On peut dire que c'est une suite d'un article précédent :
CES BEAUX MESSIEURS ET BELLES DAMES DE SAINT-MALO...
Pour Robert SURCOUF, le lien permettant une relation avec notre généalogie fut plus difficile à trouver et c'est par son épouse que j'y suis arrivé...
Robert Charles Godefroy SURCOUF est né le 12 décembre 1713 à Saint Malo et il se marie le 28 mai 1801 à Saint Malo avec la fille d'un armateur : Marie Catherine Blaize de Villeneuve.
C'est par sa généalogie à elle que nous allons remonter à Péronnelle Catherine Richard mariée à François Henri Guibert de La Salle, puis, en remontant encore quelques générations au-dessus à:
François de La Noé (ca 1520-1574) fils de Jean de La Noé et Françoise de Bois Boissel) marié le 8 avril 1540 à Marguerite Budes fille de François Budes et Anne de Callac.
Robert Surcouf, né le à Saint-Malo et mort le à Saint-Servan, est un corsaire et un armateur français.
Embarqué dès l'âge de treize ans, il devient ensuite capitaine corsaire. Il harcèle les marines marchandes et militaires britanniques, non seulement sur les mers de l'Europe, mais aussi sur celles des Indes, et reçoit d'eux le sobriquet de « tigre des mers ». Ses activités le font reconnaître — il est nommé membre de la Légion d'honneur le 26 prairial an XII () — et l'enrichissent. Il devient l'un des plus riches et plus puissants armateurs de Saint-Malo et un grand propriétaire terrien.
Robert Charles Surcouf naît le , à Saint-Malo, en France. S'il est certain que cette naissance eut lieu rue du Pélicot ou rue de la Bertaudière, on ignore toutefois laquelle des deux exactement. En effet sur le rôle d'imposition de 1773, la famille Surcouf est déclarée comme résidant rue du Pélicot, mais sur celui de 1775 son adresse est située rue de la Bertaudière. Le registre de 1774 ayant disparu, il est donc impossible de dire si la famille Surcouf habitait déjà rue de la Bertaudière tout en payant l'impôt à son ancienne adresse ou résidait encore à cette dernière.
Descendant d'une famille « ancienne, riche et justement considérée dans ce pays », fils de Charles-Ange Surcouf, sieur de Boisgris, et de Rose-Julienne Truchot de la Chesnais, il était notamment cousin de Duguay-Trouin par sa mère et par Pierre Porcon de La Barbinais (1639-1681), dit le « Régulus malouin ». Son frère aîné Nicolas Surcouf (né en 1770) est également corsaire. Par ailleurs, sous le règne de Louis XIV entre 1704 et 1705, son arrière grand-père paternel, Robert Surcouf de Maisonneuve (1671-1720) avait pris le commandement du navire corsaire le Comte de Toulouse.
Ses parents, commerçants, destinaient Robert Surcouf à la prêtrise. Il suit des études au collège de Dinan dont il fugue, en 1786, après avoir mordu le mollet du prêtre qui tentait de le retenir. Le jeune garçon parcourut sept lieues dans la neige pour rejoindre la mer, un trajet qui faillit lui être fatal. La même année, alors qu'il n'a que treize ans et demi, ses parents l'autorisent à embarquer à bord du brick Le Héron sur lequel il accomplit son premier voyage.
Embarqué comme pilotin sur le Héron faisant du cabotage à destination de Cadix, Surcouf, bien que sans solde (« apprenant le métier »), n'en mange pas moins à la table du capitaine et est considéré comme étant membre de l'état-major. En sa qualité d'élève officier il est exempté des corvées incombant habituellement aux mousses ; il apprend en revanche les rudiments de la navigation et du commandement, et ne perçoit pas de salaire. Après cette première expérience, il embarque le sur l'Aurore, navire marchand de sept cents tonnes commandé par le capitaine Tardivet, en partance vers les Indes pour y faire le commerce d'esclaves. Surcouf n'a pas encore seize ans. L’Aurore rejoint Pondichéry, d'où il est chargé de transporter des troupes à destination de l'isle de France. Cette mission accomplie, l’Aurore part chercher des esclaves sur la Corne de l'Afrique ; sur le chemin du retour, il fait naufrage dans le canal de Mozambique, quatre cents esclaves meurent noyés enchaînés dans les cales. Tardivet et son équipage, qui ont pu quitter le navire et rejoindre la terre ferme, affrètent un navire portugais, le San Antonio, en octobre 1790, pour retourner à Port-Louis, mais ils sont contraints de se dérouter sur Sumatra en raison de mauvaises conditions météorologiques. Finalement ils ne regagneront Port-Louis qu'à la fin 1790 à bord d'un vaisseau de guerre français parti de Pondichéry.
Statue de Robert Surcouf à Saint Malo.
Promu officier de la marine marchande, Surcouf embarque à bord du Courrier d'Afrique, un autre navire négrier en partance pour le Mozambique sous les ordres du capitaine Garnier. À son retour, il est nommé lieutenant par le capitaine Tardivet et embarque sur le nouveau navire de celui-ci, la Revanche. À son bord, Surcouf effectue plusieurs expéditions au large de Madagascar. Il quitte la marine de commerce et s'engage alors dans la Marine royale comme timonier. Il embarque sur la flûte de vingt canons la Bienvenue, en partance pour la métropole, et il est sous les ordres du lieutenant de vaisseau Haumont. La Bienvenue arrive à Lorient le . C'est là que Surcouf découvre les bouleversements politiques générés par la Révolution.
Après six mois passés sur place, Surcouf embarque comme lieutenant sur le navire négrier le Navigateur, commandé par le capitaine Lejoliff. Le Navigateur appareille le à destination du Mozambique avant de rejoindre l'Isle de France, où Surcouf est informé à son arrivée de l'éclatement des guerres de la Révolution. Il reprend du service dans la Marine royale comme enseigne auxiliaire à bord de la Cybèle, frégate de quarante canons, dans l'océan Indien. Il connaît son baptême du feu lors du premier combat de la Rivière Noire, le : la Cybelle, la frégate Prudente et la corvette Jean Bart parviennent à chasser deux petits vaisseaux britanniques de cinquante et 44 canons qui assuraient le blocus de l'île. C'est le seul combat de Surcouf dans la marine de l'État refusant toujours par la suite le commandement de frégates. Il retourne rapidement à la course, ne dépassant jamais le grade d'enseigne de vaisseau dans la marine militaire. À vingt ans, déjà capitaine au long-cours, il commande le Créole, un navire négrier alors que l'esclavage a été aboli dans les colonies françaises en février 1794 par la Convention. Sans en exclure la possibilité, il est toutefois douteux que, sous le commandement de Surcouf, le navire ait effectué un pareil transport : les rotations, avérées, du navire ne correspondent pas en termes de délai avec ceux nécessités par un voyage de nature "négrière".
Capitaine corsaire à vingt ans, Surcouf commande successivement plusieurs bâtiments : l' Émilie, le Cartier, la Clarisse, la Confiance et le Revenant. Il effectue des dizaines de combats et par deux fois, il fait front à deux contre un : en février 1799, contre l'Anna-Maria et le Coturbok, puis, en janvier 1800, contre la Louisia et le Mercury. Il totalise, entre 1795 et 1801, puis 1807 et 1808, pas moins de 44 prises dont deux — le Triton et le Kent — entreront dans la légende.
Faute d'avoir pu obtenir en juin ou juillet 1795 une lettre de marque, le capitaine brestois Le Vaillant renomma son navire le Modeste en Émilie. Armé pour le commerce, le bâtiment n'avait, de fait, qu'une faible puissance de feu et un équipage réduit. Il en confia le commandement à Surcouf dont la feuille de route était des plus claires : aller aux Seychelles afin d' y acheter des tortues, à défaut du maïs, du coton et autres marchandises.
Parti le de l'isle de France, Surcouf déroute dès le son navire de sa trajectoire initiale. Dans un procès-verbal — contresigné par l'ensemble de son équipage —, Surcouf se justifie ainsi : résultant d'une concertation entre Surcouf et ses hommes, la décision avait été prise d'un commun accord devant l'imposante présence de navires anglais. Dérouté pour sa sécurité vers l'est (secteur allant de la côte orientale du golfe du Bengale jusqu'au sud de la Malaisie), le navire y ferait cargaison de marchandises. Et de prévoir — si nécessité se faisait sentir — de défendre la dite cargaison à l'aide des quelques canons dont le bateau disposait.
Dans le cadre de cette « défense », il arraisonne le un brick anglais, le Peguan, dans les brasses du Pégou (delta de l'Irrawady situé sur le littoral de la Birmanie). Puis, s'étant dirigé vers l'embouchure du Gange, il rencontre le un senau américain — le Sambolass, le c'est le tour d'un schooner — le Russel, enfin le vient un brick-pilote du Gange : le Cartier. Plus performant que l’Émilie, dès sa prise Surcouf le renomme Hazard et s'y installe avec 23 hommes et quatre canons, confiant le soin à un de ses seconds de ramener l’Émilie à l'isle de France laquelle y arrivera à bon port le .
Dès le , Surcouf « inaugure » son nouveau navire par la prise d'un brick américain, la Diana, et ce après un bref combat. Le capitaine Tapson soulignera ultérieurement combien les Français se conduisirent en gentlemen. En effet aucun membre de l'équipage, passagères et passagers, n'eurent à se plaindre du moindre mauvais traitement à leur encontre.
Le lendemain, un indiaman de 1 000 tonneaux croise le Cartier, c'est le Triton. Surcouf inclus, ils sont 19 hommes et quatre canons, le Triton peut compter de son côté sur 150 hommes et 26 canons. Surcouf, sous pavillon anglais, s'approcha du navire, puis envoya le pavillon français juste avant l'assaut. L'abordage lancé, les officiers furent rapidement tués, désorganisant ainsi l'équipage, lequel se rendra après une résistance brève mais violente. Surcouf a vingt-trois ans, à la tête de trois navires, le Cartier, la Diana et le Triton, sa légende peut commencer.
Le Cartier sera envoyé à l'Isle-de-France sous le commandement d'un adjoint. Intercepté par le Victorious, il sera dérouté sur Madras. Contre promesse de régler une rançon (qui ne sera jamais payée), la Diana sera rendue au capitaine Tapson. Y seront embarqués les prisonniers faits sur le Triton, lesquels furent traités avec les mêmes égards que ceux de la Diana — la presse anglaise saluera d'ailleurs ce geste dans ses colonnes. Quant à Surcouf, ayant pris le commandement du Triton, une fois toutes ces affaires réglées, il fera route à son tour vers l'Isle-de-France — destination qu'il atteindra le .
Ayant armé en course sans lettre de marque, il fut sur le point d'être privé du fruit de ses exploits. En effet, dès qu'il accosta avec le Triton, ses prises furent confisquées puis vendues sans que ni Surcouf ni les armateurs de l'Émilie perçoivent quoi que ce fût dessus. Le tribunal de l'île en avait décidé ainsi par jugement rendu le 9 floréal an IV (), ayant estimé qu'absence de permission à faire la Course ôtait, dans ces conditions, tout droit financier. Malgré ce jugement peu flatteur, Surcouf, auréolé du prestige de la prise du Triton, fut le initié dans la loge maçonnique La Triple Espérance. Toutefois il ne resta pas longtemps en compagnie de ses nouveaux frères.
Bien que le montant des ventes soit inconnu, le préjudice devait être conséquent. De fait les armateurs de l'Émilie décidèrent d'envoyer, dès la mi-août, Surcouf plaider à Paris leur cause commune auprès du Conseil des Cinq-Cents. Informés des circonstances mais jugeant que l'exploit du fougueux corsaire méritait largement récompense, un décret fut pris en date du 17 fructidor an V () afin d'octroyer à Surcouf au titre de « don national » le montant de ses prises, évaluées à 1 700 000 livres. Surcouf ne voulut pas ruiner son pays dont les finances étaient mal en point. Non seulement il se contenta pour lui et les armateurs de 660 000 livres mais il poussa le geste jusqu'à proposer que cette somme soit réglée autrement que par de l'argent.
Son conflit juridique réglé, Surcouf accepta en février 1798 l'offre du négociant nantais Félix Cossin, à savoir le commandement du corsaire la Clarisse. Avec ses deux cents tonneaux, vingt canons et plus de cent hommes d'équipage, rejoint par son frère Nicolas qui devint pour l'occasion son second, Surcouf prit, le , la direction de l'océan Indien.
Avant même d'y être arrivé, le navire fit cinq rencontres et pas moins de quatre prises. Il croisa en premier, au passage de l'Équateur, un trois-mâts anglais aux 22 canons qui échappa de peu à un abordage. En effet, un de ses boulets ayant brisé le petit mât de hune de Surcouf, le trois-mâts put filer sans demander son reste.
