30 août 2024
5
30
/08
/août
/2024
10:33
Je crois que certains vont faire des bonds en me lisant, tant pis, je me lance...
A vrai dire, à partir d'aujourd'hui, je ne sais plus si, en entrant dans une église et en voyant les statues de Jésus, de Marie Madeleine, de Joseph et de Marie, je devrais dire "Bonjour Papa, bonjour Maman, bonjour bonjour grand papa, bonjour grand maman" . Je vous l'avais bien dit certains vont bondir au plafond et moi, pauvre de moi, je me dois de remettre en question toutes mes années de catéchisme et mes 4 années passées chez les frères de Ploërmel !.
Je ne connais pas de catholiques traditionalistes autour de moi, il est vrai que je fréquente peu de monde mais, si demain j'évoque mes illustres aïeux en petits comités, je ne voudrais pas déclencher une nouvelle guerre de religion.
Jésus de Nazareth est un Juif de Galilée, né entre l'an 7 et l'an
Selon les évangiles, qui constituent la principale source d'information sur sa vie, il apparaît dans le cercle de Jean le Baptiste avant de s'engager, entouré de quelques disciples, dans une courte carrière de prédication itinérante de deux à trois ans, essentiellement en Galilée, en pratiquant guérisons et exorcismes. Il suscite engouement et ferveur, s'attirant la méfiance des autorités politiques et religieuses, avant d'être arrêté, condamné et crucifié vers l'an 30 à Jérusalem pendant la fête juive de la Pâque, sous l'administration du préfet Ponce Pilate.
L'annonce de sa résurrection par ses disciples, qui le reconnaissent comme le Messie annoncé dans l'Ancien Testament et transmettent son histoire et ses enseignements, donne naissance au christianisme primitif. Pour les chrétiens, celui qu'ils appellent Jésus-Christ est le Fils de Dieu, envoyé aux hommes pour les sauver. Dans l'islam, Jésus de Nazareth, appelé ʿĪsā, est considéré comme un prophète majeur.
Le retentissement de son message, transmis par les différentes Églises chrétiennes, et les interprétations auxquelles il a donné lieu, ont influencé différentes cultures et civilisations au cours de l'Histoire. Il a inspiré une importante production théologique, littéraire et artistique. L'année de sa naissance est prise comme origine conventionnelle des calendriers julien — depuis le VIe siècle — et grégorien, et le dimanche, jour de la célébration de sa résurrection, s'est imposé comme le jour de repos hebdomadaire au-delà même de la chrétienté. Cette importance contraste avec la brièveté de sa prédication et le peu de traces historiques conservées à son sujet.
La vie de Jésus avant sa prédication est particulièrement peu accessible à l'histoire dans la mesure où « les sources qui pourraient […] permettre de dire quoi que ce soit sur [sa] naissance, sa famille, son éducation, peuvent être qualifiées au mieux de « très minces », sans qu'il soit nécessaire pour autant de tomber dans un scepticisme total.
S'il est communément admis que Jésus est un Juif galiléen dont la famille est originaire de Nazareth, le lieu et la date de sa naissance ne sont pas connus avec certitude et ne le seront probablement jamais, car les récits des Évangiles de l'enfance relèvent surtout de théologoumènes de la part des auteurs bibliques qui ont plus une visée doctrinale qu'un souci historique. Appartenant au registre littéraire du merveilleux et à la théologie métaphorique, les récits évangéliques de la naissance de Jésus — qui légitiment celui-ci dans l'histoire d'Israël en déroulant un arbre généalogique — sont des constructions tardives qui se font l'écho, par leurs cortèges d’évènements miraculeux, des récits de naissance d'hommes exceptionnels de la littérature judéo-hellénistique auxquels les lecteurs de l'Antiquité sont familiers.
Concernant la localité qui a vu naître Jésus, la majorité des historiens penchent pour le berceau familial de Nazareth, où il passera toute sa jeunesse. Concernant les récits de Luc et Matthieu qui situent chacun la naissance de Jésus à Bethléem en Judée, les exégètes penchent généralement pour une rédaction plutôt théologique que factuelle, destinée à établir l'origine davidique de Jésus. En effet, la naissance à Bethléem, « ville de David », permet d’accomplir la prophétie de Michée selon laquelle le Messie sera issu de cet endroit. Néanmoins, certains chercheurs considèrent une naissance à Bethléem plausible ; d'autres encore ont évoqué le village de Capharnaüm qui apparaît dans les évangiles comme le centre de sa mission, voire la bourgade de Chorazeïn, à laquelle Jésus semble particulièrement attaché.
L'année de sa naissance n'est pas non plus connue précisément. Les dates retenues peuvent osciller entre 9 et . Les évangiles selon Matthieu et selon Luc la situent sous le règne d'Hérode Ier le Grand dont le long règne s'achève en 4 avant notre ère. L'estimation généralement retenue par les historiens actuels va de 7 à 5 avant notre ère.
Il est paradoxal que Jésus de Nazareth puisse être né « avant Jésus-Christ » : l'origine de l'ère chrétienne est en effet censée être la naissance du Christ. Mais cet Anno Domini qui ne s'est imposé progressivement en Europe qu'à partir du XIe siècle, a été fixé d'après les travaux du moine Denys le Petit réalisés au VIe siècle, que l'on sait à présent être erronés et, si le calendrier historique a été précisé depuis, son origine conventionnelle n'a pas été modifiée.
La naissance de Jésus (la Nativité) est traditionnellement fêtée le 25 décembre, à Noël, mais cette date est entièrement conventionnelle, et n'a rien d'un « anniversaire ». Elle aurait été fixée dans l'Occident latin au IVe siècle, peut-être en 354, pour coïncider avec la fête romaine de la naissance de Sol Invictus, célébrée à cette date à l'instar de la naissance du dieu Mithra, né selon la légende un 25 décembre ; le choix de cette fête permettait une assimilation de la venue du Christ — « Soleil de justice » — à la remontée du soleil après le solstice d'hiver. Avant cette date, la Nativité était fêtée le 6 janvier et l'est encore par l’Église arménienne apostolique, alors que l’Église catholique romaine y fête aujourd’hui l’Épiphanie, la visite des mages à Jésus peu après sa naissance, ou la « théophanie », le baptême de Jésus dans le Jourdain, événement que les plus anciennes Églises pré-romaines utilisaient comme acte de « naissance » du Christ. Les Pères de l'Église ne se sont pas opposés à ce syncrétisme à propos de la Nativité, considérant que ce choix calendaire ne pouvait donner lieu à des hérésies théologiques et qu'il confirmait la venue du Messie annoncé comme l'« astre levant » et comme le « soleil de justice » par le prophète Malachie . Noël s'est ainsi substituée aux célébrations de la fête païenne d'autant plus aisément que, les références bibliques aidant, s'est développée pour qualifier métaphoriquement le Christ nouveau-né toute une symbolique du « vrai soleil », du « nouveau soleil » resplendissant sur le monde.
Jésus est connu comme « le fils de Joseph le charpentier » et « le fils de Marie ». Les évangiles selon Matthieu et selon Luc professent une conception « par la vertu du Saint-Esprit » qui ouvrira plus tard sur des débats théologiques très disputés au sein des communautés chrétiennes concernant la virginité de Marie. L'évangile selon Luc évoque Joseph, père adoptif de Jésus qui, en assumant sa paternité, rattache ce dernier à la lignée de David. Luc et Matthieu rapportent la tradition de la conception virginale probablement afin d'accomplir le texte prophétique et de répondre aux rumeurs et aux accusations lancées par des Juifs non chrétiens à propos de la naissance illégitime de Jésus (accusations qui se retrouvent notamment chez Celse et dans les Toledot Yeshou). Selon Bruce Chilton (en), comme pour Daniel Marguerat, son statut au regard de la loi juive et de son entourage a pu être celui d'un mamzer (enfant illégitime) et « a provoqué les interprétations disparates de sa naissance articulées dans le Nouveau Testament et la littérature rabbinique ».
Jésus est le « premier-né » de cette famille, appartenant à un milieu artisanal peut-être aisé, traditionaliste, pieux et proche du Temple — voire lévite ou peut-être même sacerdotale —, liée à un clan de nazôréens qui attendent l'apparition d'un « fils de David » en son sein. Les évangiles mentionnent l'existence de « frères et sœurs » qui « apparaissent pour montrer que Jésus n'a rien d'extraordinaire puisque sa famille est bien connue ». Jésus, dont le nom évoque le successeur de Moïse, compte au moins deux sœurs dont le nom est inconnu et quatre frères dont deux — Jacques/Jacob et Josès/Joseph— portent le nom de patriarches et les deux autres — Jude et Simon — celui de Judas et Simon, héros de la révolte des Macchabées, semblant attester de la fidélité de la famille à l'identité religieuse et nationale d'Israël. Si Jésus semble avoir eu des tensions avec sa famille qui « ne croyait pas en lui » et dont il se sépare pour pratiquer l'itinérance et peut-être pour rejoindre Jean le Baptiste, il n'en demeure pas moins que la mère de Jésus et ses frères jouent un rôle particulier dans la première communauté d'adeptes dès après la disparition de celui-ci et que Jacques occupe une place prééminente bien attestée au sein de la communauté de Jérusalem.
