion : « Quant aux autres conversions, ajoutait-elle, vous n’en sauriez trop faire. » Ces autres conversions étaient les conversions volontaires.
Pour sa défense, elle avança ceci à Mme de Frontenac : « Ruvigny est intraitable. Il a dit au roi que j'étais née calviniste, et que je l'avais été jusqu'à mon entrée à la cour. Ceci m’engage à approuver des choses fort opposées à mes sentiments. » Dans une autre lettre : « Ruvigny veut que je sois encore calviniste au fond du cœur. » Ces délations pourraient avoir empêché Mme de Maintenon d’intervenir à sa guise sur le sujet. Si elle avait protégé les protestants, elle aurait confirmé les soupçons qu’on faisait peser sur elle. Or, on sait qu'en 1675, elle avait écrit en faveur des huguenots, à la suite d'injustices qu'ils avaient subies.
Si elle craignait pour elle, cela pourrait expliquer la lettre suivante : « Je crois bien que toutes ces conversions ne sont pas sincères ; mais Dieu se sert de toutes les voies pour ramener à lui les hérétiques. Leurs enfants seront au moins catholiques, si les pères sont hypocrites. Leur réunion extérieure les approche au moins de la vérité. Ils ont des signes communs avec les fidèles. Priez Dieu qu’Il les éclaire tous. Le roi n’a rien tant à cœur. » Néanmoins, une lettre écrite vers 1680 à Mme de Saint-Géran est instructive : « Il pense sérieusement à la conversion des hérétiques, et dans peu on y travaillera de tout bon. ». Mais, il semble bien que les conditions effroyables des conversions lors des dragonnades étaient ignorées même du roi, Louvois portant la responsabilité de cette affaire.
En 1858 un écrivain de sa ville natale cite et retranscrit cette lettre de remontrance (qu'il ne date pas ni ne « source ») à son frère le marquis d'Andigné, « gouverneur d'Amersfort » (Amersfoort, Pays-Bas) :
« On m'a porté sur votre compte des plaintes qui ne vous font point d'honneur. Vous maltraitez les huguenots, vous en faites naître des occasions ; ceci n'est pas d'un homme de qualité. Ayez pitié de gens plus malheureux que coupables. Ils sont dans des erreurs où nous avons été nous-mêmes, et d'où la violence ne nous aurait jamais tirés (…). Ne les inquiétez donc point. Il faut attirer les hommes par la douceur et la charité. Jésus-Christ nous en a donné l'exemple, et telle est l'intention du roi (…). C'est à vous de contenir tout le monde par l'obéissance. C'est aux évêques et aux curés à faire des conversions par l'exemple (…). Ni Dieu, ni le Roi ,ne vous ont donné charge d'âmes. Sanctifiez la vôtre et soyez sévère pour vous seul ». (Théodore Arnauldet, op. cit. tome II, p. 41, note 1 - arch pers.) ; le ton et la conclusion ont l'intransigeance d'une descendante de huguenots.
De fait, la révocation de l'édit de Nantes n'était que la dernière phase d'un processus de normalisation religieuse que le roi avait commencé quelques années plus tôt avec les dragonnades et les missionnaires chargés de convertir les protestants de gré ou de force.
Il est sûr que son statut ambigu (elle était une simple mondaine en public, reine en privé, mais aussi collaboratrice, belle-mère et belle-grand-mère) fut source pour elle d'une grande tension psychologique. Peu aimée de la famille royale, elle le fut encore moins des courtisans et du peuple qui lui prêtaient un pouvoir disproportionné et voyaient en elle le « mauvais génie » de Louis XIV. Il semble donc que ce pouvoir n'était pas si important que cela. Certes elle était écoutée du roi qui lui demandait même volontiers ses conseils, mais ceux-ci étaient rarement appliqués ou alors en partie. Nous savons aussi que le roi n'était pas toujours tendre avec elle, lui assénant parfois des répliques cassantes sur ses origines ou sur son tempérament.. On sait aussi aujourd'hui que la marquise ne cherchait pas forcément à avoir de l'influence sur le roi, elle s'était toujours dite novice en politique.
En revanche, on peut dire que le pouvoir de la Marquise dans la famille royale était, lui, beaucoup plus important. Le roi lui faisait confiance et lui confiait souvent des missions de remontrances envers certaines princesses des querelles de qui il était las (ce qui était logique puisqu'elle les avait élevées. Car celles qui montraient le plus d'orgueil étaient les princesses légitimées, bâtardes du roi et de Mme de Montespan). À défaut d'être aimée (néanmoins, la « petite dauphine » Marie-Adélaïde de Savoie, de son vivant, égaya ses vieux jours et ceux de Louis XIV), elle fut crainte par tous les membres de la famille royale. Nous savons aussi en revanche que le roi lui faisait grande confiance en ce qui le concernait et ainsi on ne peut nier que la dévotion qui s'empara de lui et de la cour à partir de la fin du XVIIe siècle fut due à l'influence de la Marquise. Ainsi donc, elle n'eut aucune influence sur le plan politique, contrairement à ce que l'on dit, mais une influence et un pouvoir important sur le caractère du roi et la condition de la cour durant toute la fin du règne, ce qui est loin d'être insignifiant et sans importance.
La duchesse d'Orléans regretta l'esprit de bigoterie qui s'était emparé de la cour de Versailles et elle regrettait le temps où on se divertissait plus que sous « le règne de madame de Maintenon »
En 1715, trois jours avant la mort du roi, Madame de Maintenon se retire à Saint-Cyr dans la Maison royale de Saint-Louis, pensionnat chargé de l'éducation des jeunes filles nobles et désargentées fondé en 1686. Elle y reçoit, le , la visite du tsar Pierre le Grand qui était « venu voir tout ce qui en valait la peine en France ». Elle y meurt le , quatre ans après le roi, à l'âge de 83 ans.
Madame de Maintenon n'a pas une grande influence dans la vie politique du Royaume de France. Mais elle a toutefois convaincu Louis XIV de créer la maison royale d'éducation de Saint-Louis à Saint-Cyr. C'est sans nul doute l'une des plus grandes créations du Roi-Soleil. Non loin du château de Versailles, cette école a pour but d'accueillir des filles d'officiers morts au combat, ou dont la santé ou la fortune a été ruinée à cause de la guerre. Ces jeunes filles, âgées entre 7 et 20 ans, reçoivent une éducation leur permettant de contracter un mariage avantageux. Musique, théâtre, littérature, ... aucun enseignement n'est oublié pour faire de ces jeunes filles des femmes illustres du XVIIIe siècle.
1690 : Visite officielle de Louis XIV et Madame de Maintenon à la Maison Royale d'éducation de Saint Louis à Saint Cyr.
La Maison royale de Saint-Louis est un pensionnat pour jeunes filles créé à Saint-Cyr, actuelle commune de Saint-Cyr-l'École (Yvelines), le par lettres patentes du roi Louis XIV, à la demande de Madame de Maintenon qui souhaitait la création d'une école destinée aux jeunes filles de la noblesse pauvre. Cet établissement, bien qu'il perdît sa place de premier rang à la suite de la disparition de Louis XIV puis de sa fondatrice, marqua une évolution certaine de l'éducation des jeunes filles sous l'Ancien régime.
