Je vous ai évoqué dernièrement le cousinage avec Joachim du Bellay...
Aujourd'hui, je voulais y apporter une suite et cette suite va nous conduire à la famille HUGO !. Victor, puis sa petite fille Jeanne qui épouse, entre autres : Léon Daudet, le fils d'Alphonse puis Jean Baptiste Charcot.
Généalogie descendante de Jean du Bellay et Jeanne de Logé à la famille Hugo...
Victor Hugo, parfois surnommé l'Homme océan ou, de manière posthume, l'Homme siècle, est un poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français, né le 7 ventôse an X () à Besançon et mort le à Paris. Il est considéré comme l'un des écrivains de la langue française et de la littérature mondiale les plus importants. Hugo est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l'histoire des lettres françaises au XIXe siècle.
Au théâtre, Victor Hugo s'impose comme un des chefs de file du romantisme français en présentant sa conception du drame romantique dans les préfaces qui introduisent Cromwell en 1827, puis Hernani en 1830, qui sont de véritables manifestes, puis par ses autres œuvres dramatiques, en particulier Lucrèce Borgia en 1833 et Ruy Blas en 1838.
Son œuvre poétique comprend plusieurs recueils de poèmes lyriques, dont les plus célèbres sont Odes et Ballades paru en 1826, Les Feuilles d'automne en 1831 et Les Contemplations en 1856. Victor Hugo est aussi un poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments, paru en 1853, et un poète épique dans La Légende des siècles, publié de 1859 à 1883.
Comme romancier, il rencontre un grand succès populaire, d'abord avec Notre-Dame de Paris en 1831, et plus encore avec Les Misérables en 1862.
Son œuvre multiple comprend aussi des écrits et discours politiques, des récits de voyages, des recueils de notes et de mémoires, des commentaires littéraires, une correspondance abondante, près de quatre mille dessins dont la plupart réalisés à l'encre, ainsi que la conception de décors intérieurs et une contribution à la photographie.
Très impliqué dans le débat public, Victor Hugo est parlementaire sous la monarchie de Juillet et sous la Deuxième et Troisième République. Il s'exile pendant près de vingt ans à Jersey et Guernesey sous le Second Empire, dont il est l'un des grands opposants. Attaché à la paix et à la liberté et sensible à la misère humaine, il s'exprime en faveur de nombreuses avancées sociales, s'oppose à la peine de mort et à l'esclavage. Il soutient aussi l'idée d'une Europe unifiée.
Son engagement résolument républicain dans la deuxième partie de sa vie et son immense œuvre littéraire font de lui un personnage emblématique, que la Troisième République honore par des funérailles nationales et le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris le , dix jours après sa mort. Pendant les deux jours où son cercueil est exposée au public, plus de deux millions de personnes se déplacent pour lui rendre hommage.
Ayant fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre et ayant marqué son époque par ses prises de position politiques et sociales, Victor Hugo est encore célébré aujourd'hui, en France et à l'étranger, comme un personnage illustre, dont la vie et l'œuvre font l'objet de multiples commentaires et hommages.
Victor-Marie Hugo est le fils du général d'Empire Joseph Léopold Sigisbert Hugo (1773-1828), créé comte, selon la tradition familiale, par Joseph Bonaparte, roi d'Espagne, capitaine en garnison dans le Doubs au moment de la naissance de son fils, et de Sophie Trébuchet (1772-1821), issue de la bourgeoisie nantaise.

Il naît le 7 ventôse an X () (selon le calendrier républicain alors en vigueur), à Besançon, au 1er étage du 140 Grande Rue, renommée depuis place Victor-Hugo. À peine né, il est déjà le centre de l'attention. Enfant fragile, sa mère prend beaucoup soin de lui, comme il le racontera plus tard dans son poème autobiographique Ce siècle avait deux ans.
Dernier d'une famille de trois garçons après Abel Joseph Hugo (1798-1855) et Eugène Hugo (1800-1837), il passe son enfance à Paris, au 8 rue des Feuillantines, dans un logement loué dans l'ancien couvent des Feuillantines, vendu comme bien national à la Révolution. Ce séjour dans un jardin sauvage, vestige du parc de l'ancien monastère, lui laissera des souvenirs heureux.
De fréquents séjours à Naples et en Espagne, à la suite des affectations militaires de son père, marqueront ses premières années. Ainsi, en 1811, alors que Madame Hugo rejoint son mari, la famille fait halte à Hernani, ville du Pays basque espagnol. La même année, il est, avec ses frères Abel et Eugène, pensionnaire dans une institution religieuse de Madrid, le Real Colegio de San Antonio Abad. En 1812, il s'installe à Paris avec sa mère qui s'est séparée de son mari, car elle entretient une liaison avec le général d'Empire Victor Fanneau de la Horie, parrain et précepteur de Victor Hugo, duquel il tient son prénom.