Il y eut ensuite la rencontre avec l’Eliza, brick anglais de 150 tonneaux qui se rendit sans combattre. Le bateau fut emmené à isle de France et la vente de la cargaison rapporta 45 000 piastres soit 45 millions de livres. Puis viendra le Fly et deux autres navires, portugais cette fois.
Ayant fait une rapide escale à l'île Bourbon, Surcouf et son équipage repartirent de plus belle. Avant d'arriver au port de Soo-Soo (royaume d'Achem situé dans l'île de Sumatra), la Catherine et ses deux cents tonneaux chargés de diverses marchandises croisa le chemin de Surcouf, puis ce fut le tour des navires anglais l'Anna Maria et le Cotorbuk. Le premier livra une rude bataille tandis que le second tenta de se jeter sur les côtes. En rétorsion, le Cotorbuk fut conservé à titre de prise et vendu outre sa cargaison.
À cette liste s'ajoutera le Pacific, navire américain. Une fois capturé, un officier de Surcouf en prendra le commandement afin de le rapatrier sur l'Isle de France mais il sera intercepté par les Anglais qui saisiront à leur tour la cargaison et couleront ensuite le navire.
Après une escale à l'Isle de France, puis une autre à l'île Bourbon, laquelle fut des plus tendues avec les autorités locales, la Clarisse reprit la mer. Sur son chemin, il croisa le Rudenmark, un navire danois, un brick portugais la Notre Dame de Bon Succès, un trois-mâts chargé de sel et un autre chargé de fer. Vinrent enfin les trois-mâts l'Auspicious et l'Albion, respectivement de 500 et 460 tonneaux.
Passe alors à portée la Sibylle, navire anglais de 54 canons. Surcouf, avec ses vingt canons, jugea plus prudent de fuir le combat. Afin d'accroître sa vitesse, il allégea donc son navire en faisant jeter, comme la coutume le voulait en pareille circonstance, des canons à la mer, en l'occurrence, huit. Étant parvenu à échapper à la Sibylle, le corsaire reprit sa chasse et bien qu'amoindri en termes de puissance de feu, il arraisonnera un trois-mâts anglais la Jane, pourtant accompagné de deux autres navires. Mais ces derniers s'enfuiront, préférant laisser la Jane à son sort plutôt que de la secourir. Après un combat de trois heures et n'ayant plus de poudre pour ses canons, son commandant se résignera à la reddition. Il sera conduit, lui et son bâtiment, à l'Isle de France sous la direction d'un officier de Surcouf.
Une dernière prise a lieu, clôturant la liste par un nouvel exploit du corsaire. En effet, le navire de Surcouf rencontra sur son chemin deux bâtiments américains : la Louisia et le Mercury. Un combat commença à un contre deux. Outre ce désavantage numérique, s'ajoutaient pour Surcouf un armement diminué et un équipage fortement réduit puisqu'une partie avait été déléguée sur la Jane.
Après un échange de coups de canons entre les trois navires, la Louisia se rua sur la Clarisse, provoquant l'accrochage des deux bateaux. Surcouf en profita pour se lancer à l'abordage de la Louisia avec trente hommes, le reste de l'équipage continuant de canonner de plus belle le Mercury, lequel préféra finalement s'enfuir. Après cette nouvelle victoire, Surcouf rejoignit l'Isle de France en date du , suivi, le 11 du même mois, par son frère Nicolas, à qui il avait confié le convoyage de la Louisia.
Le , la Clarisse repartit en course mais avec un nouveau capitaine. Surcouf, quant à lui, quitta l'île, le 10 mai, sur la Confiance sans son frère Nicolas, et ce pour une raison inconnue. En dix-huit mois, Surcouf avait fait quinze prises pour un montant, dans son estimation la plus pessimiste, de 264 000 piastres soit l'équivalent en monnaie française de 264 millions de livres.
La Confiance est une frégate de 24 canons lancée en 179921. Parti le de l'isle de France, il ne lui faut pas plus d’un mois et demi pour faire une première prise : un trois-mâts américain l'Alknomack, jaugeant 350 tonneaux et nanti de quatorze canons. Il n’y eut pas de bataille. Si les deux coups de semonce du corsaire laissèrent de marbre l'Alknomack, les trois coups de canons à boulet qui suivirent, plus explicites, incitèrent l’équipage à se rendre sans combat.
Fin septembre 1800 sera une période chargée : le 19 septembre, le Praise, un trois-mât de huit cents tonneaux, est arraisonné. Le 22 septembre, c'est le tour d'un brick anglais dont on ignore le nom et le tonnage. Le , l’Harriet et ses quatre cents tonneaux connaît le même sort. Le , un brick danois croise le chemin de Surcouf et son équipage. Délesté de sa cargaison de riz, le Danois se voit confier les prisonniers anglais qui venaient d’être capturés. Enfin, le , le Tiger et ses cinq cents tonneaux achève, pour ce mois, la période de course.
Le , l’Union et ses 450 tonneaux tombent dans l’escarcelle de Surcouf. Le voit la prise de deux navires : la Charlotte de 400 tonneaux et la Rebecca de 450 tonneaux. Puis vient le , date à laquelle Surcouf rentre de son vivant dans la légende avec la prise du Kent. Navire anglais de type indiaman, il appartient à la Compagnie anglaise des Indes orientales. Son tonnage est presque le triple de celui de la Confiance, soit 1 200 tonneaux. Il aligne quarante canons de calibres divers face aux 24 canons de la Confiance, tous de calibre inférieur à ceux du Kent. Enfin, côté anglais, on compte 437 hommes tandis que les Français n'en ont que 160.
À l'aube du , les deux navires s'aperçoivent. Certain de sa supériorité, le capitaine anglais convia ses passagers au « spectacle », lequel durera moins de deux heures. Après une course-poursuite nautique où Surcouf se montra plus fin stratège que son adversaire, la Confiance put accoster le Kent, permettant ainsi son abordage. En dix minutes — les Anglais affirmeront vingt — après un combat acharné, l’affaire sera réglée. Il en résultera pour les Anglais, bien que trois fois supérieurs en nombre, une perte humaine quatre fois plus nombreuse que celle des Français, lesquels compteront dans leurs rangs entre trois et cinq morts et de six à treize blessés.
Le combat achevé, Surcouf arrêtera immédiatement le début de pillage de ses hommes et veillera à ce que les passagères ne subissent aucun outrage. De cette prévenance naîtra une véritable amitié entre Surcouf et l'époux de l'une d'elles, une princesse d'origine allemande mariée au général Saint John.
Puis la Confiance et le Kent, dont le commandement fut confié à son second, le capitaine Drieux, feront route vers l'isle de France où ils arriveront en date du . La vente du navire ainsi que sa cargaison sera estimée à 100 000 piastres, soit cent millions de livres. À la suite de quoi la Confiance sera désarmée puis chargée de marchandises, prenant la direction de la France et atteignant La Rochelle le .
La prise du Kent aurait été racontée, selon la tradition, par le texte de la chanson de marins Au 31 du mois d'août, bien qu'ayant eu lieu un 7 octobre.
Au total, entre les prises de la Clarisse au montant estimé (à minima) à 264 millions de livres, et celles de la Confiance évaluées à deux cents millions de livres (dont cent millions rien que pour le Kent), Surcouf peut se flatter d’avoir amassé près de 500 millions de livres. Il est possible que la prise du Kent ait inspiré la chanson de marin « Le Trente et un du mois d'août », laquelle modifie toutefois la date du combat. Quant à gêner l'ennemi, premier but de la course, le résultat sera dans ce domaine tout aussi positif : prime au montant record pour qui capturerait Surcouf, hausse des tarifs d'assurance, et installation de filets anti-abordage sur les navires anglais. Consécration suprême : le nom de Surcouf aurait été utilisé comme équivalent du croquemitaine par les mères pour calmer les petits Anglais trop turbulents.
La Confiance sous les ordres de Surcouf (24 canons et 160 hommes) prend le Kent (quarante canons et 437 hommes). Tableau de Ambroise-Louis Garneray.
En 1801, revenu à Saint-Malo, il épouse Marie-Catherine fille de l'armateur malouin Louis Blaize de Maisonneuve. Surcouf pouvant déjà se prévaloir d'être à la tête d'une petite fortune, les familles des deux jeunes gens appartenant au monde des armateurs malouins, il n' y a donc pas de difficulté à ce que le mariage se fasse.
Bien que jeune marié, Surcouf n'envisage pas pour autant d'arrêter ses activités de marin. Il prépare d'ailleurs activement l'armement d'un navire en vue de lui faire faire la Course quand la signature de la paix d'Amiens met un terme à son projet. Devenu armateur, la paix le contraint à pratiquer uniquement le commerce maritime mais dès la reprise des hostilités avec l'Angleterre en 1803, il retourne à ses activités guerrières, à la fois comme armateur mais aussi en tant que corsaire lui-même.
En tant qu'armateur, ses navires dédiés à la Course connaîtront des fortunes diverses. Ainsi le bilan de la Caroline, navire corsaire de 1804 à 1806, commandé par son frère Nicolas, sera très positif. Le Marsouin, corsaire de 1805 à 1808 pour être finalement très lucratif, le sera néanmoins moins que le premier. En revanche si le Napoléon, corsaire de 1805 à 1806, est peut-être rentré dans ses fonds, la Confiance, corsaire de 1805 à 1806 sera totalement déficitaire.
Dès 1803, tout incite Surcouf à reprendre la mer. En effet, durant l'été, Napoléon lui offre un grade élevé — peut-être celui de capitaine de vaisseau — et le commandement d'une escadre, mais Surcouf refuse. Peu enclin à être commandé, il prétexte le manque d'efficacité de la Marine d'État au regard des ravages engendrés par la course au sein de l'économie ennemie. Napoléon ne lui tiendra pas rigueur, lui faisant même décerner, en 1804, la Légion d'honneur.
Le corsaire Surcouf repart donc le . Il commande le Revenant, un solide trois-mâts de quatre cents tonneaux et vingt canons (six de huit livres et quatorze carronades de 32). Officiellement il n'en est pas l'armateur mais le nom du navire indique qui est, dans les faits, le véritable « maître » tant à bord que sur les quais.
Surcouf, en multipliant exploits et prises, redevient rapidement dans les parages de l'Inde, la terreur du commerce britannique. Contraint de rassurer ses propres armateurs, le gouvernement anglais devra se résigner à l'envoi de plusieurs frégates supplémentaires dans ces mers. Mais Surcouf n'en continuera pas moins d'être aussi insaisissable que redoutable.
Ainsi, entre septembre 1807 et février 1808, Surcouf pourra se flatter d'avoir été pourchassé une dizaine de fois mais toujours en vain grâce à la vitesse du navire et l'adresse de son capitaine, d'avoir capturé quinze navires dont cinq ramenés à l'Isle de France et ce pour un montant avoisinant les deux millions et demi de francs — gains qui ne s'arrêteront pas là.
Quand un officier britannique a contesté la noblesse de Surcouf avec ces mots : « Vous, Français, vous vous battez pour l'argent. Tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l'honneur ! » Surcouf a répliqué : « Chacun se bat pour ce qui lui manque. »
Surcouf, pour un motif inconnu, confie le commandement à son cousin et second Joseph Marie Potier de la Houssaye. Ce dernier n'hésite pas à aligner les quatre cents tonneaux du Revenant aux 145 hommes et vingt canons face au Conceçao Y Sao Antonio, vaisseau portugais de mille tonnes, deux cents hommes et trente-quatre canons. Au bout d'une heure de combat, le capitaine portugais finit par se rendre portant ainsi le montant des gains du Revenant à presque 4 millions de francs.
Le navire aurait continué ses lucratifs exploits s'il n'avait été réquisitionné le par le capitaine général de l'Isle de France Decaen. Ce dernier justifie sa décision par la nécessité de devoir remplacer une frégate de la Marine d'État devenue inutilisable, la Sémillante. Surcouf, la mort dans l'âme, sera obligé d'accepter.
La Sémillante, rachetée par des négociants de l'île puis réparée, sera rebaptisée en Charles. Surcouf se voit confier le commandement de ce vaisseau particulièrement vétuste et lourdement chargé. Le navire sera sauvé une dernière fois. Se présentant début 1809 devant Saint-Malo, il y aurait fait naufrage sans l'adresse de Nicolas, son frère.
Entre 1809 et 1814, Surcouf armera encore sept navires corsaires dont le bilan militaire sera très mitigé car tous, hormis le Renard, seront rapidement faits prisonniers. Il en résultera un bilan financier catastrophique puisque la majorité de ces vaisseaux n'aura même pas le temps de faire au moins une prise, transformant ainsi leur armement en perte sèche.
C'est ainsi le cas de la Revanche qui portera bien mal son nom. Sortie en octobre 1809, elle est prise dès novembre. Sort identique pour la Biscayenne qui naviguera six mois, de mars à septembre 1810, sans inscrire à son actif une seule prise. La Dorade ne sera guère plus chanceuse. À peine mise à l'eau en avril 1810, elle se voit capturée dès août de la même année. Quant à l'Auguste, il totalisera trois semaines de navigation en tout et pour tout. En effet, mis à l'eau le , il est capturé dès le 17 septembre.