L'établissement fut maintenu pendant les premières années de la Révolution française, mais ferma définitivement ses portes en . Napoléon Ier s'inspira de la Maison royale de Saint-Louis pour créer la maison des demoiselles de la Légion d'honneur, qui existe encore aujourd'hui sous le nom de maison d'éducation de la Légion d'honneur.
L'origine de la Maison royale de Saint-Louis est fortement liée à la jeunesse de Madame de Maintenon. Issue elle-même d'une famille noble, mais ruinée, elle ne connut dans sa jeunesse qu'une instruction limitée, celle dispensée par les couvents qui assuraient l'instruction des jeunes filles nobles. On n'y enseignait qu'un minimum de connaissances en français, latin, calcul et travaux ménagers, l'accent était mis principalement sur la religion et la liturgie, et on n'y donnait aucune ouverture sur le monde réel.
Elle fréquenta par la suite les milieux intellectuels grâce à son premier mari Scarron, puis devint gouvernante des enfants de Louis XIV et de Madame de Montespan, ce qui lui donna une expérience et une vocation d'éducatrice. Une fois aux côtés du roi Louis XIV, Madame de Maintenon eut à cœur d'améliorer l'instruction des jeunes filles de la noblesse pauvre, de plus en plus nombreuses dans le pays, car beaucoup de gentilshommes de province se faisaient tuer lors des guerres ou se ruinaient au service de l'État.
En 1680, Madame de Maintenon remarqua deux religieuses, l'ancienne ursuline Madame de Brinon et sa parente Madame de Saint-Pierre, qui tenaient une petite école destinée aux jeunes filles pauvres afin de les placer comme domestiques.
Elle les établit à Rueil en 1681, dans une maison qu'elle avait louée et aménagée, où elle ajouta vingt filles de la noblesse pauvre aux élèves issues du peuple, qui recevaient une instruction différente. Le , l'école des filles de la noblesse pauvre fut déplacée à Noisy-le-Roi, avec l'aide du roi qui offrit le château de Noisy qu'il venait d'acquérir et d'aménager, pour accueillir plus de 180 pensionnaires.
Le , en Grand Conseil, Louis XIV décréta la fondation « d'une maison et communauté où un nombre considérable de jeunes filles, issues de familles nobles et particulièrement des pères morts dans le service […] soient entretenues gratuitement […] et reçoivent toutes les instructions qui peuvent convenir à leur naissance et à leur sexe […] en sorte qu'après avoir été élevées dans cette communauté, celles qui en sortiront puissent porter dans toutes les provinces de notre royaume des exemples de modestie et de vertu […]. »
Le domaine de Saint-Cyr fut attribué en 1685, et le roi ordonna de grands travaux sur le domaine en bordure de Versailles. Les travaux furent dirigés par Jules Hardouin-Mansart. En , après quinze mois de travaux, Louis XIV fit don du domaine à la Maison royale de Saint-Louis, les lettres patentes des 18 et confirmant la fondation de l'établissement.
Du au , les pensionnaires, appelées « Demoiselles de Saint-Cyr », firent leur entrée dans l'établissement, en grande pompe grâce à Louis XIV qui avait prêté ses carrosses et ses gardes suisses. Madame de Brinon fut nommée supérieure à vie, et Madame de Maintenon reçut le titre d'« Institutrice de la Maison royale de Saint-Louis » qui lui accordait toute autorité sur la Maison. Le roi lui accorda également la jouissance à vie d'un appartement à Saint-Cyr où elle pouvait se rendre quand elle le désirait.
La chapelle de l'école fut consacrée à Notre-Dame le et les reliques de Sainte Candide, auparavant conservées à la chapelle de Noisy, y furent transférées.
Louis XIV fit sa première visite à Saint-Cyr en , où il fut accueilli en grande cérémonie par les dames et les pensionnaires.
Dès la fondation de la Maison royale, des personnalités s'y intéressèrent : au début de l'année 1687, Fontenelle, concourant pour le prix d'éloquence de l'Académie, chanta les Demoiselles de Saint-Cyr et « le modèle fameux de la beauté unie à l'innocence ».
La Maison royale de Saint-Louis était ouverte « aux filles des gentilshommes tués ou ayant ruiné leur santé et leur fortune pour le service de l'État ». Elles devaient avoir entre sept et douze ans pour entrer à la Maison royale. Leur admission était décidée par le roi lui-même, après consultation du juge des généalogies de France qui devait s'assurer que la famille des postulantes appartenait à la noblesse depuis au moins 140 ans. Beaucoup de pensionnaires étaient filles, nièces ou orphelines de militaires ; si beaucoup d'entre elles venaient de Paris ou des environs, il y avait des élèves provenant de toutes les provinces de France et même de l'étranger, avec, par exemple, trois Québécoises (de la « colonie de la Nouvelle-France en Amérique du Nord ») dans les années 1750.
La maison pouvait accueillir 250 « Demoiselles de Saint-Cyr ». Elles étaient sous la responsabilité de 36 dames éducatrices ou « professes » et 24 sœurs « converses » assurant les tâches domestiques, auxquelles s'ajoutaient des prêtres et du personnel laïc.
Les élèves, âgées de sept à vingt ans, étaient réparties en quatre « classes » en fonction de leur âge. Elles portaient en guise d'uniforme une robe d'étamine brune rappelant les robes de cour, nouée de rubans dont la couleur indiquait la classe de l'élève : « rouge » de 7 à 10 ans, « verte » de 11 à 13 ans, « jaune » de 14 à 16 ans, « bleue » de 17 à 20 ans. Elles étaient coiffées d'un bonnet blanc qui laissait voir en partie les cheveux. Chaque classe disposait de sa propre salle dont les meubles et le décor étaient simples et reprenaient la couleur correspondante. Cette tenue et cette répartition par âges se retrouvaient déjà à Noisy.
Chaque classe était dirigée par une « maîtresse de classe », elle-même secondée par une deuxième maîtresse et des sous-maîtresses. Certaines élèves, parmi les plus âgées et les plus douées, secondaient ces maîtresses et portaient des rubans « feu ». D'autres élèves, également choisies parmi les demoiselles de la classe « bleue », secondaient les dames titulaires de certaines fonctions (les « officières ») ; ces demoiselles portaient des rubans noirs. Les maîtresses des classes étaient sous la direction d'une « Maîtresse générale des classes », qui devait non seulement assurer la coordination des différentes classes, mais qui avait également la responsabilité des élèves en dehors de leurs heures de cours.
Les maîtresses et autres dames n'étaient pas des religieuses, mais elles devaient cependant prononcer des vœux « simples », c'est-à-dire temporaires, de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, ainsi que celui « de consacrer leur vie à l'éducation et instruction des demoiselles », que Madame de Maintenon jugeait le plus important. Elles étaient uniformément vêtues d'étamine noire, avec un bonnet noir.
Les élèves étaient accueillies à Saint-Cyr jusqu'à l'âge de 20 ans, et n'étaient pas censées quitter la Maison royale avant cet âge, sauf en cas de renvoi, de mariage ou de « circonstances familiales exceptionnelles ». Lorsqu'elles quittaient l'établissement à la fin de leurs études, elles recevaient une dot de 3 000 livres destinée à leur assurer un mariage convenable ou leur permettre d'entrer au couvent. Cependant, certaines d'entre elles ne quittaient pas l'établissement et devenaient éducatrices. Afin d'assurer la qualité de l'enseignement, les élèves qui souhaitaient devenir éducatrices devaient suivre un « noviciat » de six ans durant lequel elles recevaient une formation pédagogique dirigée par la « Maîtresse des novices ».
