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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 08:41
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Toujours dans la recherche de nouveaux "cousins", je me suis penché sur la généalogie de Charles Maurice de Talleyrand, un personnage que vous connaissez certainement vu sa longévité en politique et sa présence dans tous les régimes.

Comme à mon habitude, il me faut vous montrer le lien qui relie sa généalogie à la nôtre...

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Ce lien, le voici... Il se fait pour nôtre généalogie, comme vous pouvez le constater en suivant les extraits d'arbres depuis  les généalogies descendantes de nos ancêtres bretons François de Maure et Hélène de Rohan Guéméné et par la grand mère paternelle de Charles Maurice de Talleyrand : Marie Elisabeth de Chamillart...

Encore une fois, si vous suivez mes "cousinages", vous allez redécouvrir des nom familiers comme les de Maure, de Rohan, de Lorgeril ou de Rieux...

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Sur cet extrait d'arbre de la généalogie de Charles Maurice de Talleyrand Périgord, nous découvrons en haut et à droite de l'extrait un autre personnage très intéressant et lui aussi lié à notre Histoire de France... Il s'agit de Jean Baptiste Colbert, lui aussi vous le connaissez !. Nous reviendrons vers après Talleyrand.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, communément nommé Talleyrand, est un homme d'État et diplomate français, né le à Paris et mort le dans cette même ville.

Issu d'une famille de la haute noblesse, souffrant d'un pied bot, il est orienté par sa famille vers la carrière ecclésiastique en vue de lui permettre de succéder à son oncle, l'archevêque de Reims : ordonné prêtre en 1779, il est nommé en 1788 évêque d'Autun. Il renonce à la prêtrise et quitte le clergé pendant la Révolution pour mener une vie laïque.

Talleyrand occupe des postes de pouvoir politique durant la majeure partie de sa vie et sous la plupart des régimes successifs que la France connaît à l'époque : il est notamment agent général du clergé (1780), puis député aux États généraux sous l'Ancien Régime, président de l'Assemblée nationale et ambassadeur pendant la Révolution française, ministre des Relations extérieures sous le Directoire, le Consulat puis sous le Premier Empire, président du gouvernement provisoire, ambassadeur, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil des ministres sous la Restauration, ambassadeur sous la Monarchie de Juillet. Il assiste aux couronnements de Louis XVI (1775), Napoléon Ier (1804) et Charles X (1825).

Il intervient fréquemment dans les questions économiques et financières, pour lesquelles son acte le plus fameux est la proposition de nationalisation des biens du clergé. Toutefois, sa renommée provient surtout de sa carrière diplomatique exceptionnelle, dont l'apogée est le congrès de Vienne. Homme des Lumières, libéral convaincu, tant du point de vue politique et institutionnel que social et économique, Talleyrand théorise et cherche à appliquer un « équilibre européen » entre les grandes puissances.

Réputé pour sa conversation, son esprit et son intelligence, il mène une vie entre l'Ancien Régime et le XIXe siècle. Surnommé le « diable boiteux » et décrit comme un traître cynique plein de vices et de corruption ou au contraire comme un dirigeant pragmatique et visionnaire, soucieux d'harmonie et de raison, admiré ou détesté par ses contemporains, il suscite de nombreuses études historiques et artistiques.

Le père de Charles-Maurice, Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord (1734-1788), chevalier de Saint-Michel en 1776, lieutenant général en 1784, appartient à une branche cadette de la maison de Talleyrand-Périgord, famille de haute noblesse, même si sa filiation avec les comtes de Périgord est contestée. Il vit à la cour de Versailles, désargenté, avec sa femme née Alexandrine de Damas d'Antigny (1728-1809). Talleyrand a surtout pour oncle Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821), archevêque de Reims, puis cardinal et archevêque de Paris. Il compte parmi ses ancêtres notamment Jean-Baptiste Colbert et Étienne Marcel.

Né le au numéro 4 de la rue Garancière à Paris, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord est baptisé le jour même.

Avant la parution de ses mémoires, plusieurs versions circulent déjà sur l'enfance de Talleyrand, en particulier sur l'origine de son pied bot. Depuis leur divulgation en 1889, ces mémoires sont la source d'informations la plus exploitée sur cette partie de sa vie ; la version donnée par Talleyrand est cependant contestée par une partie des historiens.

Selon la version donnée par ses mémoires, il est immédiatement remis à une nourrice qui le garde quatre ans chez elle dans le faubourg Saint-Jacques, ce qui n'est pas le cas de ses frères. Toujours selon l'intéressé, il serait tombé d'une commode à l'âge de quatre ans, d'où son pied bot : cette infirmité lui vaut de ne pas pouvoir accéder aux fonctions militaires et d'être destitué de son droit d'aînesse par ses parents qui le destinent alors à une carrière ecclésiastique. Son frère cadet, Archambaud, prend sa place (l'aîné des fils étant mort en bas âge).

Selon Franz Blei, dans ses mémoires, Talleyrand « évoque ses parents avec une surprenante antipathie» :

« Cet accident a influé sur tout le reste de ma vie ; c'est lui qui, ayant persuadé à mes parents que je ne pouvais être militaire, ou du moins l'être sans désavantage, les a portés à me diriger vers une autre profession. Cela leur parut plus favorable à l'avancement de la famille. Car dans les grandes maisons, c'était la famille que l'on aimait, bien plus que les individus, et surtout que les jeunes individus que l'on ne connaissait pas encore. Je n'aime point m'arrêter sur cette idée… je la quitte. »

— Mémoires de Talleyrand

Photographie de deux chaussures prises de trois quarts, en cuir noir, la gauche étant de taille normale, la droite étant deux ou trois fois plus grande.
 

Chaussure orthopédique de Talleyrand, conservée au château de Valençay.

Une partie des biographes, comme Jean Orieux, donnent raison à Talleyrand, qui laisse entendre que ses parents ne l'aimaient pas, ne tolérant pas qu'il fût « simultanément pied bot et Talleyrand ». De leur côté, ses deux frères cadets, Archambaud (1762-1838) et Boson (1764-1830), se marient avec de riches héritières de la noblesse de finance.

Il séjourne de 1758 à 1761 chez sa bisaïeule et « femme délicieuse », Marie-Françoise de Mortemart de Rochechouart, au château de Chalais, période dont il garde un souvenir ému. Il est ensuite envoyé au collège d'Harcourt (futur lycée Saint-Louis) de 1762 à 1769, puis chez son oncle archevêque, où on l'incite à embrasser la carrière ecclésiastique ; il obtempère.

Cette version de son enfance est contestée par plusieurs biographes. Si Michel Poniatowski parle d'un pied-bot de naissance, Emmanuel de Waresquiel va plus loin et affirme que Talleyrand souffre d'une maladie héréditaire (un de ses oncles en étant affecté), le syndrome de Marfan. Toujours selon Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand est devenu prêtre non pas à cause d'un manque d'affection de ses parents, mais de la volonté de le placer dans la succession du richissime et puissant archevêché de Reims promis à son oncle, perspective susceptible de vaincre ses réticences, son âge le plaçant comme le seul en mesure de le faire au sein de sa fratrie. Ainsi, Talleyrand n'aurait blâmé ses parents que dans le contexte de la rédaction de ses mémoires, où il devait faire apparaître sa prêtrise comme ayant été contrainte.

C'est ce qui amène Georges Lacour-Gayet à parler d'un « prétendu abandon ». Pour Franz Blei, s'il est exact qu'il « n'a pas eu de maison paternelle pleine de sécurité et d'affection », il se montre injuste envers sa mère, qui n'a fait que suivre les usages d'éducation de l'époque, avant la mode de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau ; ses parents ont aussi des charges très prenantes à la cour.

 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, par Pierre-Paul Prud'hon, 1809 (Château de Valençay)

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, par Pierre-Paul Prud'hon, 1809 (Château de Valençay)

En 1770, âgé de seize ans, il entre au séminaire Saint-Sulpice, où, selon ses mémoires, il fait preuve de mauvaise humeur et se retranche dans la solitude.

Le , il reçoit les ordres mineurs. Le , il obtient un baccalauréat en théologie à la Sorbonne. Sa thèse est acquise grâce à sa naissance plutôt qu'à son travail : elle est rédigée au moins en partie par son directeur de thèse de la Sorbonne, Charles Mannay, et il obtient une dispense d'âge qui lui permet de la présenter à 20 ans au lieu des 22 requis. À 21 ans, le , il reçoit le sous-diaconat en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, premier ordre majeur, en dépit de ses avertissements : « On me force à être ecclésiastique, on s'en repentira», fait-il savoir. Il bénéficie par la suite d'une dispense du diaconat. Peu après, le , il devient chanoine de la cathédrale de Reims, puis, le , abbé commendataire de Saint-Denis de Reims, ce qui lui assure un revenu confortable.

Le , il assiste au sacre de Louis XVI, auquel participent son oncle comme coadjuteur de l'évêque consécrateur et son père comme otage de la Sainte Ampoule . Cette année-là, en dépit de son jeune âge, il est député du clergé ou premier ordre, et surtout promoteur de l'assemblée du clergé.

Toujours la même année, il s'inscrit à la Sorbonne et y obtient le une licence en théologie. Le jeune licencié rend visite à Voltaire, qui le bénit devant l'assistance. La veille de son ordination, Auguste de Choiseul-Gouffier raconte l'avoir découvert prostré et en pleurs. Son ami insiste pour qu'il renonce mais Talleyrand lui répond : « Non, il est trop tard, il n'y a plus à reculer » ; cette anecdote serait une invention, d'après Emmanuel de Waresquiel. Il est ordonné prêtre le lendemain, . Le surlendemain, il célèbre devant sa famille sa première messe, et son oncle le nomme vicaire général de l'évêché de Reims.

L'année suivante, au printemps 1780, il devient, toujours grâce à son oncle, agent général du clergé de France, charge qui l'amène à défendre les biens de l'Église face aux besoins d'argent de Louis XVI. Il fait ainsi accepter en 1782 un « don gratuit » au roi de plus de 15 millions de livres pour couper court aux menaces de confiscation venant de la couronne. Il intervient également dans la crise de la Caisse d'escompte de 1783 et doit gérer la colère du bas-clergé en maniant la carotte et le bâton. Tous ces travaux lui permettent de s'initier à la finance, aux affaires immobilières et à la diplomatie ; il prend connaissance de l'étendue de la richesse du clergé et noue de nombreuses relations parmi les hommes d'influence de l'époque. Élu secrétaire de l'Assemblée générale de 1785-1786, il est félicité par ses pairs à l'occasion de son rapport final.

Il fréquente et anime les salons libéraux proches des Orléans et noue de nombreuses relations dans ce milieu. Installé rue de Bellechasse, il a pour voisin Mirabeau : les deux hommes se lient d'amitié, de politique et d'affaires. Il est alors proche de Calonne, ministre impopulaire de Louis XVI ; il participe à la négociation du traité de commerce avec la Grande-Bretagne conclu en 1786. Il fait ainsi partie des rédacteurs du plan de Calonne pour réformer complètement les finances du royaume et qui reste à l'état de projet en raison de la crise financière et du départ du ministre.

Son statut d'ancien agent général du clergé doit en principe le propulser rapidement à l'épiscopat alors que croissent ses besoins d'argent ; pourtant, la nomination tarde à venir. L'explication généralement donnée par les historiens est sa vie dissolue, avec son goût pour le jeu, pour le luxe, et ses maîtresses, ce qui indispose Alexandre de Marbeuf, évêque d'Autun et responsable des nominations, et qui choque Louis XVI. Emmanuel de Waresquiel conteste cette analyse, expliquant cette attente par la notoriété de ses amitiés orléanistes hostiles au clan de la reine et par la perte d'influence de sa famille.

Le , il est finalement nommé évêque d'Autun, grâce à la requête que son père mourant a adressée à Louis XVI. « Cela le corrigera », aurait déclaré le roi en signant la nomination. Le , il reçoit également le bénéfice de l'abbaye royale de Celles-sur-Belle. Il est sacré le par Louis-André de Grimaldi, évêque de Noyon. Ernest Renan raconte, parlant d’un de ses professeurs à Saint-Sulpice :

« M. Hugon avait servi d'acolyte au sacre de M. de Talleyrand à la chapelle d'Issy, en 1788. Il paraît que, pendant la cérémonie, la tenue de l'abbé de Périgord fut des plus inconvenantes. M. Hugon racontait qu'il s'accusa, le samedi suivant, en confession, « d'avoir formé des jugements téméraires sur la piété d'un saint évêque ». »

— Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse

Après une campagne courte et efficace, il est élu le député du clergé d'Autun aux états généraux de 1789. Le au matin, un mois après être arrivé et esquivant la messe de Pâques, Talleyrand quitte définitivement Autun et rentre à Paris pour l'ouverture des états généraux, le , qui marque le début de la Révolution française.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Révolution

Député de la Constituante

Durant les états généraux, Talleyrand se rallie au tiers état le , avec la majorité du clergé et la veille de l'invitation de Louis XVI à la réunion des ordres : ainsi qu'il l'écrit dans ses Mémoires, il est préférable de « céder avant d’y être contraint et quand on pouvait encore s’en faire un mérite. » Le , il demande la suppression des mandats impératifs ; le (renouvelé le ), il est le premier membre nommé au comité de constitution de l'Assemblée nationale. Il est ainsi signataire de la Constitution présentée au roi et acceptée par celui-ci le et est l'auteur de l'article VI de la déclaration des droits de l'Homme, qui lui sert de préambule :

« La loi est l'expression de la volonté générale. […] Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. »

— Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

Le , il dépose une motion auprès de l'Assemblée constituante, qui propose d'utiliser « les grands moyens » pour renflouer les caisses de l'État : la nationalisation des biens de l'Église. Selon lui :

« Le clergé n'est pas propriétaire à l'instar des autres propriétaires puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés non pour l'intérêt des personnes mais pour le service des fonctions. »

Défendu par Mirabeau, le projet est voté le . Fêté par Le Moniteur, couvert d'injures dans des pamphlets, « faisant l'horreur et le scandale de toute sa famille », Talleyrand devient pour une partie du clergé celui qui a trahi son ordre, son ancien poste de brillant Agent général le rendant d'autant plus détestable à ceux pour qui il est « l'apostat ». Le , il propose d'accorder le statut de citoyen aux juifs, ce qui donne de nouveaux arguments aux pamphlétaires. Le , il est élu président de l'Assemblée avec 373 voix contre 125 à Sieyès, pour douze jours. Alors que la Constitution va être adoptée, Talleyrand et les royalistes constitutionnels sont alors à l'apogée de leur influence sur la Révolution.

Talleyrand propose à l'Assemblée constituante le le principe d'une fête célébrant l'unité des Français, où les gardes nationaux serviraient de représentants : la fête de la Fédération, sur le Champ-de-Mars. Nommé à cet office par le roi, il célèbre la messe devant 300 000 personnes le , même s'il est peu familier de l'exercice ; montant sur l'estrade supportant l'autel, il aurait dit à La Fayette : « Par pitié, ne me faites pas rire ».

En , il propose l'adoption du système d'unification des mesures.

Le , Talleyrand prête serment à la constitution civile du clergé, puis démissionne de sa charge épiscopale au milieu du mois de , sous le prétexte de son élection comme administrateur du département de Paris. Pourtant, comme les deux premiers évêques constitutionnels (Louis-Alexandre Expilly de La Poipe, évêque du Finistère, et Claude Marolles, évêque de l'Aisne) n'arrivent pas à trouver d'évêque pour les sacrer, Talleyrand est obligé de se dévouer. Il manœuvre deux évêques (les prélats in partibus de Lydda, Jean-Baptiste Gobel et de Babylone, Jean-Baptiste Miroudot du Bourg) pour l'assister : le sacre a lieu le , suivi par quatorze autres, les nouveaux évêques étant parfois appelés « talleyrandistes ». Peu après, dans le bref Quod aliquantum du , puis Caritas du , le pape Pie VI exprime sa douleur devant cet acte schismatique et prend en compte la démission de Talleyrand de sa charge, le menaçant d'excommunication sous quarante jours s'il ne vient pas à résipiscence.

Durant l'année 1791, alors que meurt son ami Mirabeau, il dirige la rédaction d'un important rapport sur l'instruction publique, qu'il présente à l'assemblée constituante juste avant sa dissolution, les 10, 11 et 19 septembre et qui provoque la création de l'Institut de France.

Alors qu'il n'est plus député, du au , Talleyrand est envoyé en mission diplomatique à Londres, pour des achats de chevaux et afin de prendre la température sur une possible neutralité des Britanniques, tout en menant discrètement des négociations sur la rétrocession de Tobago. Il y retourne le avec François Bernard Chauvelin. En dépit de l'atmosphère hostile, ils obtiennent la neutralité le . Talleyrand rentre à Paris le et, le 28, démissionne de son poste d'administrateur du département de Paris.

 Le serment de La Fayette à la fête de la Fédération. Talleyrand (à droite, en mitre) officie à côté du général (musée de la Révolution française, Vizille)

Le serment de La Fayette à la fête de la Fédération. Talleyrand (à droite, en mitre) officie à côté du général (musée de la Révolution française, Vizille)

Exil

À la suite de la journée du 10 août 1792, anticipant la Terreur, il demande à être renvoyé à Londres. Le , il arrache un ordre de mission à Danton, en pleins massacres de Septembre, sous le prétexte de travailler à l'extension du système de poids et de mesures. Cela lui permet de prétendre qu'il n'a pas émigré : « Mon véritable but était de sortir de France, où il me paraissait inutile et même dangereux pour moi de rester, mais d'où je ne voulais sortir qu'avec un passeport régulier, de manière à ne m'en pas fermer les portes pour toujours ». Il part le .

Le , un décret d'accusation est porté contre le « ci-devant évêque d'Autun » après l'ouverture de l'armoire de fer qui révèle les liens entre lui, Mirabeau et la famille royale ; se gardant bien de revenir en France, Talleyrand est porté sur la liste des émigrés à sa parution, par arrêté du .

Affirmant être là pour vendre sa bibliothèque, il vit paisiblement à Kensington « pendant toute l'effroyable année 1793 », fréquente les constitutionnels émigrés, noue des relations avec des Anglais influents et souffre à la fois du manque d'argent et de la haine des premiers émigrés. Fin , on lui annonce que le roi George III ordonne son expulsion, en vertu de l'Aliens Act (« loi sur les étrangers »). Il part en et se réfugie aux États-Unis pendant deux ans, vivant à Philadelphie, New York et Boston. Là, muni de lettres de mission de banques européennes, il cherche à faire fortune, grâce à la spéculation sur les terrains, prospectant dans les forêts du Massachusetts. Il arme même un navire pour commercer avec l'Inde, mais pense surtout à revenir en France.

Juste après la Terreur, il adresse à la Convention thermidorienne, le , une pétition plaidant sa cause ; dans le même temps, Germaine de Staël, avec qui Talleyrand correspond, fait en sorte que Marie-Joseph Chénier réclame son retour à l'Assemblée. Par un discours du , ce dernier obtient la levée du décret d'accusation à l'encontre de Talleyrand. Il est rayé de la liste des émigrés et, après avoir fait escale à Hambourg et Amsterdam, retrouve la France du jeune Directoire le .