L'Edouard fera à peine mieux. Mis à l'eau en novembre 1811, fait prisonnier dès février 1813, il fera deux prises avant de tomber entre les mains anglaises. Le gain issu de ces deux prises ne couvrant pas les dépenses effectuées pour son armement, le bilan financier du navire sera lui aussi négatif. À l'inverse la Ville de Caen fera deux prises suffisamment conséquentes pour rendre bénéficiaire son armement durant les quatre mois qui séparent sa mise à l'eau en mars 1812 de sa capture en juillet.
Seul le Renard, cotre de soixante-dix tonneaux, avec un équipage de 46 hommes, armé de quatre canons de 4 et dix caronades de 8, ne sera jamais fait prisonnier. Le navire n'effectuera aucune prise lui non plus, mais à défaut de procurer des revenus financiers à son armateur, au moins il entrera dans la légende le en affrontant l'Alphéa, une goélette anglaise, largement supérieure en puissance de feu comme en hommes. Dotée de seize canons de 12, seize pierriers et d'un équipage évalué entre 80 et 120 hommes, son commandant exigea du modeste Renard une reddition qui lui fut refusée. Commença alors, par une canonnade nourrie de part et d'autre, un combat qui deviendra une légende - les Anglais étant à trois contre un tant sur le plan de la puissance de feu que de l'équipage.
Malgré leur infériorité, les Français rendirent dès le début du combat coups de canons pour coups de canons. Quand les navires parvinrent à s'agripper, capitaine et équipage du Renard, poussant l'audace, prirent même l'initiative de l'abordage. Deux seront successivement tentés mais à chaque fois repoussés par les Anglais. Les deux côtés se combattant avec la même rage, mitrailles et canonnades continuant, rapidement morts et hommes gravement blessés ne se comptèrent plus. Le capitaine du Renard fait d'ailleurs partie de ces derniers, son bras droit ayant été emporté par un boulet anglais.
La mer, particulièrement agitée ce jour-là, finit par séparer les navires. L'incident, loin d'arrêter le combat, fit redoubler les canonnades. Le combat en était là quand deux boulets français firent exploser la goélette anglaise qui coula corps et biens en quelques minutes.
Revenu à Saint-Malo, les dommages subis par le Renard nécessiteront sa reconstruction. En janvier 1814, le navire put enfin reprendre du service quand, en avril, Napoléon abdiqua. Les officiers du navire décidèrent alors de mettre fin à l'expédition, estimant que leur lettre de marque signée par l'empereur n'avait plus de légitimité.
Si la période 1803-1809 est une très belle réussite tant sur un plan militaire que financier, tout autre est le bilan des années 1809-1814. Entre les pertes sèches et les prises trop peu nombreuses, le déficit, pour cette période, est évalué à 400 000 francs.
Toutefois grâce à la période 1803-1809 et notamment aux exploits du Revenant, le solde global demeure malgré tout nettement positif. La fortune de Surcouf est certes entamée mais demeure suffisamment importante pour lui permettre de poursuive des activités d'armateur. L'année 1814 mettant un terme définitif à plusieurs siècles de course, les expéditions ne seront plus désormais que de nature purement commerciale.
Considéré encore de nos jours comme un des meilleurs marins que la France ait jamais eus, son palmarès reste inégalé. Il a attaqué en cinq ans de course plus de cinquante navires dont nombre ont été détournés vers les ports français.
Surcouf met un terme définitif à sa carrière de marin en 1809 pour se consacrer désormais à son activité d'armateur. Entre 1814 et 1827, il effectue 116 armements. La majorité de son activité sera orientée pour les deux tiers vers le cabotage et la pêche à la morue, le tiers restant consistant à faire du commerce dans l'océan Indien. Dans ce cadre six expéditions (deux avérées et quatre suspectées) seront dévolues à la traite des esclaves dans le cadre du commerce triangulaire comme le prouve sa signature sur une lettre envoyée à un commissaire de la marine.
« Monsieur Jullou, Commissaire principal, Chef maritime de Saint Servan. Monsieur, vous savez que mon navire, l’Africain, en rade de Solidor, destiné pour la traite des Nègres, ayant sa cargaison à bord, a été retardé depuis deux mois par les circonstances. Veuillez avoir la complaisance, Monsieur, d’écrire à S. Exc : le Ministre de la Marine, par ce courrier, pour lui demander si vous pouvez autoriser le départ de mon susdit navire pour le Gabon y traiter des Noirs... ! Agréez Monsieur l’assurance de ma considération distinguée. »
— Robert Surcouf, Saint-Malo, le
Pourtant si l'esclavage, rétabli depuis 1802, n'est pas remis en cause par les autorités, la traite a été déclarée illégale par un décret de mars 1815, confirmé par le traité de Paris.
À ses activités d'armateur s'ajoutèrent, au fil du temps, celles d'un gros propriétaire terrien, faisant peu à peu l'acquisition de huit cents hectares répartis en diverses métairies : en 1826, il fait l'acquisition de la malouinière de La Belle-Noë à Dol-de-Bretagne. Il demeurera d'ailleurs très actif dans la gestion de ses affaires jusque dans les derniers jours de sa vie comme en atteste une lettre écrite de sa main et datée du .
S'étant embarqué dès l'âge de treize ans à la fois par soif d'aventures et besoin d'argent, sa fortune est estimée à près de deux millions de francs à la fin de sa vie.
Amateur de bonne chère et de bons vins, devenu obèse avec les années et les excès, probablement atteint d'un cancer, lequel sera soigné par le biais de sangsues censées améliorer sa circulation sanguine, il meurt le dans une maison de campagne située près de Saint-Servan. Inhumé à Saint-Malo, sa tombe se trouve au cimetière dit de Rocabey avec comme épitaphe
« Un célèbre marin a fini sa carrière / Il est dans le tombeau pour jamais endormi / Les matelots sont privés de leur père / Les malheureux ont perdu leur ami. »
Il est marié le , à Saint-Malo, avec Marie-Catherine Blaize de Maisonneuve (1779-1848), fille de l'armateur malouin Louis Blaize de Maisonneuve. Ils ont ensemble plusieurs enfants :
Caroline Marie (1802-1852), épouse d'Auguste de Foucher de Careil (né en 1791), et postérité à nos jours, notamment représentée par la famille de Foucher de Careil et de Pioger ;
Éléonore (1804-1839), épouse Pierre Claude Florian Sevoy (né en 1786), et postérité à nos jours, notamment représentée par les familles Potier de Courcy, Abrial et Le Boulanger ;
Auguste (1806-1867), 2e baron Surcouf (1827), et postérité ;
Edouard (1810-1823), sans postérité ;
Robert Victor (1812-1813), sans postérité ;
Marie Pauline (1814-1860), épouse d'Achille, baron Guibourg (1799-1890), et postérité ;
Adolphe Eugène (1816-1878), marié mais sans postérité.
Bertrand François Mahé de La Bourdonnais est le petit-fils de Bertrand Mahé (né le 21 septembre1630 à Taden, près de Dinan (22)- et décédé le 20 avril1715 à Paramé (35)), sieur de la Bigotière, syndic de Dinan.
Il est le fils ainé de Jacques Mahé, sieur de La Bourdonnais (né le 14 février1674 à Dinan - et mort en 1705 à Plymouth), armateur et capitaine de navire, et de Ludivine Servane Tranchant, demoiselle de Prébois ( née le 02 mars 1671 à St Malo - décédée le 12 octobre 1741 à St Malo).
De cette union naissent :
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Bertrand François Mahé de La Bourdonnais (1699-1753)
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Jacques César Mahé, sieur de La Villebague (1704-1749), capitaine de navire, conseiller honoraire au Conseil supérieur de Pondichéry
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Mathurine Mahé, née vers 1700. Elle épouse en 1725 Jean Blaize (de Maisonneuve) (1701-1765) et est la mère de Louis Blaize de Maisonneuve né le 23 avril 1736 à Plounez, près de Paimpol (22) et décédé le 5 mars 1825 à St Malo, Armateur et Négociant, maire de St Malo du 27 juillet 1789 au 10 février 1790. Marié le 19 mars 1771 à Etables sur mer (second mariage) à Marie Catherine Fichet des Gréves, né le 29 novembre 1752 à Binic et décédée le 5 décembre 1827 à St Malo.
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D'où : Marie Catherine Blaize de Maisonneuve qui se marie le 28 mai 1801 à St Malo à Robert Surcouf...
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Notons dans ces généalogies de nombreuses origines costarmoricaines...
L'épouse de Robert SURCOUF, Marie Catherine Blaize de Maisonneuve a donc pour grand mère paternelle Mathurine Mahé de La Bourdonnais et pour grand oncle Bertrand François Mahé de La Bourdonnais, le frère de Mathurine.
Portrait de La Bourdonnais, par Antoine Graincourt
Bertrand François Mahé, comte de La Bourdonnais, né à Saint-Malo le (baptisé le 16 février dans cette même ville) et mort à Paris le 10 novembre 1753, est un officier de marine français, amiral de France. Engagé jeune au service de la Compagnie française des Indes orientales, il se distingue une première fois lors de la prise de Mahé (Inde) en 1724. Nommé Gouverneur général des Mascareignes pour le compte de la Compagnie des Indes en 1733, il prend son poste en 1735 et modernise, à renforts de grands travaux, les établissements français des mers de l'Inde, l'Isle de France et l'île Bourbon. Ces travaux lui valent l'hostilité de certains directeurs de la Compagnie, à Paris, en raison de leur coût.
En France, lorsque la guerre de Succession d'Autriche éclate, La Bourdonnais propose au ministre de la Marine, Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas, de prendre la tête d'une escadre pour assurer la supériorité de la France sur l'océan Indien. Il se distingue le 6 juillet 1746, à la bataille de Négapatam, contre une escadre anglaise, supérieure en nombre, commandée par Lord Peyton. Cinq mois plus tard, il prend Madras, pratiquement sans combattre, et négocie une rançon avec le commandant anglais de la place. Cet épisode sera à l'origine de l'opposition qu'il aura avec le général Dupleix, partisan d'une destruction de la ville. Accusé d'entente avec l'ennemi, il est destitué de son poste de gouverneur général des Mascareignes et envoyé en mission en Martinique. Il rentre en Europe sous un faux nom, mais est reconnu et reste prisonnier quelque temps à Londres. Il obtient la permission de rentrer en France pour défendre son honneur, mais est rapidement embastillé sur ordre du Roi, en 1748. Il doit attendre 1751 pour être jugé, et profite de sa captivité pour rédiger ses Mémoires. Innocenté, il meurt peu après sa libération, le 10 novembre 1753, à l'âge de 54 ans.
Bertrand François Mahé, comte de La Bourdonnais, né à Saint-Malo le (baptisé le 16 février dans cette même ville) et mort à Paris le 10 novembre 1753, est un officier de marine français, amiral de France. Engagé jeune au service de la Compagnie française des Indes orientales, il se distingue une première fois lors de la prise de Mahé (Inde) en 1724. Nommé Gouverneur général des Mascareignes pour le compte de la Compagnie des Indes en 1733, il prend son poste en 1735 et modernise, à renforts de grands travaux, les établissements français des mers de l'Inde, l'Isle de France et l'île Bourbon. Ces travaux lui valent l'hostilité de certains directeurs de la Compagnie, à Paris, en raison de leur coût.
En France, lorsque la guerre de Succession d'Autriche éclate, La Bourdonnais propose au ministre de la Marine, Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas, de prendre la tête d'une escadre pour assurer la supériorité de la France sur l'océan Indien. Il se distingue le 6 juillet 1746, à la bataille de Négapatam, contre une escadre anglaise, supérieure en nombre, commandée par Lord Peyton. Cinq mois plus tard, il prend Madras, pratiquement sans combattre, et négocie une rançon avec le commandant anglais de la place. Cet épisode sera à l'origine de l'opposition qu'il aura avec le général Dupleix, partisan d'une destruction de la ville. Accusé d'entente avec l'ennemi, il est destitué de son poste de gouverneur général des Mascareignes et envoyé en mission en Martinique. Il rentre en Europe sous un faux nom, mais est reconnu et reste prisonnier quelque temps à Londres. Il obtient la permission de rentrer en France pour défendre son honneur, mais est rapidement embastillé sur ordre du Roi, en 1748. Il doit attendre 1751 pour être jugé, et profite de sa captivité pour rédiger ses Mémoires. Innocenté, il meurt peu après sa libération, le 10 novembre 1753, à l'âge de 54 ans.
Il prend la mer dès son plus jeune âge. En 1718, alors âgé de 19 ans, il entre au service de la Compagnie française des Indes orientales comme lieutenant. Cinq ans plus tard, en 1724, il est nommé capitaine et montre tout son talent l'année suivante dans la prise de Mahé, sur la côte de Malabar.