Les revenus de l'établissement provenaient des rentes et exploitations de ses domaines, des subsides de la Généralité de Paris et des revenus de l'abbaye de Saint-Denis à laquelle elle était rattachée.
« Le dix septième jour du mois d'avril mil sept cent dix neuf a ete inhumée en un cercueil de plomb et dans un caveau construit au milieu du chœur de cette Église, Très haute et Très Puissante Dame Madame Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon, Institutrice de cette Royalle Maison de St Louis, et y jouissant de tous les honneurs et Privilèges des fondateurs, décédée en cette ditte maison le samedy quinzieme du présent mois à cinq heures de relevée, âgée de quatre vingt trois ans quatre mois dix huit jours. »
— Archives départementales des Yvelines - Saint-Cyr-l'École (chapelle Saint-Louis)(S 1700-1792 ; vue 11/39)(Adrien Maurice, duc de Noailles, fut présent à l'inhumation)
Madame de Maintenon est d'abord enterrée dans l'allée centrale de la chapelle de la Maison Royale de Saint-Louis, maison où elle finit sa vie, où elle dit en y venant pour la première fois : « Ce qui me fait plaisir, c'est que je vois ici ma retraite et mon tombeau ».
Cette épitaphe, composée par l'abbé de Vertot, revue par M. le maréchal de Noailles, est sur une pierre de marbre, dans le chœur de l'église de Saint-Louis, à Saint-Cyr :
Ci gît
Madame Françoise d'Aubigné,
Marquise de Maintenon.
Femme illustre, femme vraiment chrétienne :
Cette femme forte que le sage chercha
Vainement dans son siècle :
Et qu'il nous eût proposée pour modèle
S'il eût vécu dans le nôtre.
Sa naissance fut très noble.
On loua de bonne heure son esprit :
Et plus encore sa vertu.
La sagesse, la douceur, la modestie
Formèrent son caractère, qui ne se démentit jamais.
Toujours égale dans les différentes situations de sa vie :
Mêmes principes, mêmes règles, mêmes vertus :
Fidèle dans les exercices de piété :
Tranquille au milieu des agitations de la cour :
Simple dans la grandeur :
Pauvre dans le centre des richesses :
Humble au comble des honneurs :
Révérée de Louis le grand,
Environnée de sa gloire,
Autorisée par la plus intime confiance,
Dépositaire de ses grâces.
Qui n'a jamais fait usage de son pouvoir
Que par sa bonté.
Une autre Esther dans la faveur.
Une seconde Judith dans l'oraison.
La mère des pauvres.
L'asile toujours sûr des malheureux.
Une vie si illustre a été terminée
Par une mort sainte,
Et précieuse devant Dieu.
Son corps est resté dans cette sainte maison,
Dont elle avait procuré l'établissement.
Et elle a laissé à l'univers l'exemple
De ses vertus.
Décédée le .
Née le .
Sa nièce, Françoise Charlotte d'Aubigné (1684-1739), hérita du château de Maintenon, ainsi que de sa fortune. Elle était mariée depuis 1698 à Adrien de Noailles.
Théodore Agrippa d'Aubigné, né d’Aubigny le au château de Saint-Maury près de Pons, et mort le à Genève, est un homme de guerre, écrivain controversiste et poète baroque français. Il est notamment connu pour Les Tragiques, poème héroïque racontant les persécutions subies par les protestants.
Calviniste intransigeant, il soutient sans relâche le parti protestant, se mettant souvent en froid avec le roi Henri de Navarre, dont il fut l'un des principaux compagnons d'armes. Après la conversion de celui-ci, il rédigea des textes qui avaient pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Église. Chef de guerre, il s'illustra par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi acharné de l'Église romaine, ennemi de la cour de France et souvent indisposé à l'égard des princes, il s'illustra par sa violence, ses excès et ses provocations verbales.
Théodore Agrippa est né à Saint Maury près de Pons, en Saintonge. Il est le fils du juge Jean d’Aubigné, d'origine roturièren 2, et Catherine de L’Estang, de petite noblesse, qui meurt en lui donnant la vie. On l’appelle ainsi Agrippan 3, parce qu’il a été enfanté avec peine. Agrippa est baptisé dans la religion catholique, mais est élevé dans la religion calviniste.
Son père Jean, converti au calvinisme, prend part au soulèvement protestant et participe aux opérations de la conjuration d'Amboise sous les ordres de Tanneguy du Bouchet, dit Saint-Cyr, chef militaire protestant du Poitoun 4. En , alors qu'il passe par Amboise avec son fils, il lui aurait fait jurer de venger la mort de ses compagnons.
Sous la férule de précepteurs calvinistes, Agrippa apprend entre autres disciplines, le latin, le grec et l'hébreu. En , pour ses études, Jean installe Agrippa à Paris chez Mathieu Béroalde. Deux mois plus tard, la guerre est déclenchée et un arrêt ordonnant l'expulsion des protestants, Agrippa quitte la ville avec son professeur. Sur le chemin, ils sont arrêtés et emprisonnés par des pillards catholiques. Mais, ils parviennent à s’échapper grâce à un complice, et gagnent Montargis, où les accueille Renée de France.
Ils séjournent ensuite à Orléans, où Agrippa est atteint de la peste, dont il guérit. Il se rompt aux armes, et assiste au siège d’Orléans au cours duquel meurt son père.
Envoyé à Genève en , Agrippa y poursuit ses études sous la protection de Théodore de Bèze. Un an plus tard, il est contraint de fuir la ville du fait de son implication dans une histoire de mœurs : il accuse son condisciple Bartholomé Tecia de tentative de « bougrerie » sur sa personne. Tecia est condamné et exécuté par noyade. Lorsque éclate la deuxième guerre de religion, en 1567, il s’engage sans hésiter dans le régiment protestant d'Asnières ou en tant qu'enseigne, il mène les enfants perdus1.
Absent, à la suite d’un duel, de Paris durant la Saint-Barthélemy, il échappa au massacre, mais en garda néanmoins une rancune tenace contre la monarchie. Les Tragiques conservent la trace des visions d’horreur dont il fut le témoin.
Théodore Agrippa est né à Saint Maury près de Pons, en Saintonge. Il est le fils du juge Jean d’Aubigné, d'origine roturière, et Catherine de L’Estang, de petite noblesse, qui meurt en lui donnant la vie. On l’appelle ainsi Agrippa, parce qu’il a été enfanté avec peine. Agrippa est baptisé dans la religion catholique, mais est élevé dans la religion calviniste.
Son père Jean, converti au calvinisme, prend part au soulèvement protestant et participe aux opérations de la conjuration d'Amboise sous les ordres de Tanneguy du Bouchet, dit Saint-Cyr, chef militaire protestant du Poitou. En , alors qu'il passe par Amboise avec son fils, il lui aurait fait jurer de venger la mort de ses compagnons.
Sous la férule de précepteurs calvinistes, Agrippa apprend entre autres disciplines, le latin, le grec et l'hébreu. En , pour ses études, Jean installe Agrippa à Paris chez Mathieu Béroalde. Deux mois plus tard, la guerre est déclenchée et un arrêt ordonnant l'expulsion des protestants, Agrippa quitte la ville avec son professeur. Sur le chemin, ils sont arrêtés et emprisonnés par des pillards catholiques. Mais, ils parviennent à s’échapper grâce à un complice, et gagnent Montargis, où les accueille Renée de France.