Madame de Staël par François Gérard.

Madame de Staël par François Gérard.

Anne-Louise-Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, connue sous le nom de Madame de Staël , est une romancière, épistolière et philosophe genevoiseet française née le à Paris où elle est morte le .

Issue d'une famille de protestants valdo-genevois richissimes, fille du ministre des finances de Louis XVI Jacques Necker, elle est élevée dans un milieu de gens de lettres. Elle épouse, en 1786, le baron Erik Magnus Staël von Holstein, ambassadeur du roi Gustave III de Suède auprès de la cour de France à Versailles. Le couple se séparera en 1800. Devenue baronne de Staël, elle mène une vie sentimentale agitée et entretient en particulier une relation orageuse avec Benjamin Constant, écrivain et homme politique franco-vaudois rencontré en 1794.

Entretemps, sa réputation littéraire et intellectuelle s'est affirmée grâce à trois essais philosophiques que sont les Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau (1788), De l'influence des passions sur le bonheur de l'individu et des nations (1796) et De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800).

Favorable à la Révolution française et aux idéaux de 1789, elle adopte une position critique dès 1791 et ses idées d'une monarchie constitutionnelle la font considérer comme une opposante gênante par les maîtres de la révolution. Malgré le statut de diplomate de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises. Interdite de séjour sur le sol français par Napoléon Bonaparte qui la considère comme un obstacle à sa politique, elle s'installe en Suisse dans le château familial de Coppet qui sert de lieu principal de rencontres au groupe du même nom, et d'où elle fait paraître Delphine (1802), Corinne ou l'Italie (1807) et De l'Allemagne (1810/1813).

Veuve en 1802, elle se remarie en 1811 avec un jeune officier genevois, Albert de Rocca, et rouvre son salon parisien à la faveur de la Restauration de la maison de Bourbon.

Grâce à la publication de De l'Allemagne (1813-14), elle popularise en France les œuvres des auteurs de langue allemande, jusqu'alors relativement méconnues. Elle ouvre ainsi la voie au romantisme français, directement inspiré des premiers romantiques allemands et anglais. Ses œuvres fictionnelles majeures, dans lesquelles elle représente des femmes victimes des contraintes sociales qui les enchaînent, sont Delphine (1802) et Corinne ou l'Italie (1807).

Elle meurt en 1817, peu de temps après une attaque de paralysie qui la terrasse au cours d'un bal que donnait le duc Decazes, laissant inachevées ses Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, ouvrage posthume publié en 1818, ainsi que ses Dix années d'exil, parues à titre posthume en 1821.

Marie Joseph Chénier, frère de André Chénier (exécuté le 25 juillet 1794, 7 Thermidor An II)

Marie Joseph Chénier, frère de André Chénier (exécuté le 25 juillet 1794, 7 Thermidor An II)

Marie-Joseph Blaise de Chénier, né le à Constantinople et mort le à Paris, est un poète, dramaturge et homme politique français, frère cadet du poète André Chénier.

Fils de Louis de Chénier, diplomate et historien, et frère cadet du poète André Chénier, Marie-Joseph Chénier naquit comme lui à Constantinople mais passa son enfance à Carcassonne, fit ses études au collège de Navarre à Paris où il se lia d'amitié avec Charles et Michel de Trudaine, et Louis et François de Pange. Il devint en 1781, à l'âge de dix-sept ans, cadet gentilhomme dans les dragons de Montmorency. Il passa deux années en garnison à Niort.

Tout comme François de Pange, il renonça à la carrière militaire pour se consacrer à la littérature, mais le succès ne fut pas au rendez-vous pour les jeunes gens. François de Pange se tourna vers le journalisme, mais Marie-Joseph s'obstina. Il débuta à la Comédie-Française en avec un drame en deux actes, Edgar, ou le Page supposé, qui fut sifflé du début à la fin. En , la tragédie d'Azémire, qu'il dédia à son ancien condisciple François de Pange, ne connut pas une meilleure fortune.

Talleyrand Ministre du Directoire

Peu après son arrivée, Talleyrand entre à l'Institut de France, où il a été élu le à l'Académie des sciences morales et politiques avant même son départ des États-Unis ; il publie deux essais sur la nouvelle situation internationale, fondés sur ses voyages hors de France. Il participe à la fondation du Cercle constitutionnel, républicain, en dépit de ses amitiés orléanistes et de l'hostilité des conventionnels, qui voient en lui un contre-révolutionnaire.

N'arrivant pas à se faire nommer ministre des Relations extérieures à la place de Charles Delacroix, envoyé comme ambassadeur auprès de la République batave, il fait jouer l'influence de plusieurs femmes, surtout son amie Germaine de Staël. Cette dernière fait le siège de Barras, le plus influent des directeurs, qu'elle supplie dans des scènes enflammées, finissant par obtenir son accord. Talleyrand préfère raconter dans ses mémoires qu'arrivant pour dîner chez Barras, il le découvre effondré par la noyade de son aide de camp et le console longuement, d'où la bienveillance du directeur à son égard. Dans le jeu des nominations du remaniement du , qui intervient dans les prémices du coup d'État du 18 fructidor, Barras obtient l'accord des autres directeurs, qui sont pourtant hostiles à l'ancien évêque.

Lors de sa nomination, Talleyrand aurait dit à Benjamin Constant : « Nous tenons la place, il faut y faire une fortune immense, une immense fortune ». De fait, et dès cet instant, cet « homme d'infiniment d'esprit, qui manquait toujours d'argent » prend l'habitude de recevoir d'importantes sommes d'argent de l'ensemble des États étrangers avec lesquels il traite. Fin 1797, il provoque même un incident diplomatique en faisant demander des pots-de-vin à trois envoyés américains : c'est l'affaire XYZ qui provoque la « quasi-guerre ».

« M. de Talleyrand évaluait lui-même à soixante millions ce qu'il pouvait avoir reçu en tout des puissances grandes ou petites dans sa carrière diplomatique. »

— Charles-Augustin Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis

Dès sa nomination, Talleyrand écrit à Napoléon Bonaparte :

« J'ai l'honneur de vous annoncer, général, que le Directoire exécutif m'a nommé ministre des Relations extérieures. Justement effrayé des fonctions dont je sens la périlleuse importance, j'ai besoin de me rassurer par le sentiment de ce que votre gloire doit apporter de moyens et de facilité dans les négociations. Le nom seul de Bonaparte est un auxiliaire qui doit tout aplanir. Je m'empresserai de vous faire parvenir toutes les vues que le Directoire me chargera de vous transmettre, et la renommée, qui est votre organe ordinaire, me ravira souvent le bonheur de lui apprendre la manière dont vous les aurez remplies. »

— Lettre de Talleyrand à Napoléon Bonaparte

Séduit par le personnage, Bonaparte écrit au Directoire pour lui signifier que le choix de Talleyrand « fait honneur à son discernement ». Une importante correspondance suit ; dans celle-ci, Bonaparte exprime très tôt le besoin de renforcer l'exécutif. Il n'en fait qu'à sa tête en Italie : le traité de Campo-Formio est signé le et Talleyrand le félicite malgré tout. Le , les deux hommes se rencontrent pour la première fois, alors que Bonaparte revient couvert de gloire de la campagne d'Italie. Le , Talleyrand donne une fête somptueuse en son honneur en l'hôtel de Galliffet, où est installé le ministère. Il incite Bonaparte à tenter l'expédition d'Égypte et favorise son départ, tout en refusant de s'y impliquer activement, ne se rendant pas comme convenu avec Bonaparte à Constantinople, et provoquant ainsi la colère du général.

Le Directoire, en particulier Jean-François Reubell qui déteste Talleyrand, traite lui-même les affaires importantes et l'utilise comme un exécutant. La politique de Talleyrand, qui va parfois à l'encontre même de celle des directeurs, a pour but de rassurer les États européens et d'obtenir l'équilibre et la paix. Aussi fait-il part de ses réserves sur la politique de « libération » des pays conquis : le (14 messidor an VII), il écrit à Lacuée, membre du Conseil des Cinq-Cents « que le système qui tend à porter la liberté à force ouverte chez les nations voisines, est le plus propre à la faire haïr et à empêcher son triomphe. » Il prend possession de l'administration des Affaires étrangères, qu'il garnit d'hommes travailleurs, efficaces, discrets et fidèles, même si c'est le Directoire qui choisit les ambassadeurs, sans même le consulter.

Il prend des contacts avec Sieyès et avec les généraux Joubert qui meurt peu après, Brune, puis Bonaparte lorsqu'il revient d'Égypte, dans l'optique du renversement du Directoire. Le , prenant pour prétexte les attaques menées contre lui par la presse et par un obscur adjudant-général qui lui intente un procès et le gagne, il démissionne du ministère qu'il quitte le . Il se consacre à la préparation du coup d'État du 18 brumaire () en conspirant contre le Directoire avec Bonaparte et Sieyès. Le jour dit, il est chargé de réclamer sa démission à Barras : il y parvient si bien qu'il conserve par-devers lui la compensation financière qui était destinée à ce dernier.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Charles Delacroix cité ci-dessus est le père du peintre Eugène Delacroix.

Ministre du Consulat :

Après le coup d'État, il retrouve son rôle de ministre face aux cours européennes peu mécontentes de la fin du Directoire. Bonaparte et Talleyrand s'accordent sur le fait que les affaires étrangères relèvent du domaine exclusif du Premier Consul : le ministre ne rend compte qu'à Bonaparte. Pour François Furet, Talleyrand est « pendant presque huit ans […] le second rôle du régime ».

Bonaparte accède aux vues de Talleyrand et écrit amicalement au roi de Grande-Bretagne, puis à l'empereur d'Autriche, qui refusent de façon prévisible les propositions de réconciliation, sans même accuser réception des lettres. Le tsar de Russie Paul Ier se montre plus favorable : un traité est négocié et signé. Cependant, Paul Ier est assassiné en 1801 par un groupe d’ex-officiers. Son fils Alexandre Ier lui succède.

Les traités de Mortefontaine du pour la pacification des relations avec les États-Unis, et de Lunéville du pour la paix avec l'Autriche vaincue à Marengo, ainsi que la paix d'Amiens du avec le Royaume-Uni et l'Espagne, sont négociés principalement par Napoléon et Joseph Bonaparte : d'après Mme Grand, « le Premier Consul a tout fait, tout rédigé ». Même s'il désapprouve la méthode brutale de négociation, Talleyrand approuve la paix générale, dont les négociations lui permettent de surcroît de gagner beaucoup d'argent, grâce à des trucages et pots-de-vin divers. Il manœuvre les Italiens afin qu'ils élisent Bonaparte président de la République italienne. Il continue également de réformer l'administration des Affaires étrangères. Les espoirs du ministre sont cependant déçus :

« La paix d'Amiens était à peine conclue, que la modération commença à abandonner Bonaparte ; cette paix n'avait pas encore reçu sa complète exécution, qu'il jetait déjà les semences de nouvelles guerres qui devaient après avoir accablé l'Europe et la France, le conduire lui-même à sa ruine. »

— Mémoires de Talleyrand

Il désapprouve ainsi l'annexion du Piémont, le rapprochement excessif entre les républiques française et cisalpine et l'hostilité envers la présence anglaise à Malte. Le Premier Consul annexe également l'Île d'Elbe et occupe la Suisse ; dès le , la rupture avec les Anglais est consommée.

En 1800, il achète le château de Valençay, encore sur injonction de Bonaparte et avec son aide financière. Le domaine s'étend sur environ 200 km2, ce qui en fait l'une des plus grandes propriétés privées de l'époque. Talleyrand y séjourne régulièrement, en particulier avant et après ses cures thermales à Bourbon-l'Archambault.

En 1804, face à l'augmentation du nombre d'attentats perpétrés par des royalistes contre Bonaparte, Talleyrand joue un rôle d'instigateur ou de conseiller dans l'exécution du duc d'Enghien, rôle dont l'importance suscitera un débat durant la Restauration à la suite des accusations de Savary : selon Barras, Talleyrand conseille à Bonaparte de « mettre entre les Bourbons et lui un fleuve de sang » ; selon Chateaubriand, il « inspira le crime ». Le , alors que l'arrestation du duc n'est pas encore connue, Talleyrand déclare à l'assistance, à deux heures du matin : « Le dernier Condé a cessé d'exister ». Dans ses mémoires, Bonaparte indique que « c'est Talleyrand qui [l]'a décidé à arrêter le duc d'Enghien », mais revendique l'exécution comme sa décision personnelle. À la Restauration, en 1814, Talleyrand fait disparaître tous les documents se rapportant à cette affaire ; il nie par la suite avoir pris part à cette exécution, dans une annexe de ses mémoires.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
2 décembre 1804 sacre de Napoléon par David.

2 décembre 1804 sacre de Napoléon par David.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
Ministre de l'Empire

Nommé grand chambellan le , Talleyrand, qui a poussé Bonaparte à instituer l'hérédité du pouvoir, assiste le au sacre de Napoléon Ier. Il est également nommé grand cordon de la Légion d'honneur le , dans la première promotion.

En 1805, commence la campagne d'Allemagne. Talleyrand suit l'empereur dans ses trajets à travers l'Europe. À son arrivée à Strasbourg, il assiste à une violente crise de ce dernier, qui pour Georges Lacour-Gayet s'apparente à une crise d'épilepsie. Au lendemain de la victoire d'Ulm, il envoie de Strasbourg un rapport à l'empereur sur la nécessaire modération à observer vis-à-vis de l'Autriche afin d'instaurer un équilibre entre les quatre (France, Royaume-Uni, Autriche, Russie — auxquels il ajoute la Prusse). Après l'éclatante victoire d'Austerlitz et l'écrasante défaite de Trafalgar, Talleyrand, qui a de nouveau plaidé en vain pour un rééquilibrage européen, signe à contrecœur le traité de Presbourg (), annonçant la création de la Confédération du Rhin et qu'il rédige sur ordre de l'empereur. Selon Metternich, il commence à envisager sa démission. Il essaie d'adoucir les conditions imposées à l'Autriche ; en accordant dix pour cent de rabais et des délais sur les sanctions financières, il mécontente Napoléon, qui le suspecte d'avoir été corrompu :

« L'Autriche, dans l'état de détresse où elle était réduite, ne pouvait que subir les conditions imposées par le vainqueur. Elles étaient dures, et le traité fait avec M. d'Haugwitz rendait pour moi impossible de les adoucir sur d'autres articles que celui des contributions. […] [Napoléon] m'écrivit à quelque temps de là : « Vous m'avez fait à Presbourg un traité qui me gêne beaucoup. »

— Mémoires de Talleyrand

À la suite de la révolution haïtienne, il intervient auprès des États-Unis afin de leur demander de cesser toute activité commerciale avec Haïti. Le 28 février 1806, les États-Unis décrètent un blocus contre le jeune État. En 1806, il reçoit le titre de « prince de Bénévent », État confisqué au Pape où il ne se rend pas une seule fois, se contentant d'envoyer un gouverneur. Le de la même année, il signe le traité créant la Confédération du Rhin, prolongeant la volonté de Napoléon par ses nombreuses négociations. Amorçant la critique de la politique guerrière de ce dernier sans oser le défier, il est toujours déçu dans ses conseils de modération, en particulier par la proclamation du blocus continental, le . Étant en contact permanent avec l'Autriche dans l'espoir d'un rapprochement, il commence à communiquer des informations au tsar Alexandre Ier via son ami le duc de Dalberg. En 1807, après une série de victoires de Napoléon (Eylau, Dantzig, Heilsberg, Guttstadt, Friedland), il rédige (se « content[ant] de tenir la plume ») et signe le traité de Tilsit, qui va à l'encontre de ses vues et de ses conseils à Napoléon : alliance offensive avec la Russie, affaiblissement de l'Autriche. Il se déclare « indigné » par le traitement réservé aux vaincus, en particulier la reine de Prusse, et mécontent d'être un « ministre des Relations extérieures sans emploi ». Il prend certainement à cette occasion la décision de démissionner de son poste de ministre à son retour de Varsovie, voire l'annonce dès cet instant à Napoléon. Cela ne l'empêche pas de favoriser le rapprochement entre ce dernier et Marie Walewska. Sa démission est effective le . Le 14, il est nommé vice-grand-électeur de l'Empire.

 Nicolas Gosse, Le traité de Tilsit. Talleyrand est de face en haut de l'escalier, à gauche.

Nicolas Gosse, Le traité de Tilsit. Talleyrand est de face en haut de l'escalier, à gauche.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
Le double jeu

Talleyrand se détache peu à peu de l'empereur, mais reste cependant son conseiller. Alors qu'il avait initialement (et de manière intéressée) suggéré l'intervention en Espagne, il s'en désolidarise progressivement du fait de l'évolution de la situation européenne. Il fait savoir son opposition puis plus tard fait disparaître les lettres et affirme dans ses mémoires avoir toujours plaidé contre. De plus, l'empereur fait « tout le contraire » des suggestions de Talleyrand, qui plaide pour un rapprochement avec Ferdinand, prince populaire. Son désaccord sur la méthode se manifeste particulièrement dans les courriers qu'il envoie à l'empereur, qui se trouve à Bayonne. Ce dernier n'en tient pas compte et capture par la ruse les infants d'Espagne, procédé inexcusable pour Talleyrand. Il se voit confier leur garde, et les loge durant sept ans à Valençay, hospitalité qui se révèle agréable aux prisonniers.

En , Napoléon le charge de le seconder à l'entrevue d'Erfurt avec le tsar de Russie, sans ignorer que Talleyrand est hostile à l'alliance qu'il cherche, lui préférant la voie autrichienne. Pendant les discussions en marge des entrevues entre les deux empereurs, Talleyrand va jusqu'à déconseiller à Alexandre de s'allier avec Napoléon, en lui déclarant : « Sire, que venez-vous faire ici ? C'est à vous de sauver l'Europe, et vous n'y parviendrez qu'en tenant tête à Napoléon. Le peuple français est civilisé, son souverain ne l'est pas ; le souverain de la Russie est civilisé, son peuple ne l'est pas ; c'est donc au souverain de la Russie d'être l'allié du peuple français », puis « le Rhin, les Alpes, les Pyrénées sont la conquête de la France ; le reste est la conquête de l'Empereur ; la France n'y tient pas ». C'est la « trahison d'Erfurt », « fourberie » (pour Georges Lacour-Gayet) qu'il détaille longuement dans ses mémoires, affirmant avoir manœuvré l'un et l'autre empereur pour préserver l'équilibre européen (« à Erfurt, j'ai sauvé l'Europe d'un complet bouleversement ») et qui lui vaudra plus tard l'inimitié des bonapartistes. Pour l'heure, Napoléon, qui ignore le sabotage, est surpris du manque de réussite de ses discussions avec Alexandre, et l'alliance ne se fait pas, la convention étant devenue « insignifiante ». Selon André Castelot, « l'envoi à Erfurt de Talleyrand, en fourrier diplomatique, est assurément [de toutes les erreurs commises en 1808 par l'empereur] la faute qui pèsera le plus lourd sur l'avenir de l'Empire.