Il quitte, peu de temps après, le service de la Compagnie des Indes, et arme pour son propre compte dans la mer des Indes. Il amasse pendant cette période une fortune considérable, qui lui permet à son retour en France de mener un grand train de vie. Il sert ensuite deux ans sous les ordres du vice-roi des Indes portugaises à Goa, puis retourne au service de la France.
En 1733, La Bourdonnais est nommé gouverneur général des Mascareignes, qui se trouvaient alors comprises dans le privilège de la Compagnie des Indes.
Ces cinq premières années sous son administration sont marquées par de nombreux succès : il contribue à leur développement tant militaire qu'économique.
À l'Isle de France, pour lancer la culture de la canne à sucre, il crée la première sucrerie de l’île au quartier des Pamplemousses avec du matériel venant de France. Et pour encourager les cultures vivrières, il aménage dans les jardins de Monplaisir, sa luxueuse résidence du quartier des Pamplemousses, des potagers et des vergers dont les fruits et légumes serviront à ravitailler les équipages à Port-Louis. Il encourage aussi les colons à cultiver le manioc, plante résistante aux divers prédateurs (rats, sauterelles), et dont la racine fournit une farine, la cassave, qui deviendra la nourriture de base des esclaves.
Il entreprend de doter Port-Louis, appelé jusque-là « Le Camp », d’une bonne infrastructure portuaire. Il fait creuser le port, l’enrichit d’une cale sèche pour réparer et construire les navires, d’un arsenal et d’un hôpital.
L'historien et biographe, Léon Guérin, dans son Histoire maritime de France (1844) :
« Dès que La Bourdonnais fut arrivé dans les îles de son gouvernement, il les étudia à fond. Son heureuse pénétration, son infatigable activité abrégèrent le travail. Il établit partout la discipline et la subordination, maniant avec autant d'adresse que de sévérité des esprits fougueux, et qui jamais encore ne s'étaient vus retenus dans les bornes du devoir et de l'obéissance. Après avoir réglé les intérêts moraux, comme eût fait un législateur consommé, il prit soin, en bon père, des intérêts matériels des colons. Le premier, il dota les îles de France et de Bourbon de leurs plantations de canne à sucre, et il établit des raffineries qui produisirent presque immédiatement à la Compagnie des Indes des sommes considérables. Il fonda aussi des fabriques de coton et d'indigo, fit cultiver le riz et le blé pour la nourriture des Européens, et naturalisa aux îles orientales de l'Afrique, pour la subsistance des esclaves, le manioc, qu'il avait apporté du Brésil. Manquant d'ingénieurs et d'architectes, La Bourdonnais se fit l'un et l'autre, et bientôt des maisons, des hôpitaux, des magasins, des arsenaux même, s'élevèrent à la place des cabanes, avec de bonnes fortifications pour protéger le tout ; des communications furent ouvertes, des canaux creusés, des ponts, des aqueducs, un port et des quais construits comme par enchantement.
Avant l'arrivée de La Bourdonnais on ne savait, à l'Île-de-France, ce que c'était de radouber ou de caréner un vaisseau. Les habitants, qui avaient de petites embarcations pour aller à la pêche, étaient incapables d'y faire par eux-mêmes la moindre réparation, et n'attendaient rien que du secours des ouvriers qui, de hasard, relâchaient sur leurs côtes. L'intelligent gouverneur, dont le coup d'œil avait deviné dans l'Île-de-France une émule possible de la colonie hollandaise de Batavia, un entrepôt commode et sûr pour la Compagnie française des Indes-Orientales, encouragea de toutes ses forces les colons à le seconder. Il fit chercher, voiturer, façonner tous les bois propres à la marine, et, en moins de deux ans, il eut tous les matériaux qu'il désirait à sa disposition… Bientôt les ouvriers de l'Île-de-France furent en état de doubler et radouber, non-seulement les bâtiments de leurs côtes, mais encore ceux qui venaient d'Europe. On ne s'en tint pas là. Un beau brigantin, navire de bas bord avec un grand mât, un mât de misaine et un mât de beaupré, plus en usage pour le commerce que pour la guerre, quoique très propre à faire la course, fut entrepris avec un plein succès par La Bourdonnais, qui lui fit succéder immédiatement, sur le chantier, un bâtiment de cinq cents tonneaux. Le port de l'Île-de-France ne tarda pas à être en aussi bonne renommée, pour la construction des vaisseaux, que celui de Lorient… C'est ainsi que l'Isle-de-France et celle de Bourbon, hier encore presque dédaignées comme d'inutiles rochers, devinrent en quelques jours l'orgueil de la mer des Indes, l'objet de la jalousie et de l'ambition des Anglais et des Hollandais. »
Il lance également une forte répression contre les Marrons, créant un corps spécifique pour leur donner la chasse, et récompensant chaque capture. Sur l'île Bourbon, il fait aménager le port de Saint-Denis et fonde la ville de Saint-Louis. Mais en 1740, alors qu'il se trouve en visite en France, il est obligé de repartir pour l'Inde pour faire face à la Marine britannique.
Cependant, ces aménagements considérables n'ont pas le succès escompté en France. Les financiers, qui dirigeaient à Paris les affaires de la Compagnie des Indes, se mettent à voir d'un mauvais œil les dépenses de leur premier établissement : ils les trouvent ruineuses et reprochent au gouverneur de ne pas assez prendre soin de leurs dividendes et de trop sacrifier le présent à l'avenir. La Bourdonnais est obligé de se justifier. Il est accusé d'administrer beaucoup plus pour son intérêt personnel que pour celui de la Compagnie. Alors qu'un des directeurs de la Compagnie lui demande un jour comment, ayant si bien fait fructifier ses propres affaires, il avait si mal conduit celles de la Compagnie, il répond fièrement à cette question : « C'est que j'ai fait mes affaires selon mes lumières, et celles de la Compagnie d'après vos instructions. » Il reçoit un brevet de Capitaine de frégate dans la Marine royale, en 1741. La même année, à la tête d'une escadre armée de moyens de fortune, le capitaine de La Bourdonnais libère une seconde fois le comptoir occupé par les Marathes.
Carte de l'île Maurice, alors appelée « Isle de France », datant de 1791 lorsqu'elle était encore française
Les Mascareignes sont un archipel de l'océan Indien formé de trois îles principales, La Réunion (France), l'île Maurice et Rodrigues (Maurice). L'archipel d'Agaléga et les écueils des Cargados Carajos (Saint-Brandon) qui appartiennent à Maurice, sont parfois rattachés aux Mascareignes.
La philatélie honore La Bourdonnais en France et à l'île Maurice.
Cependant, la politique de la paix à tout prix avait cessé de prévaloir au sein du gouvernement de la France, depuis la mort du cardinal de Fleury. En 1744, un an après la mort de ce très pacifique ministre, la France se trouve obligée de déclarer la guerre à l'Angleterre et à l'Autriche. Pour Voltaire, « La France ni l'Espagne, ne peuvent être en guerre avec l'Angleterre, que cette secousse donnée à l'Europe ne se fasse sentir aux extrémités du monde. » C'était aussi l'opinion de La Bourdonnais. Se trouvant à Paris au moment de la déclaration de guerre, il propose au gouvernement un projet dont l'objet est d'assurer, pendant la guerre, le contrôle de la mer des Indes à la France. Selon l'abbé Raynal :
« Convaincu que celle des deux nations qui serait la première en armes dans l'Inde aurait un avantage décisif, il demanda une escadre qu'il conduirait à l'Île-de-France, où il attendrait le commencement des hostilités. Alors il devait partir de cette île et aller croiser dans le détroit de la Sonde, par lequel passent la plupart des vaisseaux qui vont en Chine, et tous ceux qui en reviennent. Il y aurait intercepté les bâtiments anglais et sauvé ceux de son pays. Il s'y serait même emparé de la petite escadre que l'Angleterre envoya dans les mêmes parages, et, maitre des mers de l'Inde, il y aurait ruiné tous les établissements anglais. »
Le ministre de la Marine, Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas, comprend ce projet et l'accueille avec faveur. L'escadre demandée par La Bourdonnais lui est accordée ; mais, la Compagnie des Indes, qui n'avait pas été consultée, s'offense dans un premier temps, et s'effraie de cette entreprise dont les dépenses pèseraient sur elle, et dont La Bourdonnais aurait seul toute la gloire, mais également tous les profits. Elle prétend alors qu'un traité avec la Compagnie anglaise des Indes orientales la contraint à une neutralité complète dans l'océan Indien. Finalement, elle intrigue si bien, que l'escadre est rappelée. Mais, au premier signal de guerre, le gouvernement de Saint-James, qui n'était pas assez mal avisé pour sacrifier les grands intérêts de la politique aux petites vues d'une société de marchands, envoya dans la mer des Indes une escadre, et celle-ci fit main basse sur tous les bâtiments français naviguant dans ces parages sous la foi de cette neutralité dont s'était si naïvement bercée notre Compagnie des Indes.
« La Bourdonnais fut touché des inepties qui causaient le malheur de l’État, comme s'il les eût faites lui-même, et il ne songea qu'à les réparer. A force de soins, de constance, de ressources de toute espèce, dont personne ne s'était avisé avant lui; sans magasins, sans agrès, sans équipages ni officiers de bonne volonté, il parvint à former une escadre composée d'un vaisseau de soixante canons, et de cinq navires marchands armés en guerre.
Trois des bâtiments de l'escadre de La Bourdonnais, dont le vaisseau-amiral, l’Achille
C'est avec cette escadre improvisée que La Bourdonnais se met à la recherche de l'escadre anglaise commandée par Lord Peyton, forte de six vaisseaux de guerre. Il la découvre le 6 juillet 1746, à cinq heures du matin, à la hauteur de Négapatam, dans le golfe du Bengale. Léon Guérin en fait le récit :
« Le temps était serein, la mer belle, et il faisait un petit frais. Les vaisseaux anglais, plus fins manœuvriers et meilleurs voiliers que ceux qui avaient été si hâtivement construits par les Français, conservèrent avec soin l'avantage du vent. La Bourdonnais, perdant l'espérance de le pouvoir gagner, mit en travers tous ses huniers, pour attendre l'ennemi dans quelque position que ce fût. Mais les Anglais, voulant apparemment tâter le feu de leurs adversaires et étudier les mouvements de ceux-ci avant de se livrer, n'arrivèrent que sur les quatre heures du soir, afin de pouvoir fuir à la faveur des ténèbres si le combat leur devenait désavantageux. La Bourdonnais les laissa tirer les premiers; mais il leur riposta avec un tel élan, que le commandant anglais (Peyton), qui avait assisté à plusieurs actions, avoua qu'il n'en avait jamais vu une aussi chaude. L'Achille, monté par La Bourdonnais, tira à lui seul mille coups de canon dans moins de deux heures ; et cependant, comme il était contraint de prêter toujours le même côté, il n'y avait que vingt-cinq de ses pièces qui pussent jouer, tandis que les vaisseaux anglais, virant sur une même ligne avec une vitesse admirable et sans perdre un pouce d'espace, se servaient tout à l'aise de leurs deux batteries. Mais l'activité du feu suppléait, du côté des Français, à l'infériorité du nombre des canons. L'artillerie de La Bourdonnais était garnie de platines de fusil appliquées à côté de la lumière, et, par ce moyen et celui d'un bout de ligne attaché à la gâchette, que le pointeur tirait aussitôt que le mouvement du navire mettait la pièce de canon vis-à-vis de son objet, le feu avait la promptitude du coup d'œil. Cette invention, due à La Bourdonnais lui-même, ne contribua pas peu à faire pencher le sort des armes en faveur des Français. Autant ceux-ci se montrèrent empressés d'en venir à l'abordage, autant leurs ennemis cherchèrent à l'éviter. Le commandant anglais ne se laissa jamais approcher qu'à portée de mitraille. Toutefois, après trois heures de combat, son escadre, affreusement maltraitée, profita de la nuit pour hâter sa fuite, tandis que La Bourdonnais, tous ses fanaux de combat allumés, la poursuivit encore à travers une épaisse obscurité. Peyton s'était allé réfugier dans la baie de Trinquemale, à l'île de Ceylan. La Bourdonnais avait résolu de le relancer jusque dans sa retraite et d'y brûler ses vaisseaux ; mais l'Anglais, prévenu à temps de ce projet, prit les devants et disparut tout à fait. La mer des Indes fut aux Français. »
Cinq mois après le combat de Négapatnam, La Bourdonnais débarque le 15 septembre 1746, sur la plage de Madras, établissement anglais rival de Pondichéry, et à 90 milles de distance sur la même côte. Le 20 septembre au matin, le gouverneur anglais de la place, effrayé des ravages de son artillerie, lui demande quelle rançon il compte exiger pour se retirer: « Allez dire à celui qui vous envoie, répondit avec indignation le capitaine français, que l'honneur n'est pas une chose qui se vende. Je suis venu devant Madras pour y arborer le drapeau de la France, et ce drapeau y sera arboré ou je mourrai sous ces murs. » En conséquence de cette fière réponse, il fait demander à bord de ses vaisseaux des hommes de bonne volonté pour monter sans plus de retard à l'assaut.