Ils séjournent ensuite à Orléans, où Agrippa est atteint de la peste, dont il guérit. Il se rompt aux armes, et assiste au siège d’Orléans au cours duquel meurt son père.
Envoyé à Genève en , Agrippa y poursuit ses études sous la protection de Théodore de Bèze. Un an plus tard, il est contraint de fuir la ville du fait de son implication dans une histoire de mœurs : il accuse son condisciple Bartholomé Tecia de tentative de « bougrerie » sur sa personne. Tecia est condamné et exécuté par noyade. Lorsque éclate la deuxième guerre de religion, en 1567, il s’engage sans hésiter dans le régiment protestant d'Asnières ou en tant qu'enseigne, il mène les enfants perdus.
Absent, à la suite d’un duel, de Paris durant la Saint-Barthélemy, il échappa au massacre, mais en garda néanmoins une rancune tenace contre la monarchie. Les Tragiques conservent la trace des visions d’horreur dont il fut le témoin.
Quelque temps après la Saint-Barthélemy, il retourne à la cour de France où il se lie avec le roi de Navarre, futur Henri IV, et devient son écuyer (). Il a vingt-et-un ans. À cette époque, Henri de Navarre est assigné à résidence à la cour et placé sous une étroite surveillance. On ignore si, comme lui, Aubigné a feint d'être catholique. Toujours est-il qu'il participe à la tentative d'évasion de son maître lors des évènements de la conjuration des Malcontents. L'affaire échoue, et Henri de Navarre doit donner des gages de sa soumission en écartant ses serviteurs les plus suspects et en envoyant ses hommes combattre les troupes protestantes. Aubigné se retrouve alors enrôlé à plusieurs reprises dans l'armée catholique. Dans son Histoire universelle, Aubigné écrit : « Le roi de Navarre y envoya sa maison et ses gardes et surtout ceux qui sentoyent le fagot et qui travailloient à sa liberté. » Guidon du seigneur de Fervaques, il combat les protestants en Normandie, puis à la bataille de Dormans, où il se lie d'amitié avec le duc de Guise.
À la cour où il côtoie les plus grands, il fait figure de courtisan accompli. Apprécié pour son intelligence et son esprit mordant, il aurait fait partie de l'Académie de musique et de poésie qui siège au Palais du Louvre. Amateur des mascarades et des joutes, il invente des divertissements de cour et se fait connaître comme expert en magie. C'est aussi un querelleur courant sans cesse après les duels. Le , il assiste, « à l’exécution du comte de Montgommery sur la place de Grève, qui le salua, lui et Fervaques avant de mourir.
Il fait partie des compagnons du roi de Navarre lorsque ce dernier fuit la cour le .
Durant les guerres de religion, le poète Théodore Agrippa d'Aubigné, protestant, trouve refuge au château de Talcy en 1572. Il tombe amoureux de Diane Salviati, la nièce de Cassandre . Celle-ci le repousse cependant. Agrippa d'Aubigné fait référence à ce château dans quelques-uns des vers de ses Tragiques.
Le poème de Pierre de Ronsard Mignonne, allons voir si la rose est inspiré de l'idylle entre Ronsard et Cassandre, fille de Salviati. C’est au cours d’une fête donnée au château de Blois le 21 avril 1545 que le poète rencontre Cassandre (son père est châtelain de Talcy) Il lui composa également 184 sonnets qui forment « les Amours de Cassandre » dans le premier livre des Amours.
Cette amitié entre le futur roi et son écuyer dure plusieurs années, Henri de Navarre lui confiant de nombreuses missions. Mais de caractère emporté et intransigeant, il se brouille à de nombreuses reprises avec son maître, auquel il reproche de ne pas être suffisamment attaché à la cause protestante, l'accusant de trop favoriser les catholiques de son entourage. Alors qu’Henri de Navarre, porté à la conciliation, ménage la cour de France, il appelle à la poursuite de la lutte. Après la signature de la paix de Poitiers qu'il condamne, il quitte une première fois son maître, en 1577. Grièvement blessé à Casteljaloux, il se retire pendant deux ans sur ses terres aux Landes-Guinemer dans le Blaisois où il se met à écrire. Selon la légende qu’il a lui-même forgée bien plus tard, c’est à Casteljaloux que, alors qu'il était entre la vie et la mort, lui seraient venues les premières « clauses » de son grand poème épique sur les guerres de religion, Les Tragiques.
Aubigné retourne à la cour de Navarre en 1579. En 1582, il est au plus mal avec la reine Marguerite de Valois qui demande à son époux de l'éloigner. Ses relations avec Diane d'Andoins, maîtresse du roi, ne sont pas meilleures. En 1588, il déconseille au roi de se séparer de son épouse légitime pour épouser sa maîtresse. Entretemps, il a épousé Suzanne de Lusignan de Lezay, au château de Bougouin à La Crèche, en 1583.
Pendant les guerres de la Ligue, il s'illustre de nouveau au combat. Il participe à la bataille de Coutras que remporte Henri sur l'armée royale en 1587. Henri de Navarre le nomme maréchal de camp en 1586, puis gouverneur d’Oléron et de Maillezais, qu’il avait conquis par les armes en 1589, puis vice-amiral de Guyenne et de Bretagne.
Après l’assassinat du duc de Guise en 1588, il reprend part aux combats politiques et militaires de son temps. Il est alors le représentant de la tendance dure du parti protestant (« les Fermes ») et voit d’un mauvais œil les concessions faites par le chef de son parti pour accéder au trône. Comme de nombreux protestants, d’Aubigné ressent l’abjuration d’Henri IV, en 1593, comme une trahison. Les divergences politiques et religieuses finissent par le séparer du roi. Il est peu à peu écarté de la cour, dont il se retira définitivement après l’assassinat d’Henri IV en 1610. À partir de 1620, sa tête est mise à prix, il s’exile définitivement et en secret grâce à son ami d'enfance Jean d'Harambure dit le Borgne à Genève. Aubigné et Henri IV ne se doutaient pas que leurs petits-enfants respectifs, Louis XIV et Françoise d’Aubigné, s'uniraient en 1683.
En 1611, à l’Assemblée des églises protestantes de Saumur, D’Aubigné, élu pour le Poitou, ridiculise le parti des « Prudents » dans Le Caducée ou l’Ange de la paix.
Il semblerait que c’est à cette période qu’il se tourna vers l’écriture de ses œuvres, et en particulier des Tragiques. Mais ce n’est pour lui qu’un autre moyen de prendre les armes, en multipliant les pamphlets anti-catholiques et les attaques polémiques contre les protestants convertis.
De son premier mariage avec Suzanne de Lusignan de Lezay, d'une branche cadette de l'illustre maison de Lusignan, il a un fils, Constant, père de Françoise d’Aubigné, la future marquise de Maintenon, et deux filles, Louise Arthémise de Villette et Marie de Caumont d’Adde (1586-1624). Son fils Constant d'Aubigné lui causa les plus grandes déceptions de sa vie. À sa grande horreur, ce dernier abjura le protestantisme en 1618 pour mener une vie de débauche dans le château paternel de Maillezais et de malversation, avant de tuer sa première femme, surprise en flagrant délit d’adultère dans une auberge, et de se remarier en prison à Jeanne de Cardilhac. Cette dernière donnera naissance à Françoise d'Aubigné (qui deviendra marquise de Maintenon et maîtresse puis épouse du roi de France Louis XIV). Il le déshérita, plongeant du même coup sa belle-fille et ses petits-enfants dans la misère.