La question des liens de parenté de Jésus avec ses « frères » et « sœurs » a été disputée à partir du IIe siècle avec l’élaboration du concept de virginité perpétuelle de Marie qui rend la présence d'une fratrie gênante : l'Évangile de l'enfance appelé Protévangile de Jacques, aux alentours de 180, « tente astucieusement » de faire de la fratrie de Jésus des « demi-frères » et des « demi-sœurs » nés d'un premier mariage de Joseph tandis que, à la fin du IVe siècle, Jérôme de Stridon, est le premier Père de l'Église à argumenter contre une fratrie au profit de « cousins ». Cette dernière option, qui mettra du temps à s'imposer dans la mesure où Eusèbe de Césarée au début du IVe siècle parle encore de « race du Sauveur » et que le dogme de la virginité perpétuelle n'est proclamé qu'au milieu du VIIe siècle, est devenue la doctrine de l'Église catholique romaine tandis que les orthodoxes ont opté pour les « demi-frères et sœurs » issus d'un premier mariage de Joseph et les protestants, après avoir suivi la position hiéronimienne, reconnaissent tantôt des frères, tantôt des cousins.
À la suite des travaux de l'exégète catholique John P. Meier qui analysent l'argumentaire de Jérôme, la plupart des exégètes critiques et historiens contemporains considèrent que rien n'exige de comprendre les frères et sœurs de Jésus autrement que dans le sens le plus strict des mots ainsi que rien ne permet de soutenir que cette fratrie n'a pas été biologique comme l’affirme unanimement la documentation canonique, ce qui n'empêche pas certains auteurs essentiellement catholiques de défendre l'explication de Jérôme.
L'Évangile selon Luc raconte comment, huit jours après sa naissance, il a été nommé « Jésus » et circoncis conformément à la loi juive lors de la « présentation au Temple ». L'Évangile selon Matthieu expose un événement connu comme le « massacre des Innocents ». Né de l'imagination hagiographique du rédacteur matthéen, cet épisode met en scène Hérode, prenant peur pour son pouvoir, qui décide de faire tuer tous les premiers-nés de son peuple. Il peut s'agir d'une réactualisation de l'histoire de Moïse persécuté par Pharaon, peut-être fondée sur une réminiscence historique. Les parents de Jésus fuient alors avec leur enfant dans une séquence appelée la « Fuite en Égypte » qui inspirera une importante production apocryphe et influencera la tradition copte. L'évangile selon Luc rapporte encore un incident probablement légendaire au cours duquel, quand il a douze ans, ses parents cherchent Jésus qu'ils retrouvent en conversation avec les docteurs du Temple de Jérusalem.
La biographie de Jésus avant le début de sa vie publique, telle qu'elle est relatée par les évangiles canoniques, ne consiste qu'en très peu de faits, disséminés dans différents passages. Ces évangiles cherchant en effet à concilier les courants docétistes et adoptianistes, ils ne peuvent admettre des « outrances si ostensiblement contraires à l'incarnation », telle celle de Jésus enfant aidant ses parents, si bien que Luc imagine qu'il « croissait en sagesse et en grâce » ; telle celle de Jésus apprenant à lire alors qu'il est le Verbe de Dieu. Ces récits privent Jésus de son enfance, ce qui donne l'opportunité aux apocryphes de l'enfance, traités pédagogiques, livres de catéchisme et à l'iconographie chrétienne de combler les vides en imaginant de nombreuses scènes de l'enfance. Ce sont des écrits apocryphes qui par exemple précisent le nom et le nombre des « rois mages », ou décrivent les parents et la naissance de Marie.
Il n'y a quasiment aucun élément entre les récits de la naissance de Jésus et sa vie publique, encore moins entre l'âge de douze ans et celui de trente ans, début de son ministère. Cette période lacunaire, appelée la « vie cachée de Jésus », a conduit à la composition d'un certain nombre de textes apocryphes qui ont beaucoup brodé sur le canevas originel. Ces textes, non canoniques, participent pourtant de la mythologie chrétienne, et ont inspiré une importante production littéraire et artistique.
Cette vie cachée est présentée comme un apprentissage de Jésus auprès de son père putatif Joseph : apprentissage spirituel, c'est-à-dire une formation religieuse mais aussi apprentissage manuel dans l'atelier de son père « charpentier ». Le terme grec qui désigne ce métier est ambivalent — pouvant également signifier « menuisier », « maçon », « artisan » ou encore « constructeur »— aussi est-il difficile de déterminer la profession de Jésus présenté comme « le tektôn fils de Marie ». Cette période peut également avoir représenté pour Jésus plusieurs années où il a joué un éventuel rôle de chef de la famille après le décès de Joseph.
La bourgade de Nazareth ne compte à l'époque de Jésus que deux à quatre cents habitants. Étant trop petite pour assurer la subsistance d'un charpentier, il est possible que Joseph et ses fils aient offert leurs services ou trouvé du travail à Sepphoris, ancienne capitale de Galilée en pleins travaux de reconstruction, ou dans d'autres grandes villes galiléennes (Arraba, Magdala ou Tibériade). Pourtant, les évangiles ne mentionnent pas ces villes, ce qui pourrait suggérer que Jésus les ait évitées pendant son ministère, d'autant plus qu'il fuit généralement les grandes agglomérations. Flavius Josèphe rappelle l'hostilité des Juifs à l'encontre des villes jugées trop cosmopolites ou abritant des places fortes romaines, l'occupant méprisé. La culture urbaine, friande de modernité, choque également la mentalité villageoise plus traditionnelle et il se peut que Jésus, issu d'une famille nombreuse du milieu semi-rural de Nazareth, soit imprégné de cette mentalité. S'il faut cependant se garder de l'image traditionnelle d'un Jésus pauvre paysan galiléen, la polysémie du terme tektôn laisse la voie à de nombreuses interprétations : Jésus a pu tout aussi bien appartenir à un milieu modeste d'artisan charpentier qu'à une moyenne bourgeoisie d'entrepreneurs qui a profité des grandes voies de communication romaines telle la Via Maris, et des importants chantiers urbains entrepris par Hérode Antipas dans la région. Dans cette optique, Joseph aurait été un entrepreneur se chargeant, avec ses fils et quelques salariés, de la construction d'édifices entiers.
En plus de leur activité principale, Joseph et ses enfants ont peut-être cultivé également un lopin de terre comme le faisaient, si l'on en croit Eusèbe de Césarée, les petits-enfants de Jude (frère de Jésus) qui ont pu hériter de la ferme familiale, ce qui expliquerait les paraboles de Jésus qui ont le plus souvent trait à l'agriculture (champs, semences, etc.)
La durée du ministère de Jésus n'est pas précisément évoquée dans le Nouveau Testament mais celui-ci explique qu'il a débuté alors que Jésus avait « environ trente ans ». Les traditions chrétiennes primitives se partagent à ce sujet généralement entre un ministère d'environ un an à environ trois ans, déduites du nombre de montées à Jérusalem pour la Pâque : une seule pour les synoptiques mais trois pour Jean. La recherche contemporaine s'accorde, avec des nuances, sur un ministère compris entre un et quatre ans, avec un consensus significatif envisageant une période de deux à trois ans.
Les lieux cités dans les évangiles situent son action de part et d'autre du lac de Tibériade, principalement en Galilée (dont il est ressortissant) et dans la Décapole, avec quelques passages en Phénicie (Tyr et Sidon) et en Trachonitide (Césarée de Philippe). Il semble qu'il soit à cette époque considéré comme un habitant de Capharnaüm. Il se rend également en Judée, généralement pour aller à Jérusalem à l'occasion de fêtes juives ; mais on peut noter un séjour plus prolongé en Judée au début de sa vie publique, alors qu'il était considéré comme un disciple de Jean le Baptiste.
Les pays à population juive de l'époque étaient la Galilée et la Judée, séparées par la Samarie dont les habitants étaient considérés comme non-juifs. Jésus est perçu comme un étranger en Judée : l'accent des Galiléens les fait reconnaître, et il y suscite une franche hostilité de la part des Judéens, parfois désignés par le terme « juifs » alors que les Galiléens sont également des pratiquants de la Loi de Moïse.