 Nicolas Gosse, Napoléon reçoit à Erfurt l’ambassadeur d’Autriche, sous le regard de Talleyrand, entre eux deux.

Nicolas Gosse, Napoléon reçoit à Erfurt l’ambassadeur d’Autriche, sous le regard de Talleyrand, entre eux deux.

 Joseph Fouché, duc d'Otrante.

Joseph Fouché, duc d'Otrante.

Joseph Fouché, dit Fouché de Nantes, duc d'Otrante, comte Fouché, est un homme politique français, né le au Pellerin, près de Nantes, et mort le à Trieste, alors possession italienne de l'Empire autrichien. Personnage complexe qui a fasciné de nombreux auteurs, Fouché est particulièrement connu pour son implication dans la répression violente de l'insurrection lyonnaise en 1793, et pour avoir été ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Seconde Restauration.

Alors que l'on reste sans nouvelles de l'empereur depuis l'Espagne, où la guérilla fait rage, et que la rumeur de sa mort se répand, Talleyrand intrigue au grand jour avec Joseph Fouché pour offrir la régence à l'impératrice Joséphine, en cherchant le soutien de Joachim Murat. Le , en Espagne, Napoléon apprend la conjuration et accourt à Paris, arrivant le 23. Le 27, durant trente minutes, il abreuve Talleyrand d'injures ordurières à l'issue d'un conseil restreint de circonstance :

« Vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi ; vous ne croyez pas à Dieu ; vous avez, toute votre vie, manqué à tous vos devoirs, vous avez trompé, trahi tout le monde ; il n'y a pour vous rien de sacré ; vous vendriez votre père. Je vous ai comblé de biens et il n'y a rien dont vous ne soyez capable contre moi »

Il l'accuse notamment de l'avoir incité à faire arrêter le duc d'Enghien et à entamer l'expédition d'Espagne ; la phrase célèbre « vous êtes de la merde dans un bas de soie » n'est peut-être pas prononcée en cette circonstance. Il lui retire son poste de grand chambellan.

Talleyrand est convaincu d'être arrêté, mais reste impassible : il aurait dit à la sortie dudit conseil : « Quel dommage, Messieurs, qu'un aussi grand homme ait été si mal élevé ». Au contraire de Fouché qui joue profil bas, il se présente toujours à la cour et ce dès le lendemain de la fameuse scène, fait jouer les femmes auprès de Napoléon mais ne dissimule pas son opposition :

« Napoléon avait eu la maladresse (et on en verra plus tard la conséquence) d'abreuver de dégoût ce personnage si délié, d'un esprit si brillant, d'un goût si exercé et si délicat, qui, d'ailleurs, en politique lui avait rendu autant de services pour le moins que j'avais pu lui en rendre moi-même dans les hautes affaires de l'État qui intéressaient la sûreté de sa personne. Mais Napoléon ne pouvait pardonner à Talleyrand d'avoir toujours parlé de la guerre d'Espagne avec une liberté désapprobatrice. Bientôt, les salons et les boudoirs de Paris devinrent le théâtre d'une guerre sourde entre les adhérents de Napoléon d'une part, Talleyrand et ses amis de l'autre, guerre dont l'épigramme et les bons mots étaient l'artillerie, et dans laquelle le dominateur de l'Europe était presque toujours battu. »

— Mémoires de Joseph Fouché

Menacé d'exil avec son comparse, voire dans sa vie, il n'est finalement pas inquiété, conserve ses autres postes et l'empereur le consulte toujours. Selon Jean Orieux, il est pour Napoléon « insupportable, indispensable et irremplaçable » : Talleyrand travaille à son divorce et à son remariage, en lui suggérant le « mariage autrichien », qu'il plaide pendant le conseil extraordinaire du . Il est alors gêné financièrement, du fait de la perte de ses charges et du coût de l'hébergement des infants d'Espagne, que la dotation de Napoléon ne couvre pas complètement. La faillite de la banque Simons, dans laquelle il perd un million et demi, le met alors dans une position si délicate qu'il sollicite en vain un prêt au tsar. Il reçoit cependant toujours des pots-de-vin et en vient à vendre une nouvelle fois sa bibliothèque. En 1811, Napoléon finit par le sortir de ses ennuis financiers en lui achetant l'hôtel Matignon ; deux ans plus tard, Talleyrand déménage dans l'hôtel Saint-Florentin.

En 1812, dans le cadre de la préparation de la campagne de Russie, Napoléon pense emprisonner préventivement Fouché et Talleyrand, tout en envisageant d'envoyer ce dernier comme ambassadeur en Pologne. Talleyrand accueille la nouvelle de la retraite de Russie en déclarant : « c'est le commencement de la fin » ; il intensifie ses relations d'intrigue. En , Talleyrand incite sans succès Napoléon à négocier la paix et à accorder d'importantes concessions ; il refuse le poste de ministre des Relations extérieures que lui propose à nouveau l'empereur. Il écrit à Louis XVIII via son oncle, début d'une correspondance qui dure toute l'année 1813 ; la police impériale intercepte certaines lettres et l'empereur pense l'exiler et le poursuivre en justice. Pourtant Napoléon suit toujours ses conseils : en , il accepte sur ses instances le retour des Bourbons sur le trône d'Espagne, et lui propose de nouveau le poste de ministre des Relations extérieures, se voyant opposer un nouveau refus. Le , Napoléon, durant une nouvelle scène, est sur le point de le faire arrêter ; le , il le nomme pourtant au conseil de régence. Ils se voient pour la dernière fois le surlendemain, à la veille du départ de l'empereur pour une campagne militaire désespérée.

Le , alors que les Alliés menacent Paris, le conseil de régence décide l'évacuation de la cour, qui a lieu les deux jours suivants. Le au soir, Talleyrand exécute une manœuvre habile pour rester, et en maître, à Paris : il fait en sorte qu'on l'empêche de passer la barrière de Passy puis, durant la nuit, négocie la capitulation du maréchal Marmont, qui dirige la défense de la ville. Le lendemain, , Talleyrand dévoile son « 18 Brumaire à l'envers », alors que les Alliés entrent dans Paris : ce soir-là, le roi de Prusse et le tsar arrivent à son hôtel particulier, et ce dernier y loge. Il plaide auprès d'eux le retour des Bourbons en ces termes : « La République est une impossibilité ; la Régence, Bernadotte, sont une intrigue ; les Bourbons seuls sont un principe. » Il répond également à leurs doutes en proposant de consulter le Sénat :

« Le tsar acquiesça ; la Restauration était faite. »

— Georges Lacour-Gayet, Talleyrand

Président du Gouvernement provisoire

Le , le Sénat conservateur élit Talleyrand à la tête d'un « gouvernement provisoire » qui fait dire à Chateaubriand qu'« il y plaça les partners de son whist ». Le lendemain, le Sénat déchoit l'empereur de son trône, ce dernier négociant encore avec les Alliés pour une abdication en faveur de son fils et une régence de Marie-Louise. Napoléon Bonaparte est finalement perdu par la défection de Marmont et abdique le . Talleyrand fait saisir toute sa correspondance avec l'empereur.

Il applique immédiatement ses idées libérales et fait en sorte de rétablir une vie normale pour le pays :

« Il fait rendre les conscrits des dernières levées napoléoniennes à leur famille, libérer les prisonniers politiques et les otages, échanger les prisonniers de guerre, il rétablit la liberté de circulation des lettres, facilite le retour du Pape à Rome et celui des princes espagnols à Madrid, rattache les agents de la police générale de l'Empire, devenus odieux, à l'autorité des préfets. Il s'efforce surtout de rassurer tout le monde et maintient autant que faire se peut tous les fonctionnaires dans leur poste. Deux préfets seulement sont remplacés. »

— Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile.

Sa position est difficile, surtout à Paris : les Alliés occupent la ville, les royalistes et les bonapartistes ne reconnaissent pas le gouvernement provisoire. Il use d'expédients pour financer ce dernier.

Pendant les premiers jours d'avril, lui, son gouvernement et le Sénat rédigent à la va-vite une nouvelle constitution, qui consacre une monarchie parlementaire bicamérale, organise l'équilibre des pouvoirs, respecte les libertés publiques et déclare la continuité des engagements contractés sous l'Empire.

Le , le comte d'Artois entre dans Paris et s'installe, en même temps que le gouvernement, aux Tuileries (à cette occasion, Talleyrand lui fait attribuer la déclaration selon laquelle il n'y a « qu'un Français de plus »). Le 14, le Sénat défère l'autorité formelle sur le gouvernement provisoire au comte d'Artois, qui accepte pour son frère « les bases » de la Constitution, mais avec certaines restrictions.

Après le traité de Fontainebleau du , Talleyrand signe le 23 la convention d'armistice avec les Alliés, dont il juge les conditions « douloureuses et humiliantes » (la France revient aux frontières de 1792, renonce aux frontières naturelles et abandonne cinquante-trois places fortes), mais sans alternative, dans une France « épuisée d'hommes, d'argent et de ressources ».

Le gouvernement provisoire ne dure qu'un mois. Le , Talleyrand rejoint Louis XVIII à Compiègne, où celui-ci lui fait faire antichambre plusieurs heures, puis lui déclare au cours d'un entretien glacial : « Je suis bien aise de vous voir ; nos maisons datent de la même époque. Mes ancêtres ont été les plus habiles ; si les vôtres l'avaient été plus que les miens, vous me diriez aujourd'hui : prenez une chaise, approchez-vous de moi, parlons de nos affaires ; aujourd'hui, c'est moi qui vous dis : asseyez-vous et causons. » Dans la même conversation, Louis XVIII lui aurait demandé comment il a pu voir la fin de tant de régimes, ce à quoi Talleyrand aurait répondu :

« Mon Dieu, Sire, je n'ai vraiment rien fait pour cela, c'est quelque chose d'inexplicable que j'ai en moi et qui porte malheur aux gouvernements qui me négligent. »

— Charles-Maxime Villemarest, M. de Talleyrand

Ministre de la Première Restauration

Louis XVIII n'accepte pas la Constitution sénatoriale : il préfère accorder à ses sujets la Charte constitutionnelle qui reprend les idées libérales proposées mais rejette l'équilibre des pouvoirs, le roi en accordant aux deux chambres. Le , Talleyrand, déçu dans son ambition de présider le ministère, est nommé ministre des Affaires étrangères.

Le , il signe le traité de Paris qu'il a négocié : la paix entre la France et les Alliés, la fin de l'occupation, pas d'indemnités de guerre, le retour aux frontières de 1792 (plus quelques villes, une part de la Savoie et les anciens comtats pontificaux) et l'annonce du congrès de Vienne, dont les bases sont posées. Parmi les dispositions, la France, qui a conservé ses colonies (sauf l'île de France, Tobago et Sainte-Lucie), s'engage à abolir la traite négrière dans les cinq ans (reprenant ainsi la loi du que Napoléon avait promulguée à son retour de l’île d’Elbe) et conserve les œuvres d'art pillées par Bonaparte.

Talleyrand est fait chevalier de l'ordre de la Toison d'or (no 868). La principauté de Bénévent est rendue au pape. Le roi le fait enfin « prince de Talleyrand » et pair de France.

Le , il défend le budget devant la chambre des pairs. Pour la première fois, comme en Angleterre, l'État se voit dans l'obligation de payer toutes les dettes qu'il contracte.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Le Congrès de Vienne par Jean Godefroy d'après l’œuvre de Jean-Baptiste Isabey (voir carte de l'Europe de Vienne) 1 Arthur Wellesley 2 Joaquim Lobo da Silveira (en) 3 António de Saldanha da Gama (en) 4 Carl Löwenhielm 5 Louis Joseph Alexis de Noailles 6 Klemens Wenzel von Metternich 7 Frédéric-Séraphin de La Tour du Pin Gouvernet 8 Karl Robert von Nesselrode 9 Pedro de Sousa Holstein 10 Castlereagh 11 Emmerich Joseph von Dalberg 12 Johann von Wessenberg 13 Andreï Razoumovski 14 Charles Vane 15 Pedro Gómez Labrador (en) 16 Richard Trench 17 Nikolaus von Wacken 18 Friedrich von Gentz 19 Wilhelm von Humboldt 20 William Cathcart 21 Karl August von Hardenberg 22 Talleyrand 23 Gustav Ernst von Stackelberg.

Ambassadeur au Congrès de Vienne

Louis XVIII le charge logiquement de représenter la France au congrès de Vienne et approuve les « instructions » que Talleyrand a proposées. Le diplomate part avec quatre objectifs, les dispositions concernant la France ayant déjà été réglées par le Traité de Paris :

  1. prévenir les vues de l'Autriche sur la Sardaigne ;

  2. faire en sorte que Naples revienne à Ferdinand IV de Bourbon ;

  3. défendre la Pologne face à la Russie ;

  4. empêcher la Prusse de mettre la main sur la Saxe et la Rhénanie.

Le débutent les tractations informelles du congrès de Vienne. Talleyrand, qui y est assisté par le duc de Dalberg, le marquis de la Tour du Pin et le comte de Noailles, y arrive le , l'ouverture étant prévue pour le 1er octobre. Tenu à l'écart des principales réunions qui ont lieu entre les quatre pays (Royaume-Uni, Autriche, Prusse, Russie) qui ont déjà approuvé un protocole le , il est cependant invité à une discussion le Metternich et Hardenberg emploient les mots « puissances alliées ». Il réagit alors :

« Alliées…, dis-je, et contre qui ? Ce n'est plus contre Napoléon : il est à l'île d'Elbe… ; ce ne n'est plus contre la France : la paix est faite… ; ce n'est sûrement pas contre le roi de France : il est garant de la durée de cette paix. Messieurs, parlons franchement, s'il y a encore des puissances alliées, je suis de trop ici. […] Et cependant, si je n'étais pas ici, je vous manquerais essentiellement. Messieurs, je suis peut-être le seul qui ne demande rien. De grands égards, c'est là tout ce que je veux pour la France. Elle est assez grande par ses ressources, par son étendue, par le nombre et l'esprit de ses habitants, par la contiguïté de ses provinces, par l'unité de son administration, par les défenses dont la nature et l'art ont garanti ses frontières. Je ne veux rien, je vous le répète ; et je vous apporte immensément. La présence d'un ministre de Louis XVIII consacre ici le principe sur lequel repose tout l'ordre social. […] Si, comme déjà on le répand, quelques puissances privilégiées voulaient exercer sur le congrès un pouvoir dictatorial, je dois dire que, me renfermant dans les termes du traité de Paris, je ne pourrais consentir à reconnaître dans cette réunion aucun pouvoir suprême dans les questions qui sont de la compétence du congrès, et que je ne m'occuperais d'une proposition qui viendrait de sa part. »

— Mémoires de Talleyrand

Talleyrand provoque la colère des quatre (Metternich déclare : « nous aurions mieux fait de traiter nos affaires entre nous ! »). Le , il menace de ne plus assister à aucune conférence, se pose en défenseur des petites nations qui assistent à partir de ce moment aux délibérations et exploite les divisions qui se font jour entre les quatre. Appuyé par le Royaume-Uni et l'Espagne, il obtient ainsi que les procès-verbaux des précédentes réunions soient annulés. Le congrès s'ouvre finalement le . Pour Jean Orieux, aucun sujet important n'est abordé dans les réunions officielles (tout se passe dans les salons) ; les petites nations se lassent et finissent par ne plus y assister. Talleyrand reste alors que les véritables délibérations commencent (il intègre le comité des grandes puissances le ) : « C'est ainsi que le comité des Quatre devint le comité des Cinq ».

Il s'allie à l'Autriche et au Royaume-Uni : un traité secret est signé le , ce qui lui permet d'écrire, triomphant, à Louis XVIII : « Maintenant, Sire, la coalition est dissoute, et elle l'est pour toujours. La France n'est plus isolée en Europe… » Par là, il s'oppose à la Prusse et à la Russie : la première n'obtient qu'un morceau de la Saxe et la seconde qu'une partie de la Pologne, qu'elles se partagent. En effet, Talleyrand est partisan d'une Allemagne fédérale qui soit le centre d'équilibre entre les différentes puissances en particulier la Prusse et l'Autriche. La Prusse et la France se retrouvent avec une frontière en commun, ce qui lui est reproché par une partie des biographes comme la source des guerres franco-allemandes futures ; il est défendu par d'autres. Talleyrand signe l'acte final du congrès le .

En échange de la restitution de la principauté de Bénévent, Talleyrand obtient également une compensation financière et le titre de duc de Dino (du roi rétabli Ferdinand des Deux-Siciles), qu'il transmet à son neveu, et par là à sa nièce Dorothée, qui a brillé durant le congrès.

 Talleyrand en habit de grand chambellan (détail), par Pierre-Paul Prud'hon, portrait version rouge de 1807 (Musée Carnavalet de Paris).

Talleyrand en habit de grand chambellan (détail), par Pierre-Paul Prud'hon, portrait version rouge de 1807 (Musée Carnavalet de Paris).

Président du Conseil de la Seconde Restauration

Au terme du Congrès, la France conserve ses conquêtes de 1792, mais Napoléon Ier revient de l'île d'Elbe, porté en triomphe par les Français, ce qui ruine l'opinion des Alliés à leur sujet et les amène à s’interroger sur les intentions de Talleyrand. Lord Castlereagh écrit à Lord Clancarty, désormais chef de la délégation britannique : « Je partage votre avis : on ne peut compter sur Talleyrand. Cependant, je ne sais à qui sa Majesté peut davantage se fier. La vérité est que la France est un repaire de voleurs et de brigands et que seuls peuvent les gouverner des criminels de leur espèce. » Talleyrand est approché par Montrond, plaidant la cause de Napoléon (pour Lacour-Gayet) ou du duc d'Orléans (pour Emmanuel de Waresquiel) ; dans tous les cas, il refuse, bien qu'il soit en très mauvais termes avec Louis XVIII, désormais en exil. Attendant la défaite de Napoléon (« c'est une question de semaines, il sera vite usé »), il tarde cependant à rejoindre le roi à Gand.

Après la bataille de Waterloo, le , il arrive à Mons où se trouve le roi. D'après Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand presse le roi, au cours d'une réunion orageuse, de renvoyer son conseiller Blacas, d'accepter une constitution plus libérale et de se distinguer des Alliés, mais n'obtient que le départ de Blacas ; d'après Georges Lacour-Gayet, il refuse de se rendre chez le roi, Chateaubriand jouant les intermédiaires. Prenant de court Talleyrand qu'il disgracie (de colère, ce dernier en perd son calme habituel), Louis XVIII rejoint les bagages de l'armée alliée et rédige une proclamation réactionnaire. Cette tendance provoque l'inquiétude des Britanniques qui contraignent le roi à rappeler Talleyrand à la tête du conseil des ministres. À l'issue de la séance du , marquée par des affrontements verbaux, le ministre l'emporte sur le comte d'Artois et le duc de Berry (chefs du parti ultra) et une proclamation libérale est adoptée.