En septembre 1815, il entre avec son frère à la pension Cordier. D'après Adèle Foucher, son amie d'enfance qui deviendra plus tard son épouse, c'est vers cet âge qu'il commence à versifier. Autodidacte, c'est par tâtonnement qu'il apprend la rime et la mesure. Il est encouragé par sa mère à qui il lit ses œuvres, ainsi qu’à son frère Eugène. Ses écrits sont relus et corrigés par un jeune maître d'études de la pension Cordier qui s’est pris d'amitié pour les deux frères. Sa vocation est précoce et ses ambitions sont immenses. Âgé de quatorze ans à peine, Victor note dans un journal : « Je veux être Chateaubriand ou rien ».
En 1817, Victor Hugo a quinze ans lorsqu'il participe à un concours de poésie organisé par l'Académie française, sur le thème Bonheur que procure l’étude dans toutes les situations de la vie. Selon le récit qu'en fait Adèle Foucher, le jury est à deux doigts de lui décerner le prix, mais le titre de son poème (Trois lustres à peine) suggère trop son jeune âge et l’Académie croit à un canular : il reçoit seulement une mention. Il concourt sans succès les années suivantes mais gagne, à des concours organisés par l'Académie des Jeux floraux de Toulouse, en 1819, un Lys d'or pour La statue de Henri IV et une Amaranthe d'or pour Les Vierges de Verdun, ainsi qu’une Amaranthe d'or en 1820 pour Moïse sur le Nil. Ayant remporté trois prix, il devient Maître-ès-jeux floraux de 1820, suivi par Chateaubriand l'année suivante.
Encouragé par ses succès, Victor Hugo délaisse les mathématiques, pour lesquelles il a des aptitudes (il suit les cours des classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand), et embrasse la carrière littéraire. Avec ses frères Abel et Eugène, il fonde en 1819 une revue ultraroyaliste, Le Conservateur littéraire, qui attire déjà l’attention sur son talent. Son premier recueil de poèmes, Odes, paraît en 1821 : il a alors dix-neuf ans. Les mille cinq cents exemplaires s’écoulent en quatre mois. Le roi Louis XVIII, qui en possède un exemplaire, lui octroie une pension annuelle de mille francs, ce qui lui permet de vivre de sa passion et d’envisager d’épouser son amie d’enfance Adèle Foucher.
Portrait de Victor Hugo sur fond de Notre-Dame de Reims. Toile de Jean Alaux, maison de Victor Hugo, 1822.
La mort de sa mère le l’affecte profondément. En effet, les années de séparation d'avec son père l’avaient rapproché de celle-ci. Le , il épouse Adèle Foucher, son amie d’enfance, en l'église Saint-Sulpice de Paris. De leur mariage naîtront cinq enfants. Le premier, Léopold, en 1823, ne vit que quelques mois. Suivront Léopoldine en 1824, Charles en 1826, François-Victor en 1828 et Adèle en 1830.
Hugo commence la rédaction de Han d'Islande, publié en 1823, qui reçoit un accueil mitigé, mais vaut à son auteur une nouvelle pension de deux mille francs. Une critique de Charles Nodier, bien argumentée, est l’occasion d’une rencontre entre les deux hommes et de la naissance d’une amitié. À la bibliothèque de l'Arsenal, berceau du romantisme, il participe aux réunions du Cénacle, qui auront une grande influence sur son développement. Son amitié avec Nodier dure jusqu’à 1827-1830, époque où celui-ci commence à être très critique envers les œuvres de Victor Hugo. Durant cette période, Victor Hugo renoue avec son père, qui lui inspirera les poèmes Odes à mon père et Après la bataille. Celui-ci meurt en 1828.
Dans cette période, il s'intéresse à la peinture et découvre l'atelier de Paul Huet avec enthousiasme : « C'est un jeune homme du plus beau talent. Vous partagerez la satisfaction de Delacroix et la mienne », écrit-il.
Jusqu'en , le couple habite chez les parents d'Adèle. Ils déménagent pour le 90 rue de Vaugirard, appartement où leur fille Léopoldine naît, en . L'arrivée de leur fils Charles, en , fait déménager la famille l'année suivante dans une maison au 11 rue Notre-Dame-des-Champs.
