Au XXe siècle, la gauche et le communisme se sont implantés dans certaines zones de Bretagne, particulièrement dans les campagnes du Trégor-Goëlo et de haute Cornouaille. Un développement auquel n’était pas étranger le Paimpolais Marcel Cachin, fondateur du Parti communiste français et directeur de l’Humanité.
Marcel Cachin est né le 20 septembre 1869, dans le petit bourg de Plourivo, à côté de Paimpol. Son père est gendarme, sa mère est fileuse de lin et originaire du petit hameau de Pen-an-Hoat. Élève brillant, le jeune Marcel Cachin suit des études au lycée de Saint-Brieuc, puis de Rennes. Il poursuit ses études de Lettres à la faculté de Bordeaux, où il restera quinze ans comme professeur.
Fondateur de la SFIO
Issu d’un milieu modeste et sensible aux questions sociales, il s’engage très tôt dans le mouvement socialiste et au Parti ouvrier français, auprès de Jules Guesde et Paul Lafargue. En 1900, il rentre au conseil municipal de Bordeaux. À Amsterdam, en 1904, il se prononce pour l’unification des socialistes français, alors divisés en de nombreux groupes, ce qui sera chose faite l’année suivante, avec la création de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), dont Marcel Cachin devient le délégué à la propagande. Pendant six ans, il parcourt la France où ses talents d’orateurs et sa voix chaude et cuivrée font vibrer les foules.
Dès les années 1900, il s’engage également contre le colonialisme et entreprend en 1908 et 1911, des voyages en Algérie, dont il fait de nombreux compte-rendus, où il dénonce les excès des colons et de l’administration L’année suivante, il remplace Paul Lafargue comme rédacteur de l’Humanité. En 1914, il est élu député du XVIIIe arrondissement de Paris. En août 1914, la Première guerre mondiale débute. Marcel Cachin fait partie des socialistes qui se prononcent pour l’union sacrée et pour la défense nationale. Il s’occupe alors des questions de ravitaillement et des baux et loyers.
À cette époque, Marcel Cachin accepte également de mener des missions à l’étranger. En 1915, il est chargé d’approcher Mussolini, qui est alors socialiste. Il le persuade de mener une campagne en faveur de l’entrée en guerre des Italiens avec la France et la Grande-Bretagne. En 1917, avec deux autres députés socialistes, il est à Saint-Pétersbourg pour persuader Kerensky et le gouvernement russe provisoire de continuer la guerre. Mais l’armée russe est écrasée, ce qui précipite une nouvelle révolution, menée cette fois par les bolcheviks.
Directeur de l’Humanité
Après la guerre, marcel Cachin devient le 27 décembre 1918 directeur de l’Humanité. Il le restera jusqu’à sa mort. En 1920, il est en Russie où il rencontre les dirigeants communistes. Il en revient enthousiaste et entreprend de convaincre les socialistes français du bien fondé des vues soviétiques. Au congrès de Tours, le 29 décembre, la majorité des délégués choisit d’adhérer à la Troisième internationale communiste. Une faction cependant choisit de maintenir la SFIO et de rester fidèle à la social-démocratie.
Marcel Cachin est nommé au comité directeur du tout nouveau Parti communiste français (PCF). En 1924, il est élu membre du comité exécutif de l'Internationale communiste. Ce sera pour lui l'occasion de contacts nouveaux avec les représentants des partis communistes du monde entier. Pour beaucoup, Marcel Cachin qui restera toute sa vie fidèle à Joseph Staline, est considéré comme l’homme de Moscou. Il devient alors, et jusqu’à la fin de sa vie, l’une des bêtes noires des Trotskistes. Cette année-là, il est également condamné à un an de prison pour avoir appelé à ne pas participer à la guerre du Rif. Dans les années 1930, le parti communiste ne cesse de jouer un rôle croissant. Régulièrement élu député, Marcel Cachin sera l’un des artisans de la mise en place d’un front populaire avec les socialistes et les radicaux.