Fouché, président du gouvernement provisoire, tient Paris, appuyé par les républicains. Pour Georges Lacour-Gayet et Franz Blei, Talleyrand convainc Louis XVIII de nommer Fouché (qui a voté la mort de son frère) ministre de la Police. D'après les Mémoires de Talleyrand et pour Emmanuel de Waresquiel, les réticences de Louis XVIII cèdent le pas à la nécessité politique, et c'est Talleyrand qui ne souhaite pas s'encombrer d'un homme comme Fouché. Dans tous les cas, Talleyrand négocie avec Fouché qui livre Paris au roi, et il organise une rencontre. Dans un passage fameux de ses mémoires, Chateaubriand raconte la scène :

« Ensuite, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment. »

— François-René de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-tombe

Talleyrand conserve son poste, et, le lendemain de l'arrivée du roi aux Tuileries, le , il est nommé de surcroît président du Conseil des ministres, malgré l'opposition des ultras. Il réussit à constituer, contrairement à 1814, un gouvernement qu'il dirige et sera solidaire de la politique libérale choisie. Il entame une révision de la Charte par une ordonnance du pour organiser le partage du pouvoir entre le roi et les chambres (la chambre des pairs devenant héréditaire, Talleyrand composant la liste des pairs), une libéralisation des élections (baisse du cens, de l'âge minimal), une libéralisation de la presse, etc.

Le gouvernement tente aussi en vain d'empêcher les armées alliées, qui occupent toujours le pays, de reprendre les œuvres d'art pillées dans toute l'Europe par Napoléon. Il essaie de renvoyer ces armées hors du royaume ; les souverains européens exigent des conditions exorbitantes pour signer la paix, que Talleyrand parvient à diminuer en abaissant par exemple les réparations de 100 à 8 millions de francs. La France perd cependant ses conquêtes de 1792.

Talleyrand entre en conflit avec Fouché (qui a besoin de donner des gages aux royalistes) sur les débuts de la Terreur blanche dans le Midi (Talleyrand est contraint de rétablir la censure) et sur les listes de bonapartistes (Ney, Huchet de la Bédoyère, etc.) à juger. Le ministre de la Police paie de son poste cette divergence de vues, ce qui réjouit le roi et les ultras. Cela ne suffit pas : après les élections qui amènent la « Chambre introuvable », remportée par ces derniers, Talleyrand présente le sa démission afin d'obtenir un refus et le soutien du roi. Ce dernier, sous la pression des ultras et du tsar Alexandre (qui reproche à Talleyrand de s'être opposé à lui à Vienne), l'accepte le et change de ministère, appelant un gouvernement mené par le duc de Richelieu.

 Talleyrand en 1828, par Ary Scheffer.

Talleyrand en 1828, par Ary Scheffer.

Dans l'opposition libérale

Talleyrand est nommé grand chambellan de France le . Pour la première fois depuis son retour des États-Unis, il n'est pas au pouvoir, se répandant contre son successeur, le duc de Richelieu (qui pourtant fait en sorte que les titres de Talleyrand, qui n'a pas de fils légitime, soient transmissibles à son frère), certain d'être rappelé au pouvoir. Au printemps 1816, il se retire à Valençay, où il n'avait pas été depuis huit ans, puis revient un temps à Paris à l'annonce de la dissolution de la Chambre introuvable. Le , sa critique d'Élie Decazes, ministre de la Police, exaspère le roi (il le traite de « maquereau ») : il est interdit de se présenter à la cour, disgrâce qui dure jusqu'au . Son opposition au gouvernement entraîne même une approche des ultras, opposés à Richelieu et Decazes qui poursuivent en partie la politique libérale de Talleyrand. En 1818, il a une occasion de revenir au pouvoir, mais le roi, qui ne l'« aime [ni ne l'] estime », lui préfère Jean Dessolle, puis Decazes, puis à nouveau Richelieu en 1820. Il est désormais convaincu que le roi ne veut plus de lui.

Alors que les ultras sont de plus en plus influents, Talleyrand, désormais proche des doctrinaires, en particulier de Pierre-Paul Royer-Collard qu'il a pour voisin à Valençay, se place pour le reste de la Restauration dans l'opposition libérale : il prononce le , puis en des discours à la Chambre des pairs pour défendre la liberté de la presse, puis le contre l'expédition d'Espagne, voulue par Chateaubriand. Il est alors d'autant plus détesté par les ultras que son rôle dans l'assassinat du duc d'Enghien est révélé par Savary, qui est alors exilé par Louis XVIII, lequel souhaite protéger l'honneur de son grand chambellan.

En , alors que le poids de ses 70 ans se fait sentir, son poste fait qu'il assiste longuement à l'agonie de Louis XVIII, puis à son enterrement et au sacre de son successeur. L'avènement de Charles X, chef du parti ultra, lui enlève ses derniers espoirs de retour au pouvoir. Durant une cérémonie, le à l'église Saint-Denis un nommé Maubreuil l'agresse et le frappe à plusieurs reprises. Il se rapproche du duc d'Orléans et de sa sœur, Madame Adélaïde. En quelques années, le jeune journaliste Adolphe Thiers a su devenir un familier : Talleyrand l'aide à monter son journal, Le National, d'orientation libérale et offensive contre le pouvoir. Le National se retrouve au cœur de la contestation des Ordonnances de Juillet qui provoque les Trois Glorieuses et la chute de Charles X. Il profite par la même occasion des conseils du banquier Gabriel-Julien Ouvrard, sur une baisse de la bourse de Paris à l'occasion de ces événements.

François Gérard, Le sacre de Charles X. Talleyrand est au premier plan, coiffé d'un chapeau à plume

François Gérard, Le sacre de Charles X. Talleyrand est au premier plan, coiffé d'un chapeau à plume

Monarchie de Juillet

Ambassadeur à Londres

En juillet 1830, alors que l'incertitude règne, Talleyrand expédie le un billet à Adélaïde d'Orléans pour son frère Louis-Philippe, lui conseillant de se rendre à Paris :

« Ce billet qui amena sur les lèvres de Madame Adélaïde une exclamation soudaine : « Ah ! ce bon prince, j'étais bien sûre qu'il ne nous oublierait pas ! » dut contribuer à fixer les indécisions du futur roi. Puisque M. de Talleyrand se prononçait, Louis-Philippe pouvait se risquer. »

— Charles-Augustin Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis

Louis-Philippe revient à Paris le lendemain, se rend pour entretien chez Talleyrand et prend son parti. Celui-ci l'aide par l'entremise d'Adolphe Thiers. Devenu roi, Louis-Philippe, après avoir souhaité faire de Talleyrand son ministre des Affaires étrangères, le nomme rapidement à sa demande ambassadeur extraordinaire à Londres, afin de garantir la neutralité du Royaume-Uni vis-à-vis du nouveau régime. La décision est critiquée à Paris, mais approuvée à Londres, où Wellington et Aberdeen sont ses amis depuis longtemps. Il est accueilli de manière grandiose le et reçoit le logis de William Pitt ; sa nomination rassure les cours d'Europe, effrayées par cette nouvelle révolution française, alors qu'éclate la révolution belge. Lui-même explique être à l’époque « animé de l’espoir, du désir surtout, d’établir cette alliance de la France et de l’Angleterre, que j’ai toujours considérée comme la garantie la plus solide du bonheur des deux nations et de la paix du monde. »

Talleyrand s'oppose au ministre Louis-Mathieu Molé : les deux hommes essayent de mener une politique sans tenir compte l'un de l'autre, le ministre menaçant de démissionner. Talleyrand prône par exemple contre Molé l'évacuation de l'Algérie, que souhaitent les Britanniques ; Louis-Philippe choisit de s'y maintenir. Molé est cependant remplacé par Horace Sébastiani, qui ne gêne pas Talleyrand.

Talleyrand argumente auprès des Britanniques pour un concept qu'il forge de « non-intervention » en Belgique, alors que l'armée hollandaise est repoussée. Des conférences entre les cinq grands s'ouvrent le . Après avoir refusé l'idée d'une partition de la Belgique, puis avoir envisagé un temps une telle idée, il plaide pour la création d'un État fédéré neutre sur le modèle de la Suisse : il signe les protocoles de , puis le traité du , qui officialisent celle-ci. Il va jusqu'à passer sur ses instructions en acceptant, et même en négociant, la préservation des frontières du pays et le choix de Léopold de Saxe-Cobourg comme souverain du nouveau pays neutre. Il approuve la décision du nouveau Premier ministre, Casimir Perier, de soutenir militairement cette neutralité, menacée par les Pays-Bas. Le nouveau pays fait démanteler les forteresses sises à la frontière française.

Talleyrand travaille sur le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : le rapprochement du Royaume-Uni et de la France, base de l'Entente cordiale. Les deux pays interviennent conjointement pour obliger le roi des Pays-Bas à respecter la nouvelle indépendance de la Belgique. Il reçoit régulièrement Alphonse de Lamartine et entretient de bons rapports avec son ami Wellington et l'ensemble du cabinet. Son nom est applaudi au Parlement britannique, son raffinement et son habileté deviennent fameux à Londres ; il reçoit fréquemment Prosper Mérimée. L'opposition anglaise accuse même le gouvernement d'être trop influencé par lui, le marquis de Londonderry déclarant à la tribune : « Je vois la France nous dominant tous, grâce à l'habile politique qui la représente ici, et je crains qu'elle n'ait dans ses mains le pouvoir de décision et qu'elle n'exerce ce que j'appellerai une influence dominante sur les affaires européennes. »

Pendant ce temps, en France, si Talleyrand bénéficie d'une estime importante parmi les élites politiques et auprès du roi (ce dernier le consulte sans cesse, lui propose le poste de Premier ministre, proposition qu'il esquive), sa réputation est au plus bas : « Le prince a évité à la France le démembrement, on lui doit des couronnes, on lui jette de la boue ». C'est en effet à cette époque que s'exacerbe la haine généralisée des partis à son encontre. Il devient le « diable boiteux », celui qui a trahi tout le monde.

« On l'appelait « Protée au pied boiteux », « Satan des Tuileries », « République, empereur, roi : il a tout vendu », lisait-on dans ce poème à la mode du jour, écrit avec une plume arrachée à l'aigle de l'ange exterminateur, intitulé Némésis (« la Vengeance »). Son seul mérite fut de provoquer une admirable réponse de Lamartine. »

— Jean Orieux, Talleyrand ou le sphinx incompris

Talleyrand reste en poste jusqu'en 1834 et la conclusion du traité de la Quadruple-Alliance, signé le . Fatigué des difficultés de négociation avec Lord Palmerston, il quitte son poste, après avoir signé une convention additionnelle au traité le . Il arrive le 22 à Paris ; on parle de compléter les alliances en l'envoyant à Vienne. Il renonce à la présidence du conseil, qui est confiée à Thiers (Talleyrand participe à la formation du gouvernement), puis à la scène publique.

Talleyrand se retire dans son château de Valençay. Il a déjà été nommé maire de cette commune de 1826 à 1831, puis conseiller général de l'Indre, jusqu'en 1836. Il conseille toujours Louis-Philippe, en particulier en 1836 sur la neutralité à adopter dans le problème de la succession espagnole, contre l'avis de Thiers, qui y perd son poste.

Son activité politique décroît cependant. Il reçoit, outre de nombreuses personnalités politiques, Alfred de Musset et George Sand (cette dernière le remerciant par un article injurieux qu'elle regrette dans ses mémoires), Honoré de Balzac et met la dernière main à ses mémoires. En 1837, il quitte Valençay et retourne s'installer dans son hôtel Saint-Florentin à Paris.

À l'approche de la mort, il doit négocier un retour à la religion pour éviter à sa famille le scandale d'un refus de sacrements et de sépulture comme dut le subir Sieyès. Après un discours d'adieu à l'Institut le , ses proches confient à l'abbé Dupanloup le soin de le convaincre de signer sa rétractation et de négocier le contenu de celle-ci. Talleyrand, qui joue une fois de plus sur le temps, ne signe que le jour de sa mort, ce qui lui permet de recevoir l'extrême-onction. Au moment où le prêtre doit, conformément au rite, oindre ses mains avec l'huile des infirmes, il déclare : « N'oubliez pas que je suis évêque », reconnaissant ainsi sa réintégration dans l'Église. L'événement, suivi par le tout-Paris, fait dire à Ernest Renan qu'il réussit « à tromper le monde et le Ciel ».

Lorsqu'il apprend que Talleyrand est à l'agonie, le roi Louis-Philippe décide, contrairement à l'étiquette, de lui rendre visite. « Sire, murmure le mourant, c'est un grand honneur que le roi fait à ma Maison. » Il meurt le , à 15 h 35 ou 15 h 50, selon les sources, après avoir nommé Adolphe Fourier de Bacourt son exécuteur testamentaire.

Des funérailles officielles et religieuses sont célébrées le 22 mai. L'inhumation provisoire (qui dure trois mois) de Talleyrand a lieu le 22 mai dans le caveau de l'église Notre-Dame de l'Assomption (Paris 1er), sa sépulture à Valençay n'étant pas terminée. Embaumé à l'égyptienne, son corps est placé dans la crypte qu'il a fait creuser sous la chapelle de la maison de charité qu'il a fondée en 1820 à Valençay, où il est ramené de Paris le 5 septembre ; ce lieu devient la sépulture de ses héritiers et le reste jusqu'en 1952.

Jusqu'en 1990, une vitre laisse voir son visage momifié. La plaque de marbre qui recouvre une face du sarcophage de marbre noir placé dans un enfeu porte : « Ici repose le corps de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince duc de Talleyrand, duc de Dino, né à Paris le , mort dans la même ville le . »

En 2004, le sarcophage est remonté de la crypte pour être exposé dans le chœur de la chapelle.

Talleyrand et L'art de vivre

« Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre. »

— Talleyrand

Talleyrand était réputé pour sa conversation, son esprit, son raffinement et la finesse de sa table, gardant toujours des manières d'Ancien Régime. Pour Germaine de Staël, « si sa conversation pouvait s'acheter, je m'y ruinerais ». Pour parler de littérature, il reçoit notamment dans sa riche bibliothèque, qu'il doit vendre plusieurs fois, par manque d'argent.

Pendant toute sa vie, Talleyrand aime l'opulence et le gros jeu (notamment le craps et le whist), ce qui lui impose de disposer de revenus importants ; il lui arrive de se trouver à court d'argent et de ne pas payer ses fournisseurs.

Avant de s'installer successivement à l'hôtel Matignon et à l'hôtel Saint-Florentin, il partage son temps entre son ministère (pour les réceptions officielles) et la rue d'Anjou (pour les intimes) où il a installé Catherine Grand. Lui et ses nombreuses relations mondaines et intimes y jouent, dînent à la française, écoutent parfois de la musique et surtout conversent de tous les sujets, y compris de cuisine et de vins.

Il a la réputation d'avoir la meilleure cave et la meilleure table de Paris. À l'hôtel Saint-Florentin, la cuisine occupe tout un quartier, comprenant, outre un temps Marie-Antoine Carême (« le roi des chefs et le chef des rois », qu'il rend célèbre), quatre chefs, un rôtisseur, un saucier, un pâtissier, occupant dix à vingt personnes suivant les moments. Pendant quelques années, il est aussi le propriétaire du Château Haut-Brion.

Talleyrand et les femmes

Être étudiant au séminaire n'empêche pas Talleyrand de fréquenter ostensiblement une actrice de la Comédie-Française, Dorothée Dorinville (Dorothée Luzy pour la scène), avec qui il se promène sous les fenêtres du séminaire. Cette relation dure « pendant deux années, de dix-huit à vingt ans » :

« Ses parents l'avaient fait entrer malgré elle à la comédie ; j'étais malgré moi au séminaire. […] Grâce à elle, je devins, même pour le séminaire, plus aimable, ou du moins plus supportable. Les supérieurs avaient bien dû avoir quelque soupçon […] mais l'abbé Couturier leur avait enseigné l'art de fermer les yeux. »

— Mémoires de Talleyrand

Les femmes prennent très tôt une grande importance dans la vie de Talleyrand, importance qui sera constante, intimement, socialement et politiquement jusqu'à sa mort. Parmi ces femmes, il entretient toute sa vie une amitié teintée d'amour avec un « petit globe » à qui il reste fidèle. Ainsi, ses mémoires ne mentionnent l'avènement de Louis XVI que sous cet angle :

« C'est du sacre de Louis XVI que datent mes liaisons avec plusieurs femmes que leurs avantages dans des genres différents rendaient remarquables, et dont l'amitié n'a pas cessé un moment de jeter du charme dans ma vie. C'est de madame la duchesse de Luynes, de madame la duchesse de Fitz-James, et de madame la duchesse de Laval que je veux parler. »

— Mémoires de Talleyrand

De 1783 à 1792, Talleyrand a pour maîtresse (entre autres) la comtesse Adélaïde de Flahaut, avec qui il vit presque maritalement et qui lui donne au grand jour un enfant en 1785, le fameux Charles de Flahaut.

Madame de Staël a une brève aventure avec lui ; Talleyrand dira plus tard « qu’elle lui a fait toutes les avances ». Sollicitée des États-Unis par Talleyrand (qui scandalise la société de Philadelphie en se promenant au bras d'« une magnifique négresse ») pour l’aider à rentrer en France, c’est elle qui obtient, grâce à Marie-Joseph Chénier, qu’il soit rayé de la liste des émigrés, puis qui, en 1797, après lui avoir prêté 25 000 livres, le fait nommer par Barras ministre des Relations extérieures. Lorsque Madame de Staël se brouille avec Bonaparte, qui l'exile, Talleyrand cesse de la voir et ne la soutient pas. Elle considérera toujours cette attitude comme une étonnante ingratitude.

À son retour d'Amérique, Talleyrand demande en mariage Agnès de Buffon, qui lui oppose un refus, ne pouvant se résoudre à épouser un évêque.