La chronologie de cette période de vie publique est extrêmement confuse : les évangiles synoptiques présentent les épisodes parallèles dans des ordres parfois différents, et ils n'ont pas la même chronologie que celui de Jean, ce qui interdit évidemment d'interpréter le déroulement de l'un ou l'autre des récits comme celui d'une logique purement temporelle. On considère néanmoins que c'est le baptême de Jésus par Jean le Baptiste qui marque l'ouverture de son activité publique.
Vers 30 ans, Jésus rejoint Jean le Baptiste, un prédicateur populaire des milieux baptistes qui dénonce la pratique formaliste des milieux sacerdotaux dont il est peut-être lui-même issu. Jean prêche en se déplaçant dans le désert de Judée, sur les bords du Jourdain, et le Nouveau Testament l'identifie à un « nouvel Élie ».
Jésus reçoit le baptême que Jean administre pour le pardon des péchés à ceux qui reçoivent son message favorablement, en une immersion dans l'eau vive qui prépare au règne messianique et à l'imminence du Jugement divin. Il est ainsi possible que Jésus ait été transitoirement le disciple du Baptiste quand, au tout début de sa vie publique, on le voit simplement « annoncer le Royaume de Dieu » comme le faisait Jean, qu'il a pu reconnaitre comme « maître » pendant un temps.
Néanmoins, si c'est bien aux côtés de Jean que Jésus mûrit sa mission, il apparaît des divergences, voire des tensions, entre Jésus et Jean-Baptiste, notamment quant à leurs conceptions respectives du règne de Dieu, ce qui n'empêche pas le premier de conserver son aîné en haute estime. Par ailleurs, bien que Jésus lui-même ne semble pas avoir baptisé, la communauté chrétienne, qui envisage le Baptiste comme un précurseur, conserva le rite initiatique du baptême dans sa forme, mais non point son sens.
À la différence de Jean, Jésus va prodiguer son enseignement dans les contrées habitées. Il s'entoure de disciples dont la tradition veut qu'ils aient été douze, dont les premiers sont peut-être recrutés dans les milieux baptistes. On utilise également le nom d’« apôtres » pour les désigner. Ce groupe de « douze » disciples choisis par Jésus est sans doute une création relativement tardive, comme le montre l'existence d'apôtres extérieurs à ce noyau. On parle généralement à leur sujet de « Groupe des Douze » ; le nombre 12 est en effet essentiel pour comprendre le rôle de ces disciples constituant autour de Jésus un cercle restreint à la forte signification symbolique : il figure la reconstitution de l'Israël biblique. Si leurs noms varient de livre en livre, les disciples montrent pourtant une triple référence hébraïque, araméenne et grecque, au cœur de la vie des Galiléens. L'un de ces disciples, Simon dit Pierre ou Kepha, reçoit une importance plus particulière au sein du groupe tandis que Judas, auquel est attribuée la « trahison » de Jésus auprès des autorités, a une responsabilité attestée de « trésorier » de ce groupe.
Certaines hypothèses, qui ont connu un écho médiatique, ont voulu lier Jean ou Jésus au mouvement essénien ou déceler son influence sur ces derniers, hypothèses qui demeurent « moins que probables et indémontrables ». La pratique baptismale de Jean diffère fondamentalement de celles des esséniens, tant dans son aspect rituel que dans la doctrine qui la sous-tend : le Baptiste — qui se présente comme un prédicateur itinérant de la vallée du Jourdain — baptise en effet les pénitents en vue du pardon à une seule reprise, dans l'eau vive, à la différence des ablutions des esséniens pratiquées quotidiennement dans des bassins dédiés pour des raisons rituelles. L'idéologie du Jourdain « n'occupe [ainsi] aucune place dans les écrits de Qumrân ».
Par ailleurs, Jésus, qui fait preuve de beaucoup de souplesse dans l'observance des lois de pureté se positionnant de la sorte aux antipodes des pratiques esséniennes, apparaît encore plus éloigné du mouvement : il ne partage aucunement le rigorisme avec lequel les esséniens entendent accomplir la loi de Moïse et, là où ces derniers augmentent de prescriptions légales de la Torah, Jésus réduit au contraire celle-ci à une sorte de noyau.
Jésus se fait connaître localement, dans un premier temps comme guérisseur thaumaturge. Dans l'exercice de cette activité, sur laquelle il fonde la légitimité de son enseignement et qui attirait les foules autour de lui, on peut noter des modes opératoires variés, en comparant par exemple la guérison en trois étapes de l'aveugle de Bethsaïde, et celle — à distance et d'une seule parole — de Bar Timée à Jéricho, ou bien celle qui s'effectue par une prière intense et le jeûne, dans le cas d'un démon particulièrement rétif.
Ces pratiques thérapeutiques, dont le fondement est d'ordre religieux puisque les maladies étaient alors perçues comme la sanction divine des péchés, étaient répandues dans le monde gréco-romain et parmi les rabbi juifs dont Jésus reproduit parfois des gestes thérapeutiques connus. La pratique de Jésus se distingue néanmoins par le nombre de miracles rapportés et dans le refus par leur auteur de se les voir attribués : Jésus se présente comme le « vecteur » de Dieu, en opérant dans le présent les guérisons espérées dans le cadre eschatologique juif. Outre les miracles thérapeutiques, Jésus pratique également des exorcismes, des prodiges, des sauvetages ou des miracles illustratifs de son interprétation de la Loi juive.
Les évangiles insistent souvent plus sur la confiance des bénéficiaires de miracles qu'ils ne s'attardent sur le détail des manipulations. Jésus présente les miracles comme une anticipation de l'accès au bonheur éternel auquel a droit chaque humain, y compris les plus pauvres. L'évangile selon Marc rapporte que c'est ce pouvoir d'opérer guérisons et prodiges qui aurait été transmis à ses disciples, plutôt que la capacité de communication avec la divinité.
Les textes révèlent à cet égard un comportement général de Jésus fait de bienveillance, tourné vers les gens, particulièrement ceux plongés dans une situation personnelle ou sociale méprisée et difficile : les femmes, plus particulièrement les veuves ; les malades, les lépreux, les étrangers, les pécheurs publics ou les collecteurs de l'impôt romains. Cette façon d'être, associée à une dénonciation de l'hypocrisie et de toute forme de mensonge, lui attirera inévitablement nombre d'admirateurs en provoquant simultanément de l'hostilité.
Bien que placé dans la perspective nouvelle du Règne de Dieu, le message de Jésus semble prolonger celui de Jean-Baptiste et s'inscrit dans la fièvre apocalyptique du monde juif au Ier siècle, bien que que certains exégètes préfèrent voir Jésus comme un maître de sagesse populaire, la dimension apocalyptique relevant d'une lecture postérieure, sous l'éclairage de la foi chrétienne. On peut cependant souligner plusieurs points de rupture avec Jean le Baptiste : Jésus n'est a priori pas un ascète, il présente un Dieu de grâce, de jugement et de l'amour sans limite qui inverse l'exhortation de Jean à la conversion immédiate sur fond de colère divine : ce n'est plus celle-ci qui domine chez Jésus mais l'avènement par le Jugement dernier d'un « salut joyeux » prodigué par un Dieu de pardon. Enfin, Jésus est celui « par qui le jour vient » quand Jean « annonçait l'aube ».
Son enseignement est essentiellement connu à travers les Évangiles, qui en font le récit, et les commentaires qui en seront faits dans le reste du Nouveau Testament. La doctrine de Jésus, sûre, originale et variée, entre difficilement dans les catégories socioreligieuses préalablement établies et celui-ci ne semble s'inscrire dans aucune lignée d'aucun courant judaïque particulier de la Palestine de son temps : d'après la documentation chrétienne, il ne se réfère jamais à une quelconque autorité, à aucun maître qui serviraient d'inspiration dans son interprétation de la Torah. La proximité, l'adhésion voire le rejet de Jésus vis-à-vis du pharisianisme sont néanmoins toujours l'objet de débats au sein de la recherche.
Jésus peut ainsi être considéré comme une figure sui generis, qu'il est possible à cet égard de rapprocher de la catégorie informelledes « juifs pieux » (en hébreu : hassidim) de son époque, qui se tiennent volontiers à l'écart des cercles savants. Son enseignement et son action montrent néanmoins une très bonne connaissance des textes religieux et de la loi juive
C'est donc l'annonce du « Royaume de Dieu » qui constitue le cœur de sa prédication en des termes qui, s'ils reprennent l’attente des Juifs qui espèrent la venue d’un Messie qui restaurera l’indépendance d’Israël, déplacent cet espoir: le Royaume de Dieu selon Jésus inaugure le nouveau rapport avec Dieu qui se prépare à intervenir dans le monde pour le gouverner directement. Cette notion, à laquelle Jésus fait sans cesse référence dans ses discours et ses actions, n'est jamais concrètement définie, probablement dans la mesure où elle doit aller de soi pour ses coreligionnaires contemporains dont celui-ci se distingue toutefois par la proximité temporelle voire l'imminence dans laquelle il situe l'arrivée de ce Règne de Dieu.