Après la mort de son épouse en 1596, d'Aubigné eut un fils naturel avec Jacqueline Chayer, Nathan d'Aubigné, ancêtre de la famille suisse des Merle d'Aubigné.
Refusant tout compromis, d’Aubigné est contraint de quitter la France, en 1620, après la condamnation de son Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601 par le Parlement. Il se retire alors à Genève, où est publié l’essentiel de ses œuvres. Il y épouse, en 1623, Renée Burlamacchi, petite-fille du Lucquois Francesco Burlamacchi, et y meurt sept ans plus tard.
Agrippa d’Aubigné meurt à Jussy le 9 mai 1630, à l’âge de 78 ans.
Charles Forbes René, comte de Montalembert, plus connu sous l'appellation de Charles de Montalembert, né le à Londres, mort le à Paris, est un journaliste, historien et homme politique français. Pair de France, membre des assemblées constituante et législative de la Deuxième République, membre du Corps législatif du Second Empire, il est l'un des auteurs de la loi Falloux ().
Charles est le fils de Marc-René de Montalembert (1777 - 1831) et d'Élise Rosée Forbes (1788 - 1839), d'origine écossaise. Il est né à Londres le 15 avril 1810. Le nom "Forbes" placé parmi ses prénoms, selon une coutume anglaise, est le nom de famille de sa mère.
Durant ses premières années de jeunesse, Charles est élevé par James Forbes, son grand-père maternel en Angleterre, à Stanmore. Cet aïeul encadre sa jeunesse et devient son repère principal, source de stabilité alors même que ses parents voyagent en Europe pour réaliser les missions diplomatiques qui sont les leurs. C'est à neuf ans qu'il quitte cette stabilité, lorsque son grand-père décède.
Il arrive en France afin de réaliser ses études à Paris, d'abord au lycée Bourbon (actuel lycée Condorcet), puis, à partir de 1826, à l'institution Sainte-Barbe, pour y étudier la rhétorique et la philosophie. Mais ayant été d'abord familiarisé avec la langue et les habitudes britanniques, il se démarque de ses camarades. De plus, Sa mère, élevée dans l'église anglicane, se convertit au catholicisme en 1822, ce qui renforce sa foi religieuse. Il constate, durant les deux années passées à Sainte-Barbe, que les élèves étaient touchés par « la fièvre irréligieuse qui régnait alors parmi la jeunesse confiée à l'Université », ce constat devient une source de combat.
Étudiant zélé et d'une grande précocité intellectuelle, marqué par l'exemple du système politique britannique, Charles de Montalembert développe alors des idées politiques libérales.
Pendant son adolescence, il développe un cercle important de relations intellectuelles et mondaines : il fréquente les salons de Madame de Davidoff, de Delphine Gay, assiste aux cours du philosophe Victor Cousin, avec lequel il se lie d'amitié, de même qu’avec François Rio, professeur d'histoire au lycée Louis-le-Grand. Ses amis les plus proches sont alors Léon Cornudet (1808-1876), futur conseiller d'État, et Gustave Lemarcis, qu'il a rencontré en septembre 1827 au château de la Roche-Guyon, lors d'un séjour chez Louis-François de Rohan-Chabot.
Comme toute sa génération, Montalembert est influencé par les idées romantiques, rêve de sublime, de génie et de sacrifice. À l'âge de quinze ans, il prend la résolution solennelle de servir à la fois Dieu et la liberté de la France :
« En vivant pour notre patrie, nous aurons obéi à la voix de Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres ; et comment pourrions-nous mieux aimer nos concitoyens qu’en leur dévouant notre vie entière ? Nous aurons ainsi vécu pour ce qu’il y a de plus beau et de plus grand dans le monde, la religion et la liberté. »
Après avoir obtenu son baccalauréat (2 août 1828), ainsi qu'un prix de rhétorique au concours général, il part le 26 août rejoindre ses parents à Stockholm, où, en 1827, Marc-René de Montalembert a été nommé ambassadeur. Le jeune vicomte de Montalembert admire alors Stockholm et les institutions politiques suédoises, mais méprise le roi Charles XIV (Maréchal Bernadotte, 1763-1844), en raison de ses origines roturières et de son passé bonapartiste. Rebuté alors par la lecture de Kant, dont il traduit pour Cousin la Critique de la raison pratique, il découvre avec enthousiasme les œuvres des penseurs idéalistes et mystiques allemands, Schelling, Zimmer, Baader, qui l'amènent à renier peu à peu l'éclectisme de Victor Cousin.
De retour à Paris en 1829, il commence des études de droit tout en publiant des articles sur la Suède dans la Revue française, dirigée par François Guizot, Victor de Broglie et Prosper de Barante et en collaborant à l'hebdomadaire Correspondant, fondé en mars 1829 par Louis de Carné, Edmond de Cazalès et Augustin de Meaux.
Félicité de Lammenais.
En matière littéraire, Montalembert est favorable à la jeune école romantique. Dans une lettre qu'il envoie à son ami Lemarcis, il le blâme avec humour, d'être un « vieux classique encroûté » pour mieux défendre les nouveaux courants de poésie romantiques. Mais il sera parmi les premiers à saluer La Peau de chagrin d'Honoré de Balzac, « comme le roman qui a révélé l'énorme besoin de spiritualité de notre époque ». Sa mère reçoit fréquemment Lamartine, Martignac, Delphine Gay. Charles de Montalembert admire Vigny, Sainte-Beuve et, par-dessus tout, Victor Hugo. Il soutient ardemment Hernani, qu'il voit comme une manifestation de la liberté dans le théâtre. Il fréquente alors assidûment le poète, qui lui fait découvrir l'architecture religieuse du Moyen Âge alors qu'il est en train de préparer Notre-Dame de Paris.
Le 25 juillet 1830, Charles de Montalembert part pour l'Angleterre. Il est à Londres pendant la révolution de Juillet. D'abord favorable à la chute de Charles X, coupable selon lui d'avoir violé la Charte, fondement des libertés garanties par la monarchie constitutionnelle, il réprouve ensuite les excès anti-religieux des libéraux.
Depuis l'Angleterre, il part pour l'Irlande. Il y rencontre Daniel O'Connell, le fondateur de l'Association catholique (Catholic Association), qui a obtenu en 1829 l'émancipation politique des catholiques d'Irlande et qui personnifie aux yeux de Montalembert la liberté et la foi triomphantes, ainsi qu'une victoire pacifique, fondée sur le droit et non sur la violence. Montalembert est alors séduit par l'Église catholique d'Irlande, « libre et pauvre comme à son berceau », puisque le gouvernement n'y prend aucune part à la nomination des évêques, et qu'elle ne vit que des dons de ses fidèles, situation qui contraste fort avec celle de l'Église de France, dont la situation est réglée par le Concordat de 1801 et les articles organiques : traditionnellement unie au gouvernement de la Restauration, sous le nouveau régime de la monarchie de Juillet, elle est en butte à l'opposition libérale.