Sa pièce Cromwell, publiée en 1827, fait éclat. Dans la préface de ce drame, Victor Hugo s’oppose aux conventions classiques, en particulier à l'unité de temps et à l'unité de lieu, et jette les premières bases de son drame romantique.
Le couple reçoit beaucoup et se lie avec Sainte-Beuve, Lamartine, Mérimée, Musset, Delacroix. François–Victor naît en . En , la famille déménage pour la Rue Jean-Goujon. Adèle, leur dernier enfant, naît en juillet. Ils habiteront rue Jean-Goujon jusqu'en octobre 1832.
Adèle Foucher, délaissée dans le tourbillon qui a entouré la rédaction, les répétitions, les représentations et le triomphe d'Hernani, se rapproche du meilleur ami et confident du couple, Sainte-Beuve, puis entretient une relation amoureuse avec lui, qui se développe durant l'année 1831. Entre les deux hommes, les relations courtoises se maintiennent pourtant avant que leur amitié ne se transforme en haine (Hugo songe même à le provoquer en duel) lorsque Adèle avoue son infidélité à son mari. Leur liaison dure jusqu'en 1837, date à laquelle Sainte-Beuve quitte Paris pour Lausanne.
De 1826 à 1837, la famille séjourne fréquemment au Château des Roches à Bièvres, propriété de Bertin l'Aîné, directeur du Journal des débats. Au cours de ces séjours, Hugo rencontre Berlioz, Chateaubriand, Liszt, Giacomo Meyerbeer, et rédige des recueils de poésie, dont les Feuilles d'automne. Il publie, en 1829, le recueil de poèmes les Orientales. La même année, paraît Le Dernier Jour d'un condamné, court roman dans lequel Victor Hugo présente son dégoût de la peine de mort, sujet qu'il abordera à nouveau dans Claude Gueux en 1834. Le roman Notre Dame de Paris paraît en 1831.
De 1830 à 1843, Victor Hugo se consacre presque exclusivement au théâtre. Il continue cependant d'écrire des poèmes pendant cette période et publie plusieurs recueils : Les Feuilles d'automne (1831), Les Chants du crépuscule (1835), Les Voix intérieures (1837), Les Rayons et les Ombres (1840).
Déjà en 1828, il avait monté une œuvre de jeunesse Amy Robsart. L'année 1830 est celle de la création d’Hernani, qui est l'occasion d'un affrontement littéraire fondateur entre anciens et modernes. Ces derniers, au premier rang desquels Théophile Gautier, s'enthousiasment pour cette œuvre romantique. Le , la pièce est jouée au Théâtre-Français. Dès les premiers vers, les querelles se font entendre dans le parterre. Rapidement les romantiques et les anciens se battent et se défendent. Ce combat qui restera dans l'histoire de la littérature sous le nom de « bataille d'Hernani », souligne le triomphe de la pièce.
Marion de Lorme, interdite une première fois en 1829, est montée en 1831 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, puis, en 1832, Le roi s'amuse au Théâtre-Français. La pièce sera dans un premier temps interdite, fait dont Hugo s'indignera dans la préface de l'édition originale de 1832.
En 1833, il rencontre l'actrice Juliette Drouet, qui devient sa maîtresse et le restera pendant cinquante ans, jusqu'à sa mort. Il écrira pour elle de nombreux poèmes. Tous deux passent ensemble chaque anniversaire de leur première nuit d'amour et remplissent, à cette occasion, année après année, un cahier commun qu'ils nomment tendrement le Livre de l'anniversaire. Il aura cependant de nombreuses autres maîtresses, parmi lesquelles Léonie d'Aunet avec qui il entretiendra une liaison de 1844 à 1851, et l'actrice Alice Ozy en 1847, alors même que son fils Charles en était l'amant.
Lucrèce Borgia et Marie Tudor sont montées au Théâtre de la porte Saint-Martin en 1833, Angelo, tyran de Padoue au Théâtre Français en 1835. Ne trouvant pas de salle pour jouer ses nouveaux drames, Victor Hugo décide, avec Alexandre Dumas, de créer une salle consacrée au drame romantique. Anténor Joly, directeur de théâtre puis de journal, reçoit, par arrêté ministériel, le privilège autorisant la création du théâtre de la Renaissance en 1836, où sera donné, en 1838, Ruy Blas.
Victor Hugo accède à l'Académie française le , après trois tentatives infructueuses essentiellement dues à certains académiciens menés entre autres par Étienne de Jouy, opposés au romantisme et le combattant férocement. Il y prend le fauteuil (no 14) de Népomucène Lemercier, l'un de ces opposants.