Sur le plan de la morale, l'enseignement de Jésus est centré sur les notions d'amour du prochain et de pardon, que l'Homme doit observer pour se conformer aux commandements de Dieu. Cet enseignement est exprimé de manière synthétique dans les Béatitudes, et plus développé dans le Sermon sur la montagne d'où elles sont tirées. Ces principes sont déjà présents dans la religion juive, mais Jésus leur accorde un rôle central, et privilégie une interprétation spirituelle de la Loi mosaïque au détriment d'une interprétation littérale et formaliste qu'il dénonce.
Il utilise deux méthodes typiques des docteurs de la Loi, ses contemporains : le commentaire des textes canoniques et l'usage de meshalim ou « Paraboles » dont il fait le ressort privilégié de sa pédagogie. Par cet usage de la parabole, Jésus laisse souvent l'auditeur libre de ses réactions, en ne le prenant pas de front.
Mais il n'en pratique pas moins un enseignement d'autorité qui tranche avec les enseignements des scribes, qui se réclament toujours, quant à eux, de l'autorité d'une source. Jésus est néanmoins respectueux de la Loi de Moïse et, si la proximité de Jésus avec les pécheurs ou des épisodes comme son affirmation que les besoins de l'homme prévalent sur la prescription du sabbat ont pu choquer les pieux de son temps, « on ne peut pas dire que Jésus ait violé les lois de pureté chères aux pharisiens », au contraire de ses disciples qu'il ne condamne pourtant pas.
Son action suscite des réactions fortes et contrastées. On trouve à la fois des témoignages sur de grandes foules qui le suivent et le cherchent, montrant un indéniable succès populaire, et d'autres le montrant vivant dans une quasi-clandestinité au milieu de populations hostiles. En effet, Jésus a pu être l'un de ces révoltés si fréquents à son époque, un prophète juif charismatique dont le message eschatologique, sapiential ou de réforme sociale a eu une portée politique sur le monde ambiant dominé par les Romains et leurs collaborateurs judéens.
Bien que ce soit là le cœur de chacun des quatre Évangiles, il est assez difficile de mettre ceux-ci d'accord sur les récits de la « Passion », c'est-à-dire son procès et son exécution par crucifixion. Leur récit est bâti dans une optique d’« accomplissement des Écritures » plutôt que de reportage sur les événements. Pour les historiens, la reconstruction de ces événements est ainsi « périlleuse, tant les récits sont surchargés d’interprétations confessantes du fait de leur composition et de leur utilisation pour et dans la liturgie des premières communautés chrétiennes ». En effet, l'abondance des mentions géographiques ou topologiques présentes dans les récits de la Passion ont une visée liturgique, notamment dans le but d’accompagner une célébration ou un pèlerinage des premiers disciples sur les lieux du martyre.
Arrestation
Jésus est arrêté alors qu'il séjournait à Jérusalem pour célébrer la fête de Pessa'h (la Pâque juive). Ce dernier séjour à Jérusalem se déroule dans une ambiance clandestine, où les disciples échangent des mots de passe et des signes de reconnaissance pour préparer le repas dans un endroit caché. Le contraste avec l'ambiance enthousiaste de l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem (célébrée le dimanche des Rameaux) est flagrant, ce qui suggère que ces deux montées à Jérusalem n'ont pas eu lieu la même année. Il est possible que cette clandestinité soit due à la crainte de l'intervention de la garnison romaine. En effet, la ville de Jérusalem compte à cette époque 30 000 habitants mais attire plus de 100 000 pèlerins au moment de la Pâque. Craignant les troubles provoqués par cet afflux, les autorités romaines auraient pu vouloir noyer dans l'œuf l'éventuelle agitation suscitée par l'arrivée de Jésus et de ses partisans Galiléens, réputés prompts à la bagarre, ainsi que de la radicalisation du groupe des hellénistes.
L'étude des évangiles ne permet pas une lecture très claire des causes et de l'historique de ce retournement d'opinion. On trouve la trace dans les évangiles de l'attente messianique d'une partie de la population, qui attendait un Messie politique, libérateur du joug des Romains. Cette attente se retrouve dans le qualificatif donné à Simon le zélote et à Judas l'Iscariote et dans l'activité de prédicateurs et révoltés juifs prétendant à la messianité à cette époque, tels Judas le Galiléen, Athrongès (en), Theudas ou Jean de Gischala. Jésus a pu décevoir cette attente en refusant l'action sur le terrain politique.
Néanmoins, si Jésus ne conteste pas radicalement le pouvoir romain, refusant de s'enfermer dans un cadre strictement « nationaliste », il ne manifeste pas davantage d'inclination envers les grandes familles sacerdotales proches de celui-ci.
Le retournement d'opinion s'est d'abord manifesté en Judée, puis dans son pays en Galilée. Il semble que le signal de la répression soit venu des milieux sacerdotaux conservateurs de Jérusalem, souvent assimilés aux sadducéens, inquiets de l'impact de son enseignement ouvert sur la Torah et des effets de l'enthousiasme populaire qu'il suscitait sur le fragile modus vivendi avec l'occupant romain. Il apparaît également vraisemblable que c'est le scandale que cet homme, décrit comme « doux » par les évangiles ultérieurs, provoque au Temple de Jérusalem un peu avant la Pâque de 30 dans l'épisode dit des « marchands du temple », qui a pu précipiter son arrestation.
Enfin, l'avant-veille de la fête juive de la Pessa'h, Jésus prend un dernier repas avec ses disciples dans une ambiance pascale, dans un épisode appelé traditionnellement la « Cène », au cours duquel il fait explicitement mention de sa mort prochaine qu'il lie au renouvellement définitif de l'Alliance. Les chrétiens de toutes tendances considèrent qu'il institue ainsi le sacrement de l'« Eucharistie ». À la suite de cet ultime repas, Jésus est arrêté au jardin de Gethsémani, par la dénonciation de son disciple Judas, sans que le motif soit vraiment clair.
Jésus se trouve alors confronté aux trois pouvoirs superposés de la Palestine : le pouvoir romain, le pouvoir du tétrarque de Galilée et Pérée et le pouvoir des grands-prêtres du temple-État de Jérusalem.
Les modalités du procès de Jésus sont déconcertantes si l'on se réfère à ce que l'on connait du droit de l'époque : aucune reconstitution des faits ou des procédures connues ne résiste à l'examen à partir des évangiles, qui exposent un double procès, donc une double motivation, religieuse chez les Juifs, politique chez les Romains. La question de ce procès, toujours ouverte, est d'autant plus difficile qu'elle a été obscurcie, par le temps et l'antisémitisme entre autres, de multiples enjeux politiques et religieux.
La narration des évangiles est difficile à suivre dans des compositions qui semblent avoir été écrites à l'intention des Romains, même si certains détails dénotent de traditions locales. Jésus est arrêté la nuit par la police du Temple, aux ordres des autorités religieuses espérant peut-être liquider le cas du Nazaréen avant la Pâque. Il est tout d'abord conduit chez l'ex-grand prêtre Anân, puis, à l'aube, devant une cour de justice, que les évangiles appellent Sanhédrin, devant le « souverain sacrificateur » Caïphe, avant de comparaître devant le préfet romain Ponce Pilate, qui l'envoie, lui, chez Hérode Antipas avant de l'interroger à son tour. Cela donne lieu à des confrontations où Jésus soit se tait, soit paraît souligner le caractère relatif du pouvoir de ses interlocuteurs par sa liberté de parole dans des scènes très chargées symboliquement.
Au terme d'une procédure judiciaire romaine, habituelle en province, de « cognitio extra ordinem », Jésus est finalement condamné par Ponce Pilate — probablement embarrassé — et dont les évangiles atténuent la responsabilité sans doute dans une optique missionnaire, réinterprétant complètement la personnalité d'un préfet « craintif donc cruel » à subir le supplice romain du crucifiement, au motif politique de rébellion. Après avoir été flagellé, il est tourné en dérision et stigmatisé dans les quartiers des soldats romains, revêtu d'une chlamyde qui évoque la pourpre royale, coiffé d'une couronne tressée d'épines et muni d'un roseau évoquant le sceptre dans une mise en scène visant à moquer le « Roi des juifs ». Son exécution a lieu un vendredi, veille du Shabbat, sur une croix surmontée d'un titulus portant l'inscription « Jésus le Nazôréen, Roi des Juifs », qui instruit sur le motif de la condamnation pour le droit romain. Après y avoir transporté sa croix, il est crucifié au lieu-dit « Golgotha », à l'extérieur de Jérusalem, avec deux « brigands », sans que l'on sache s'il s'agit de voleurs ou de séditieux, en présence de notamment de quelques femmes mais en l'absence de ses disciples.