Montalembert attend avec impatience depuis son adolescence de s'engager pour défendre la liberté civile et la liberté de l'Église catholique. Longtemps, il se sent isolé dans cette voie. En désaccord avec les idées réactionnaires de la plupart des aristocrates catholiques qu'il fréquente, il déclare ainsi en 1827 que :
« Au nom d'une religion qui a introduit la vraie liberté dans le monde, on me prêche l'arbitraire et l'ancien régime. [...] Mais aujourd’hui je ne désespère pas de trouver des hommes qui [...] prennent pour mobile de leur conduite Dieu et la liberté. »
Henri Lacordaire, par Théodore Chassériau, 1840, Musée du Louvre.
À l'issue de la révolution de 1830, sa rencontre avec le père de Lamennais lui fournit enfin l'occasion de s'engager pour défendre ses idées, et de développer dans le journal l'Avenir les thèses qui formeront la base du catholicisme libéral, mêlant la doctrine contre-révolutionnaire traditionnelle telle que l'avait développée Joseph de Maistre et la pensée libérale héritée des Lumières et de la Révolution française.
Lancé en octobre 1830 par Lamennais, dans un contexte très anticlérical, le nouveau journal marie ultramontanisme (défense de la souveraineté absolue du pape en matière religieuse) et libéralisme (défense de la liberté de conscience, de la liberté d'expression), aspirations démocratiques et catholicisme. Son rédacteur en chef est Lamennais, secondé par les abbés Gerbet et Lacordaire, qui devient rapidement l'un des amis les plus proches de Montalembert. Le 7 décembre 1830, les rédacteurs de l’Avenir résument leurs revendications : ils demandent la liberté de conscience, la séparation de l'Église et de l'État, la liberté d'enseignement, la liberté de la presse, la liberté d'association, la décentralisation administrative et l'extension du principe électif.
Les contributions de Montalembert dans l'Avenir concernent principalement la liberté d'enseignement et la défense des droits des peuples opprimés. Il soutient en effet l'émancipation des nationalités européennes, au nom du droit des personnes et des communautés à disposer d'elles-mêmes. Séduit par l’exemple des luttes d'Irlande, de Belgique, de Pologne, où l’Église catholique joue un rôle prépondérant dans le combat pour la liberté des nations, Montalembert rêve alors, à la suite de Lamennais, d’établir une souveraineté spirituelle du pape sur les peuples chrétiens d'Europe unis et libres.
Il soutient donc avec éloquence l'Irlande catholique de Daniel O'Connell, ainsi que la Belgique, soulevée le 15 août 1830 contre les Hollandais protestants qui la gouvernaient depuis le Congrès de Vienne de 1815. Mais ses accents les plus dramatiques sont consacrés à la Pologne : écartelée au XVIIIe siècle, elle se révolte en novembre 1830. Le 2 décembre 1830, les Russes sont chassés de Varsovie. Montalembert songe même alors à partir combattre auprès de la « fière et généreuse Pologne, tant calomniée, tant opprimée, tant chérie de tous les cœurs libres et catholiques. » L'Avenir appelle alors, sans succès, le gouvernement français à soutenir les Polonais insurgés. Finalement, l'insurrection polonaise est écrasée le 12 septembre 1831, et Montalembert écrit alors dans l'Avenir : « Catholiques ! la Pologne est vaincue. Agenouillons-nous près du cercueil de ce peuple trahi ; il a été grand et malheureux. »
D'autre part, afin de défendre la liberté de l'enseignement, en dehors du monopole de l'Université napoléonienne, conformément à leur interprétation de la Charte de 1830, les journalistes de l'Avenir fondent en décembre 1830 l'Agence générale pour la défense de la liberté religieuse, et ouvrent, le , une école libre, rue des Beaux-Arts, à Paris. Aux côtés de Lacordaire et de l'économiste Charles de Coux, Montalembert s’improvise alors maître d’école. Après un procès retentissant devant la Chambre des pairs, qui s’achève par la condamnation de cette initiative et la fermeture de l’école, l’Avenir est suspendu par ses fondateurs le . En butte à l'opposition d'une majorité des évêques français, traditionnellement gallicans, ils décident d'en appeler directement au jugement du pape Grégoire XVI.
Le 30 décembre 1831, Lacordaire, Lamennais et Montalembert, les « pèlerins de la liberté », se rendent donc à Rome afin de connaitre l'avis du pape sur les doctrines développées dans le journal l'Avenir ainsi que dans la congrégation de Saint-Pierre naissante. D’abord confiants, ils déchantent vite face à l'accueil qui leur est accordé. En effet, contrairement à leurs attentes, le , le pape Grégoire XVI, condamne leurs idées libérales par l'encyclique Mirari Vos. Après de nombreuses hésitations, les auteurs écrivent une lettre publique de soumission à l'encyclique et renoncent à faire paraître l'Avenir. Félicité Lamennais est, quant à lui, condamné une nouvelle fois par le pape en 1834 par l'encyclique Singulari nos. Cette nouvelle condamnation marque la fin de l'amitié avec Charles Forbes de Montalembert.
En 1835, Charles Forbes Montalembert rédige un ouvrage intitulé Histoire de sainte Elisabeth, duchesse de Thuringe et Tertiaire Franciscaine au XIIIe siècle. Ce livre présente une histoire du XIIIe siècle et une apologie de l’apport civilisationnel de l’Église, influencé par le mouvement romantique. Il rédige ce livre à l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Le livre est un important succès de librairie tout au long du XIXe siècle.
Après la publication de l'Histoire de sainte Elisabeth, séduit par la vie monastique et encouragé en ce sens par Lacordaire et Dom Guéranger, Montalembert hésite à choisir cette voie. Cependant, il conservera durant le reste de sa vie une relation épistolière importante avec le supérieur général de l'Abbaye de Solesme, Dom Guéranger.
Il rencontre Marie-Anne (dite Anna) de Mérode, fille du comte Félix de Mérode, héros de l’indépendance de la Belgique en 1830 et conseiller du roi Léopold Ier de Belgique, et de Rosalie de Grammont, dont le père, le marquis de Grammont, était l’un des principaux actionnaires de l'Avenir.
Anna de Mérode est âgée de 18 ans en 1836. Les deux jeunes gens sont unis le 16 août 1836 à Trélon, dans le château de la famille de Mérode en Hainaut français, lors d’une cérémonie présidée par Philippe Gerbet. Suit un voyage de noces en Allemagne et en Italie. Reçus par Manzoni à Milan, les jeunes époux partent ensuite pour Rome. Montalembert, plusieurs fois reçu en audience par le pape Grégoire XVI, proteste alors devant lui de sa fidélité à son égard, achève de renier Lamennais et ses Affaires de Rome, critique l'archevêque de Paris, Monseigneur de Quélen et les gallicans français, et plaide les causes de Gerbet et de Lacordaire.
Pair de France à partir de 1831, en 1837, Montalembert commence véritablement sa carrière parlementaire. Même s'il n'apprécie guère la Monarchie de Juillet, qu'il considère comme un régime individualiste, bourgeois et matérialiste, au détriment de la cohésion sociale et de l’union nationale, il décide de soutenir cette monarchie constitutionnelle et libérale, dans le travail législatif mené à la Chambre des pairs. Il y défend inlassablement deux thèmes principaux : la défense du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et celle des libertés religieuses, à travers le rétablissement officiel des congrégations religieuses et la liberté d'enseignement.
Il est partisan de la monarchie constitutionnelle et du libéralisme politique, défendant la liberté de la presse et la liberté d'association, et accordant un soutien constant aux droits des nationalités opprimées. Partisan de la liberté de l'enseignement.