Puis, en 1843, est montée la pièce Les Burgraves, qui ne recueille pas le succès escompté. Lors de la création de toutes ces pièces, Victor Hugo se heurte aux difficultés matérielles et humaines. Ses pièces sont régulièrement sifflées par un public peu sensible au drame romantique, même si elles reçoivent aussi de la part de ses admirateurs de vigoureux applaudissements.
Le , sa fille Léopoldine meurt tragiquement à Villequier, dans la Seine, noyée avec son mari Charles Vacquerie dans le naufrage de leur barque. Hugo était alors dans les Pyrénées, avec sa maîtresse Juliette Drouet, et il apprend ce drame par les journaux à Rochefort. L'écrivain est terriblement affecté par cette mort, qui lui inspirera plusieurs poèmes des Contemplations — notamment, « Demain, dès l'aube… ». À partir de cette date et jusqu'à son exil, Victor Hugo ne produit plus rien, ni théâtre, ni roman, ni poème. Certains voient dans la mort de Léopoldine et l'échec des Burgraves une raison de sa désaffection pour la création littéraire. D'autres y voient plutôt l'attrait pour la politique, qui lui offre une autre tribune. De 1848 à , Victor Hugo habite à l'ancien no 37, soit au nouveau no 43 rue de La Tour-d'Auvergne.
Portrait de Victor Hugo, député de la deuxième République en 1848, galerie des représentants du peuple de l'Assemblée Nationale française, Paris
Élevé par sa mère, Sophie Trébuchet, dans l'esprit du royalisme, Victor Hugo se laisse peu à peu convaincre de l'intérêt de la république (« J'ai grandi », écrit-il dans le poème « Écrit en 1846 » en réponse au reproche d'un ami de sa mère).
Victor Hugo devient ainsi confident de Louis-Philippe en 1844, puis pair de France en 1845. Son premier discours en 1846 est pour défendre le sort de la Pologne écartelée entre plusieurs pays, puis en 1847, il défend le droit au retour des bannis, dont celui de Jérôme Napoléon Bonaparte.
Il réclame la diminution du temps de travail des enfants, de 16 heures à 10 heures, mais sa proposition est contrée par le baron Louis Jacques Thénard dont il se vengera en formant le nom des Thénardier, ses personnages les plus détestables des Misérables.
Le , il est nommé maire du 8e arrondissement de Paris. Après un premier échec, il est élu le député de la deuxième République et siège parmi les conservateurs. Le 20 juin, il prononce son premier discours à l'Assemblée. Lors des émeutes ouvrières de , il devient, comme soixante autres, commissaire chargé par l’Assemblée Constituante de rétablir l’ordre. Il commande des troupes face aux barricades, dans l'arrondissement parisien dont il se trouve être le maire. Il désapprouvera plus tard la répression sanglante à laquelle il a participé. Il fonde le journal L'Événement en . Il est déçu par les autorités issues de la Révolution de février et les lois répressives, que vote l’assemblée constituante contre la presse les 9 et , le révulsent et lui font dire : « Les hommes qui tiennent le pays depuis février ont d’abord pris l’anarchie pour la liberté ; maintenant ils prennent la liberté pour l’anarchie ». Il soutient la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République en décembre 1848. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, il est élu le à l'Assemblée législative et prononce son Discours sur la misère le . Il rompt avec Louis-Napoléon Bonaparte, lorsque celui-ci soutient le retour du pape à Rome, et il se bat progressivement contre ses anciens amis politiques, dont il réprouve la politique réactionnaire.
Lors du coup d'État du de Louis-Napoléon Bonaparte, Victor Hugo tente sans succès d'organiser une résistance. Devenu un opposant du pouvoir, il part le pour Bruxelles, début d'un exil qui durera dix-neuf ans. Un mois plus tard, le décret de proscription du ordonne l'expulsion du territoire français, pour cause de sûreté générale, de soixante-six anciens représentants à l’Assemblée législative, dont Victor Hugo. D'abord contraint, l'exil deviendra volontaire en 1859, Victor Hugo refusant de rentrer en France malgré l'amnistie dont il bénéficie.