Quelques historiens, comme Jean Orieux, affirment qu'Eugène Delacroix est le fils de Talleyrand. Ils avancent que Talleyrand est l'amant de Victoire Delacroix, que Charles Delacroix (ministre dont il prend la place en 1797) souffre, jusque six ou sept mois avant la naissance, d'une tumeur aux testicules, qu'Eugène Delacroix offre une certaine ressemblance physique avec Talleyrand et que ce dernier le protège durant sa carrière. Si Georges Lacour-Gayet estime « impossible » que Charles Delacroix soit son père et « possible » que Talleyrand le soit, et si Maurice Sérullaz ne se prononce pas, une autre partie des biographes du peintre et de ceux de Talleyrand contestent cette théorie, affirmant que la relation n'a jamais eu lieu, et que la naissance, prématurée, intervient logiquement à la suite de la guérison de Charles Delacroix. Enfin, leur principal argument est qu'il n'existe qu'une source sur cette paternité, les Mémoires de Madame Jaubert, ce qui fait dire à Emmanuel de Waresquiel :

« Tous ceux qui ont aimé à forcer le trait de leur personnage, à commencer par Jean Orieux, se sont laissé tenter, sans se soucier du reste, ni surtout des sources ou plutôt de l'absence de sources. Une fois pour toutes, Talleyrand n'est pas le père d'Eugène Delacroix. On ne prête qu'aux riches… En juillet 1797, il est ministre de la République, ce qui n'est pas si mal. »

— Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile

Durant les négociations du concordat de 1801, pour lesquelles Talleyrand met de la mauvaise volonté, Bonaparte souhaite que la situation de son ministre se normalise et qu'il quitte ou épouse sa maîtresse, l'ex-Mme Grand. Elle-même, qui ne demande que cela, se plaint de sa situation auprès de Joséphine — d'après Lacour-Gayet, Talleyrand lui-même le souhaite. Après de vifs désaccords, le pape, dans un bref, permet à Talleyrand de « porter l'habit des séculiers » mais lui fait rappeler qu'« aucun évêque sacré n'a été dispensé, jamais, pour se marier ». Sur l'ordre de Bonaparte, le Conseil d'État interprète à sa façon ce bref papal et rend Talleyrand à la « vie séculière et laïque » le . Le , il se marie donc à l'hospice des Incurables, rue de Verneuil à Paris, avec Catherine Noël Worlee, qu'il connaît depuis trois ans. Les témoins sont Pierre-Louis Roederer, Étienne Eustache Bruix, Pierre Riel de Beurnonville, Maximilien Radix de Sainte-Foix et Karl Heinrich Otto de Nassau-Siegen. Le contrat est signé par Bonaparte et Joséphine, les deux autres consuls, les deux frères de Talleyrand et par Hugues-Bernard Maret. Malgré un mensonge de Catherine Worlee sur son veuvage, un discret mariage religieux aurait eu lieu le lendemain à l'église d'Épinay-sur-Seine. De Catherine, Talleyrand a sans doute une fille, Charlotte, née vers 1799 et déclarée de père inconnu, dont il devient judiciairement le tuteur en 1807 et qu'il marie en 1815 au baron Alexandre-Daniel de Talleyrand-Périgord, son cousin germain. Ayant démissionné de la présidence du Conseil, et quoique séparé depuis longtemps de Catherine, Talleyrand signe le , « sous le sceau de l'honneur », une convention de séparation amiable.

En 1808, durant l'entrevue d'Erfurt, si Napoléon ne parvient pas à séduire le tsar, Talleyrand obtient de ce dernier le mariage de son neveu Edmond de Talleyrand-Périgord avec Dorothée de Courlande, âgée de 15 ans, « un des meilleurs partis d'Europe ». Sa mère, la duchesse de Courlande, s'installe à Paris et devient l'une des intimes et la maîtresse de Talleyrand, rejoignant le « petit globe » de ses amies.

Au congrès de Vienne, Dorothée de Périgord a 21 ans et voit sa vie transformée (« Vienne. Toute ma vie est dans ce mot. ») : elle brille dans le monde par son intelligence et son charme. Faite duchesse de Dino, elle prend définitivement place aux côtés de son oncle par alliance, devenant probablement sa maîtresse peu après (sans qu'il cesse d'avoir de tendres rapports avec sa mère) ; outre les enfants de son mariage, sa fille Pauline est vraisemblablement de Talleyrand. Malgré ses amants, elle vit avec ce dernier à l'hôtel Saint-Florentin, à Londres ou à Valençay jusqu'à sa mort, soit durant vingt-trois ans. Dépositaire par testament de ses papiers, elle devient pendant vingt ans la « gardien[ne] de l'orthodoxie » de la mémoire (et des Mémoires) de Talleyrand.

Dorothée Dorinville dite Melle Luzy

Dorothée Dorinville dite Melle Luzy

La duchesse de Fitz-James, née Marie de Thiard de Bissy.

La duchesse de Fitz-James, née Marie de Thiard de Bissy.

La duchesse de Fitz-James...

Le marquis épouse à l'âge de 25 ans, le 26 décembre 1768, Marie-Claudine-Sylvie de Thiard qui a tout juste 15 ans. Elle est la fille unique d’Henri de Thiard de Bissy et d’Anne-Elisabeth Brissard, fille du fermier général du même nom. Même si trois enfants naissent de leur union, Henriette-Victoire en 1770, Charles-Jean en 1773 et Edouard en 1776, le ménage ne vit pas dans la meilleure harmonie. Son mari la trompe à tours de bras. Elle va se consoler de ses infidélités conjugales dans les bras d’un jeune homme rencontré dans la cathédrale de Reims lors du sacre de Louis XVI. Qui est le jeune amant ? Forcé à être ecclésiastique, il sort du séminaire Saint-Sulpice. C’est le futur Talleyrand. Dans ses Mémoires, il écrira : « C’est du sacre de Louis XVI que datent mes liaisons avec plusieurs femmes que leurs avantages dans des genres différents rendaient remarquables et dont l’amitié n’a pas cessé un moment de jeter du charme sur ma vie. » Mme de Fitz-James le partage avec ses amies, la duchesse de Luynes et la vicomtesse de Laval. C’est que Mme de Fitz-James est à l’époque une belle jeune femme, dame du palais de la reine Marie-Antoinette de février 1781 jusqu’à la révolution. Elle mène avec son mari la vie fastueuse des aristocrates bien en cour. À la campagne, ils possèdent deux châteaux, celui de Fitz-James dans l’Oise et celui de Maillebois dans l’Eure-et-Loir. À Paris, ils ont acquis en 1777 l’hôtel de Saint Florentin moyennant 500 000 livres. La vie est légère. C'est l'époque où Jacques Charles expérimente son ballon à hydrogène qui s’envole du Champ de Mars et parcourt 16 km jusqu’à Gonesse, où le duc de Fitz-James et le duc de Chartres dressent le procès-verbal de son arrivée. Cependant les dettes s’accumulent et atteignent un montant de 600 000 livres si bien que l’hôtel de Saint-Florentin doit être vendu à la duchesse de l’Infantado. Le couple part habiter au château du Louvre. La Révolution gronde, devient réalité et leur fait craindre le pire. Le 6 mars 1790, alors que le couple est séparé de biens, le duc cède toute sa fortune à sa femme: mobilier, duché de Fitz-James, domaine de Maillebois, rentes. La duchesse, encouragée par la reine, prend la route de l’exil et trouve refuge à Parme. Son projet initial était de rejoindre à Rome le cardinal d’York, cousin éloigné de son mari. La reine, au retour de Varennes, lui envoie le 30 juillet 1791 sa dernière lettre. Le duc, fidèle au roi, part rejoindre l’armée des Princes, de l’autre côté du Rhin. Un an avant, le 17 juillet 1788, est né d'une liaison avec Anne Bibiane Beauvaland, un deuxième fils illégitime, Charles-Jacques-Aimé, qui fera honneur à son nom en embrassant une brillante carrière militaire sous Napoléon.

La duchesse de Fitz-James, de retour à Paris en 1801, demande à être rayée de la liste des émigrés et jure fidélité à la constitution, ce qui lui donne le droit de rentrer en possession des biens qui n’ont pas été vendus, à l’instar du château de Maillebois. Cette élimination de la liste des émigrés, dit-elle, dans une lettre au citoyen préfet d’Eure-et-Loir « ne lui rendra que quelques débris à peine suffisants pour empêcher ses enfants de mourir de faim ». Elle se dit « absolument ruinée par une longue et cruelle absence » confirmant les dires de son fils Edouard qui assure fièrement avoir « perdu toute sa fortune à faire son devoir ». Le duc de Fitz-James n’a plus que quelques années à vivre, il s’éteint, semble-t-il, à Paris, le 11 août 1805. Sa femme lui survit jusqu'au 10 juin 1812. Edouard vit retiré jusqu’à la chute de l’Empire et reprend du service sous la Restauration. Il rentre alors en possession du domaine de Fitz-James. Le château familial n'existe plus. Il a servi de dépôt au 25e régiment de cavalerie de 1789 à 1792. L'année suivante, il a été occupé par les réquisitionnaires des environs pour être finalement saccagé par un régiment de bas-bretons. Il a alors été acquis en bien national par le citoyen Boutron de Versailles qui l'a démoli avant de le revendre. Le nouveau château, construit par Edouard de Fitz-James sur la colline à cent mètres de distance de l'ancien manoir, est vendu en 1833 à Chrestien de Beaumini, ancien maire de Clermont-de-l'Oise.

 

La comtesse Adelaide de Flahaut

La comtesse Adelaide de Flahaut

Adélaïde-Marie-Émilie Filleul, dite Adélaïde, comtesse de Flahault de la Billarderie, puis Adélaïde de Souza, ou encore Madame de Flahault, et Madame de Souza, née le à Paris et morte dans la même ville le , est une écrivaine, moraliste et salonnière française.

Sa mère est connue sous le nom de Madame Filleul : Marie Irène Catherine du Buisson de Longpré, épouse Filleul, aurait été la maîtresse de Louis XV (étant passée par le Parc-aux-cerfs) ayant de lui une fille Julie. Sa mère devient ensuite la maîtresse d’un fermier général, Étienne-Michel Bouret qui, selon Jean Orieux, est le véritable père d’Adélaïde ; selon d’autres (dont Charles de Morny), il s’agit du roi. À seize ans, Julie épouse Abel-François Poisson de Vandières, marquis de Marigny et frère de madame de Pompadour. Sa mère meurt en 1767 et elle a la charge d’Adélaïde.

Selon Sainte-Beuve, elle perd très tôt ses parents et fait ses études au couvent, lieu qui servira de cadre à certains épisodes de ses romans.

À l’âge de dix-huit ans, à sa sortie du couvent, elle épouse le , le comte Charles-François de Flahaut de la Billarderie, sur décision de sa sœur aînée Julie. Il a 36 ans de plus qu’elle et est maréchal de camp, intendant des jardins et du cabinet du roi ; selon elle, le mariage n’est jamais consommé. Les époux résident au Louvre alors en pleine effervescence pré-révolutionnaire où la jeune femme, trop jeune pour apprécier la situation politique, s’ennuie. Elle a alors l’idée d’écrire et commence Adèle de Sénange, l’histoire d’une toute jeune fille, mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, qui vit une situation évoquant l’amour impossible de la Princesse de Clèves.

Maitresse de l'Abbé de Périgord (Talleyrand), elle ouvre son salon où le jeune abbé tient la première place durant dix ans, de 1783 à 1792. Ils vivent tous deux quasiment maritalement, et le naît leur enfant (la paternité de Talleyrand est généralement admise), Charles de Flahault. Son salon compte également Gouverneur Morris, ministre plénipotentiaire des États-Unis et témoin de son temps qui passe l’été 1784 avec elle et qui se défendra d’être le père de Charles de Flahault, William Windham, à qui la paternité de Charles de Flahault est parfois attribuée, d’Holbach, Suard, Marmontel, Panckouke, le médecin de la Reine Félix Vicq d'Azyr et bien entendu Talleyrand.

Talleyrand se rapproche, durant les débuts de la Révolution, de Germaine de Staël ; suit une période de brouille entre eux et elle s’inquiète de la tournure que prend la Révolution. Elle se cache avec son fils chez Gouverneur Morris durant les massacres de Septembre.

Au début de la Terreur, elle s’installe à Londres, laissant son mari en France. C’est là qu’est publié son premier roman, en 1794. Chevaleresque, le comte de Flahault se rend de lui-même au Tribunal révolutionnaire pour épargner son avocat ; il est guillotiné en 1794.

Pour vivre à Londres et payer l’éducation de son fils, elle confectionne des chapeaux. Lord Wycombe la convainc d’écrire un roman ; ce sera Adèle de Senange, inspiré de sa propre histoire et qui connaît un grand succès.

Elle se rend en Suisse où elle rencontre le ci-devant duc de Chartres qui est peut-être alors son amant. Elle le suit à Hambourg où elle retrouve Gouverneur Morris, et où elle rencontre aussi son futur mari, Dom José Maria de Sousa Botelho Mourão e Vasconcelos, ambassadeur de Portugal au Danemark.

Talleyrand l’aide à rentrer en France fin 1797, puis à la radier de la liste des émigrés. Il fait entrer leur fils au ministère de la Marine en 1799. Elle continue à écrire, publiant Émilie et Alphonse en 1799, Charles et Marie en 1802.

Elle épouse en secondes noces José Maria de Sousa, lui aussi veuf, riche aristocrate portugais, ambassadeur du Portugal à Paris et illustre mécène littéraire, plus connu comme « Morgado de Mateus », le . Ce dernier renonce à un poste d’ambassadeur en Russie pour rester à Paris, se consacrant aux lettres. Souza est l'orthographe ancienne du nom Sousa en langue portugaise ; morgado, un titre de courtoisie donné au Portugal aux seigneurs de maison indivisible.

Même si « Madame de Souza » est souvent désignée comme « marquise de Souza Botelho » en littérature ou bien par snobisme social, ce titre n'a jamais existé. La confusion vient peut-être du fait que son beau-fils, Dom José Luís de Sousa Botelho Mourão e Vasconcelos, a été créé 1er comte de Vila Real en 1823, ou parce que ces Sousa Botelho descendent, par les femmes et par batardise, du célèbre António Luís de Sousa (en), le conquérant de Madrid pendant la guerre de Succession d'Espagne, le .

Adélaïde de Souza fréquente de nouveau les salons pour favoriser la fortune de son fils, Charles de Flahault. Elle va jusqu’à favoriser la liaison de celui-ci avec Hortense de Beauharnais, dont le fruit est Charles de Morny, son petit-fils né en 1811, puis elle le marie à Margaret Mercer Elphinstone, fille de l'amiral Keith ; il connait par la suite une carrière militaire et politique importante. Elle perd de son influence avec la chute de l’Empire (elle dissuade son fils, devenu aide de camp de Napoléon, de partir avec lui à Sainte-Hélène) ; Dom José Luís de Sousa meurt à Paris le . Il reste surtout connu pour la magnifique édition de luxe des Lusiades, qu'il a payé et fait imprimer de son vivant à Paris.

Madame de Souza se retire alors de la vie mondaine et reporte une partie de son affection vers son petit-fils, qu’elle élève. Il sera lui-même l’éminence grise de son demi-frère Napoléon III.

Elle est enterrée au cimetière du Père-Lachaise à Paris (20e division) auprès de son mari portugais, qui, lui, sera ramené dans sa patrie en 1964, et reste inhumé depuis lors à son palais de Mateus, près de Vila Real.

Madame de Staël

Madame de Staël

 Portrait de Marguerite Françoise Bouvier de la Mothe de Cepoy (1767-1808), Comtesse de Buffon

Portrait de Marguerite Françoise Bouvier de la Mothe de Cepoy (1767-1808), Comtesse de Buffon

Celle qui a dit NON à Talleyrand...

Marguerite Françoise (dite aussi Agnès) Bouvier de La Mothe de Cepoy, par son mariage comtesse de Buffon (1784), puis (1798) Madame Renouard de Bussierre, née en 1767 et morte en 1808, fut la maîtresse en titre du prince Louis Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, connu sous la Révolution française sous le nom de Philippe-Égalité.

Biographie

Fille de Guillaume François Bouvier de La Mothe, deuxième marquis de Cepoy, et d'Élisabeth Amaranthe Jogues de Martinville, Marguerite Françoise Bouvier de La Mothe de Cepoy épousa en 1784 Georges Louis Marie Leclerc de Buffon (1764-1794), fils du célèbre naturaliste. Peu après son mariage, elle devint la maîtresse du duc d'Orléans. Celui-ci lui donna un fils, Victor (1792-1812), qui fut présenté comme celui du comte de Buffon. Elle divorça le peu après l'exécution de Philippe-Égalité.

Elle aida les fils légitimes du duc d'Orléans, le duc de Montpensier et le comte de Beaujolais, durant leur incarcération à Marseille jusqu'à leur libération en 1796.

Elle se remaria le à Rome, à Julien Raphäel Renouard de Bussierre, officier de l'Armée de Condé, commissaire des guerres auprès de l'armée d'Italie qui mourra en 1804. Il était issu d'une éminente famille Franco-Suisse (branche cadette). Naîtra de cette union, Jules Edmond Renouard de Bussierre, ministre de France en Saxe 1839-1842, pair de France, 1841, Grand officier de la Légion d'honneur, titré comte par Louis-Philippe Ier.

Ne pouvant conserver auprès d'elle le bâtard qu'elle avait eu avec le duc d'Orléans, elle le fit passer en Angleterre pour que le fils du duc, futur roi des Français, Louis-Philippe d'Orléans, prît soin de lui.

Blonde, fort belle, elle passait aussi pour fort sotte. Selon la comtesse de Boigne : « Je fis connaissance à Saint Germain avec madame de Renouard, plus connue sous le nom de Buffon. Elle était la preuve qu'il n'y a point de position à laquelle un noble caractère ne puisse donner de la dignité. Maîtresse de monsieur le duc d'Orléans pendant toutes les horreurs de la Révolution, elle les avaient traversées en alliant un dévouement entier pour le prince avec une haine hautement affichée pour les crimes dont elle était témoin et pour leurs auteurs. Il est inouï qu'elle n'ait pas été victime de sa franchise ; il paraît qu'elle avait inspiré du respect à ces monstres eux-mêmes. Elle resta fidèle à la mémoire de monsieur le duc d'Orléans et s'occupa, au péril de ses jours, des affaires de ses fils qu'elle avait contribué à faire échapper de la prison de Marseille. Elle leur confia un enfant qu'elle avait eu: il fut élevé par eux à l'étranger sous le nom de chevalier d'Orléans ; il mourut fort jeune. Une anecdote peu connue, c'est que monsieur de Talleyrand eut fort le désir d'épouser madame de Buffon. Sa tante, la vicomtesse de Laval, s'employa vivement à cette négociation, sans pouvoir vaincre sa répugnance à devenir la femme d'un évêque. Elle était tombée dans une grande pénurie. Un suisse, monsieur Renouard de Bussière, homme très agréable, lui adressa ses hommages qu'elle accepta. Leur union ne fut pas longue ; il mourut lui laissant un fils. Lorsque je l'ai connue, elle était veuve et vivait dans une retraite absolue, uniquement occupée de cet enfant; elle a eu le bonheur de pouvoir le recommander à monsieur le duc d'Orléans avant de mourir. Ce prince professait, à juste titre, une grande reconnaissance pour madame de Renouard et a toujours protégé son fils. Des anciens rapports de mes parents avec sa famille leur firent forcer la solitude de madame de Renouard. Lorsqu'elle était à son aise, elle était très spirituelle, parfaitement aimable et très intéressante sur ce qu'elle avait vu mais dont elle parlait rarement et mal volontiers. Elle conservait des restes de beauté et surtout d'agrément. »

Elle mourut le , laissant deux filles : Caroline, marquise de La Woeystine, et Edmée, comtesse de Timbrune de Valence (son fils Casimir était mort à 14 ans).

Madame Grand alias Catherine Noël Worlee peinte en 1783 par Élisabeth Vigée Le Brun.