Attaché à la Bretagne
Toute sa vie, Marcel Cachin est resté très attaché à sa Bretagne natale, où il faisait de nombreux séjours. Dans les années 1920 et 1930, le PCF analyse d’une manière favorable le développement d’un mouvement autonomiste. Une attitude qui s’explique par la politique soviétique de respect des nationalités, ainsi que par l’engagement du parti communiste alsacien en faveur de l’autonomie de cette région, suite à sa réintégration à la France après 1918. En 1932, l’Humanité est ainsi l’un des rares journaux à ne pas condamner l’attentat de Rennes contre le monument de l’union de la Bretagne à la France. Par ailleurs, Marcel Cachin est l’ami de Yann Sohier, fondateur du mouvement d’instituteurs laïcs en faveur de l’enseignement du breton, que Cachin considérait comme « la langue des paysans et des socialistes bretons ».
À la fin des années 1930, Marcel Cachin prend la tête du groupe des Bretons émancipés, une organisation communiste implantée dans l’importante diaspora bretonne en banlieue parisienne. Il dirige notamment la revue War Zao (debout), où l’écrivain Abeozen écrit régulièrement des chroniques en breton. Dans le premier numéro, en juin 1937, il écrit ainsi : « Nous sommes décidés à défendre le legs émouvant des générations qui ont fait des Bretons ce qu’ils sont aujourd’hui. La langue bretonne, la culture bretonne, la tradition bretonne, l’histoire bretonne, nous voulons ici les respecter et les faire aimer. » Marcel Cachin revient également régulièrement en Bretagne pour participer à des réunions politiques et ainsi accompagner le développement du communisme dans la péninsule.
Emprisonné par les Allemands
En 1939, le PCF est interdit en raison du pacte germano-soviétique. Marcel Cachin se réfugie dans sa maison en Bretagne, dans son Goëlo natal, à Lancerf. Les Allemands viennent l’y arrêter en août 1941. Il est incarcéré à la prison de Saint-Brieuc, puis à celle de Rennes. Les Allemands diffusent alors un document dans lequel il désavoue les attentats contre l’occupant, ce qui provoque de vives polémiques. Marcel Cachin affirme qu’on a abusé de sa signature. Libéré, il rentre à Paimpol, puis disparaît et vit caché en région parisienne, jusqu’en 1944.
À la libération, Marcel Cachin reprend ses activités politiques et parlementaires. Il se fait régulièrement élire sous la Quatrième république. Il continue également ses activités journalistiques. Malgré son grand âge, il a en effet conservé toutes ses qualités d’orateur. En 1957, il se voit décerner l’ordre de Lénine, à 88 ans. Il meurt le 20 février 1958, à Choisy-Le-Roi, après soixante-dix ans de militantisme à l’extrême-gauche.
Il me revient une anecdote que mon père Emile m'a raconté et qui concernait Marcel Cachin, il lui arrivait, étant receveur des postes à Plourivo, de récupérer des lettres destinées à Marcel Cachin et de les cacher dans le guidon de son vélo afin que les allemands ne puissent les récupérer !.
Les campagnes rouges de Bretagne
Le sociologue Ronan Le Coadic a étudié, dans les années 1980, ce qu’il a nommé les « campagnes rouges de Bretagne », les zones ou le parti communiste s’est particulièrement développé au XXe siècle. Il a mis en évidence une « diagonale de la contestation » qui englobe le sud du Finistère, notamment certains ports du pays bigouden, le centre Bretagne et le Trégor-Goëlo. Le communisme breton est assez original dans le sens où il a pris ici une forme essentiellement rurale. Dans les années 1920 et 1930, les communistes sont ainsi devenus populaires en s’opposant, parfois de manière musclée, aux expulsions de fermiers. La guerre a marqué une nouvelle étape du développement communiste, avec les maquis de francs-tireurs partisans (FTP). Le premier maquis de Bretagne s’est ainsi constitué à Spézet, en 1943, avec des militants communistes. Après guerre, les communistes ont capitalisé politiquement leur engagement dans la Résistance et vont se constituer un bastion électoral, notamment dans le sud-ouest des Côtes d’Armor. Le PCF est ainsi resté hégémonique dans des cantons comme celui de Callac jusqu’aux années 1990, avant de connaître un irrémédiable déclin. Mais la forte implantation de la gauche dans ces régions constitue un incontestable héritage de ces campagnes rouges de Bretagne.
Pour en savoir plus :
Stéphane Courtois, Marc Lazar, Histoire du parti communiste français, Paris, presses universitaires de France, 2000
Collectif sous la direction de Gilles Candar, Histoire des gauches en France, La Découverte, 2005.
Ronan Le Coadic, les Campagnes rouges de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 1990.