Victor Hugo arrive à Bruxelles le 12 décembre 1851 et y reste huit mois. Il loge successivement à l’hôtel de la Porte Verte, puis dans une chambre de la Maison du Moulin à vent, sur la Grand-Place de Bruxelles, et enfin dans un appartement de la Maison du Pigeon, également sur la Grand-Place, où il demeure jusqu'à la fin de son séjour. Parti seul pour Bruxelles, il y est rejoint le lendemain de son arrivée par Juliette Drouet, qui apporte avec elle la malle à manuscrits, matériel précieux pour l'écrivain. Elle s'installe dans un logement séparé où elle recopie ses manuscrits. Victor Hugo commence l'écriture d'un récit des évènements du , qui ne sera terminé et publié qu'après son retour d'exil, sous le titre Histoire d'un crime. Pour l'heure, il laisse de côté ce projet et écrit Napoléon le Petit, pamphlet contre Louis-Napoléon Bonaparte. Achevé en juillet 1852 et publié à Bruxelles le mois suivant, l'ouvrage est diffusé clandestinement en France, malgré la surveillance des autorités. La publication de ce livre contraint cependant Victor Hugo à quitter le territoire belge. En recherche d'une nouvelle destination, il décide en de s'exiler à Jersey, île anglo-normande située entre la France et l'Angleterre, et placée sous la protection de celle-ci. En , Adèle Foucher, restée à Paris pour assurer les questions matérielles, met en vente le mobilier de l'appartement parisien en vue du départ de la famille pour Jersey.
Victor Hugo quitte Bruxelles le à destination de Jersey. Il y débarque le , accueilli par son épouse Adèle Foucher, leur fille Adèle Hugo et Auguste Vacquerie, arrivés avant lui. Le , la famille Hugo s'installe dans une maison nommée « Marine Terrace », située dans le sud de l'île, en bord de mer, et y réside jusqu'à la fin de l'exil à Jersey, qui dure trois ans. Juliette Drouet, arrivée en même temps que Victor Hugo, y loge dans des habitations séparées. En , Victor Hugo commence la rédaction des Châtiments, recueil de poèmes satiriques critiquant le Second Empire et Napoléon III. Interdit en France, le recueil est publié à Bruxelles en . Victor Hugo écrit également plusieurs poèmes pour Les Contemplations, recueil poétique commencé avant l'exil, qui sera publié en 1856.

L'exil à Jersey donne l'occasion à Victor Hugo d'explorer de nouvelles voies artistiques. En , son fils Charles installe un atelier de photographie à « Marine Terrace ». Charles Hugo et Auguste Vacquerie prennent plus de trois cents photographies pendant l'exil à Jersey, témoignage de la vie des proscrits. S'il ne les réalise pas lui-même, Victor Hugo participe souvent à leur mise en scène et prévoit d'en utiliser pour illustrer ses livres et même d'en publier un recueil, projets qui ne pourront pas se concrétiser. Il utilise des photographies ou s'en inspire pour exécuter ses dessins, dont la production est d'une grande diversité pendant cette période, avec l'expérimentation de nouvelles techniques graphiques, comme les pochoirs. En , Delphine de Girardin initie les membres de la famille Hugo à la pratique des « tables parlantes », qui permettent de « communiquer » avec l'esprit de personnes décédées. Victor Hugo prend part à ces séances, qui dureront jusqu'à la fin de l'exil à Jersey. Les échanges issus de ces séances, retranscrits dans Le livre des tables, influencent son œuvre littéraire et graphique.
Victor Hugo poursuit son combat contre la peine de mort en s'opposant à l'exécution de John Tapner, condamné à mort à Guernesey pour meurtre et finalement exécuté le . Le lendemain, il écrit une lettre à Lord Palmerston, ministre de l'Intérieur anglais, pour exprimer son indignation49,69. Marqué par cet évènement, il réalise Le Pendu, série de dessins emblématiques de sa lutte contre la peine capitale.
En , trois proscrits français sont expulsés de Jersey par les autorités britanniques, après avoir publié dans leur journal L'Homme, un texte s'opposant à la visite officielle de la reine Victoria à Napoléon III. Le , Victor Hugo publie avec d'autres proscrits une déclaration de soutien à leurs compagnons d'exil, ce qui amène les autorités à ordonner également leur expulsion de Jersey. Le , Victor Hugo s’embarque pour l'île voisine de Guernesey.
Arrivé le sur l'île de Guernesey, Victor Hugo loge d'abord à l'Hôtel de l'Europe puis, à partir du , dans une maison située 20 rue Hauteville où il reste pendant un an et qu'il achètera dix ans plus tard avec Juliette Drouet, qui y logera. Il achève Les Contemplations, qui paraît en à Bruxelles et à Paris. Grâce au succès de ce recueil de poèmes, il achète, dans la même rue, le , « Hauteville House », qui sera sa résidence pendant près de quinze ans, jusqu'à la fin de son exil. La famille y emménage le . Passionné de brocante et de décoration, Victor Hugo se consacre pendant trois ans à l'aménagement de « Hauteville House », qu'il personnalise entièrement, concevant et réalisant lui-même les décors intérieurs, composés à partir de meubles et objets collectés sur l'île. Pendant cette période, il aménage en même temps « La Fallue », première maison de Juliette Drouet à Guernesey, située à proximité de « Hauteville House ».