Madame Grand alias Catherine Noël Worlee peinte en 1783 par Élisabeth Vigée Le Brun.

Noël Catherine Verlée encore nommée Catherine Noël Worlee (parfois Werlée) est née à Tranquebar (ou Trinquebar) aux Indes danoises, près de Pondichéry, le 21 novembre 1762; décédée à Paris le 10 décembre 1834 épousa en secondes noces son amant Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, diplomate et homme politique français, prince souverain de Bénévent, qui joua un rôle important pendant la période révolutionnaire, le Premier Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet.

Très tôt remarquée pour sa beauté, elle épouse en 1777 un négociant naturalisé anglais du nom de George-François Grand, officier de la Compagnie des Indes. Venue en Europe dès 1780, elle s'attire les faveurs de notables fortunés ou puissants personnages en France et en Angleterre.

Son premier mariage dissous, elle épouse en 1802, le ministre des Relations extérieures Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord dont elle est la maîtresse depuis 1797. Elle tient un salon couru sous le premier empire français, au château de Valençay et en l'hôtel Saint-Florentin à Paris.

Séparée du Prince en 1816, un temps exilée, elle finit par se retirer à Paris, recevant avec moins de succès en son hôtel de la rue de Lille, où elle meurt sans postérité.

Connue d'abord comme Madame Grand du nom de son premier époux, puis Madame de Talleyrand-Périgord, ensuite Son Altesse Sérénissime la Princesse de Bénévent, elle reste enfin pour l'histoire l'unique Princesse de Talleyrand.

Née dans une famille créole d'ascendance bretonne
  • Né en 1724 - Sainte-Radegonde, Port-Louis, 56181, Morbihan, Bretagne, France
  • Décédé le 18 mai 1786 (jeudi) - Chandernagor. Etablissement Francais de l'Inde, Inde., à l'âge de 62 ans
  • Pilote du Gange. Lieutenant du Port a Pondichery. Capitaine de Port à Chandernagor, Indes. Chevalier de l'Ordre Royal de Saint-Louis

 Parents

 Union(s) et enfant(s)

Noël Catherine Verlée est créole, c'est-à-dire dans la langue de son époque, issue d'une famille européenne et née aux Indes, comme on désigne alors, aussi bien, à l'Orient les terres de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est et, à l'Occident celles des Antilles.

Son père, Jean-Pierre Verlée est né à Port-Louis dans le diocèse de Vannes, en 1724. Entré dans la Marine, il fait souche aux Indes orientales françaises et termine sa carrière capitaine de port à Chandernagor, où il décède le 18 mai 1786, titulaire de la croix de Chevalier de l'Ordre de Saint-Louis.

Veuf après une première union qui lui avait donné deux filles, il épouse en secondes noces le 17 avril 1758 à Pondichéry, Laurence Alleigne, née en 1744 et décédée le 11 Brumaire An XI (2 novembre 1803) à Paris, elle-même issue d'une famille créole des Indes françaises.

Noël Catherine Verlée, née le 21 novembre 1762, est la deuxième fille issue de cette seconde union. « Elle était grande et avait toute la souplesse et la grâce si communes aux femmes nées en Orient », écrit à son sujet Madame de Rémusat dans ses Mémoires. Son portrait peint en 1783 par Élisabeth Vigée Le Brun, alors qu'elle est âgée de 20 ans, en témoigne.

Noël Catherine Verlée se marie en premières noces, le 10 juillet 1777 à Chandernagor (Indes françaises) avec Georges-François Grand, né à Genève dans une famille huguenote française, naturalisé anglais pour rentrer au service de la Compagnie anglaise des Indes. Le couple s'établit à Calcutta, mais quelque temps plus tard, les rumeurs d'une liaison amoureuse de Catherine avec un officier irlandais, Sir Philip Francis, amène Georges-François Grand à reconduire son épouse à Chandernagor, avant de la renvoyer en Europe par bateau. Elle embarque ainsi le 7 décembre 1780.

Après un séjour londonien, au cours duquel elle retient l'attention successive de deux riches anglais qui lui versent une rente, Madame Grand s'établit à Paris, en 1782. Elle devient rapidement une figure des salons littéraires parisiens, courtisée autant que courtisane. Elle se lie ainsi avec le baron de Frénilly. Élisabeth Vigée Le Brun, la célèbre portraitiste de la famille royale, peintre favori de la reine Marie-Antoinette, fait d’elle un portrait à l'huile. Ce tableau est exposé au salon de peinture de Paris de l'année 1783. Elle est la familière de plusieurs banquiers ou hommes d'affaires, comme Philippe Rilliet-Plantamour (Genève 1757- Paris 1845), Louis Monneron ou Valdec de Lessart, contrôleur général des finances en 1790.

Elle s'adonne en ces années 1797-1800 à des activités de renseignement pour le gouvernement anglais.

Madame de Talleyrand-Périgord, bientôt S.A.S. la Princesse de Bénévent, future Princesse de Talleyrand, peinte vers 1805 par le (futur) Baron Gérard

Madame de Talleyrand-Périgord, bientôt S.A.S. la Princesse de Bénévent, future Princesse de Talleyrand, peinte vers 1805 par le (futur) Baron Gérard

Les jours de gloire (1798-1816)

Épouse de ministre : le mariage avec Talleyrand-Périgord, évêque

Noël Catherine Verlée a divorcé le 18 germinal an VI (7 avril 1798) à Paris, de Georges-François Grand. Le 23 Fructidor an X (10 septembre 1802) à Paris, elle épouse en secondes noces, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) qu'elle connait depuis trois ans. Talleyrand est alors ministre des Relations extérieures depuis le 11 juillet 1797, nommé sous le Directoire; puis après un intermède entre le 10 juillet 1799 et 22 novembre 1799, il est de nouveau à ce poste sous le Consulat. Napoléon Bonaparte, Premier Consul, exige soit la séparation, soit le mariage car, Talleyrand, héritier d'une grande famille, est certes un diplomate de premier plan, mais n'en est pas moins prêtre ordonné le 18 septembre 1779, sacré le 4 janvier 1789 évêque et ancien titulaire de l'évêché d'Autun. Talleyrand décide de se marier, car il est très épris de celle qui semble lui avoir révélé les grâces de l'amour charnel. Le prude Mathieu Molé dit de cette relation : « Le pouvoir qu’elle avait sur lui avait cela de repoussant qu’on ne pouvait lui assigner que la plus charnelle origine. »

À grand renfort de diplomatie, le 29 juin 1802, un bref du Pape Pie VII autorise Talleyrand au port des habits civils des laïcs, à la communion laïque et à l'exercice de ses fonctions publiques, mais ne le réduit pas à l’état laïc, du fait de son sacre épiscopal. Talleyrand qui s'est pourtant entremis en ce sens, ne reçoit pas l’autorisation papale de se marier. Pourtant le 2 fructidor an X (20 août 1802), les Consuls de la République enregistrent le bref de façon ambiguë, en faisant du retour de l'évêque Talleyrand à la communion laïque dans l'Église, une sécularisation et une réduction à l'état de laïc. Le mariage civil est célébré le 10 septembre 1802 à l'Hospice des Incurables, rue de Verneuil à Paris. Le contrat de mariage est signé devant deux notaires et contresigné par les deux frères de Talleyrand, Archambaud et Boson, par le Premier consul Napoléon Bonaparte et son épouse Joséphine, par les deux autres consuls Cambacérès et Lebrun et par Hugues-Bernard Maret. Les témoins du mariage sont Pierre-Louis Roederer, Étienne Eustache Bruix, Pierre Riel de Beurnonville, Maximilien Radix de Sainte-Foix et Karl Heinrich Otto de Nassau-Siegen.

Talleyrand étant toujours considéré comme évêque par l'Église (sacre du 4 janvier 1789), ce mariage n'avait pas de valeur canonique. Malgré cela, plusieurs mémorialistes affirment qu'en outre, une bénédiction nuptiale fut donnée aux époux par l'abbé Jean-Nicolas Pourez, prêtre constitutionnel d'Épinay-sur-Seine, soit en son église Saint-Médard d'Épinay-sur-Seine, soit à Paris en la chapelle des Missions étrangères, voisine de l'hôtel de Galliffet, où le ministre des Relations extérieures Talleyrand réside.

Princesse : une figure du Tout-Paris, châtelaine à Valençay

Le 5 juin 1806, l'empereur Napoléon fait Talleyrand prince de Bénévent. L'ex-madame Grand devient ainsi, par son mariage avec Charles-Maurice, « Son Altesse Sérénissime la princesse de Bénévent ». À ceux qui viennent le féliciter, le nouveau prince répond, dit-on : « Allez donc féliciter madame de Talleyrand, les femmes sont toujours très fières de devenir princesse. » Plus tard, Louis XVIII, restauré sur le trône de France après l'abdication le 14 avril 1814 de Napoléon, nomme le 4 juin 1814, Talleyrand qui lui a fait allégeance, pair de France avec le titre de « prince de Talleyrand ». Catherine, son épouse, sera désormais connue comme la « princesse de Talleyrand », titre qu'elle portera jusqu'à sa mort.

Catherine, princesse de Talleyrand, est une figure du Tout-Paris impérial et les méchantes langues disent alors qu'elle est la femme la plus stupide de Paris. D'aucuns l'ont rendue célèbre pour avoir dit beaucoup de « bêtises », dont le fameux : « Je suis d'Inde », vraisemblablement apocryphe. De nombreuses gaffes publiques lui sont prêtées, ce qui amuse l'empereur Napoléon. Ses contemporains disent d'elle que « c'était la Belle et la Bête réunies en une seule personne ».

Mais peut être, tout cela a-t-il été exagéré dans le but de nuire à Talleyrand. Ce dernier l'avait certes décrite à Barras dans une lettre datée du 23 mars 1798 en ces termes :

« C’est la personne du monde la plus éloignée et la plus incapable de se mêler d’aucune affaire ; c’est une indienne bien belle, bien paresseuse, la plus désoccupée de toutes les femmes que j’ai jamais rencontrées (…). Je l’aime et je vous atteste à vous, d’homme à homme, que de sa vie elle ne s’est mêlée et n’est en état de se mêler d’aucune affaire. C’est une véritable Indienne, et vous savez à quel degré cette espèce de femme est loin de toute intrigue. »

Mais par ce courrier, il s'employait alors à la disculper d'avoir comploté avec des émigrés à Londres, plus qu'il ne voulait la dépeindre pour sotte. D'ailleurs, Madame de Chastenay écrit dans ses Mémoires:

« Elle était très belle et je n’ai jamais rien entendu sortir de sa bouche qui ressembla aux propos vides de sens que l’on se plaisait à lui prêter. Jamais elle n’a proféré devant moi une seule phrase de mauvais ton, jamais elle n’a dit un mot qu’on pût qualifier de bêtise. »

 

château de Pont-de-Sains (Nord), offert à Catherine Noël Worlee par son futur époux Talleyrand.

château de Pont-de-Sains (Nord), offert à Catherine Noël Worlee par son futur époux Talleyrand.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Catherine participe dès sa rencontre avec Talleyrand à la brillante vie parisienne qu'il mène. Cette présence à ses côtés est l'une des causes de la nécessité des noces avec Talleyrand. Ainsi, Talleyrand mène en parallèle de sa vie publique, une vie de couple officielle à l'hôtel de Galliffet, siège du ministère des Relations extérieures que Talleyrand occupe jusqu'en 1807,

à Pont-de-Sains où Catherine se voit offrir, avant même leurs noces, une terre avec une ancienne maison de maître des forges, agrandie à plusieurs reprises par Talleyrand. Puis dès 1803, la vie mondaine du couple se déroule aussi au château de Valençay et dans les divers hôtels parisiens occupés par Talleyrand après son ministère, dont pour finir à partir de 1812 à l'hôtel de la rue Saint-Florentin. Le château de Valençay est, entre 1808 et 1812, le théâtre des talents d'hospitalité de Catherine alors princesse de Bénévent. Ferdinand, fils du roi d'Espagne Charles IV, ayant abdiqué à la suite du soulèvement d'Aranjuez, et de la reine Marie-Louise, y est en effet assigné à résidence par l'empereur avec son frère Charles, infant d'Espagne, et leur oncle Antoine, frère du roi déchu. Celui-ci a décrit la mission qu'il confie à Talleyrand, alors en disgrâce, en ces termes :

« Je désire (…) que vous fassiez tout ce qui sera possible pour les amuser (…). Vous pourriez y amener Mme de Talleyrand avec quatre ou cinq femmes. Si le prince des Asturies s’attachait à quelque jolie femme, cela n’aurait aucun inconvénient, surtout si on en était sûr. »

En signe de gratitude, la princesse de Talleyrand est reçue quinze ans plus tard, le 23 janvier 1825, dans l'ordre royal des Dames nobles de la reine Marie-Louise d'Espagne. Elle demande et obtient du roi Charles X l'autorisation de porter les insignes de cet ordre en France.

Une vie presque de famille avec Talleyrand, son époux

Cette très élégante et luxueuse vie sociale du couple se double d'une singulière vie de famille. En effet dès 1803, le couple vit avec une jeune fille prénommée Charlotte âgée alors d'environ cinq ou six ans.

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord s'emploie activement à reconstituer pour cette familière de sa Maison, un état civil. Charlotte qui vit depuis plus de quatre ans sous le toit du prince et de la princesse, est placée judiciairement sous la tutelle officieuse de Talleyrand depuis le 6 octobre 1807. Un conseil de famille est composé de six notables, amis de Talleyrand : le duc de Laval, le comte de Choiseul-Gouffier, Jaucourt, Dupont de Nemours, Dominique Bertrand et Dufresne Saint-Léon. Talleyrand obtient ensuite d'un prêtre catholique de Londres qu'il atteste avoir administré le 14 octobre 1799, le baptême à une prénommée Élisa Alix Sara, née le 4 octobre 1799 de parents prétendument inconnus. Le 30 août 1814, tous les membres du conseil de famille témoignent devant le juge de paix que Élisa Alix Sara est la même personne que Charlotte. D'aucuns présentent Charlotte comme fille des futurs époux Talleyrand, née avant l'heure et vraisemblablement en août 1798, alors que Catherine Verlée épouse Grand n'a pu être divorcée que depuis le 7 avril 1798. Quant à l'enfant, elle a l'habitude d'être appelée et de signer Charlotte de Talleyrand : le compositeur Dussek qui est au service du prince à Valençay, lui dédie en 1809 plusieurs compositions en la nommant ainsi.

Portrait de Charlotte baronne de Talleyrand-Périgord, gravé par Massard d'après un tableau du Baron Gérard
 
Portrait de Charlotte baronne de Talleyrand-Périgord, gravé par J. Massard d'après un tableau du Baron Gérard

L'existence de cette enfant - à supposer exacte sa filiation putative - peut aussi être une autre cause de la nécessité des noces de Talleyrand avec Catherine. À défaut de reconnaissance, Charlotte est mariée, selon le souhait du Prince de Talleyrand, à son cousin germain, Alexandre-Daniel baron de Talleyrand-Périgord, autre manière de lui donner sa place dans la Maison de Talleyrand-Périgord. Mère de cinq enfants, dont deux morts en bas âge, épouse peu heureuse, elle reste proche de Catherine sa mère putative, la visitant jusqu'à sa mort en 1834. Ayant suivi son époux à Florence, elle s'y installe définitivement. Charlotte baronne de Talleyrand-Périgord meurt à Florence, le 22 janvier 1873 ayant toujours porté le nom de Talleyrand-Périgord, par usage puis par mariage.

Encombrante épouse, jamais si loin des préoccupations du Prince

Du mariage, Talleyrand aurait dit qu'il « est une si belle chose qu'il faut y penser pendant toute sa vie », bien qu'il se soit résolu à convoler avec Catherine, pour tenir son rang dans sa vie publique ou pour faire face à la naissance de Charlotte. Le séjour forcé des princes espagnols au château de Valençay va causer la ruine de l'union de Catherine et Talleyrand. Ce dernier, peu flatté du rôle de geôlier des infants, laisse bientôt à Catherine princesse de Bénévent la charge d'être l'hôtesse de ceux-ci et de leur suite menée par, José Miguel de Carvajal-Vargas, duc de San Carlos.

Portrait par Goya de José Miguel de Carvajal-Vargas, 2e duc de San Carlos
 
Portrait par Francisco de Goya de José Miguel de Carvajal-Vargas, 2e duc de San Carlos, amant de Catherine Verlée princesse de Bénévent, puis de Talleyrand

La princesse et le duc ont alors une liaison qui ne reste pas discrète puisque l'empereur Napoléon Ier interpelle Talleyrand en 1809, en ces termes :

«  - Vous ne m’avez pas dit que le duc de San Carlos était l’amant de votre femme ! »
« - En effet, sire, je n’avais pas pensé que ce rapport pût intéresser la gloire de votre Majesté, ni la mienne. »

Telle est la réponse de Talleyrand. L'Empereur ordonne l'éloignement de l'amant, mais la relation se poursuit.Talleyrand garde alors définitivement à distance sa femme qui ne paraît plus à ses côtés. Bientôt, sa vie diplomatique et ses intérêts familiaux le font se rapprocher de Anne Charlotte Dorothée de Medem, dernière épouse du Duc de Courlande, puis de sa fille Dorothée, mariée le 21 avril 1809 à son neveu Edmond futur duc de Dino. Celle-ci accompagne désormais le Prince jusqu'à sa mort.

Le 27 décembre 1816, le Prince de Talleyrand signe « sous le sceau de l'honneur », une convention de séparation amiable, assurant à Catherine désormais princesse de Talleyrand des ressources contre son exil à l'étranger. Elle finit par revenir à Paris, Talleyrand s'en accommodant. Il commente au décès le 27 septembre 1828 du duc de San Carlos, la fin de sa liaison de Catherine ainsi :

« Le duc de San Carlos était l’amant de ma femme, il était homme d’honneur et lui donnait de bons conseils dont elle a besoin. Je ne sais pas maintenant dans quelles mains elle tombera. »

Preuve est ainsi faite qu'à sa façon, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord se soucie encore de Catherine qui reste son épouse.

Son décès en 1834 : dernier souci du Prince de Talleyrand ?

Durant les dernières années de sa vie, la princesse de Talleyrand habite au 80, rue de Lille à Paris où elle reçoit à sa table des écrivains anglais. L'académicien Viennet vient chez elle lire ses tragédies inédites. Tout cela laisse à penser qu'elle n'était ni si sotte ni si ignorante.