Il en trouve beaucoup plus qu'il n'en fallait ; soldats et matelots se disputent l'honneur de la première escalade. Mais les Anglais rendent cette bravoure inutile en apportant les clefs de Madras au vainqueur de Négapatam. La Bourdonnais fait son entrée dans la « ville blanche »Note 6 le 21 septembre, à la tête de 1 500 hommes ; sur les tours du fort Saint-Georges, qui défendait la ville, le pavillon fleurdelisé est substitué à celui d'Angleterre et salué de vingt et un coups de canon.
Une fois cette satisfaction donnée à l'honneur français, les Anglais demandent à pouvoir se racheter, eux et leur établissement; une concession que La Bourdonnais leur accorde en conformité avec les instructions qu'il avait reçues de France, et qui prévoyaient, en termes formels, qu'il « ne garderait aucune des conquêtes qu'il pourrait faire dans l'Inde ». Le prix de la capitulation est fixé à 1 100 000 pagodes, représentant environ 9 millions de livres.
La statue de La Bourdonnais devant les remparts de Saint Malo.
La capture rapide de Madras, dégage ainsi Pondichéry – où le général Dupleix s'était réfugié – de la menace anglaise, mais il se brouille avec Dupleix au sujet du sort de la ville. La Bourdonnais, qui est un marin ayant une mentalité corsaire, veut rendre la ville aux Anglais contre une rançon. Dupleix, plus « terrien » que son collègue de l'Isle de France, veut éradiquer la présence anglaise dans le secteur pour y préserver les intérêts français. Il refuse la transaction et fait raser Madras.
Louis-Nicolas Bescherelle juge l'attitude de Dupleix, plus durement encore :
« […] l'intervention d'un homme qui prétendait au monopole de tout ce qui pouvait s'accomplir de grand et de glorieux au nom de la France, dans l'Indoustan, rendit ce brillant succès de La Bourdonnais stérile pour son pays et funeste pour lui-même. Dupleix, gouverneur général des Indes à Pondichéry, homme d'un vaste génie d'ailleurs, ne pouvait voir sans jalousie le gouverneur de Bourbon et de l'Ile-de-France rivaliser avec lui, dans l'Inde, de renommée et d'influence. Il ne vit dans la prise de Madras par son rival, qu'il avait la prétention de traiter en subordonné, qu'un larcin fait à sa gloire. Il soutint qu'une fois tombée au pouvoir des Français, Madras était entrée dans sa juridiction, et que La Bourdonnais avait outrepassé ses pouvoirs en traitant du rachat de la ville conquise. Il déclara que la capitulation ne serait pas exécutée, et elle ne le fut pas en effet. »
Cette violente dispute prive Dupleix de soutien naval et empêche les Français d'obtenir une victoire complète en Inde lors de ce conflit. La Bourdonnais, exaspéré, rentre sur les Mascareignes, où il apprend que son poste de gouverneur lui a été retiré.
À la demande du nouveau gouverneur, il accepte la mission périlleuse de conduire en Martinique, à travers les escadres anglaises qui tenaient la mer, six vaisseaux de la Compagnie des Indes destinés pour l'Europe. Il échappe aux escadres ennemies, mais pas à la tempête qui l'assaille au passage du cap de Bonne-Espérance et disperse ses vaisseaux. Il ne peut en ramener que trois à la destination qui lui avait été assignée.
Sans emploi, il décide de rentrer en Europe. Il embarque, sous un faux nom, à bord d’un bâtiment hollandais qu'il avait pris dans l'île Saint-Eustache, mais il est reconnu à Falmouth, où le bâtiment était venu loucher, et conduit à Londres comme prisonnier de guerre. L'Angleterre traite généreusement son prisonnier et n'exige uniquement de lui qu'il ne quitte pas la ville. La Compagnie anglaise des Indes orientales, les ministres, les princes de Grande-Bretagne, lui prodiguent des témoignages d'intérêt et d'estime. L'héritier du trône, le présentant à son épouse dit :
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« Voilà, Madame, cet homme qui nous a tant fait de mal dans les Indes.
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— Ah ! Monseigneur, reprit vivement La Bourdonnais, en m'annonçant ainsi, vous allez me faire regarder avec horreur.
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— Ne craignez rien, répliqua le prince, on ne peut qu'estimer l'officier qui sert bien son roi, et qui fait la guerre en ennemi humain et généreux. »
À Paris, les choses se passent bien différemment. Des mémoires envoyés par Dupleix sont arrivés de Pondichéry dénonçant le colonisateur de l'Isle de France et le vainqueur de Madras comme un traître lâchement vendu aux intérêts des ennemis de son prince et de son pays. Brûlant d'aller confondre ses calomniateurs, La Bourdonnais obtient, sur parole, de passer en France. II se rend directement la Cour de France à Versailles, et demande des juges avec le calme et la fierté d'un homme fort de son innocence. La nuit même, en vertu d'un ordre du roi, il est arrêté et jeté à la prison de la Bastille le 3 mars 1748 pour spéculation et mauvaise administration.
La Bourdonnais y est détenu pendant trois ans, privé de toute communication avec sa famille pendant la première année, année pendant laquelle sa santé se dégrade sérieusement. La Bourdonnais emploie les longues heures de sa prison à rédiger ses Mémoires. Il y joint une carte de sa composition, établissant avec précision la topographie respective des îles de France, de Bourbon et de Pondichéry, afin de faire ressortir l'indépendance réciproque des deux gouvernements. Mais, disposant de très peu de moyens dans sa cellule, il doit déployer son génie inventif afin de trouver les ressources nécessaires à son travail.
La Bourdonnais apprend, au bout de trois ans et dans un état de santé très dégradé, qu'un jugement solennel avait proclamé son innocence, et il voit enfin les portes de la Bastille s'ouvrir le 3 février 1751, pour lui rendre la liberté. Mais souffrant de paralysie en raison de ses conditions de détention, il meurt le 10 novembre 1753, rue d'Enfer à Paris, moins de deux ans après sa sortie de la Bastille.
À sa mort, le roi alloue à sa veuve une modeste pension de 2 400 livres
Le célèbre philosophe et écrivain Voltaire, dit de lui : « Mahé de La Bourdonnais était, comme les Duquesne, les Bart, les Duguay-Trouin, capable de faire beaucoup avec peu, et aussi intelligent dans le commerce que dans la marine… Cet homme, à la fois négociant et guerrier, vengea l'honneur du pavillon français en Asie. ».
Cet éloge est complété par le lexicographe et grammairien Louis-Nicolas Bescherelle, qui dit de La Bourdonnais : « le gouverneur de Bourbon et de l'Île-de-France, le vainqueur de Negapatam et de Madras, a prouvé qu'il n'était pas moins expert dans la mécanique, dans l'art des constructions navales et des fortifications, dans la tactique des armées de terre, que dans la science du marin. Et pourtant il avait commencé à naviguer dès l'âge de dix ans, et toute son éducation avait dû se faire à bord des navires sur lesquels, avant sa dix-neuvième année accomplie, il avait déjà parcouru toutes les mers du Sud, du Nord et du Levant. Il est vrai que, chez lui, la plus grande facilité de conception s'unissait à une grande opiniâtreté de travail, et que, dès son plus jeune âge, il avait contracté l'habitude de ne jamais donner plus de deux ou trois heures consécutives au sommeil. Dans ses nombreuses et longues traversées sur les bâtiments de commerce qui faisaient la traite de Saint-Malo aux Indes-Orientales et aux îles Philippines, il s'était quelquefois rencontré avec des hommes instruits, qui s'étaient plu à cultiver son heureuse aptitude pour les études mathématiques et les sciences exactes, et il avait profité avec avidité de leurs leçons.
Famille Porcon :
C'est par elle que nous trouvons nos personnages intéréssants que sont :
- Pierre Porcon le Régulus malouin
- Robert Surcouf
- René Duguay Trouin
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Pierre Porcon, sieur de la Barbinais, marié en 1578 à Thomase Chertier,
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Guillaume Porcon (1579- )
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René Porcon (1582- )
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Pierre Porcon (1586- ) marié à Jeanne Richomme
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Jean Porcon de la Barbinais (†1675) est marié en 1639 à Roberde Le Saulnier :
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Pierre Porcon de la Barbinais (1639-1681?), "Régulus malouin",
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Guillaume Porcon de la Barbinais (1642-1689)
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Jean Porcon du Verger (1644-1687) marié en 1674 avec Jeanne Binet
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Laurent Porcon de la Barbinais (1679-1721) marié à Janne Rose de Portier de La Villebonnier,
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Guillemette Porcon de la Barbonnais (1706-1785) mariée en 1727 avec Nicolas-Joseph Truchot de la Chesnays (1696-1762)
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Rose Jeanne Julienne Truchot de la Chesnays (1746-1825) mariée en 1764 avec Charles-Joseph-Ange Surcouf (1739- ), seigneur du Boisgris, de La Douainière
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Robert Surcouf (1773-1827)
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Michel Porcon de la Barbinais (1648-1708)
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Guillemette Porcon (1588- ) mariée à Étienne Trouin
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Étienne Trouin (1615- ) marié à Guillemette Macé
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Luc Trouin (1637-1687) marié en 1664 à Marguerite Boscher (1635-1705), écuyer, sieur de la Barbinais,consul à Malaga,capitaine de vaisseau en 1706, capitaine général garde des côtes maritimes et quartiers de la capitainerie de Dol,
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Luc Trouin, sieur de la Barbinais, (1666-1737), consul à Malaga après son père en 1688, capitaine général garde des côtes maritimes et quartiers de la capitainerie de Dol, chevalier de Saint-Louis, anobli par lettres patentes du par Louis XIV,
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Charlotte Trouin (1668- )
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René Trouin sieur du Guay (1673-1736)
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Étienne Trouin (1677-1696), corsaire ;
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Nicolas Trouin (1682-1704), capitaine du vaisseau La Valeur, tué en au cours d'un combat ;
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Marguerite Guyonne Trouin (1684-1765)
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Jeanne Trouin (1645-1706) mariée en 1673 avec Nicolas Daniel (1640- )
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Pierre Porcon de La Barbinais, surnommé le Regulus malouin, né à Saint-Malo le , mort décapité à Alger en 1681 d'après un récit datant de 1824.
En 1665, les armateurs malouins confièrent le commandement d'une frégate de 36 canons à Pierre Porcon de La Barbinais pour protéger leurs navires qui naviguaient en Méditerranée contre les attaques des Algériens. Il a d'abord été heureux dans l'exécution de son expéditions, mais les Algériens ayant réuni une flotte nombreuse contre lui, il est devenu le prisonnier du dey d'Alger.
Au moment de la préparation d'une expédition d'une escadre de Louis XIV contre Alger pour faire cesser les actes de piraterie, le dey d'Alger l'a chargé de porter à Louis XIV des propositions de paix, à la condition qu'il reviendrait prendre ses fers si la négociation échouait. La vie de 600 Français prisonniers du dey d'Alger dépendait du respect de cette dernière condition.
Les propositions de paix du dey d'Alger ayant été jugées inacceptables, il est revenu à Alger après être passé à Saint-Malo pour mettre en ordre ses affaires. Le dey d'Alger, mécontent de ce refus du roi, lui a fait trancher la tête en 1681.
Cette histoire apparaît pour la première fois dans le livre de François Gilles Pierre Barnabé Manet, Biographie de Malouins célèbres publiée en 1824, p. 76-78 . Cette histoire a été reprise ensuite dans plusieurs livres dont l' Histoire de France, tome 113, p. 293, d'Henri Martin, en 1847 . Elle a inspiré un tableau de George Louis Poilleux Saint-Ange, Exécution de Porçon de la Barbinais, 1881.
Cette histoire édifiante a été critiquée par les historiens qui ont fait remarquer qu'aucun texte du XVIIe siècle ne mentionne cette histoire et qu'elle n'est pas conforme au déroulement des faits connus.
En , les corsaires barbaresques se sont emparés de plusieurs navires français sans déclaration de guerre. Le , le dey d'Alger Baba Hassan déclare officiellement la guerre à la France. Le , il annonce au consul de France, Jean Le Vacher, le début des hostilités. Un mois plus tard, 29 navires français avaient été pris et 300 hommes faits prisonniers. La fureur de Louis XIV ne connut plus de borne quand il apprit la capture d'un bâtiment de la marine royale et que son capitaine, le chevalier de Beaujeu, avait été vendu comme esclave par Ali-Raïs, capitaine général des vaisseaux d'Alger. Il a donné l'ordre à Abraham Duquesne d'aller bombarder la ville d'Alger. Impatient devant la lenteur de l'exécution de son ordre il rappelle à l'ordre Duquesne le qu'il doit l'« exécuter sans réplique »1. Duquesne quitte Toulon le à la tête de onze vaisseaux et de cinq galiotes à bombes. Le se sont ajoutés les 15 galères commandées par le duc de Mortemart (1679-1688), général des galères. Le , l'escadre française est devant Alger. Le bombardement d'Alger commence en août. Le dey d'Alger envoie Le Vacher à Duquesne pour négocier, mais en septembre les mauvaises conditions météorologiques vont amener Duquesne à retourner à Toulon.