Jésus meurt vraisemblablement dans l'après-midi du jour de la « parascève »— jour de la préparation de la fête de Pessa'h — le 14 Nissan, ce qui correspond, compte tenu du calendrier hébraïque usuel, pour la majorité des chercheurs qui se basent sur la chronologie johannique plus fiable au vendredi ou au vendredi 3 avril 33. Cependant d'autres dates sont proposées, aucune n’étant pleinement satisfaisante, les traditions johannique et synoptiques (selon ces dernières, la mort du Messie se situerait le ) étant sur ce point inconciliables. En tout cas, sa mort a eu lieu durant les fêtes de Pessah, pendant que Pilate est préfet de Judée, donc après 26 et avant 37. Il est enseveli avant la levée de la première étoile, suivant la prescription de la loi judéenne.
Wikipédia
Reste la grande question !...
Jésus était-il marié et avait-il des enfants ?
Hypothèse, fantaisiste ou pas de la descendance de Jésus par un supposé mariage avec Marie Madeleine.
Selon le Da Vinci Code de Dan Brown , Jésus aurait eu une compagne, Marie-Madeleine, et une enfant d’elle, Sarah. Pour appuyer sa thèse romanesque, le Da Vinci Code se base sur deux phrases d’un Évangile apocryphe du milieu du iie siècle après J.-C., c’est-à-dire nettement postérieur aux Évangiles canoniques qui, eux, ont été écrits entre 60 et 90 après J.-C. Il s’agit de l’Évangile de Philippe . Découvert à Nag Hammadi , cet Évangile est issu du courant gnostique du christianisme primitif.
On ne sait pas trop quand est apparu le gnosticisme. C’est un courant de pensée profondément influencé par la pensée philosophique et religieuse du monde grec. Ses premières manifestations sont antérieures à la naissance du christianisme. Son fondateur, Simon le Mage, n’était pas chrétien. Ce n’est qu’ultérieurement, au deuxième siècle de notre ère, que le gnosticisme est devenu l’un des courants hérétiques du christianisme. Il a donné naissance à de nombreux textes dont l’Évangile de Philippe qui date au plus tôt des années 150 après J.-C., et l’Évangile de Thomas qui suscite aujourd’hui beaucoup de curiosité et de fascination.
De fait, l’Évangile de Philippe fait référence à Myriam de Magdala (Marie-Madeleine) et la présente comme la compagne de Jésus. Il dit d’abord (sentence 32 ) : « Trois marchaient toujours avec le Seigneur : Marie, sa mère, et la sœur de celle-ci, et Myriam de Magdala que l’on nomme sa compagne, car Myriam est sa mère, sa sœur et sa compagne ». Et quelques pages plus loin (sentence 55), il précise : « Le Seigneur aimait Myriam (c’est-à-dire Marie-Madeleine) plus que tous les disciples et il l’embrassait souvent sur la bouche. Les autres disciples le virent aimant Myriam et lui dirent “Pourquoi l’aimes-tu plus que nous ?”. Le Sauveur répondit “Comment se fait-il que je ne vous aime pas autant qu’elle ?” ».
Nous allons tenter de comprendre comment l’Évangile de Philippe a pu rapporter ces propos et de quelle manière on peut les éclairer. Cela nous permettra, sinon de conclure que Jésus avait une compagne, du moins de découvrir certains aspects de la pensée gnostique.
Qui était Marie-Madeleine ?
Peut-on déjà dire, d’après les Évangiles canoniques, que Marie-Madeleine a une place particulière auprès de Jésus ? Marie (dite Madeleine) faisait partie des femmes de Galilée qui suivaient Jésus et l’assistaient de leurs biens, par gratitude pour une guérison obtenue. Le surnom de Madeleine, accordé à Marie signifie probablement qu’elle était originaire de Magdala (Mt 15, 39). Jésus l’avait libérée de sept démons (cf. Mc 16, 9), ce qui ne signifie pas forcément qu’elle était une pécheresse.
Marie-Madeleine était-elle également Marie de Béthanie (la sœur de Lazare et de Marthe qui, selon Lc 10, 38-41, écoute religieusement Jésus pendant que Marthe s’affaire à lui préparer un repas) ou encore la pécheresse anonyme de Lc 7, 36-50 (celle qui essuie les pieds de Jésus avec ses cheveux) ? On peut en douter. L’Évangile de Jean distingue soigneusement Marie-Madeleine de Marie de Béthanie. Et on ne peut pas davantage identifier Marie-Madeleine à la pécheresse de Luc 7 car lorsque Luc la présente en Lc 8, 2, il ne fait aucun lien avec la pécheresse de Lc 7. Les trois femmes étaient donc vraisemblablement distinctes. Pourtant, par la suite, elles ont souvent été confondues. C’est pourquoi on a fait de Marie-Madeleine l’archétype de la pécheresse (peut-être même de la prostituée) repentante et pardonnée.
Ce qui est clair en tout cas, c’est que les Évangiles donnent une grande place à Marie-Madeleine. Elle fait partie des femmes qui assistent à la crucifixion de Jésus et découvrent le tombeau vide. De plus, et surtout, selon Matthieu, Marc et Jean, Marie-Madeleine figure parmi les femmes qui, les premières, reçoivent l’annonce de la résurrection, avant les disciples. Selon l’Évangile de Jean, elle a même eu le privilège d’assister à la première apparition de Jésus en personne (Jn 20, 1-18). C’est elle qui va ensuite annoncer la résurrection du Christ aux disciples, en particulier à Pierre.
Ce n’est pas un hasard. Le récit de l’Évangile de Jean est très attentif aux préséances au moment de la résurrection car elles sont significatives du rang qui, dans l’Église primitive, devait être accordé à Pierre et à Jean (le disciple que Jésus aimait), ainsi qu’à Marie-Madeleine, à qui il a voulu donner une place prépondérante.
Nous l’avons dit, le christianisme primitif était composé de courants très divers. Pierre avait la primauté dans l’Église officielle judéo-chrétienne . En revanche, le courant dit johannique (auquel appartient l’Évangile de Jean) accordait une place fondamentale à Jean et à Marie-Madeleine pour se différencier de l’Église officielle. Ce courant avait une théologie spécifique sans doute déjà influencée par le gnosticisme.
De fait, dans la littérature gnostique du deuxième siècle (Évangile de Thomas, Sagesse de Jésus-Christ, Pistis Sophia, Dialogue du Sauveur, Évangile de Marie, Évangile de Philippe), Marie-Madeleine a une place fondamentale et même première, y compris par rapport à Pierre, ce qui est révélateur des conflits entre le courant du christianisme « orthodoxe » (représenté par Pierre) et le courant gnostique (représenté par Marie-Madeleine).
Donnons quelques exemples. Dans l’Évangile de Thomas, « Simon Pierre dit aux disciples : que Marie (Madeleine) sorte de parmi nous, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie ». Dans la Pistis Sophia, Pierre se fâche parce que Jésus dialogue principalement avec Marie-Madeleine. Dans les Dialogues du Sauveur, Marie-Madeleine fait partie, avec Jude et Matthieu, du petit groupe qui reçoit une instruction particulière du Seigneur et elle est louée comme une femme qui « connaît le Tout ». Enfin, dans l’Évangile de Marie (Marie étant Marie-Madeleine et non Marie, mère de Jésus), Marie-Madeleine est très clairement privilégiée par rapport à Pierre à qui elle doit tout expliquer. « Pierre dit : “Est-il possible que le Maître se soit entretenu ainsi avec une femme ? […] L’a-t-il vraiment choisie et préférée à nous ?”. Alors Marie pleura […]. Lévi prit la parole et dit “Pierre, tu as toujours été un emporté ; je te vois maintenant t’acharner contre la femme, comme font nos adversaires. Pourtant si le Maître l’a rendue digne, qui es-tu pour la rejeter ? Assurément le Maître la connaît très bien, il l’a aimée plus que nous.” »
Donc, de deux choses l’une. Ou bien Marie-Madeleine a effectivement eu une place importante dans le christianisme primitif des années 40 à 50 après J.-C. mais ce rôle a été ensuite minimisé par l’Église officielle (sauf par le courant johannique). Ou bien le gnosticisme, pour des raisons qu’il nous faudra essayer de comprendre, a voulu lui « créer » un rôle primordial en dépit du fait qu’elle était femme ou peut-être, nous le verrons, justement parce qu’elle était une femme.