Ainsi, il soutient en Espagne les partisans de la reine Isabelle II, favorables à une monarchie constitutionnelle, et défend avec constance la cause de la Pologne. Il lutte surtout pour la liberté de la Belgique, dont il avait salué l’affranchissement en 1830 : en 1838, lors de la crise diplomatique du Luxembourg et du Limbourg, il tente aux côtés de son beau-père, Félix de Mérode, mais sans succès, de convaincre le roi Louis-Philippe et son ministre, Mathieu Molé, de défendre les prétentions territoriales belges du roi Léopold contre le roi Guillaume Ier des Pays-Bas.
Cependant, l'essentiel de l'action de Montalembert pendant les années 1837-1850 vise à la constitution d’un « parti catholique » unifié, fédérant l’action des catholiques français autour de la défense des intérêts de l'Église et la liberté d'enseignement, en s’assurant de l’appui des évêques, qui avait cruellement manqué aux hommes de l'Avenir.
L’action à mener est immense, à la mesure de la division des catholiques français : les uns sont fidèles au régime déchu en 1830, au gallicanisme, et considèrent le roi Louis-Philippe comme un usurpateur. À leur tête se trouve Monseigneur de Quélen, l'archevêque de Paris, appuyé par l'abbé Dupanloup. L'autre fraction, soutenue par le pape Grégoire XVI, rassemble une partie de la jeune génération catholique, sous la direction de Lacordaire, Ozanam, et Montalembert. Ultramontains et libéraux, ils entreprennent alors, chacun à leur manière, de réconcilier la religion catholique et la société française post-révolutionnaire, en détachant le catholicisme français des traditions légitimistes et gallicanes : tandis que Frédéric Ozanam se tourne vers l’action charitable, rapprochant les classes populaires de l’Église catholique, que Lacordaire prêche la liberté à Notre-Dame de Paris, Montalembert défend les libertés religieuses à travers son action politique.
À cette fin, il rachète en 1836 le journal l'Univers, fondé par l'abbé Migne, pour en faire un organe de combat au service des libertés de l'Église.
Il cherche ensuite à faire remplacer l’ancienne génération d’évêques légitimistes par des hommes indépendants du pouvoir royal et favorables aux idées libérales, et appuie auprès du roi plusieurs nominations importantes : celles de Bonald à Lyon, de Sibour à Digne, de Denys Affre à Paris, de Thomas Gousset à Reims, et de Doney à Montauban.
Montalembert soutient aussi la restauration des ordres religieux, supprimés en France par la Révolution française, qu'il s’agisse des bénédictins, reconstitués par Prosper Guéranger à Solesmes, ou des dominicains, restaurés par son ami Henri Lacordaire. Proche du père de Ravignan, il défend aussi avec constance les jésuites, très impopulaires, à plusieurs reprises menacés d'expulsion de France, dispersés en 1845.
L'essentiel des combats menés par Montalembert et le parti catholique ont un objectif principal : obtenir la liberté d'enseignement, à savoir, la possibilité de créer des établissements d'enseignement secondaire en dehors du monopole de l'enseignement public d'État. Cette liberté concernerait avant tout les congrégations religieuses enseignantes, notamment les jésuites.
Plusieurs projets de loi à ce sujet sont proposés par les ministres de l'Instruction publique successifs : Victor Cousin en 1840, Villemain en 1841 et 1844. Ces projets se heurtent à l'opposition de la gauche, mais aussi à celle d'une grande partie du clergé français, qui les juge trop sévères pour l'enseignement catholique ; ainsi, le projet de 1844 interdit explicitement l'enseignement aux membres de congrégations.
Une campagne de presse et d'opinion sans précédent est déclenchée par les catholiques, à l'instigation de Montalembert, afin d'obtenir une loi plus favorable. L'Univers de Veuillot est l'organe du mouvement, et Montalembert le défend avec constance auprès des autorités romaines méfiantes face au libéralisme du titre. De nombreuses brochures sont publiées. Plusieurs évêques, tels le cardinal de Bonald, ou Mgr Parisis, évêque de Langres, s'expriment publiquement, ainsi que les abbés Maret et Combalot. Montalembert lui-même publie en 1843 une brochure intitulée Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d'enseignement. Il y appelle les catholiques français à s'organiser pour la conquête de la liberté d'enseignement.
En conséquence, en 1844, Montalembert structure la campagne sur l'ensemble du territoire national, créant un comité directeur ainsi que des comités départementaux chargés de mobiliser sur le terrain l'opinion publique en faveur de la liberté d'enseignement par le biais de pétitions. Ces comités soutiennent aussi les candidats proches du parti catholique aux élections législatives de 1846. De nombreuses circulaires du comité central aux départements organisent la campagne, répandent les mots d'ordre de mobilisation. Précision intéressante, en juillet 1845 avec le prince de la Moskowa, fils du maréchal Ney, il proteste à la Chambre des Pairs contre les enfumades du Dahra, ordonnées par Bugeaud et le colonel Pélissier, l'un des épisodes les plus noirs de la conquête de l'Algérie.
Les élections sont un succès : plus de 140 députés élus sont favorables au parti catholique. Après ce succès, de nouvelles tensions apparaissent au sein du parti : certains, menés par Dupanloup, conservateur et proche politiquement du pouvoir royal, sont partisans de négocier avec le gouvernement, tandis que les partisans de Veuillot souhaitent poursuivre le combat. Mais ils sont de nouveau rassemblés dans leur opposition commune au projet de loi présenté en 1847 par Salvandy.
Son engagement en faveur de la liberté d'enseignement le pousse à cautionner par sa présence le 4 avril 1856 la fondation par Augustin Louis Cauchy et Charles Lenormant de L'Œuvre des Écoles d'Orient, plus connue actuellement sous le nom de L’Œuvre d’Orient. Il fut même membre de son 1er Conseil général du 25 avril de la même année.
Député sous la Seconde République, il participe à l'élaboration de la loi Falloux sur l'enseignement. Il siège également à la Commission sur l'assistance et la prévoyance publiques présidée par Thiers.
Le 10 mars 1850, des élections législatives partielles donnent une majorité aux socialistes à Paris. Les chefs de la droite, ou « Burgraves », Adolphe Thiers, Mathieu Molé, Pierre-Antoine Berryer, Changarnier, Montalembert, par crainte d'une victoire des socialistes aux élections de 1852, entreprennent, avec l'aval du président, une réforme de la loi électorale de la Constitution de 1848, imposant à tout électeur un domicile continu depuis trois ans, afin d'éliminer l'électorat ouvrier. Montalembert défend la loi, votée le 31 mai 1850, à l'Assemblée, affirmant alors : « Nous voulons la guerre légale au socialisme, afin d'éviter la guerre civile. »
D'abord favorable à une révision constitutionnelle, après le coup d'État du 2 décembre 1851, Montalembert décide de cautionner le fait accompli, par crainte de la révolution, et dans l'espoir d'obtenir de Louis-Napoléon des lois favorables aux catholiques (liberté d'association, abrogation des articles organiques de 1802). Aux côtés de Louis Veuillot, il appelle donc publiquement dans l'Univers à voter pour le coup d'État : « Je suis pour l'autorité contre la révolte, pour la conservation contre la destruction, pour la société contre le socialisme... »
Mais vite déçu par l'absolutisme du nouveau régime, et par l'absence de concessions aux catholiques, Montalembert officialise sa rupture avec le Second Empire le 20 octobre 1852 par la publication d'un ouvrage, Les Intérêts catholiques au XIXe siècle, dans lequel il fait l'éloge du gouvernement représentatif. Consterné par le ralliement de nombreux évêques auparavant légitimistes, comme Donnet, Salinis ou Parisis au régime autoritaire de Napoléon III, Montalembert y demande aux catholiques de ne pas associer la cause de l'Église et celle de l'absolutisme monarchique. L'ouvrage le réconcilie avec les libéraux, comme Lacordaire, mais le brouille définitivement avec le nouveau parti clérical, ultramontain et absolutiste, dont les idéologues sont Guéranger et Veuillot, qui traite le livre de « Marseillaise parlementaire ».