Elle décède à son domicile parisien : 80, rue de Lille, le 10 décembre 1834, à l'âge de 72 ans. La déclaration du décès sur les registres de l'église Saint-Thomas-d'Aquin est ainsi rédigée :

« Le 12 décembre 1834 fut présenté à cette église le corps de Catherine, veuve de Georges François Grand, connue civilement comme princesse de Talleyrand, âgée de soixante-quatorze ans, décédée l'avant-dernière nuit, munie des sacrements de l'Église, au numéro 80 de la rue de Lille. Ses obsèques furent faites en présence de Mathieu-Pierre de Goussot et de Charles Demon (agent du prince), amis de la morte, qui ont signé avec nous. »

Thomas Raikes fils (1777-1848), banquier et célèbre mémorialiste anglais qui se trouve alors à Paris fait partie de ses familiers et est présent lors de son agonie et de son décès. Il a reproduit ce document dans son journal, ajoute gravement : « Il est curieux qu'après toutes les allusions diaboliques faites à Talleyrand, son agent principal s'appelle tout justement Demon. » Mais il fait cette autre remarque, moins saugrenue, que la forme même de la déclaration inscrite sur les registres de l'Église prouve combien Talleyrand avait le souci d'en finir avec son mariage. Il prépare déjà sa suprême réconciliation avec l'Église.

Un incident éclate au chevet du lit de la défunte. Les journaux de Paris n'en dirent rien mais le récit en fut publié par les journaux anglais. Durant son agonie, la princesse avait remis à l'archevêque de Paris une cassette pour une nièce de son mari, la duchesse d'Esclignac. Celle-ci s'étant présentée dans la chambre où la princesse de Talleyrand venait de mourir, l'archevêque s'acquitta de son mandat. Mais survint un agent du prince qui réclama la cassette. Une violente querelle s'éleva sur-le-champ. Un juge de paix dut intervenir.

Que contenait cette cassette, si l'incident relaté est exact ? Pouvait-il s'agir de papiers sur lesquels le prince de Talleyrand voulait remettre la main, telles des pièces relatives à Elisa-Alix-Sara, dite Charlotte ? L'affaire fut arrangée : la duchesse d'Esclignac reçut 200 000 francs en échange de la mystérieuse cassette.

 
Sépulture au cimetière du Montparnasse.

On peut voir encore de nos jours l'emplacement de la tombe de Noël Catherine Verlée, princesse de Talleyrand, au cimetière du Montparnasse à Paris (2e division).

Dorothée Von Medem (la mère de Dorothée de Courlande)

Dorothée Von Medem (la mère de Dorothée de Courlande)

Dorothée de Courlande (Dorothea von Kurland, en Allemand), née comtesse Anna Charlotte Dorothea von Medem, est comtesse de Kurzeme, diplomate et salonnière allemande. Elle est née le à Mežotne en Lettonie, et morte le à Löbichau en duché de Saxe-Gotha-Altenbourg.

Ses parents sont le comte Friedrich von Medem, de la vieille noblesse de Kurzeme, et Louise Charlotte von Manteuffel. Le , elle épouse Pierre von Biron, de 37 ans son aîné, duc de Courlande et de Sémigalie. De ce mariage naissent six enfants, dont deux meurent en bas âge.

Grâce à sa beauté et son statut de comtesse, elle fréquente les milieux sociaux les plus élevés. En raison des difficultés politiques avec la noblesse de Courlande et le roi de Pologne, elle accompagne pendant plusieurs mois son mari nommé pour une mission diplomatique à Varsovie, mais fait également des séjours à Berlin, Saint-Pétersbourg et à Carlsbad, ville balnéaire réputée, où le comte Christian Christoph Clam-Gallas (de) bâtit un temple en son honneur. Après la naissance de sa fille Dorothée en 1793, elle vit principalement à Berlin où elle tient un salon. L'année suivante, elle achète le domaine de Löbichau où elle passe les mois d'été dans le nouveau château. Elle se fait alors appeler duchesse de Courlande et reçoit de nombreuses invitations de poètes, philosophes, parents et amis. Elle accueille souvent sa demi-sœur, Elisa von der Recke, et son amant, Christoph August Tiedge. Elle connaît personnellement le tsar Alexandre Ier de Russie, Frédéric-Guillaume III de Prusse, Napoléon Ier, Talleyrand, Metternich, Goethe, Schiller

Après que sa plus jeune fille, Dorothée, épouse Edmond de Talleyrand-Périgord, un neveu du ministre français, Dorothée de Courlande vient souvent à Paris et a une liaison avec ce dernier. Sous son influence, elle passe de l'admiration à la haine de Napoléon. En 1814, elle va au congrès de Vienne où elle rencontre de nouveau Talleyrand.

Elle meurt le à Löbichau. Son corps est transféré quelques années plus tard dans le caveau familial à Żagań pour reposer auprès de Pierre von Biron, mort en 1800.

Dorothée de Courlande, Duchesse de Dino et de Sagan, par Catherine-Caroline Thévenin (Versailles)

Dorothée de Courlande, Duchesse de Dino et de Sagan, par Catherine-Caroline Thévenin (Versailles)

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
Le château de Valençay, la maison de campagne de Talleyrand
 
La chambre de Madame de Staël.

Le , le comte de Luçay, préfet des Palais consulaires à court d'argent, vend pour 1,6 million de francs l'énorme domaine de douze mille hectares répartis sur vingt-trois communes à Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, ex-évêque d'Autun, ministre des Relations extérieures du Consulat, obéissant ainsi à Bonaparte — qui contribua à l'achat — suivant cet ordre : « Je veux que vous ayez une belle terre, que vous y receviez brillamment le corps diplomatique, les étrangers marquants ».

Après y être venu avec son épouse Catherine Worlée, Talleyrand chargea Jean-Augustin Renard de restaurer et d'embellir sa nouvelle propriété ; un pavillon de chasse fut alors aménagé et le parc transformé en parc à l'anglaise ; le château est remeublé dans le style "antiquisant" alors en vogue ; le cabinet de travail abrite aujourd'hui des meubles et objets lui ayant appartenu, dont un curieux fauteuil dit à soufflets (poches latérales). Le mobilier de sa chambre provient de son hôtel parisien de la rue Saint-Florentin.

Le lit de style Directoire acquis par Talleyrand en souvenir de Mme de Staël a donné son nom à une autre chambre.

Le , l'aquafortiste vendéen Octave de Rochebrune réalisa une vue du château (n°380 de son corpus de 492 estampes).

En 1902, le dernier duc de Talleyrand-Valençay fit fermer par des portes-fenêtres la galerie à arcades de la cour d'honneur, où se trouvent les portraits en pied de plusieurs ancêtres de Talleyrand, peints en 1810 par le peintre Joseph Chabord, élève de Regnault, auteur de deux portraits équestres de Napoléon.

En 1803, le célèbre cuisinier Marie-Antoine Carême est au service de Talleyrand et, pendant un temps, son cuisinier attitré. Cependant, rien ne prouve qu'il ait séjourné au Château de Valençay.

Une cage dorée pour princes déchus
 
La chambre du roi d'Espagne.

De 1808 à , Ferdinand VII d'Espagne, son frère don Carlos, son oncle don Antonio et une suite nombreuse y furent assignés à résidence sous la surveillance du chevalier Berthemy.

Le traité de Valençay, qui y fut signé dans la nuit du 10 au , lui rendit alors la couronne d'Espagne et les trois princes retournèrent dans leur pays le .

Leur souvenir est évoqué par « la chambre du Roi d'Espagne », une allée couverte près du château et un acte de baptême daté du gardé dans les archives paroissiales qui porte leurs signatures et, jusqu'à une date imprécise du XIXe siècle, dans l'église paroissiale par un Saint-Ferdinand de l'école espagnole dans un cadre aux armes de Castille et de Leon, donné par le roi au curé lors de son départ, mais qui, brûlé par un cierge placé trop près, fut ensuite remplacé par une copie du peintre Jobbé-Duval.

 

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Le bienfaiteur de Valençay

Talleyrand, qui revint y vivre à partir de 1816, fut conseiller municipal puis maire de Valençay. Il reconstitua la filature — qui fournissait les usines de Châteauroux, d'Issoudun et la maison Seillière à Paris et obtint une médaille à l'Exposition de Paris de 1819 — fit ériger le clocher de l'église en 1836, créa un nouveau cimetière et donna un terrain pour édifier la mairie.

Le , le préfet de l'Indre écrit au ministre de l'Intérieur « Il n'y a ni mendiants ni individus absolument nécessiteux à Valencay parce que M. de Talleyrand a établi des ateliers où il y a du travail pour tous les âges. Ceux que la maladie atteint sont visités, secourus, consolés par les Sœurs de charité qu'il a dotées et fixées dans cette petite ville ».

En 1818, ayant morcelé une propriété dont une partie revint à la commune, il consacra l'autre à la fondation d'une école pour enfants pauvres et offrit à sainte Elisabeth Bichier des Ages, dont il connaissait l'œuvre par son oncle Talleyrand, cardinal-archevêque de Paris, d'y fonder une maison, achevée avec une chapelle en 1820. Celle-ci était ornée de lambris, d'un mobilier de chêne sculpté, de vitraux, d'une Fuite en Égypte attribuée à Le Sueur — détruite par l'incendie du  — et d'un calice en vermeil ciselé et incrusté de lapis, don du pape Pie VI à un prince Poniatowski archevêque de Cracovie, offert avant 1834 par une de ses nièces qui vécut à Valençay et y fut inhumée, qui fut rendu en 1905 au duc de Valençay et finalement transmis au musée du Louvre.

En 1826 Prosper de Barante s'émerveille de Valençay, « grand château où tout est magnifiquement hospitalier, où règne une richesse aristocratiquement dépensée, dont il n'y a pas encore un autre exemple en France » (cité par H. Grandsart dans Valençay, hors-série de "Connaissance des Arts", 2003, pp 24 et 25).

Talleyrand, qui s'intéressait au travail des religieuses, visitait souvent ce qu'on appelait "la Maison de charité", et y menait ses hôtes, dont Guillaume-Aubin de Villèle, archevêque de Bourges et, le , le duc d'Orléans et une nombreuse suite.

Par un codicille à son testament du , Talleyrand, qui mourut un an après, assura la perpétuité de l'établissement et exprima la volonté d'y être inhumé. À cet effet il fit creuser une grande crypte sous le chœur de la chapelle de l'école libre.

Des présents de Louis-Philippe Ier

« Le Roi fait faire pour Valençay le portrait en pied de François Ier qui a bâti le château et un autre de la Grande Mademoiselle, qui y est venue et l'a loué dans ses mémoires. Il envoie aussi à M. de Talleyrand le fauteuil qui servait à rouler Louis XVIII et il nous a fait dire par Madame que s'il allait à Bordeaux, il passerait ici. »

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L'héritage du Diable Boiteux : les Talleyrand-Périgord

Le 1er prince-duc de Talleyrand Charles-Maurice n'ayant pas de fils légitime connu, en 1829 Charles X créa le titre de duc de Valençay pour son petit-neveu Napoléon-Louis, 3e duc de Talleyrand, fils du 2e duc Edmond et de la duchesse de Dino (titre créé en 1815 pour Talleyrand par Ferdinand 1er des Deux-Siciles, puis reconnu en 1817 avec la pairie par Louis XVIII), époux d'Alix de Montmorency, qui lui donna quatre enfants mais dont il se sépara.

Devenu veuf, il se remaria avec Pauline, fille du maréchal Boniface de Castellane ; en 1845 sa mère, devenue par arrangement familial duchesse de Sagan, repartit vivre dans cette principauté et ne vint plus que rarement à Valençay ; le 3e duc de Talleyrand fut inhumé auprès d'elle à Sagan.

À partir de 1856 il employa l'architecte local Alfred Dauvergne pour des travaux au château qui furent poursuivis ensuite par son fils ; vers 1860 les frères Buhler travaillèrent au parc ; ils seront suivis en 1906 par la création de parterres "à la française" avec sculptures de goût versaillais à l'entrée d'honneur, par Édouard André.

En 1831, lors de la restauration de l'église, Dorothée de Courlande offrit une grande verrière portant ses armes familiales et d'alliance accompagnées des devises des Talleyrand-Périgord : Re que Diou (Rien que (de) Dieu) et Spero Lucem (J'espère la lumière), que l'on voit gravées à la suite des mots In tenebro (Dans les ténèbres) sur les façades de certaines maisons d'origine huguenotes en Poitou-Charentes.

Le , à 10 heures du soir, le 1er duc de Valençay ayant été autorisé par Louis-Philippe Ier à les inhumer dans la crypte, reçut dans la cour d'honneur trois cercueils acheminés de Paris deux jours plus tôt : ceux de son grand'oncle, le ministre, du frère cadet de ce dernier, son propre grand-père Archambault-Joseph (1762-1838), lieutenant général des armées du roi, mort un mois avant lui, 1er duc de Talleyrand, souche des ducs de Talleyrand et père du 2e duc Edmond et de sa fille Marie-Pauline-Yolande de Périgord (1833-1836) ; ils furent portés dans le bourg « escortés de gardes-chasses, des piqueurs et des gens de service tous portant des torches » puis enfin déposés dans l'église et la cérémonie officielle eut lieu le lendemain.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Après avoir évoqué la vie de Talleyrand, revenons à nôtre autre personnage évoqué plus haut et qui figure dans la généalogie de Talleyrand... Jean Baptiste Colbert !.

Robert Nanteuil (1623 - 9th Dec, 1678) Jean-Baptiste Colbert, ministre et secrétaire d'Etat (1619-1683)

Robert Nanteuil (1623 - 9th Dec, 1678) Jean-Baptiste Colbert, ministre et secrétaire d'Etat (1619-1683)

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.

Jean-Baptiste Colbert, né le à Reims et mort le à Paris, est un homme d'État français.

À partir de 1665, il est l'un des principaux ministres de Louis XIV, en tant que contrôleur général des finances (1665-1683), secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine (1669-1683).

Entré au service du roi à la mort de son protecteur Mazarin, il incite Louis XIV à disgracier son rival Nicolas Fouquet. Inspirateur et promoteur d'une politique économique interventionniste et mercantiliste, ultérieurement appelée « colbertisme », il favorise le développement du commerce et de l'industrie en France par la création de fabriques et l'institution de monopoles royaux. En tant que ministre de la Marine, il commence à préparer le Code noir, relatif à l'administration de l'esclavage dans les colonies, dont la première version, mise au point par son fils Jean-Baptiste, sera promulguée par Louis XIV en 1685.

Colbert s'est inspiré des écrits de Barthélemy de Laffemas, économiste et conseiller d'Henri IV : Laffemas avait notamment développé le commerce colonial et l'industrie textile, les deux secteurs auxquels Colbert s'est particulièrement consacré, avec la gestion des finances publiques, pour devenir à son tour l'éminence grise du royaume.

Origines familiales et formation

Le premier Colbert connu Jehan Colbert (vers 1450-1512), entrepreneur en maçonnerie à Reims, épouse vers 1492 la fille d'un collègue, Marie Thuillier, premier signe de cette endogamie qui caractérise les Colbert, leurs alliés et leurs milieux. De leur union naissent une fille et deux fils : Gérard Colbert (1493-1574), sieur de Magneux et de Crèvecoeur, entrepreneur en maçonnerie, architecte, marchand et notable de Reims, marié vers 1519 avec Jeanne Thierry, ancêtre de Jean-Baptiste Colbert, et Jean (1501-1575), apothicaire, juge-consul de Reims, auteur d'une branche cadette.

Au XVIIe siècle, c'est une famille de riches marchands et banquiers à Reims dont plusieurs branches sont anoblies.

Jean-Baptiste Colbert est le fils de Nicolas Colbert (1590-1661), seigneur de Vandières, marchand et banquier à Reims puis à Paris (établi en 1629), receveur-général et payeur des anciennes rentes de la Ville de Paris assignées sur les Aides puis conseiller d’État, et de Mariane Pussort (fille d’Henri Pussort, conseiller d’État et membre du Conseil royal des Finances).

La jeunesse de Colbert est mal connue : après des études dans un collège jésuite, il est envoyé en 1634 à Lyon pour faire son apprentissage chez les Mascrany, banquiers associés aux Lumague ; un peu plus tard, il va chez un notaire parisien, le père de Jean Chapelain.

Le cardinal Mazarin

Le cardinal Mazarin

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
Carrière politique

Débuts dans l'administration (1640-1651)

Jean-Baptiste Colbert entre au service de son cousin Jean-Baptiste Colbert de Saint-Pouange, premier commis du département de la guerre sous Louis XIII.

En 1640, alors qu'il est âgé de 21 ans, son père lui achète la charge de commissaire ordinaire des guerres, commis du secrétaire d'État à la Guerre, François Sublet de Noyers, fonction qui oblige Colbert à inspecter les troupes et lui donne une certaine notoriété auprès des officiers, tous issus de la noblesse.

En 1645, Saint-Pouange le recommande à Michel Le Tellier, père du marquis de Louvois, son beau-frère, alors secrétaire d'État à la Guerre. Celui-ci l'engage comme secrétaire privé, puis le fait nommer conseiller du roi en 1649.

Au service de Mazarin (1651-1661)

En 1651, Le Tellier le présente au cardinal Mazarin qui lui confie la gestion de sa fortune, l'une des plus importantes du royaume. Il gérera ainsi la fortune de Mazarin pendant dix ans (1651-1661). Mais il va aussi se familiariser avec le système des finances royales et découvrir les questions navales.

Réputé cassant et peu disert, il n’est guère aimé de la Cour. Madame de Sévigné le surnomme « Le Nord ».

Chargé de veiller à la gestion des Finances de l'État, Colbert rédige en un mémoire sur de prétendues malversations de Nicolas Fouquet, surintendant des finances, pointant que « moins de 50 % des impôts collectés arrivent jusqu’au roi ».

Peu avant sa mort (), Mazarin recommande à Louis XIV de prendre Colbert à son service, par la phrase célèbre : « Sire, je dois tout à votre Majesté, mais je m'acquitte de ma dette en lui présentant Colbert ».

Pour le jeune roi, Colbert n’est d'ailleurs pas un inconnu. Louis XIV et Colbert partagent le même acharnement au travail, le même souci de l’information, le même goût de la grandeur du royaume. Le roi apprécie le grand commis zélé et fidèle qu’il côtoie depuis son enfance ballottée par la Fronde. Colbert vénère ce jeune souverain, son cadet de dix-neuf ans, dont il se veut l’éducateur respectueux et compétent en matière de marine. Mais, y compris au moment où il cumulera les plus hautes charges du royaume, Colbert n’oubliera jamais qu’il n’est qu’un informateur privilégié et écouté du roi qui conserve seul le pouvoir de décision.

Disgrâce de Fouquet et ascension de Colbert (1661-1665)

Colbert devient intendant des finances le , après la chute de Nicolas Fouquet, surintendant des finances et ennemi juré de Colbert. Colbert est, avec le jeune roi Louis XIV, un acteur principal dans cette chute. Pour commencer, il mène une campagne efficace de dénigrement visant Fouquet, auprès du roi et du Cardinal Mazarin. Ensuite, il participe à la planification de l'arrêt de Fouquet et il gère, parfois personnellement, les perquisitions . En plus, il veille soigneusement à la composition du tribunal exceptionnel constitué pour le procès.