Quoi qu’il en soit, insistons sur le fait que, dans les Évangiles gnostiques, le Christ et le personnage de Marie-Madeleine sont des constructions théologiques ; il en va de même pour ce qui nous est dit de leurs relations. Tout cela n’a aucune valeur historique et nous n’apprenons rien sur les relations effectives de Jésus et de Marie-Madeleine. Rappelons que l’Évangile de Philippe a été écrit plus de cent vingt ans après la mort de Jésus.
Il nous faut donc nous demander pourquoi, dans les Évangiles gnostiques, la première des disciples de Jésus est une femme, alors que, selon les Évangiles canoniques, les disciples de Jésus étaient tous des hommes. Et pourquoi, selon l’Évangile de Philippe, Jésus lui donne des baisers sur la bouche.
L’enseignement ésotérique de Jésus
Pour tenter de répondre à ces questions, il faut préciser un point. Dans les Évangiles gnostiques, l’« Enseigneur » (le Christ) révèle un enseignement secret et ésotérique à un disciple particulier et privilégié, qu’il soit homme ou femme. Cela peut nous étonner. En effet, nous semble-t-il, Jésus a voulu prêcher pour tous, Juifs et païens, justes et injustes, et non pas seulement pour quelques-uns. N’a-t-il pas dit : « Le soleil se lève sur les justes comme sur les injustes et Dieu donne la bénédiction de la pluie sur les bons comme sur les méchants » ? (Mt 5, 45).
Pourtant, cette tradition d’un enseignement de Jésus réservé à quelques disciples privilégiés est déjà présente dans les Évangiles canoniques eux-mêmes. L’injonction « Que celui qui a des oreilles pour entendre entende » serait la marque d’un enseignement révélé aux seuls disciples ou seulement à certains d’entre eux. Cet enseignement portait sur des éléments qui risquaient d’être mal compris ou qui pouvaient avoir une incidence politique .
Par la suite, les écrits gnostiques ont considérablement amplifié le mode d’un enseignement de Jésus réservé à un initié, par exemple à Thomas dans l’Évangile de Thomas, et à Marie-Madeleine dans l’Évangile de Marie et l’Évangile de Philippe. C’est dans ce contexte qu’on peut comprendre les baisers de Jésus à Marie-Madeleine mentionnés dans l’Évangile de Philippe. Ils sont sans doute la marque du caractère confidentiel et intime de l’enseignement qui lui est dispensé. Dans la tradition juive de cette époque, le baiser est la communication d’un souffle qui a pour fonction de faire naître en chacun l’« être spirituel », c’est-à-dire l’être venu du souffle (pneuma en grec, spiritus en latin) de Dieu . D’ailleurs, il est écrit dans l’Évangile de Philippe (sentence 31) : « Celui qui se nourrit de la parole qui vient à la bouche va vers son accomplissement. L’homme accompli devient fécond par un baiser et c’est par un baiser qu’il fait naître. Et c’est pourquoi nous nous embrassons les uns les autres et nous nous donnons mutuellement naissance par l’amour qui est en nous . »
Cette sentence éclaire sans ambiguïté la signification des baisers de Jésus à Marie-Madeleine. En écoutant l’enseignement, Marie-Madeleine « se nourrit de la parole qui vient à la bouche ». On notera d’ailleurs que la sentence 31 qui donne le sens des baisers précède immédiatement la sentence 32 qui présente Marie-Madeleine comme la « compagne » de Jésus.
La sexualité chez les gnostiques
Ainsi les baisers de Jésus à Marie-Madeleine n’impliquent vraisemblablement rien de sexuel. Mais voyons maintenant en quel sens une femme, Marie-Madeleine, a pu être désignée comme la « compagne » de Jésus. Pourquoi est-ce une femme qui reçoit, de manière privilégiée, l’enseignement du Maître ?
Cela pose la question de la place de la femme, de la sexualité et du corps chez les gnostiques. Il nous faut faire un peu de théologie gnostique sur ce sujet.
Pour les gnostiques, l’être humain a été précipité de la lumière de l’au-delà dans ce monde qui est considéré comme fondamentalement mauvais. Il importe qu’il le quitte au plus tôt pour rejoindre le monde de la lumière. Les gnostiques sont donc animés d’une hostilité déclarée vis-à-vis du monde et n’ont que mépris vis-à-vis du corps et de la sexualité. L’un des écrits gnostiques, le Livre de Jehu le dit clairement (II, 45) : « Marchez et trouvez un homme ou une femme en qui sera tarie la source principale du mal : avoir couché avec une personne du sexe opposé paradoxalement, ce refus du monde et du corps a pu aussi faire de l’excès sexuel une forme d’exercice et d’obligation . L’excès est recommandé dans le but d’épuiser les possibilités de la chair et par là même d’en être libéré. Il faut que les âmes acquittent leur dette vis-à-vis du monde et soldent tout leur dû en épuisant tout ce qui est de corps et de chair pour qu’elles puissent ensuite être remises en liberté et retourner dans l’au-delà, c’est-à-dire dans le monde de la lumière d’où elles viennent.
Mais il faut noter que cette conception n’est jamais attestée par les écrits gnostiques eux-mêmes. Seuls les Pères de l’Église (tel Irénée de Lyon) en font état dans leur écrits polémiques.
En tout état de cause, ce « devoir de luxure » ne peut en rien concerner Jésus puisqu’il est présenté par les textes gnostiques comme le Fils de Dieu. Il n’est nullement soumis à la chair, il est déjà un être spirituel. Son corps physique n’est en fait qu’un corps « pneumatique » et « psychique ». D’ailleurs, dans l’Évangile de Philippe, Marie-Madeleine est présentée comme étant à la fois « la mère, la sœur et la compagne de Jésus ». Cela montre bien qu’il faut vraisemblablement reconnaître à chacun de ces termes un sens uniquement spirituel . Si la relation que Jésus avait avec Marie-Madeleine était de nature sexuelle, elle serait vraiment calamiteuse et doublement incestueuse ! On notera d’ailleurs que les Évangiles canoniques et les écrits de Paul donnent déjà un sens symbolique à des mots tels que « mère », « frère », « sœur », « époux », « fiancé » .
Marie-Madeleine, figure de la Sagesse (Sophia)
Mais tout cela ne répond pas à la question : pourquoi est-ce à une femme que le Christ dispense, de manière privilégiée, son enseignement alors que le gnosticisme était semble-t-il misogyne et globalement ascétique ?
Notons d’abord qu’il y a eu un précédent dans le courant gnostique. Cela nous mettra peut-être sur la voie. Celui que l’on considère en général comme le fondateur du gnosticisme, Simon le Mage, contemporain de Jésus (le Livre des Actes le mentionne) vivait avec une femme nommée Hélène. Ils formaient un couple, au sens sexuel du terme. Certains théologiens orthodoxes de l’époque et, semble-t-il, Simon lui-même présentent Hélène comme une prostituée. Selon Simon, elle incarne la Sagesse (Sophia) divine et déchue, qui est descendue dans le monde, alors que lui, Simon, se déclarait être lui-même Dieu le Père .
Ce précédent permettrait d’établir un parallélisme entre le couple de Simon et Hélène d’une part et celui de Jésus et Marie-Madeleine d’autre part. De fait, l’Évangile de Philippe présente Jésus comme le Fils de Dieu et Marie-Madeleine comme une incarnation de la Sagesse, et aussi comme la « compagne » de Jésus. De plus, elle a souvent été présentée elle aussi comme une ancienne prostituée.
Mais n’allons pas trop vite. Pour éclairer notre problème, il importe d’abord de dire un mot de cette Sagesse-Sophia (également appelée Ennoïa). Nous entrons là dans le dédale de la mythologie gnostique. La Sophia est une émanation de Dieu qui s’incarne dans le monde. Elle jaillit hors du Dieu Un, le Père, et, à la demande de celui-ci, elle descend dans le monde (les régions inférieures). Mais là, elle tombe dans le piège que lui tendent les forces du chaos qui cherchent à lui prendre la portion de lumière qui est en elle. Elle est retenue captive sans pouvoir remonter vers le Père. Elle est enfermée dans la chair humaine et elle y migre pendant des siècles, d’un corps féminin à un autre, et elle devient finalement prostituée. Pour Simon, elle s’est finalement incarnée en Hélène et, pour l’Évangile de Philippe en Marie-Madeleine . Mais Dieu lui-même vient sous l’apparence d’un homme pour la relever et la délivrer de ses liens. Et le Christ, qui est le Fils du Père, participe en sa qualité de Sauveur au retour de la Sophia auprès de celui qui l’a engendrée.