Au printemps 1683, Duquesne reprend la mer avec une escadre plus importante qu'en 1682 pour un nouveau bombardement de la ville d'Alger. Le second bombardement commence dans la nuit du 26 au . Le dey d'Alger accepte de libérer 546 captifs français. Un chef de parti, Hadj Hussein Mezzomorto, prend le commandement et tue le dey. Le bombardement reprend, et pour venger les pertes, le , les assiégés attachent à bouche de leurs canons le consul Jean Le Vacher et 16 prisonniers français. Le nouveau dey refuse de signer la paix avec Duquesne, vieillard qui a « épousé la mer et que l'ange de la mort avait oublié » ! La paix est finalement signée le entre le dey et Tourville.
Les activités des corsaires algérois, Louis XIV a ordonné un troisième bombardement de la ville d'Alger en 1688 pour faire respecter le traité de paix signé en 1684. Le successeur de Mezzomorto, Hadj Chabane, nomme un ambassadeur à Versailles, Mohamed el Amin, pour négocier une paix durable qui est conclue dès 1690. En fait, la piraterie algéroise n'a cessé qu'après la colonisation de l'Algérie par la France en 1830.
À aucun moment Pierre Porcon de La Barbinais apparaît dans le déroulement des faits à Alger entre 1680 et 1688.
Marcel Emerit fait remarquer qu'il est étonnant qu'un capitaine français soit resté seize ans prisonnier sans avoir été échangé ou libéré après le paiement d'une rançon. Par ailleurs, en 1666, Louis XIV a envoyé à Alger le commissaire de marine Trubert accompagné du marchand marseillais Arnault pour négocier la paix et obtenir la libération des captifs. L'accord signé, Trubert est revenu à Alger le 1er septembre pour régler les détails. Il est convenu que les échanges commerciaux doivent être repris ainsi que l'installation d'un consul de France. Le dey accepte de libérer deux captifs Français contre un captif Turc. Un mémoire de indique que 565 chrétiens ont été rapatriés. Il est peut probable qu'il n'y ait pas eu Pierre Porcon de La Barbinais parmi les chrétiens libérés s'il avait été à Alger en 1665. En 1681, les Français ayant refusé de libérer les Turcs, les corsaires algériens reprennent la chasse des bateaux français. Un navire malouin est pris mais le consul Le Vacher ne cite par Porcon de La Barbinais.
Si aucun Porcon de La Barbinais n'est cité dans des négociations entre le dey d'Alger et le royaume de France, il existe un Luc Trouin de La Barbinais, esclave au Maroc, envoyé en par le sultan du Maroc, Ismaïl ben Chérif, pour négocier avec la France un échange de prisonnier. Sa mission a réussi et n'est probablement jamais retourné au Maroc. Il a été le successeur de son père comme consul à Malaga et est rentré en France en 1689 au début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg pour devenir un des armateurs les plus actifs de Saint-Malo. Il a été anobli par Louis XIV en 1709.
Si l'histoire de Pierre Porcon de La Barbinais, Régulus malouin tué par le dey d'Alger en 1681, ne semble correspondre à des faits réels, il a existé Luc Trouin de La Barbinais, esclave du sultan du Maroc, négociateur pour un échange de prisonniers, en 1689.
René Trouin, sieur du Gué, dit Duguay-Trouin, né le à Saint-Malo et mort le à Paris, est un corsaire et amiral français. Né dans une famille d'armateurs malouins, il commence sa carrière en 1689 et reçoit, dès 1691, le commandement d'un navire. Son courage, le respect qu'il a gagné auprès de ses hommes, ainsi que ses victoires contre les Anglais et les Hollandais au cours des deux dernières guerres de Louis XIV lui ont assuré une ascension très rapide dans la hiérarchie maritime.
Il gravit très vite, grâce à son talent et sa pugnacité tous les échelons de la hiérarchie militaire : capitaine de navire corsaire à 18 ans, capitaine des vaisseaux du Roi à 24 ans, chevalier de l’ordre de Saint-Louis à 34 ans, anobli à 36 ans, chef d’escadre à 42 ans. Il siège à 50 ans en 1723 au conseil d'administration de la Compagnie perpétuelle des Indes et est nommé lieutenant général des armées navales en 1728. Il finit par commander successivement les ports de Brest en 1731 et de Toulon en 1736. Trois grandes phases se distinguent dans cette carrière militaire. Tout d’abord, de 1689 à 1697, la période corsaire. Puis, de 1697 (année où il reçoit son brevet de Capitaine de frégate) à 1713, il navigue comme officier supérieur de la Royale. Enfin, après la signature du traité d’Utrecht () qui ramène la paix en Europe, Duguay-Trouin se consacre au commandement à terre.
On estime à un peu plus de quatre-vingts le nombre de combats et d’abordages auxquels participa Duguay-Trouin ou qu’il dirigea de 1689 à 1711, soit en moyenne près de sept affrontements par an. Il est bien sûr impossible d’en faire un compte rendu détaillé ici, mais on peut s’appuyer sur le récit des Mémoires de Duguay-Trouin pour entrer dans les enjeux de la guerre navale au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle. La carrière de Duguay-Trouin se déroule sur les deux dernières guerres de Louis XIV : la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689-1697) et la guerre de Succession d’Espagne (1702-1713). Deux conflits longs, acharnés, d’envergure mondiale, où le royaume de France se retrouve seul (ou presque) sur terre comme sur mer contre tous ses voisins ligués contre lui. Deux conflits où la France doit soutenir un immense effort naval face aux deux puissances navales de l’époque : les Provinces-unies (actuelle Hollande) et le royaume de Grande-Bretagne.
« Je suis né à Saint-Malo le 1. Mon père y commandait des vaisseaux armés tantôt en guerre tantôt pour le commerce suivant les différentes conjonctures. Il s’était acquis la réputation d’un très brave homme et d’un habile marin ». C’est par ces mots que commencent les Mémoires de René Duguay-Trouin. La date du correspond en réalité à la date de son baptême, comme en témoigne le texte de son extrait baptistaire2, mais elle est retenue comme étant sa date de naissance par la plupart de ses biographes.
Son père est Luc Trouin, sieur de la Barbinays (1637-1687) et sa mère Marguerite Boscher (1635-1705). Son père descend d'une ancienne famille de négociants armateurs de Saint-Malo, qui possédait en outre, depuis près de deux cents ans, le consulat français à Malaga, en Espagne. Au moment de sa naissance, ce poste était occupé par un frère cadet de son père, René-Etienne Trouin, présent à son baptême, et qui lui donne son prénom, René.
René Trouin est le troisième enfant d’une fratrie de sept :
- Luc Trouin (1666-1737). Fils aîné, il hérite de la seigneurie de la Barbinays à la mort de son père en 1687. Il est anobli en même temps que son frère le et fait chevalier de Saint-Louis, le ;
- Charlotte Trouin, demoiselle du Gué (1668-1742). Elle épouse en 1697, Pierre Alexandre Jazier, seigneur de La Garde (1654-1735), dont Luc Jazier de La Garde, abbé commendataire de l'abbaye de la Sainte-Trinité de Mauléon et chanoine de Saint-Malo, à qui René Duguay-Trouin confie son fils Nicolas-François (né à La Haye, le ) ;
- René Trouin, sieur du Gué (1673-1736), dont un fils Nicolas-François, précité ;
- Étienne Trouin (1677-1696), lieutenant de corsaire. Il meurt à 19 ans ;
- Nicolas Trouin (1682-1704), capitaine du corsaire le Valeur. Il meurt à 22 ans ;
- Marguerite Guyonne Trouin, demoiselle Duguay (1684-1765).
De Urbane Marie DE LA GILLIÈRE, il eût hors mariage un fils prénommé Nicolas-François né et baptisé le 14 novembre 1732 à La Haye (Hollande).
René Duguay-Trouin cousine avec Robert Surcouf (1773-1827) par la famille Porcon de La Barbinais, ils descendent tous deux de Pierre Porcon de La Barbinais et de Thomase Chertier, Duguay-Trouin par leur fille Guillemette et Surcouf par leur fils, Pierre Porcon de La Barbinais (1586-1634). Il est apparenté à Pierre Porcon de La Barbinais (1639-1681?), dit le Regulus malouin.
« Je suis né à Saint-Malo le . Mon père y commandait des vaisseaux armés tantôt en guerre tantôt pour le commerce suivant les différentes conjonctures. Il s’était acquis la réputation d’un très brave homme et d’un habile marin ». C’est par ces mots que commencent les Mémoires de René Duguay-Trouin. La date du correspond en réalité à la date de son baptême, comme en témoigne le texte de son extrait baptistaire, mais elle est retenue comme étant sa date de naissance par la plupart de ses biographes.
Son père est Luc Trouin, sieur de la Barbinays (1637-1687) et sa mère Marguerite Boscher (1635-1705). Son père descend d'une ancienne famille de négociants armateurs de Saint-Malo, qui possédait en outre, depuis près de deux cents ans, le consulat français à Malaga, en Espagne. Au moment de sa naissance, ce poste était occupé par un frère cadet de son père, René-Etienne Trouin, présent à son baptême, et qui lui donne son prénom, René.
René Trouin est le troisième enfant d’une fratrie de sept :
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Luc Trouin (1666-1737). Fils aîné, il hérite de la seigneurie de la Barbinays à la mort de son père en 1687. Il est anobli en même temps que son frère le et fait chevalier de Saint-Louis, le ;
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Charlotte Trouin, demoiselle du Gué (1668-1742). Elle épouse en 1697, Pierre Alexandre Jazier, seigneur de La Garde (1654-1735), dont Luc Jazier de La Garde, abbé commendataire de l'abbaye de la Sainte-Trinité de Mauléon et chanoine de Saint-Malo, à qui René Duguay-Trouin confie son fils Nicolas-François (né à La Haye, le ) ;
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René Trouin, sieur du Gué (1673-1736), dont un fils Nicolas-François, précité ;
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Étienne Trouin (1677-1696), lieutenant de corsaire. Il meurt à 19 ans ;
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Nicolas Trouin (1682-1704), capitaine du corsaire le Valeur. Il meurt à 22 ans ;
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Marguerite Guyonne Trouin, demoiselle Duguay (1684-1765).
De Urbane Marie DE LA GILLIÈRE, il eût hors mariage un fils prénommé Nicolas-François né et baptisé le 14 novembre 1732 à La Haye (Hollande).
René Duguay-Trouin cousine avec Robert Surcouf (1773-1827) par la famille Porcon de La Barbinais, ils descendent tous deux de Pierre Porcon de La Barbinais et de Thomase Chertier, Duguay-Trouin par leur fille Guillemette et Surcouf par leur fils, Pierre Porcon de La Barbinais (1586-1634). Il est apparenté à Pierre Porcon de La Barbinais (1639-1681?), dit le Regulus malouin.
Au XVIIe siècle, l'orthographe des noms propres n'est pas encore définitivement fixée et l'on trouve plusieurs graphies pour désigner une seule et même personne. Ainsi, le nom de famille Trouin est parfois orthographié Trouyn ou encore Troüin.
Le titre de noblesse porté par René Trouin a pour origine une petite métairie, située au village du Guest, dans la paroisse de Paramé, ancienne commune d'Ille-et-Vilaine aujourd'hui disparue, acquise par son père en 1680, sept ans après sa naissance, dont le nom s'écrivait primitivement du Guest, puis du Gué, du Guay, et enfin Duguay, en un seul mot. On trouve dans un acte notarié du , des renseignements très détaillés sur la façon dont cette petite terre est acquise et successivement agrandie, par les parents de du Guay-Troüin. Cet acte est une transaction entre divers héritiers des familles Boscher et Troüin, au sujet précisément de la propriété de cette métairie. La seigneurie du Gué est acquise, en même temps que d'autres terres, par les grands-parents maternels de René Trouin, Jean Boscher, sieur de la Vigne, et Françoise Gorjeu, sa femme, par contrat du . La métairie est reçue en héritage par Marguerite Boscher à la mort de ses parents.
Quant à l'orthographe de son nom, René Trouin signe d'abord du Gué, puis Dugué en un seul mot. Les lettres de noblesse qui lui furent délivrées ainsi qu'à son frère aîné, en 1709, par Louis XIV, portent en marge : « Lettres de noblesse pour les sieurs de la Barbinais et du Guay, frères ». Mais dans le corps du document, le rédacteur a écrit René Trouyn Duguay. Le règlement original d'armoiries de d'Hozier, porte René Trouyn du Gué. Les nominations aux différents grades, les promotions dans l'ordre de Saint-Louis, portent invariablement du Guay Troüin. Bien qu'à partir de 1709, du Guay Troüin ait le plus souvent signé Duguay-Trouin. C'est d'ailleurs sous cette forme que son nom est repris par ses biographes et passé à la postérité.