Les plans du roi et de Colbert fonctionnent parfaitement. Le , Fouquet est arrêté à Nantes par le sous-lieutenant des Mousquetaires, d'Artagnan. En suite, le procès, très suivi par les français, durera 3 ans. À la fin, les 22 juges rendent un verdict de 'coupable' et condamnent Fouquet à une peine de bannissement hors du royaume et de confiscation de tous ses biens. Cette peine ne plait pas au roi, qui la commue en prison à vie et envoie Fouquet à la forteresse de Pignerol. Entre-temps, le roi supprime la charge de Fouquet, décidant de l'exercer lui-même avec l'aide d'un conseil réuni pour la première fois le 1661 : le Conseil royal des finances, dont Colbert est un des trois membres.

À partir de 1663, Colbert joue un rôle important dans la mise au pas des provinces, notamment pour juguler la puissance des nobles et mettre fin à une certaine impunité nobiliaire. Ainsi, le tribunal des Grands jours d'Auvergne siégera de à . Ce tribunal, qui a pour but de « purger la montagne d'une infinité de désordres », statuera sur 1 360 affaires concernant des officiers corrompus et des nobles auteurs d'exactions. La condamnation de 87 nobles, 26 officiers et quatre ecclésiastiques est annoncée sur la place publique et durant les prônes vantant les mérites du roi protecteur et justicier.

Le , Colbert reste seul contrôleur général des finances et sera désormais désigné le plus souvent par ce titre ; il devient le chef effectif de l'administration des Finances.

Dans son Mémoire sur les travaux de Versailles adressé à Louis XIV en 1665, il exprime son hostilité à tout projet de quelque ampleur.

Portrait Nicolas Fouquet par Charles Le Brun

Portrait Nicolas Fouquet par Charles Le Brun

Arrestation de Nicolas Fouquet par D'Artagnan.

Arrestation de Nicolas Fouquet par D'Artagnan.

Le , Colbert renforce son pouvoir en devenant secrétaire d'État de la Maison du Roi et secrétaire d'État de la Marine. Ces diverses charges lui permettent d'exercer une grande influence dans plusieurs secteurs d'intervention de l'État : finances, industrie, commerce, marine, police, justice, administration, travaux publics, postes, agriculture, aménagement du territoire, culture. Colbert contrôle donc près des deux tiers de l'activité et des finances du royaume.

Seules lui échappent les affaires étrangères et la guerre, confiées à Hugues de Lionne et à Michel Le Tellier, puis à son fils François Michel Le Tellier de Louvois (« Louvois »).

Tout en gérant les affaires de l'État et en enrichissant la France, Colbert amasse une fortune personnelle importante (environ 4,5 millions de livres), mais moins élevée que celle de Mazarin.

Décès et inhumation

 
Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox, Monument funéraire de Colbert (1687), église Saint-Eustache de Paris11.

Ayant refusé de recevoir Louis XIV sur son lit de mort, officiellement parce que son état ne le lui permettait pas, il disait, selon ses proches : « J'ai tout donné de moi au roi ; qu'il me laisse au moins ma mort » et : « si j'avais fait pour Dieu tout ce que j'ai fait pour cet homme, je serais sauvé dix fois ! ».

Après plus d'une semaine de souffrances atroces, Colbert meurt dans la journée du 6 septembre 1683 d'une crise de coliques néphrétiques. Le lendemain, l’enterrement a lieu la nuit à Paris dans l'église Saint-Eustache, sa paroisse. L’assistance est nombreuse, mais les obsèques se déroulent sous protection des archers. Certains de ses contemporains diront que ces obsèques hâtives ont eu lieu pendant la nuit afin de déjouer la menace des populations parisiennes hostiles.

Son tombeau, chef-d'œuvre est dessiné à la demande de sa veuve par Charles Le Brun et exécuté par les sculpteurs Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox. Actuellement il y reste ses jambes, tandis que le reste de sa dépouille a été transféré dans les catacombes de Paris en 1787.

Récapitulatif de ses fonctions

  • De 1661 à 1665 : intendant des Finances.

  • De 1661 à 1683 : surintendant des Postes.

  • De 1661 à 1683 : surintendant des Bâtiments, arts et manufactures.

  • De 1665 à 1683 : contrôleur général des Finances.

  • De 1669 à 1683 : secrétaire d'État de la Maison du Roi.

  • De 1669 à 1683 : secrétaire d'État de la Marine.

  • De 1670 à 1683 : grand maître des Mines et Minières de France.

  • De 1671 à 1683 : surintendant des Eaux et Forêts.

GENEALOGIE :  CHARLES MAURICE DE TALLEYRAND... ET  JEAN BAPTISTE COLBERT.
Henri Testelin, peintre de cour, réalise cette huile sur toile vers 1680. Y sont représentés louis XIV et son ministre des Finances, Jean-Baptiste Colbert, membre fondateur de l’Académie des sciences.

Henri Testelin, peintre de cour, réalise cette huile sur toile vers 1680. Y sont représentés louis XIV et son ministre des Finances, Jean-Baptiste Colbert, membre fondateur de l’Académie des sciences.

Mariage et descendance

 

Le , Jean-Baptiste Colbert épouse Marie Charron, fille d’un membre du conseil royal, sœur de Jean-Jacques Charron de Menars et cousine par alliance avec Alexandre Bontemps. Sa dot fut de 100 000 livres. Ensemble, ils eurent neuf enfants :

Après avoir débuté au sein du clan Le Tellier, Colbert devient lui aussi adepte du népotisme et décide de créer son propre clan en plaçant tous ses proches à des postes clés tel ses frères Charles et Nicolas ou son cousin germain, Charles Colbert de Terron. De fait, il devient un rival du clan Le Tellier et particulièrement du secrétaire d'État à la Guerre, Louvois.

En 1657, il achète la baronnie de Seignelay dans l'Yonne, puis en 1670, la baronnie de Sceaux, pour lui fort commode, à seulement environ trois lieues au sud de Paris et quatre à l'est de Versailles. Il fait du domaine de Sceaux l'un des plus beaux de France grâce à André Le Nôtre qui dessine les jardins et à Charles Le Brun qui est chargé de toute la décoration tant des bâtiments (dont le château, agrandi par son nouveau propriétaire, mais qui sera détruit en 1803 et remplacé par l'actuel, de bien moindre ampleur, en 1861), que du parc. En 1682, il achète le petit château de Sceaux et l'intègre au domaine. La même année, le , Louis XIV lui vend la seigneurie du Plessis-Piquet pour la somme de 68 000 livres, localité où Colbert avait déjà une maison avec dépendances et parc, qui après avoir été un refuge israélite puis une école horticole, est aujourd'hui un presbytère.

Colbert et l'économie du royaume : le colbertisme

 
Claude Lefèbvre, Portrait de Colbert en tenue de l'ordre du Saint-Esprit (1666), château de Versailles.

Sous le contrôle de Louis XIV, Colbert n'aura de cesse de donner une indépendance économique et financière à la France. Colbert a systématisé et appliqué en France une doctrine qui porte aujourd’hui le nom de ‘colbertisme’. Le colbertisme s’appuie sur un principe fondamental : l'influence et la grandeur d'un Etat sont proportionnelles à ses ressources en métaux précieux.

L'objectif de l'Etat doit donc être d'obtenir ces ressources en menant une politique protectionniste dans le but de contrôler les activités économiques du pays et notamment le commerce qui dépasse les frontières de l'Etat. Le maître mot du colbertisme est donc le développement de l'industrie et du commerce extérieur. Ainsi, la doctrine de colbertisme peut être assimilée à la doctrine du mercantilisme.

Pour enrichir la France, Colbert veut importer des matières premières bon marché pour les transformer en produits de qualité qui pourront se vendre plus cher, c'est-à-dire industrialiser la France et ré-exporter des produits à forte valeur ajoutée, avec une balance des paiements excédentaire.

Dans ce but il convient de :

  • créer une puissante marine qui importera les matières premières et exportera les produits finis ;

  • réglementer la production de corporations ;

  • créer une manufacture avec monopole qui fabriquera les produits de qualité à partir des matières premières.

En 1661, il entreprend une importante réforme comptable, privilégiant une comptabilité administrative au détriment de la comptabilité judiciaire.

À partir de 1661, Colbert dirige officieusement la Marine. En 1663, il est nommé intendant de la Marine. Louis XIV dissout la Compagnie des Cent-Associés et fait de la Nouvelle-France une province royale sous juridiction de la Marine de Colbert.

En 1663, il fonde l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

En 1664, Colbert est nommé surintendant des Bâtiments et manufactures :

  • il fonde la Compagnie des Indes Occidentales (française), dissoute en 1674 :

    • il décide de copier les productions des États voisins, notamment de l'Angleterre et des Pays-Bas, pour rendre la France indépendante de leurs fournitures ;

    • il débauche des ouvriers étrangers, notamment des vitriers flamands et des verriers vénitiens, pour former les ouvriers des manufactures françaises ;

    • il utilise fréquemment l'octroi de monopoles, rétablit les anciennes manufactures, et en crée de nouvelles. Il favorise ainsi la production de glaces (Manufacture royale de glaces de miroirs, composante de la future compagnie de Saint-Gobain) et de tapisseries (Les Gobelins).

En 1664, il met en place le premier tarif des douanes modernes, le tarif Colbert. En effet, Colbert est considéré comme le père de la douane moderne. La perception des droits de douane est désormais utilisée à la carte comme barrière tarifaire sur les importations plus compétitives que la production locale. Cette mesure protectionniste fut revue sévèrement à la hausse en 1667 par Louis XIV envers les Anglais et les Hollandais en particulier, créant une guerre économique qui fut suivie d'un conflit militaire.

Il protège les sciences, les lettres et les arts et est élu à l'Académie française en 1667. Il favorise également la recherche en créant l'Académie des sciences (suggérée par Charles Perrault, en 1666), l'Observatoire de Paris (1667) où les grands Huygens et Cassini sont appelés, ainsi que l'Académie royale d'architecture (1671). En 1676, il promeut « l'établissement d'une école académique dans toutes les villes du royaume. »

Le , nommé secrétaire d'État de la Maison du Roi, il agrège la Marine à ce département, le suivant, et passe commande de 276 navires de guerre triplant ainsi les capacités de commerce maritime de la France.

Expérimentée en Normandie à compter de l'année 1655, la « réformation de la noblesse » est étendue à l'ensemble du royaume après 1664. Sous le pilotage de Colbert, cette mesure vise à dresser un catalogue de l'ordre nobiliaire pour assujettir à l'impôt direct des milliers de foyers jusque là exemptés fiscalement. L'historien Jean Jacquart souligne que Colbert et ses hommes tentent ingénieusement de rogner ce privilège fiscal, signe de notabilité dans le système d'Ancien Régime, en « renvoy[ant] dans la masse des taillables bon nombre d'anoblis, et pas mal de cadets de véritable gentilhommerie incapables de produire leurs titres et qui « ne vivaient pas noblement », [ainsi que] certains corps et communautés. »

Colbert lance une grande réformation des forêts royales pour la mise en ordre des droits du Roi et la fourniture de bois pour la marine. Il fait aménager les forêts avec l'obligation de conserver une partie de chaque forêt en haute futaie (le quart en réserve) et fait limiter le pâturage en forêt. Cette grande réformation est aussi un choix stratégique de long terme, pour renforcer le patrimoine forestier français, à une époque où le bois est non seulement le premier matériau de construction, mais également la première source d'énergie.

En effet, avec les défrichements, la surexploitation, les abus et le relâchement de l’administration des forêts, ainsi que les conséquences des guerres de religion, les forêts étaient à cette époque très diminuées. Cette dégradation obère les capacités sylvicoles à fournir des bois long pour la marine et notamment des mâts.

La France doit même importer du bois de chêne de Scandinavie pour sa marine. La grande réformation est un succès et permet de ressusciter la marine royale : dès 1670, on n’utilise plus que des bois français. La grande réformation des forêts inspirera par-delà la Révolution le code forestier moderne de 1827.

En 1673, il ordonne la création de la Caisse des emprunts pour permettre de financer les dépenses extraordinaires de l’État. Cette même année, il instaure le système des Classes, rendu obligatoire pour les populations du littoral, une année sur quatre en Normandie, pour le service des vaisseaux du roi, qui est en temps de guerre un grand consommateur d'hommes.

L’édit du , dit « de Colbert », institue la législation sur les hypothèques, applicable dans l’ensemble du royaume. Destiné à protéger les créanciers par la publicité effective des hypothèques, l’édit souleva une vive opposition tant de la noblesse, qui préférait le secret à la sécurité afin de ne pas révéler au grand jour son endettement hypothécaire, que du notariat, qui craignait une mise en cause de ses prérogatives. L’édit fut révoqué l’année suivante, en .

Mais, pour la première fois dans l'histoire de la publicité foncière, Colbert met au premier plan la nécessité d'avoir une sécurité juridique des transactions immobilières et du crédit :

« Il faut rétablir la bonne foi qui est perdue, & assurer la fortune de ceux qui prêtent leur argent. Il faut aussi rétablir le crédit des particuliers qui est perdu sans ressources […] Il faut faire voire clair à ceux qui vous secoureraient s'ils y trouvaient leur sureté. Il faut aussi ôter le moyen à ceux qui veulent tromper les autres, de pouvoir le faire […]. »

Pour favoriser le commerce, Colbert développe encore les infrastructures : il fait améliorer les grandes routes royales et en ouvre plusieurs ; il fait relier la Méditerranée à l'océan Atlantique par le canal des Deux-Mers.

Colbert fait paver et éclairer Paris, dont la plupart des rues étaient boueuses. Colbert embellit la ville de quais, de places publiques, de portes triomphales (portes Saint-Denis et Saint-Martin). On lui doit aussi la colonnade du Louvre et le jardin des Tuileries.

 
Robert Nanteuil, Jean-Baptiste Colbert (1676), Chantilly, musée Condé.

Avec son fils, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, il fait venir des villes hanséatiques des artisans, constructeurs, cordiers, pour installer des chantiers ou arsenaux de construction navale dans les principaux ports du royaume.

Pour assurer le recrutement des équipages, il n'a pas recours, comme l'Angleterre, à la presse, ou enrôlement forcé des matelots de la marine marchande, mais à un nouveau procédé, appelé l'inscription maritime. En revanche, il demande aux juges de privilégier la condamnation aux galères, y compris pour le délit de vagabondage, ce qui permettra de mouvoir une partie des galères royales militaires et de commerce.

Il institue des compagnies commerciales : Compagnie des Indes Orientales (océan Indien), Compagnie des Indes Occidentales (Amériques), et Compagnie du Levant (Méditerranée et Empire ottoman).

Colbert est aussi à l'origine de la création de comptoirs : Pondichéry (1670) et de ce qui fut le début du peuplement en Nouvelle-France (Amérique du Nord) ou encore l'île Bourbon (devenue île de La Réunion), pièce-clé de contrôle de l'océan Indien.

Colbert pensait aussi s'emparer des comptoirs hollandais du golfe de Guinée, particulièrement sur la Côte de l'Or (Ghana aujourd'hui), mais il n'eut pas le temps de mettre ce projet à exécution.

Il s'oppose au secrétaire d'État de la Guerre, Louvois, jugé trop prodigue des fonds publics. Celui-ci intrigue contre lui auprès de Louis XIV à tel point que Colbert se trouve dans une position difficile quand il meurt le , rue des Petits-Champs, laissant Claude Le Peletier lui succéder au poste de contrôleur général des finances.

Colbert et le développement colonial

Fondation de deux compagnies des Indes

En 1664, Colbert partage le domaine colonial en deux compagnies publiques, à hauteur du Cap de Bonne espérance, créant à l'Ouest "Compagnie française des Indes occidentales", avec une souscription de 4,5 millions de livres, en partie par prélèvement sur les fermiers généraux au renouvellement de leur bail en 1665. A l'Est, c'est la Compagnie française des Indes orientales, pour laquelle Colbert crée la même année de toutes pièces le port de Lorient. La première est censée peupler le Canada, en utilisant les profits de l'économie sucrière aux Antilles, mais le précédent hollandais montre que le commerce des épices en Asie est moins dangereux et plus rentable : la Compagnie néerlandaise des Indes orientales a fait faillite dans les années 1640.

Le , un édit royal crée l'équivalent français, au capital de seulement six millions de livres, mais dotée du monopole du commerce avec l'Amérique et l'Afrique. Son sceau représente ses armes, « un écusson au champ d'azur, semé de fleurs de lys d'or sans nombre, deux sauvages pour supports et une couronne tréflée ». La chambre de la direction générale siège à Paris. Elle absorbe le capital de la Compagnie de la Nouvelle-France et celui de la Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, elles-mêmes dissoutes.

L'édit de 1685 ou ‘le Code Noir’

 
Croquis d’un moulin à sucre représentant des esclaves au travail avec des administrateurs de la Compagnie française des Indes occidentales en 1667 aux Antilles.

Colbert a joué un rôle dans l'organisation et réglementation de l'esclavage dans les colonies antillaises : il participe à l'élaboration d'un texte qui apparaîtra ensuite comme le premier du Code noir (recueil des édits et ordonnances sur la question de l'esclavage) ; mais c'est son fils Jean-Baptiste, qui en achève la rédaction, base de l'« Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 », promulgué par Louis XIV un an et demi après la mort de Colbert.

L'édit de 1685 a pour but de combler un vide juridique, puisque l'esclavage est inconnu en France depuis plusieurs siècles, alors qu'il est devenu un fait, dans les îles françaises des Antilles depuis 1625 au moins. Son préambule fait apparaître la notion d' « esclave » comme un fait, sans en donner ni l'origine, ni la légitimation. Ses articles couvrent les sujets suivants : « De la Religion » (onze articles) ; « De la nourriture, vestement, et conservation des Esclaves » (six articles) ; « De la Police » (six articles) ; « Des crimes, peines et chastiments » (seize articles) ; « Des témoignages, des donnations, successions et actions des Esclaves » (trois articles) ; « Des saisies des Esclaves et de leur qualité mobiliaire » (six articles) ; « De la liberté accordée aux Esclaves » (quatre articles). ».

Marie Anne Colbert

Marie Anne Colbert

Marie-Anne Colbert, née en et morte en 1750, est la troisième fille de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), contrôleur général des finances de France, secrétaire d'État de la Maison du Roi et Secrétaire d'État de la Marine, ainsi que de Marie Colbert, cousine par alliance avec Alexandre Bontemps (né en 1666).

Elle s'est mariée le à Louis de Rochechouart, duc de Mortemart d'où 5 enfants :

  • Louis II de Rochechouart (1681-1746), duc de Mortemart, marié en 1703 avec Marie-Henriette de Beauvilliers puis en 1732 avec Marie Élisabeth de Nicolay. 

  • Jean-Baptiste Ier de Rochechouart (1682-1757), duc de Mortemart, marié en 1706 avec Marie-Madeleine Colbert, sa cousine.

  • Marie-Anne de Rochechouart de Mortemart (1683-avant 1750), religieuse.

  • Louise-Gabrielle de Rochechouart de Mortemart (1684-1750), religieuse.

  • Marie-Françoise de Rochechouart de Mortemart (1686-1771), mariée en 1708 avec Michel II Chamillart, marquis de Cany et fils du ministre Michel Chamillart, puis en 1722 avec Jean-Charles de Talleyrand, prince de Chalais.

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