Le , Napoléon III décrète une amnistie générale pour tous les condamnés. Le , Victor Hugo annonce son refus de rentrer en France, déclarant : « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai. ». En , il publie la première série de La Légende des siècles. Poursuivant son combat contre la peine de mort, il lance un appel en en faveur de John Brown, militant antiesclavagiste, condamné à mort aux États-Unis. En 1860 et 1861, il se consacre principalement à la rédaction de son roman Les Misérables, qui est publié en 1862 et qui connaît un immense succès. En 1863, il écrit William Shakespeare, publié l'année suivante.
Victor Hugo dénonce le sac du Palais d'Été () par les troupes franco-britanniques dans une lettre au capitaine Butler du .
À partir de 1861, Victor Hugo reprend ses habitudes de voyages annuels avec Juliette Drouet, dont le dernier remonte à dix-huit ans. Chaque année jusqu'à la fin de son exil en 1870, ils passent plusieurs mois sur le continent, principalement en Belgique, au Luxembourg et dans la vallée du Rhin. Ces séjours sont des moments de création intense pour Victor Hugo, aussi bien pour ses romans et ses poèmes que pour ses dessins. Il visite des monuments et collecte toute sorte d'objets qui lui servent pour concevoir des décors et alimenter ses carnets. En 1864, il achète avec Juliette Drouet la maison située 20 rue Hauteville, où il avait habité huit ans auparavant et où cette dernière habite désormais. Il réalise les décors de la maison à partir de mobilier, panneaux et objets récupérés à Guernesey ou lors de ses voyages avec Juliette.
La famille de Victor Hugo, d'abord rassemblée à « Hauteville House », s'éloigne progressivement de Guernesey. Adèle Foucher fait de fréquents séjours à Bruxelles et à Paris, où elle veille aux intérêts littéraires et financiers de son mari. En 1863, elle publie Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, un livre de souvenirs. Adèle Hugo fait également des séjours de plusieurs mois à Paris avec sa mère, puis part en 1863 à Halifax, au Canada, pour rejoindre un officier anglais, qu'elle espère épouser. Charles Hugo effectue de fréquents séjours en France et en Belgique à partir de 1860, puis se marie en 1865 à Bruxelles, où il s'installe. François-Victor Hugo s'installe à son tour à Bruxelles en 1865 après le décès de sa fiancée. En avril 1868, le premier fils de Charles Hugo meurt à l'âge d'un an. Son deuxième fils, Georges Victor-Hugo, naît en août 1868, puis sa fille, Jeanne Hugo, en septembre 1869. Adèle Foucher meurt à Bruxelles le 27 août 1868 et est enterrée à Villequier auprès de Léopoldine. Victor Hugo accompagne le cercueil jusqu’à la frontière française.
Vers la fin de l'exil, Victor Hugo publie de nouvelles œuvres : le recueil Les Chansons des rues et des bois en 1865, le roman Les Travailleurs de la mer, hommage à Guernesey et à ses habitants, en 1866, puis le roman L'Homme qui rit, en 1869. En même temps, il poursuit son combat politique et maintient sa volonté de rester en exil tant que dure le Second Empire. En 1869, il contribue au journal d'opposition Le Rappel, que fondent ses fils Charles Hugo et François-Victor Hugo avec Paul Meurice et Auguste Vacquerie. Rêvant d'une Europe unifiée, il plante symboliquement le « chêne des États-Unis d’Europe » dans le jardin de « Hauteville House », le 14 juillet 1870. Alors que la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne est proche, il quitte Guernesey pour Bruxelles le , en vue d'un éventuel retour en France. Le , lendemain de la proclamation de la République, il rentre en France où il est accueilli comme un héros
De retour en France, il pense alors fermement, selon ses notes de la fin août, que son pays va lui attribuer la dictature. Les Parisiens lui font un accueil triomphal. Il participe activement à la défense de la ville assiégée. Dans le même temps, il lui importe, au nom de l’intérêt du pays, de soutenir le gouvernement de la Défense nationale présidé par le général Trochu. Aussi, lorsque le , Louis Blanc lui demande à nouveau d'intervenir pour exercer une pression sur le général, il répond : « Je vois plus de danger à renverser le gouvernement qu’à le maintenir ».