Le jeune homme est d’abord destiné à la prêtrise. Il étudie à Rennes et Caen, et porte même la tonsure. Il est pourtant renvoyé de son école à Rennes en 1684 pour mauvaise conduite car ses professeurs estiment qu’il passe plus de temps à courir les filles qu’à étudier. C’est quelque peu forcé par son oncle qui veut l’arracher à ses études dissipées qu’il embarque comme matelot volontaire à 16 ans en 1689.
Les débuts du corsaire sont difficiles : il souffre du mal de mer et le premier navire sur lequel il embarque, la Trinité, une frégate de 150 tonneaux et armée de 18 canons, commandée par Etienne Piednoir de La Villeneuve, manque de couler dans une tempête avec le navire qu’elle vient de capturer. « Nous nous étions emparés d’un vaisseau anglais chargé de sucre et d’indigo ; et le voulant conduire à Saint-Malo, nous fûmes surpris en chemin d’un coup de vent très violent, qui nous jeta sur la côte de Bretagne, pendant une nuit fort obscure ; notre prise s’échoua par un heureux hasard sur des vases, après avoir passé sur un grand nombre d’écueils, au milieu desquels nous fûmes obligés de mouiller toutes nos ancres, et d’amener nos basses vergues, ainsi que nos mâts de hune » pour ne pas s’échouer aussi. Finalement la tempête se calme, le vent tourne, le navire anglais est désenvasé et ramené à Saint-Malo, mais c’est pour repartir aussitôt en chasse. Duguay-Trouin participe alors à son premier combat naval. Son récit est un bon témoignage de la violence d’un abordage : « Ayant trouvé un (navire) corsaire de Flessingue aussi fort que nous, nous lui livrâmes combat, et l’abordâmes de long en long ; je ne fus pas des derniers à me présenter pour m’élancer à son bord. Notre maître d’équipage à côté duquel j’étais, voulut y sauter le premier ; il tomba par malheur entre les deux vaisseaux qui venant à se joindre dans le même instant, écrasèrent à mes yeux tous ses membres et furent rejaillir une partie de sa cervelle jusque sur mes habits. Cet objet m’arrêta d’autant plus que je réfléchissais que, n’ayant pas comme lui le pied marin, il était moralement impossible que j’évitasse un genre de mort si affreux. Sur ces entrefaites, le feu prit à la poupe du corsaire qui fut enlevé l’épée à la main, après avoir soutenu trois abordages successifs, et l’on trouva que pour un novice (rappelons qu’il a 16 ans) j’avais témoigné assez de fermeté. Cette campagne qui m’avait fait envisager toutes les horreurs du naufrage, celles d’un abordage sanglant ne me rebuta pas. »
Ses progrès sont très rapides. En 1690 il se signale au combat sur le Grénédan de sorte qu'à 18 ans en 1691 on lui confie le commandement d'un navire corsaire de 14 canons, le Danycan avec lequel il fait une descente en Irlande (poussé il est vrai par une tempête) près de Limerick. Il s'empare d'un château appartenant au comté de Clare, et incendie deux navires pris dans la vase. En 1692, il commande le Coëtguen et capture de nombreux navires anglais. En 1693, il commande dans l’Atlantique le Profond de 32 canons, mais la croisière est décevante : il ne fait qu’une capture après une croisière de trois mois et son équipage est décimé par une épidémie.
Le coup de canon, tableau de Van de Velde le Jeune, 1707. Ce type de navire d'une soixantaine de canons correspond à ce que commande Duguay-Trouin à la fin de la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
La guerre de course est cependant une activité aussi dangereuse que lucrative. On peut tomber sur un corsaire adverse plus habile ou sur une escadre ennemie supérieure en nombre, sans parler d’un coup du sort (comme un retournement du vent ou un brouillard dans lequel on s'égare) et qui peut transformer le chasseur en proie... C’est ce qui se produit en 1694 quand le corsaire est capturé. L’année avait pourtant bien commencé. Duguay-Trouin à la demande de l’ambassadeur de France au Portugal, Monsieur de Vidame s'était vu charger de faire passer en France deux opposants au roi du Portugal, le comte de Prado et le marquis d’Attalaya. En chemin Duguay-Trouin capture un navire de Flessingue chargé de cacao et rentre à Saint-Malo avec sa prise et dépose les deux hommes. Il remet aussitôt la voile en direction de l’Angleterre sur la Diligente. Il croise un convoi marchand de trente navires escorté par un seul vaisseau de guerre mais qu’il laisse de côté lorsqu’il apprend qu’il « n’était chargé que de charbon de terre, (et) je ne crus pas devoir hasarder un combat douteux pour un si vil objet ». Il s’éloigne donc, non sans avoir provoqué le vaisseau anglais qui fait mine de le poursuivre (comme il navigue par ruse sous pavillon anglais il met celui-ci en berne en signe de mépris) et doit le laisser filer après avoir tiré quelques coups de canon. « Mais la suite fera voir dans quel embarras une aussi mauvaise gasconnade pensa me jeter ».
« Quinze jours après je tombais, par un temps embrumé, dans une escadre de six vaisseaux de guerre anglais de 50 à 70 canons ; et me trouvant par malheur entre l’Angleterre et eux, je fus forcé d’en venir au combat. Un de ces vaisseaux, nommé l’Aventure, me rejoignit le premier, et nous combattîmes, toutes nos voiles dehors, pendant près de quatre heures, avant qu’aucun autre des vaisseaux de cette escadre put me rejoindre. Je commençais même à espérer qu’étant près de doubler (passer) les Sorlingues qui me gênaient dans ma course, la bonté (force) de mon vaisseau pourrait me tirer d’affaire. Cet espoir dura peu. Le vaisseau ennemi me coupa mes deux mâts de hune dans une de ses dernières bordées. Ce cruel incident m’arrêta, et fit qu’il me rejoignit à l’instant, à portée de pistolet. » Le corsaire tente alors un d’abordage contre le vaisseau anglais mais la manœuvre est éventée à la suite d'une erreur de commandement de l’un de ses lieutenants. Le navire anglais se dégage alors que s’approchent le reste de l’escadre : « Ce coup manqué, le vaisseau le Monk, de 70 canons, vint me combattre à portée de pistolet, tandis que trois autres vaisseaux, le Cantorberry, le Dragon et le Ruby me canonnaient de leur avant. » Navire démâté, encerclé, la panique gagne alors l’équipage de Duguay-Trouin. Certains se précipitent dans la cale alors que les officiers viennent le supplier de se rendre, requête à laquelle Duguay-Trouin doit finalement accéder, d’autant qu’il est blessé par un boulet de canon.
Il est recueilli par le capitaine du Monk qui prend soin de lui : « sa générosité fut telle qu’il voulut absolument me céder sa chambre et son lit, donnant ordre de me faire panser et traiter avec autant de soin que si j’avais été son propre fils. » Duguay-Trouin se retrouve prisonnier à Plymouth où il reçoit « toutes sortes de politesses des capitaines et de tous les autres officiers ». Ainsi va le monde de la mer à la fin du XVIIe siècle : l’esprit chevaleresque n’a pas totalement disparu et on se pique encore de traiter avec beaucoup d’honneur l’adversaire capturé qui a noblement combattu. État d’esprit qu’on ne trouvera plus au XVIIIe siècle : les marins français capturés soixante ans plus tard lors de la Guerre de Sept Ans mourront par milliers sur les sinistres pontons insalubres où leurs geôliers de la Royal Navy les enferment.
En attendant, Duguay-Trouin fait de nombreuses connaissances dans la ville, dont une « fort jolie marchande » qui vient régulièrement lui rendre visite dans sa chambre grillagée où il est enfermé. Charmante personne dont est aussi amoureux un réfugié français protestant engagé dans l’armée anglaise et qui s’en ouvre à Duguay-Trouin. Le Malouin ne rate pas l’occasion : il convainc séparément les deux protagonistes de le faire sortir de prison pour organiser un rendez-vous galant dans une auberge voisine... dont il s’enfuit aussitôt. L’évasion, qui tient du rocambolesque, a été bien préparée puisque le Malouin qui a acheté une chaloupe avec armes et provisions à un capitaine suédois touche la terre bretonne avec quatre de ses compagnons quelques jours plus tard.
En 1695, il prend le commandement du François, navire de 300 tonneaux, 30 canons et 215 hommes, appartenant à Nicolas Magon de La Chipaudière. Il s'empare de douze navires marchands et deux navires de guerre anglais ce qui lui vaut une épée d'honneur. Il se joint ensuite à l'escadre du marquis de Nesmond, lieutenant général des armées navales, et capture trois indiamen, bateaux de la compagnie des Indes.
Duguay-Trouin vu par l'illustrateur Obra de Chasselai dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. (Musée de Rio)
En 1696, commandant un groupe de deux vaisseaux et trois frégates, il attaque un convoi hollandais, fait prisonnier l'amiral Wassenaër et prend trois vaisseaux et douze navires marchands. Ce fut une bataille acharnée sur laquelle on doit s’arrêter un peu si on veut se faire encore une idée de la violence des combats navals lorsqu’ils sont menés par des capitaines déterminés à en découdre. Duguay-Trouin, qui était désormais un corsaire reconnu et expérimenté, commandait 3 vaisseaux : le Saint-Jacques des Victoires (48 canons), le Sans-Pareil (42 canons) et la frégate Léonore (16 canons). Il partit à la recherche de la flotte portugaise de Bilbao et finit par la rencontrer, escortée par trois vaisseaux de guerre hollandais sous les ordres du baron de Wassenaër, vice amiral de Hollande (le Delft et le Honslaerdick, tous deux de 54 canons et un troisième de 38 canons).
L’escorte hollandaise étant supérieure en nombre et mieux armée que lui, Duguay-Trouin semble hésiter à engager le combat lorsqu’il croise deux frégates de Saint-Malo, l’Aigle-Noir et la Faluere qui se joignent à lui pour l’attaque. Mais celle-ci manque de mal tourner : l’engagement est confus et le Sans-Pareil, très sévèrement accroché par le vaisseau amiral hollandais le Delft, doit s’éloigner après qu’une explosion a détruit sa poupe et tué plus de quatre-vingts marins. Duguay-Trouin qui commande le Saint-Jacques des Victoires et vient de neutraliser par un abordage rapide le Honslaerdick doit alors relancer l’attaque. « Le nouvel abordage fut très sanglant par la vivacité de notre feu mutuel de canon, de mousqueterie, et de grenades, et par le courage de monsieur le baron de Wassenaër. Les plus braves de mes officiers et de mes soldats furent repoussés jusqu’à trois fois. Il en périt un si grand nombre, malgré mon dépit et tous mes efforts, que je fus contraint de faire pousser mon vaisseau au large afin de redonner un peu d’haleine à mes gens que je voyais presque rebutés, et de pouvoir travailler à réparer mon désordre qui n’était pas médiocre. » La frégate la Faluere qui s’approche du vaisseau hollandais « pour entretenir le combat » est immédiatement repoussée avec la mort de son commandant dans les premiers échanges de tirs. Duguay-Trouin finit par venir à bout de l’amiral hollandais lors d’un ultime abordage : « Cette dernière séance fut si vive et si sanglante que tous les officiers de mon vaisseau furent tués ou blessés. Il (l'amiral hollandais) reçut lui-même quatre blessures très dangereuses et tomba sur son gaillard de derrière où il fut pris les armes à la main. (...) plus de la moitié de mon équipage périt de cette action. (...) ce combat fut suivi d’une tempête et d’une nuit affreuse qui nous sépara les uns des autres. Mon vaisseau, percé de coups de canon à l’eau, et entrouvert par les abordages réitérés, coulait bas. Il me restait qu’un seul officier et cent cinquante cinq hommes des moindres de mon équipage qui fussent en état de servir ; et j’avais plus de cinq cents prisonniers hollandais à garder. Je les employai à pomper et à puiser l’eau à l’avant et à l’arrière de mon vaisseau. Et, nous étions forcés, cet officier et moi, d’être continuellement sur pied, l’épée et le pistolet à la main pour les contenir. Cependant, toutes nos pompes et nos puits ne suffisant pas pour nous empêcher de couler bas, je fis jeter à la mer tous les canons du second pont et des gaillards, mâts et vergues de rechange, boulets et pinces de fer et jusqu’aux cages à poule. »
Finalement, le vaisseau couvert de sang (il y a aussi plus de cent blessés à bord) et presque désemparé arrive à la pointe du jour en vue de la Bretagne et finit par rentrer à Port-Louis où le rejoignent peu à peu les autres navires. « Un de mes premiers soins, en arrivant, fut de m’informer de l’état où se trouvait Monsieur le baron de Wassenaër que je savais très grièvement blessé ; et j’allais sur le champ lui offrir avec empressement ma bourse et tous les secours en mon pouvoir. » Encore et toujours l’esprit chevaleresque avant de vendre le butin… Cet exploit lui vaut d'être admis dans la Marine royale comme Capitaine de frégate en avril 1697 alors que se termine la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
La citadelle de Port Louis devant Lorient (56).