On peut maintenant comprendre pourquoi, dans les Évangiles gnostiques, la première disciple de Jésus est une femme, Marie-Madeleine. C’est parce qu’elle représente une incarnation de la Sophia déchue dans le monde. Et, de fait, Marie-Madeleine a sans doute très tôt représenté l’image d’une femme pécheresse (peut-être prostituée) convertie par le Christ et guérie par lui de ses démons. Marie Madeleine avait ainsi toutes les caractéristiques voulues pour devenir une incarnation et une figure symbolique de la Sagesse-Sophia. Elle était femme, elle avait été possédée par les démons et elle en avait été sauvée et délivrée par Jésus (Mc 16, 9).
Marie-Madeleine, en tant que femme et pécheresse de surcroît, représente la perdition dans le monde. Mais par son acceptation de la connaissance que lui apporte Jésus, l’Enseigneur issu de Dieu, le Fils du Père, elle se métamorphose au cours d’une évolution positive, elle quitte l’absurdité de la matière, et atteint la connaissance et le salut . Le baiser de Jésus à Marie-Madeleine représente le baiser rédempteur du Sauveur à la Sophia.
D’ailleurs le texte de la sentence 55 de l’Évangile de Philippe le montre clairement. Ce texte commence par dire : « La Sagesse (Sophia) que l’on croyait stérile est la mère des Anges. » Et il ajoute immédiatement « La compagne du Fils est Myriam de Magdala. L’Enseigneur aimait Myriam plus que tous les disciples, il l’embrassait souvent sur la bouche. » Si la Sophia cesse d’être stérile, si elle devient la mère des anges et est délivrée de l’esclavage de la chair, c’est parce que l’Enseigneur embrasse sur la bouche Marie-Madeleine qui en est l’incarnation. Si Marie-Madeleine est considérée comme la « compagne » du Fils, c’est parce qu’elle est l’incarnation de la Sophia. Ils sont l’un et l’autre, chacun à leur manière, des incarnations du Dieu Un. Et le Fils de l’homme vient dans le monde pour être le Rédempteur de la Sophia.
La sentence 54 qui précède immédiatement le texte que nous venons de citer éclaire aussi cette lecture. Elle présente le Christ comme un teinturier qui rend blanches les couleurs qui ont été jetées dans un chaudron. Et c’est ainsi qu’en l’embrassant sur la bouche, il rend blanche et immaculée Marie-Madeleine (la Sophia) qui « en a vu de toutes les couleurs » dans le chaudron du monde de la chair.
Nous aurions donc là une clé pour comprendre la sentence énigmatique de l’Évangile de Philippe. Le Christ est le Rédempteur qui communique le souffle de son baiser et de son enseignement à la Sophia dévoyée et perdue que représente Marie-Madeleine, et ce pour la conduire au salut.
Mais ce serait sans doute trop facile d’en rester là. En effet, un autre texte imputé au courant gnostique semble, à première lecture, faire de Jésus un gourou un peu ambigu et même quelque peu fornicateur. Épiphane, théologien orthodoxe du iiie siècle et adversaire acharné des gnostiques, rapporte avec beaucoup d’indignation les propos d’un écrit gnostique intitulé Les grandes questions concernant Marie (et qu’on n’a jamais retrouvé) : « Jésus fit à Marie [Madeleine] une révélation en l’emmenant sur la montagne et en priant ; puis il sortit de ses côtes une femme et commença à s’unir à elle, et ainsi, en vérité, prenant sa semence, il montra que “c’est ainsi que nous devons faire si nous devons vivre”. Et lorsque Marie s’est écroulée au sol, confuse, il la releva et lui dit “Pourquoi as-tu douté, ô femme de peu de foi” . »
Un autre texte gnostique, l’Évangile de Thomas, semble également faire état d’une relation intime de Jésus avec une femme, Salomé, qui peut sans doute être identifiée à Marie-Madeleine . Il convient de citer ce texte en entier (sentence 65). « Deux se reposeront sur un lit : l’un mourra, l’autre vivra. Salomé dit : “Qui es-tu homme ? Est-ce en tant qu’issu de l’Un que tu es monté sur mon lit et que tu as mangé à ma table ?” Et Jésus répond : « Je suis celui qui vient de Celui qui m’est égal. Quand le disciple est désert, il sera rempli de lumière ; mais quand il est partagé, il sera rempli de ténèbres. » »
La chambre nuptiale
Pour comprendre la nature de la relation de Jésus avec Marie-Madeleine dans l’Évangile de Philippe, il faut insister sur un autre point. Jésus est considéré par cet Évangile, et de façon plus générale par le courant gnostique, comme le « Fils de l’homme ».
Pour comprendre ce que signifie ce titre, il faut remonter à Adam et Ève et voir comment les gnostiques comprenaient le récit biblique de Genèse 2, 3 qui raconte leur désobéissance. Pour les gnostiques, le premier être humain, Adam, est androgyne (à la fois homme et femme, il est en fait antérieur à la division de l’humanité en deux sexes). Ce n’est qu’au moment de la chute que s’opère la différenciation sexuelle entre le masculin (Adam) et le féminin (Ève).
Il s’agit là d’une théorie directement issue d’un mythe de Platon . Le premier être humain (Anthropos) était céleste et à l’image de Dieu, mais séparé en un homme et une femme par la chute, il est devenu terrestre. La chute dans le monde et l’immersion dans le péché sont identifiés à la sexualisation de l’Anthropos. Le salut, pour les êtres sexués est de reconstituer l’unité primordiale de l’Anthropos.
Dans l’un des courants du judaïsme tardif (représenté en particulier par le philosophe juif Philon d’Alexandrie, contemporain de Jésus), cette idée est déjà présente. Elle est appliquée à la lecture des deux premiers chapitres de la Genèse. Il y aurait deux figures d’Adam : d’abord celle de Genèse 1, 27 qui caractérise l’Anthropos parfait, à l’image de Dieu, à la fois mâle et femelle, et ensuite celle de Genèse 2 selon laquelle Adam, aux côtés d’Ève, est à l’origine de la chute.
Ajoutons que cette conception permet de comprendre le sens de « Fils de l’homme », un des titres donnés à Jésus-Christ par le christianisme primitif tant orthodoxe que gnostique. On s’est beaucoup interrogé sur sa signification. En fait, il faut très vraisemblablement le mettre en relation avec l’Anthropos d’avant la chute et d’avant la différenciation sexuelle. Le Christ est considéré comme la manifestation et l’incarnation de l’Anthropos. Il est cet Anthropos lui-même ou du moins son « fils », c’est-à-dire son expression. Et c’est à ce titre qu’il vient sauver les humains que la chute a rendu captifs. De fait, selon les Évangiles canoniques, Jésus-Christ a, semble-t-il, la conviction d’accomplir la mission de ce Fils de l’homme, c’est-à-dire de l’Anthropos d’avant la chute. Cette mission est de venir dans le monde pour sauver les pécheurs, l’Anthropos d’avant la chute se portant au secours des hommes et des femmes d’après la chute.
Cette théologie du Christ Fils de l’homme est particulièrement présente, on ne s’en étonnera pas, dans l’Évangile de Jean, celui qui est le plus influencé par la pensée grecque . Peut-être permet-elle d’éclairer en particulier le récit que donne Jean de la rencontre du Christ ressuscité avec Marie-Madeleine. Elle prend d’abord le Christ pour un jardinier ; or, Adam avant la chute était le jardinier du jardin d’Éden. Ainsi le fait que le Christ ressuscité soit pris pour un jardinier semble renvoyer au fait qu’il est considéré par Jean comme le Fils de l’homme, le nouvel Adam, et qu’il tient ce rôle auprès de Marie-Madeleine.
Venons-en maintenant à l’influence que cette conception a pu avoir dans la pensée gnostique et en particulier dans l’Évangile de Philippe. C’est ce qui nous permettra de comprendre le sens du mystère de la « chambre nuptiale ». Pour le gnosticisme, comme pour le mythe de Platon, la chute de l’être humain est dans la différenciation sexuelle , et le salut pour les hommes et les femmes d’ici-bas est de devenir (ou de redevenir) l’Anthropos androgyne. Le Christ, le Fils de l’homme, c’est-à-dire la manifestation issue du Dieu Un et de l’homme d’avant la chute, a pour mission de conduire vers le salut les êtres humains enfermés, depuis la chute, dans la division sexuelle. Il le fera en leur enseignant à reconstruire en eux et entre eux, par l’accouplement (pas forcément sexuel) entre mâle et femelle, l’Anthropos androgyne primordial.