Élu à l'Assemblée nationale (siégeant alors à Bordeaux) le , il en démissionne un mois plus tard pour protester contre l'invalidation de Garibaldi. Le , son fils Charles meurt brusquement d'une apoplexie. Ses obsèques ont lieu le à Paris, le jour même du soulèvement qui marque le début de la Commune de Paris. Victor Hugo se rend ensuite à Bruxelles pour régler la succession de son fils et y reste pendant l'insurrection. Il désapprouve si vivement la répression contre la Commune qu'il est expulsé par les autorités belges. C'est le roi Léopold II qui signe l'arrêté royal qui décide son expulsion au motif qu'il s'est « rendu coupable d'avoir accueilli en sa demeure les vaincus de la Commune ». Il trouve refuge pendant trois mois et demi au Luxembourg (-), séjournant successivement à Luxembourg ville, à Vianden (deux mois et demi), à Diekirch et à Mondorf, où il suit une cure thermale. Il y achève le recueil L'Année terrible. Il est largement battu à l'élection complémentaire du . Sollicité par plusieurs comités républicains, il accepte de se porter candidat à l'élection complémentaire du et est encore une fois battu, en raison de sa position en faveur d'une amnistie des communards.
La même année, Hugo retourne à Guernesey où il écrit le roman Quatrevingt-treize. En 1873, il est à Paris et se consacre à l'éducation de ses deux petits-enfants, Georges et Jeanne, qui lui inspirent le recueil de poèmes L'Art d'être grand-père. Il reçoit beaucoup de personnalités politiques et littéraires, comme les Goncourt, Lockroy, Clemenceau ou Gambetta.
Le , il est élu sénateur et milite pour l'amnistie des communards. Il s'oppose à Mac Mahon quand celui-ci dissout l'assemblée. Dans son discours d'ouverture du congrès littéraire international de 1878, il se positionne pour le respect de la propriété littéraire, mais aussi pour le fondement du domaine public. En , Hugo est victime d'un malaise, peut-être un congestion cérébrale. Il part se reposer quatre mois à Guernesey dans sa demeure de Hauteville House, suivi de son « secrétaire bénévole » Richard Lesclide. Ce mauvais état de santé met pratiquement fin à son activité d'écriture. Toutefois, de très nombreux recueils, réunissant en fait des poèmes datant de ses années d'inspiration exceptionnelle (1850-1870), continuent à paraître régulièrement (La Pitié suprême en 1879, L'Âne, Les Quatre Vents de l'esprit en 1881, la dernière série de la Légende des siècles en septembre 1883), contribuant à la légende du vieil homme intarissable jusqu'à la mort. Durant cette période, nombre de ses pièces sont de nouveau jouées (Ruy Blas en 1872, Marion de Lorme et Marie Tudor en 1873, Le roi s'amuse en 1882).
Sous la Troisième République, le gouvernement Ferry promulgue la loi du , dite de « réparation nationale », qui alloue une pension ou rente viagère aux citoyens français victimes du coup d'État du et de la loi de sûreté générale. La Commission générale chargée d'examiner les dossiers, présidée par le ministre de l'Intérieur, est composée de représentants du ministère, de conseillers d'État, et comprend huit parlementaires, tous d'anciennes victimes : quatre sénateurs (Victor Hugo, Jean-Baptiste Massé, Elzéar Pin, Victor Schœlcher) et quatre députés (Louis Greppo, Noël Madier de Montjau, Martin Nadaud et Alexandre Dethou).
Mort et funérailles
Jusqu'à sa mort en 1885, il est une des figures emblématiques de la république, en même temps qu'une référence littéraire incontestée. Le vendredi , il est victime d'une congestion pulmonaire. Il meurt le , jour de la fête de Juliette Drouet, dans son hôtel particulier « La Princesse de Lusignan », qui était situé au 50 avenue Victor-Hugo, à la place de l'actuel no 124. Trois jours avant sa mort, il écrit cette dernière pensée : « Aimer, c’est agir », et selon la légende, ses derniers mots sont : « C'est ici le combat du jour et de la nuit… Je vois de la lumière noire ».
Conformément à ses dernières volontés, c'est dans le « corbillard des pauvres » qu'a lieu la cérémonie. Le décret du , voté par 415 voix sur 418, lui accorde des obsèques nationales et sécularise à nouveau le Panthéon pour y déposer son corps, le . Avant d'y être transféré, son cercueil est exposé dans la nuit du au sous l'Arc de triomphe, voilé obliquement par un crêpe noir. Des cuirassiers à cheval veillent toute la nuit le catafalque surmonté des initiales VH, selon l'ordonnancement de Charles Garnier. Le jour du transfert, le cortège vers le Panthéon s'étire sur plusieurs kilomètres, avec près de deux millions de personnes et 2 000 délégations venues lui rendre un dernier hommage. Il est alors l'écrivain français le plus populaire de son temps et est déjà considéré depuis plusieurs décennies comme l'un des monuments de la littérature française.