Ce conflit va donner à Duguay-Trouin l'occasion de multiplier les actions les plus brillantes. Il multiplie les prises, les actions audacieuses et semble insaisissable. Maintenant intégré à la Royale, Duguay-Trouin cesse d'être un corsaire solitaire pour commander des vaisseaux plus puissants et aussi plus nombreux, évolution déjà visible à la fin du conflit précédent (voir plus haut pour 1696) et qui devient définitive à partir de 1706-1707. Il est vrai qu'il s'en prend maintenant à de grands convois bien escortés par la Royal Navy ou les vaisseaux hollandais.
En 1703, il opère jusqu'à auprès de l’archipel du Spitzberg où il capture 28 baleiniers hollandais. Il frappe inopinément les pêcheurs, navires de commerce, frégates et vaisseaux, bâtiments isolés ou convois escortés en guerre. En 1704, il prend au large de l’Angleterre un vaisseau de guerre de 58 canons ainsi que 12 navires marchands. En 1705, commandant le Jason il enlève les vaisseaux anglais Elizabeth, Revenge et Coventry puis, en vue de Lisbonne un vaisseau portugais et, en revenant à Brest, une frégate et 12 marchands après avoir dispersé un convoi portugais de 200 navires. En , il est fait capitaine de vaisseau, et participe en 1706 avec une petite escadre à la défense de Cadix.
On se rapproche maintenant de la guerre d’escadre même si l’objectif est toujours de s’emparer des convois marchands : c'est ce qu'on peut constater pour les opérations de 1707. Cette année-là, Duguay-Trouin et le chevalier de Forbin partent ensemble de Brest à la tête d’une escadre de six vaisseaux chacun, mais dont le commandement supérieur revenait à Forbin. Le , les deux hommes tombèrent à bras raccourcis à l’entrée de la Manche sur un grand convoi à destination du Portugal et chargé de renfort pour l’archiduc Charles : 200 voiles escortées par 5 vaisseaux anglais. La bataille se solda par la prise de 14 navires marchands et la quasi-destruction de l’escorte anglaise : 3 vaisseaux capturés et l’incendie d’un quatrième. C’était une belle victoire, qui conforta en Espagne la victoire terrestre franco-espagnole du duc de Berwick à Almansa.
Le , il attaque Velas aux Açores avec une escadre de 11 navires. La ville résiste deux jours, mais est finalement prise et pillée pendant 5 jours. En , commandant L'Achille et une division, il attaque avec succès un convoi anglais fortement escorté. Il est anobli la même année. Il a alors à son actif la prise de 16 bâtiments de guerre et de plus de 300 marchands
Bataille du cap Lizard (1707), vue par un peintre du XIXe siècle, Théodore Gudin. Duguay-Trouin et Forbin surprennent un grand convoi anglais à destination du Portugal. Ils anéantissent l'escorte et dispersent le convoi. Pour les Anglais c'est « le désastre du convoi du Portugal ».
De toutes les expéditions de Duguay-Trouin, la plus célèbre est la prise de Rio de Janeiro en 1711. Le projet mûrissait depuis 1706 : intercepter la flotte annuelle de l’or qui apporte du Brésil à Lisbonne les métaux précieux. En 1710, le capitaine Duclerc était allé attaquer le Brésil avec 5 vaisseaux et un millier de soldats, mais l’expédition avait été un échec : fait prisonnier avec plus de 600 hommes il avait été assassiné dans des circonstances obscures. L'opération fut donc décidée pour venger cet échec. On était alors en pleine Guerre de Succession d'Espagne, et le Brésil une colonie portugaise alliée de l'Angleterre contre la France. Louis XIV mit à la disposition du Malouin une solide petite escadre de 15 navires et deux mille soldats (en plus des équipages des navires, soit à peu près 6 000 hommes). Le trésor royal étant à sec, il fallut avoir recours à un financement privé. 700 000 livres furent apportées par de nombreux armateurs dont le comte de Toulouse, fils bâtard du roi. Au comte de Toulouse se joignent rapidement des négociants de Saint-Malo : Danycan ou Lalande-Magon. C'était donc pour moitié une opération de guerre (attaquer une colonie portugaise) et corsaire (faire du butin sur l'ennemi pour rembourser avec bénéfice les armateurs privés). Le traité, signé entre Duguay-Trouin, le ministre de la marine Pontchartrain et Louis XIV () précisait d'ailleurs que le roi devait obtenir un cinquième du produit net des prises ; privilège auquel le roi renonça peu après par égard pour son brillant capitaine. In fine, Louis XIV n’impose qu’un commissaire de son choix pour surveiller l’expédition.
Il fallait préparer cette grosse expédition avec soin, à moins de vouloir terminer comme le capitaine Duclerc l’année précédente. Mais Duguay-Trouin était un organisateur et un meneur d’hommes hors pair. « Aussitôt que cette résolution eut été prise, nous nous rendîmes à Brest, mon frère et moi. (...) Je donnais toute mon attention à faire préparer de bonne heure, avec tout le secret possible, les vivres, les munitions, tentes, outils, enfin tout l’attirail nécessaire pour camper, et pour former un siège. J’eus soin aussi de m’assurer d’un bon nombre d’officiers choisis, pour mettre à la tête des troupes, et pour bien armer tous ces vaisseaux. Les soins que nous prîmes pour accélérer toutes choses, furent si vifs et si bien ménagés, que malgré la disette où étaient les magasins du Roi, tous les vaisseaux de Brest et de Dunkerque se trouvèrent prêts à mettre à la voile dans deux mois, à compter du jour de mon arrivée à Brest ». Bien que le gros de l'expédition s'armait à Brest, une partie des navires étaient préparés à Rochefort, La Rochelle, Dunkerque pour tromper la vigilance des espions, nombreux des deux côtés de la Manche. Les capitaines choisis par Duguay-Trouin reçoivent l'ordre de « s'armer à la course » pour les Caraïbes ou la mer du Nord. Finalement, l'expédition devenait aussi une quasi opération amphibie puisqu’on prévoyait d'attaquer, débarquer, assiéger et qu'il allait falloir coordonner l’action et le feu des navires et des troupes à terre... Et cela presque au bout du monde, sans plus aucun lien ni secours possible avec la métropole, dans des eaux que les Français n’avaient guère l’habitude de fréquenter.
Entrée de l'escadre française dans la baie de Rio de Janeiro le 12 septembre 1711. Duguay-Trouin force la passe sous le feu des canons portugais et réussit à débarquer au fond de la baie avant d'assiéger la ville. Carte publiée en 1740 dans les Mémoires de Duguay-Trouin.
Saint - Malo : la statue de René Duguay Trouin sur les remparts.
Parti en juin, le convoi glissa entre les doigts d'une escadre anglaise venue musarder devant Brest, et se présenta devant Rio le où l’attaque commença aussitôt : « Il était évident que le succès de cette expédition dépendait de la promptitude, et qu’il ne fallait pas donner aux ennemis le temps de se reconnaître ». La baie de Rio, fermée par un étroit goulet et de puissantes fortifications, paraissait inexpugnable. La passe fut cependant forcée et Duguay-Trouin débarqua ses troupes dans l'immense baie, soutenues par le feu de ses navires. Les forts furent enlevés les uns après les autres en onze jours, après de multiples péripéties, plusieurs tentatives de « sortie » de la garnison et l'arrivée d'une troupe de secours.
Les Portugais incendient en se retirant les vaisseaux et les entrepôts qu’ils ne pouvaient défendre. Quant aux douze mille hommes de la garnison, ils se débandent au moment où les Français étaient sur le point de donner l'assaut final. Le gouverneur fut contraint à la négociation pour éviter la destruction et le pillage complet de la ville. Les habitants durent racheter leur bien à prix d'or et une rançon considérable en argent et marchandises tropicales fut versée à Duguay-Trouin alors que les cinq cents prisonniers français encore vivants de l'expédition Duclerc étaient libérés. Finalement, 60 navires marchands, trois vaisseaux de guerre, deux frégates et une immense quantité de marchandises étaient pris ou brûlés. La ville souffrait un dommage de plus de 25 millions de livres.
Cette expédition corsaire n'entraîne pas la conquête permanente des territoires rançonnés : l'escadre se retire donc () pour prendre le chemin du retour. Retour très difficile car la flotte fut dispersée par une violente tempête après avoir franchi l'équateur. À l'arrivée à Brest () trois navires avaient sombré, dont Le Magnanime qui ramenait une large partie du butin (avec « six cent mille livres en or et en argent »). Néanmoins le bénéfice financier de l'opération restait considérable : il rapportait à Brest plus de 1,3 tonne d’or, sans compter les 1 600 000 livres de la cargaison de deux navires revenus bien plus tard après un immense détour par la « mer du sud ». D’après Duguay-Trouin : « quatre-vingt-douze pour cent de profit à ceux qui s'y étaient intéressés. » Pontchartrain félicite Duguay-Trouin : « Je me réjouis pour vous et pour la marine à qui cette entreprise fit beaucoup d’honneur ». Le bénéfice politique était pour le roi, auquel la nouvelle du succès de l’expédition fit « un sensible plaisir ».
Le retentissement de l'expédition fut considérable en Europe, tout particulièrement chez les nations maritimes en guerre contre la France. Les Anglais en premier lieu (et qui venaient de plus d'essuyer un désastre complet dans une tentative de débarquement sur Québec), sans parler des Portugais dont la plus belle ville coloniale avait été mise à sac malgré l'alliance anglaise. Même si les historiens en discutent encore, cette réussite a sans doute poussé les Anglais à signer la suspension d’armes du . Duguay-Trouin fut acclamé en héros : cette expédition victorieuse faisait beaucoup pour le moral français très malmené jusque-là par les épreuves de la guerre de Succession d'Espagne (elle s'acheva en 1713). Louis XIV félicite en personne son marin couvert de gloire : « Le roi, se plut à me témoigner une grande satisfaction de ma conduite et beaucoup de disposition à m’en procurer la récompense ; il eut la bonté de me gratifier d’une pension de deux mille livres (…) en attendant ma promotion de chef d’escadre. »
En , Duguay-Trouin reçoit sa promotion de chef d'escadre. Duguay-Trouin qui se trouve à Versailles à la mort de Louis XIV semble en avoir éprouvé sincèrement beaucoup de tristesse : « La douleur que j’en ressentis ne peut s’exprimer : la bonté et la confiance dont il avait daigné m’honorer m’auraient fait sacrifier mille fois ma vie pour conserver ses jours. » La longue paix qui suit la mort de Louis XIV l’oblige désormais à rester presque totalement à terre. Duguay-Trouin se met à solliciter les ministères pour obtenir des moyens afin de soutenir l’expansion coloniale de la France. Le Régent le nomme au conseil d’administration de la Compagnie des Indes en 1723. En 1728, il est nommé lieutenant général des armées navales et commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. En 1731, il reçoit le commandement d’une escadre chargée d’aller bombarder Tripoli pour châtier les pirates barbaresques qui s’en prenaient aux navires de commerce français. Il obtient la libération de nombreux captifs chrétiens, le Bey de Tunis et le Dey d’Alger devant faire de même, sous la menace des canons de la marine royale.
En 1733 éclate la guerre de Succession de Pologne. Elle met aux prises la France face à l’Autriche et la Russie au sujet de la succession de la couronne de Pologne, qui est élective. Stanislas Leszczynski, le candidat soutenu par la France se réfugiant dans le port de Dantzig menacé par les Russes et attendant de l’aide, on lui envoya une escadre de secours dans la mer Baltique. Cette première expédition ayant été un échec, Duguay-Trouin reçoit donc l'année suivante l'ordre de préparer une nouvelle escadre à Brest pour la même destination. Mais alors que ses préparatifs vont bon train, l'ordre est annulé, la campagne abandonnée.
Duguay-Trouin, fatigué et malade, se retire définitivement du service. Il décède le à Paris et il est inhumé à l’église Saint-Roch. En 1973, ses restes sont retrouvés à la demande de Pierre-Émile Buron, archéologue de Saint-Malo qui désirait rendre à la ville la dépouille du célèbre marin à l’occasion du tricentenaire de sa naissance. Il confie les fouilles qui ont lieu à l'église Saint-Roch à Mgr Michel Petit. Une fois le squelette identifié, Mgr Petit l'a escorté avec l'aide de la marine française jusqu'à Saint-Malo. René Duguay-Trouin repose désormais dans la cathédrale Saint-Vincent.