Pour répliquer aux attaques de l'Univers, les catholiques opposés à la dictature impériale relancent alors une revue, le Correspondant, fondée en 1828. Aux côtés de Montalembert y contribuent des orléanistes (le duc de Broglie, Dupanloup), des légitimistes (Falloux, Théophile Foisset), et des libéraux (Cochin, Lacordaire). Craignant un réveil d'anticléricalisme à la suite du ralliement de l'Église catholique à l'absolutisme napoléonien, de sa posture permanente d'adversaire de la raison, de la société moderne, de la liberté de conscience, des libertés politiques, la revue entreprend de montrer que ces principes constitutifs de la société moderne sont conformes à la religion catholique.
Le 9 janvier 1851, Charles de Montalembert est élu à l'Académie française, succédant au bisontin François-Xavier-Joseph Droz20. Il est reçu par Guizot le 5 février 1852. Avec les opposants au Second Empire, il soutient par la suite les candidatures de Dupanloup en 1854, de Berryer en 1855, de Falloux en 1856, de Lacordaire en 1860.
Sans enthousiasme, il siège au Corps législatif, tentant sans succès de faire exister une opposition parlementaire à l'Empire.
« L'histoire dira quelle fut l'infatigable complaisance et l'incommensurable abaissement de cette première assemblée du second Empire […], cette cave sans air et sans jour, où j'ai passé six ans à lutter contre des reptiles. »
Candidat de nouveau aux élections législatives de 1857 à Besançon, Montalembert bénéficie de l'appui réticent de l'Univers. Mais l'opposition de l'administration impériale contribue à un échec écrasant. En réaction, l'Académie française en fait son directeur. Le Correspondant devient alors son principal terrain d'action.
Ainsi, en 1858, Montalembert effectue un voyage à Londres, où il fréquente les princes d'Orléans exilés. Il assiste aux séances du parlement britannique. De retour en France, il écrit un article intitulé « Un débat sur l'Inde au Parlement anglais », dans lequel, tout en exaltant la liberté des parlementaires britanniques, il critique la vie politique française.
Les rédacteurs du Correspondant jugent l'article imprudent, mais l'enthousiasme de Lacordaire (« L'heure est venue de dire ce qu'on estime la vérité, quoi qu'il puisse en advenir… ») décide finalement Montalembert à le publier ; l'article paraît le 25 octobre 1858. Des poursuites sont engagées immédiatement contre Montalembert, accusé par le ministère public d'avoir « excité à la haine et au mépris du gouvernement », « violé le respect dû aux lois », « attaqué les droits et l'autorité que l'Empereur tient de la constitution et du suffrage universel ». Les adversaires du régime impérial font de ce procès une tribune politique. Défendu par les avocats Berryer et Dufaure, soutenu au tribunal par le duc de Broglie, Odilon Barrot, Villemain, et de nombreux autres opposants, Montalembert comparaît le 24 novembre 1858. Il est condamné à six mois de prison, 3 000 francs d'amende, et fait appel. Le 2 décembre, jour anniversaire de l'empire, l'empereur accorde sa grâce à Montalembert, qui la refuse. Il est donc jugé une deuxième fois, le 21 décembre 1858, et obtient une réduction de sa peine de prison de 6 à 3 mois, avant d'être de nouveau gracié par l'empereur.
Son travail diplomatique avec les élites anglaises lui valent une certaine reconnaissance, dont celui d'être photographié pour un journal londonien. Le 10 mai 1858, Montalembert, en visite à Londres, fait mention dans son Journal d’une séance photographique chez le photographe Henry Maull associé à l’imprimeur lithographe George Henry Polyblank. Ces deux associés publient à ce moment une série intitulée Photographic portraits of living celebrities, sélectionnant ainsi 40 personnalités des principaux domaines de la vie sociale (historiens, hommes politiques, hommes d’Église, explorateurs). Le portrait du « comte de Montalembert » est publié en février 1859.
Puis Montalembert s'oppose au soutien de la France de Napoléon III à l'unification italienne menée par le royaume de Piémont-Sardaigne sous l'égide de Cavour, menaçant le pouvoir temporel du pape Pie IX. En effet, en 1859, la France entre en guerre contre l'Autriche aux côtés du Piémont. En juillet 1859, l'armistice de Villafranca termine la guerre. L'Autriche abandonne la Lombardie au Piémont. Mais la Toscane, ainsi que les villes de Parme et Modène, et les légations pontificales de Bologne, Ferrare et Ravenne demandent à leur tour leur annexion au Piémont, menaçant l'existence-même des États pontificaux. Napoléon III demande en janvier 1860 au pape de faire le sacrifice de ses provinces révoltées, déclenchant de vives réactions chez les catholiques français. L'Univers, qui soutient le pouvoir temporel du pape, est interdit.
Le beau-frère de Montalembert, Xavier de Mérode, prend la tête des armées du Saint-Siège.
En 1863, les prélats et hommes politiques catholiques de Belgique organisent un congrès international à Malines, rassemblant plus de trois mille participants. Le 20 août 1863 Montalembert y prononce un discours sur le rôle de l'Église dans les nouvelles sociétés démocratiques. Désespéré depuis des années par le discours réactionnaire de la plupart des organes les plus écoutés du Saint-Siège (notamment l'Univers et la Civiltà Cattolica), soutenant selon lui « les thèses les plus exagérées, les plus insolentes, les plus dangereuses, les plus répugnantes à la société moderne », révolté par l'attitude et les arguments de Veuillot et de Guéranger lors de l'Affaire Mortara, mais profondément fidèle à l'Église de Rome, Montalembert fait de son discours un manifeste en faveur du libéralisme catholique. Il réaffirme avec éloquence les principes fondamentaux du catholicisme libéral, tels qu'ils avaient été ébauchés dès l'époque de L'Avenir : défense de la liberté de conscience, indépendance de l'Église vis-à-vis du pouvoir politique. Il exalte l'ensemble des libertés publiques (liberté de la presse, liberté d'enseignement...), à terme bénéfiques selon lui à l'Église. Poursuivant son discours le 21 août, il développe plus particulièrement le thème de la liberté de conscience, tout en se défendant d'un quelconque relativisme religieux. Il affirme alors notamment :
« J'éprouve une invincible horreur pour tous les supplices et toutes les violences faites à l'humanité sous prétexte de servir ou de défendre la religion... L'inquisiteur espagnol disant à l'hérétique : la vérité ou la mort ! m’est aussi odieux que le terroriste français disant à mon grand-père : la liberté, la fraternité ou la mort ! La conscience humaine a le droit d'exiger qu'on ne lui pose plus jamais ces hideuses alternatives. »