Il est intéressant de citer dans ce contexte le « logion » 114 de l’Évangile de Thomas qui dit : « Toute femme qui se fera Anthropos entrera dans le Royaume ». Selon Pierre Geoltrain , spécialiste de la pensée gnostique, cette parole « nous renvoie en fait à ce qui est à l’origine de la déchéance humaine, aux yeux des gnostiques : non pas la création d’Adam à partir de la matière, mais bien la séparation entre sexes masculin et féminin qui entraîne à la fois l’ignorance (puisque Adam et Ève n’ont plus droit à l’Arbre de la Connaissance) et la mort (puisque l’humanité voit sa vie désormais limitée). Dès lors, tout ce qui exprime la possibilité de l’androgynie, de la non-distinction du masculin et du féminin est, pour les gnostiques, un pas vers le retour à l’unité première qui permettra à l’âme d’être sauvée. » Ainsi, pour devenir Anthropos et être ainsi sauvé dans le plérôme du Royaume, l’être humain doit intégrer la polarité qui lui est complémentaire, le masculin chez la femme et le féminin chez l’homme.
L’Évangile de Philippe, lui aussi, soutient que les maux de l’humanité sont la conséquence de la différence des sexes et de la destruction de l’Anthropos. Il explique : « Lorsque Ève faisait encore partie d’Adam, la mort n’existait pas. Quand Ève a été séparée d’Adam, la mort s’est mise à exister. Si Adam devient à nouveau complet et retrouve sa forme ancienne, la mort cessera d’exister » (sentence 71).
L’Évangile de Philippe utilise l’image de la « chambre nuptiale » comme métaphore de l’union entre l’homme et la femme permettant la réinstauration de l’Anthropos. « Ce qui donne consistance à l’Anthropos, c’est une relation intime et durable. Faites l’expérience d’une étreinte pure […]. Parmi les esprits impurs, certains sont masculins, d’autres féminins. Les masculins sont ceux qui s’unissent aux âmes qui habitent une forme féminine, les féminins sont ceux qui s’unissent aux âmes qui habitent un corps masculin » (Évangile de Philippe, sentences 60 et 61).
La dernière sentence de l’Évangile de Philippe (sentence 126) va dans le même sens : « Ceux qui étaient séparés pourront de nouveau s’unir et se féconder. Tous ceux qui pratiqueront l’étreinte sacrée allumeront la lumière, ils n’engendreront pas comme on le fait dans les mariages ordinaires qui se font dans l’obscurité. »
Ainsi, dans le plérôme, et plus précisément dans la chambre nuptiale céleste, les élus s’unissent avec leur conjoint respectif (on pourrait dire leur « moitié »). Mais cette conception du salut donne-t-elle une force rédemptrice à l’union sexuelle d’ici-bas ? Rien n’est moins sûr. Dans l’Évangile de Philippe, le mariage ici-bas ne peut être que le signe et la préfiguration de ces épousailles célestes. Les relations sexuelles d’ici-bas (l’« étreinte ordinaire ») restent une tache. Le mariage d’ici-bas est souillé alors que le mariage céleste et immaculé est un vrai mystère (Évangile de Philippe, sentence 122).
Le Christ et Marie-Madeleine ont-ils connu la chambre nuptiale ?
Faudrait-il en conclure que Jésus et Marie-Madeleine aient, dans la chambre nuptiale, voulu reconstituer l’Anthropos pour être ainsi sauvés ? La relation entre Jésus et Marie-Madeleine (ou Salomé dans l’Évangile de Thomas) ne doit pas, à mon sens , être comprise selon la forme de la chambre nuptiale, ni celle de l’« étreinte ordinaire » (cf. les termes de la sentence 122) ni même celle du « mariage céleste ». En effet, cette chambre nuptiale est faite pour les êtres humains qui sont mâles ou femelles. Elle doit leur permettre de retrouver leur moitié pour recomposer l’Anthropos. Or le Christ est le Fils de l’homme, c’est-à-dire une manifestation et une régénérescence de l’Anthropos androgyne primordial. Il est lui-même l’Anthropos qui a pris la forme ou plutôt l’apparence d’un homme masculin. De ce fait, il n’a besoin de s’accoupler ni avec Marie-Madeleine ni avec Salomé pour reconstituer l’Anthropos. De plus, puisqu’il est le Fils de l’Anthropos, il n’est pas vraiment masculin. Il n’a donc pas à s’unir avec Marie-Madeleine pour lui communiquer l’élément masculin qui lui manque.
Ainsi, la relation du Christ et de Marie-Madeleine doit être comprise tout autrement que par la métaphore de la chambre nuptiale. Jésus, l’Enseigneur, et Marie-Madeleine ne sont pas sur le même plan. Leur relation n’est pas une relation de couple. Elle est à sens unique. Le Fils de l’homme fait naître l’Anthropos en Marie-Madeleine par une relation unilatérale qui n’est pas celle de la chambre nuptiale. Par ses baisers, le Fils de l’homme communique à Marie-Madeleine le souffle de l’Anthropos qui est en lui.
Comme le dit la sentence 120 de l’Évangile de Philippe « L’Enseigneur est le Fils de l’homme », « le Fils de l’homme a reçu la puissance d’engendrer ». On peut dire que le Christ engendre l’Anthropos en Marie-Madeleine ? Mais, pour ce faire, il n’a pas à s’accoupler avec elle. D’après mon interprétation, la relation entre le Christ et Marie-Madeleine doit être comprise selon le schéma Fils de l’homme-Sophia. Le Christ qui est le Fils du Père participe en sa qualité de Sauveur et de Fils de l’homme au retour de la Sagesse auprès du Père qui l’a engendrée. Puisque « la Sophia est stérile sans le Fils » (Évangile de Philippe, sentence 36), le Fils doit engendrer dans la Sophia son salut et sa fécondité. Mais la notion d’engendrement est tout autre que celle d’union sexuelle. D’ailleurs, un autre texte gnostique, la Pistis Sophia (sentence 113) dit que Marie-Madeleine, au contact de l’enseignement de Jésus (l’Évangile de Philippe pourrait dire « grâce aux baisers de Jésus ») « sent grandir en elle l’Anthropos et, s’identifiant à lui, elle comprend le Tout ».
Ainsi, rien ne peut laisser supposer dans les Évangiles gnostiques que Jésus et Marie-Madeleine ont connu la chambre nuptiale que ce soit celle d’en bas ou celle d’en haut. Le texte apparemment scandaleux des Grandes questions concernant Marie, pas plus que celui de l’Évangile de Thomas (concernant le Christ et Salomé) ne s’opposent à cette lecture. Dans le premier, le Christ montre à Marie-Madeleine que l’accouplement pour reconstituer l’Anthropos est une tâche qui incombe au commun des mortels (dont il ne fait pas partie). Le deuxième texte énonce que, de deux personnes reposant sur le même lit et partageant la même table, l’une accueillera le Fils de l’Un et l’autre non. Cela signifie que de deux personnes participant à la même condition, l’une bénéficiera de l’engendrement de l’Anthropos en elle et l’autre pas. L’une sera sauvée et l’autre non (ce qu’on peut rapprocher de Mt 24, 40 et Lc 17, 34). L’une, ajoute le texte, cessera d’être stérile et déserte, et l’autre non.
Que le gnosticisme soit un courant docète devrait achever de nous convaincre, si besoin était : il considère que l’humanité (et donc la masculinité) du Christ n’est en fait qu’une apparence . Il ne participe pas au monde de la chair et de la sexualité. Pour les gnostiques, le Jésus de l’histoire a porté un corps qui n’avait aucune corruption et dont la nature était « pneumatique ».
Ajoutons un point pour être complet. Toujours à propos de cette fameuse relation entre le Christ et Marie-Madeleine, on s’est demandé si le gnosticisme avait été influencé par la conception païenne (assyrio-babylonienne et grecque) des mariages entre dieux et spécialement entre le Ciel et la Terre fécondée. C’est improbable, mais puisque le Da Vinci Code fait référence à ces hiérogamies, rappelons succinctement leur signification. Les hiérogamies ont pour but, entre autres, d’expliquer l’engendrement de l’univers et de servir de modèle et de consécration aux mariages humains. Les fidèles se vouent également à l’union avec les dieux (ou les déesses) soit par l’abstinence, soit par un accouplement mystique. Cet accouplement peut aussi être consommé charnellement grâce à des représentants des dieux ou des déesses (prêtres, prêtresses, prostitués sacrés des deux sexes). Mais répétons-le, ces conceptions et ces pratiques ne concernent pas la relation du Christ avec Marie-Madeleine.
En revanche, il est possible que ce mythe des hiérogamies ait influencé le gnosticisme de Simon le Mage et puisse expliquer son union sexuelle avec Hélène. Mais, rappelons-le, le gnosticisme de Simon le Mage n’est pas chrétien, et il est très différent, dans son inspiration, du gnosticisme chrétien de l’Évangile de Philippe. Le Christ n’est pas un dieu plus ou moins païen susceptible de s’accoupler. Il est le Fils de l’homme, c’est-à-dire la manifestation de l’Anthropos androgyne.
Quelques points conclusifs