« Ce soir-là (…) nous étions sous les marronniers, au fond du jardin. Après un de ces longs silences qui remplissaient nos promenades, elle quitta mon bras et me dit :
- Courons !
Je la vois encore. (…) Elle se mit à courir devant moi avec sa taille fine comme le corset d’une abeille et ses petits pieds qui relevaient sa robe jusqu’à mi-jambe. Je la poursuivis, elle fuyait ; le vent de sa course soulevait par moment sa pèlerine noire, et me laissait voir son dos brun et frais.
J’étais hors de moi. Je l’atteignis près du vieux puisard en ruine ; je la pris par la ceinture, du droit de victoire, et je la fis s’asseoir sur un banc de gazon ; elle ne résista pas. (…)
- Lisons quelque chose. Avez-vous un livre ? dit-elle
J’avais sur moi le tome second des Voyages de Spalanzani. Je l’ouvris au hasard, je me rapprochai d’elle, elle appuya son épaule à mon épaule, et nous nous mîmes à lire chacun de notre côté, tout bas, la même page. Avant de tourner le feuillet, elle était toujours obligée de m’attendre.
- Avez-vous fini ? me disait-elle, que j’avais à peine commencé.
Cependant nos têtes se touchaient, nos cheveux se mêlaient, nos haleines peu à peu se rapprochèrent, et nos bouches tout à coup. Quand nous voulûmes continuer notre lecture, le ciel était étoilé.
C’est une soirée que je me rappellerai toute ma vie. »
Ce soir d’été 1819, Victor Hugo a 17 ans, et il embrasse pour la première fois la femme de sa vie, Adèle Foucher. Ils se sont rencontrés dix ans plus tôt, dans la cour qu’ils partagent, impasse des Feuillantines, près de la rue Saint-Jacques à Paris. Sophie Trébuchet, la mère d’Hugo, loue à cette époque le rez-de-chaussée d’un ancien couvent ; l’autre partie est habitée par la famille d’Adèle.
Elle a les cheveux bruns, les yeux noirs, elle aime la littérature et attend de pouvoir épouser Victor. Mais la mère du futur écrivain désapprouve cette union : Adèle ne lui semble pas assez bien pour son fils. Les parents de la jeune fille, prévenus de ce refus, décident d’éloigner Adèle. Et puis les Hugo déménagent, Victor est placé à la pension Cordier avec ses frères, ses parents se séparent, et sa mère meurt en 1821… Le jeune homme est triste, mais il peut alors enfin épouser celle qu’il a toujours aimée.
Le mariage est célébré le 12 octobre 1822 à l’église Saint-Sulpice. Quelques semaines avant la cérémonie, Victor envoie à Adèle cette lettre : « Je conserverai comme toi, sois en sûre, jusqu’à la nuit enchanteresse des noces, mon heureuse ignorance. »… Et la nuit tant attendue arrive… Hugo, vierge et fougueux, fait l’amour neuf fois à sa femme… C’est en tout cas le chiffre qu’il avance fièrement à la fin de sa vie. Quant à Adèle, elle garde un souvenir moins heureux de cette première fois… Après cinq grossesses en six ans, elle tire un trait sur cette sexualité qui ne lui convient pas, et se consacre entièrement à l’éducation de ses quatre enfants (Léopoldine, Charles, Adèle et François-Victor).
Le mariage est célébré le 12 octobre 1822 à l’église Saint-Sulpice. Quelques semaines avant la cérémonie, Victor envoie à Adèle cette lettre : « Je conserverai comme toi, sois en sûre, jusqu’à la nuit enchanteresse des noces, mon heureuse ignorance. »… Et la nuit tant attendue arrive… Hugo, vierge et fougueux, fait l’amour neuf fois à sa femme… C’est en tout cas le chiffre qu’il avance fièrement à la fin de sa vie. Quant à Adèle, elle garde un souvenir moins heureux de cette première fois… Après cinq grossesses en six ans, elle tire un trait sur cette sexualité qui ne lui convient pas, et se consacre entièrement à l’éducation de ses quatre enfants (Léopoldine, Charles, Adèle et François-Victor).
Adèle Foucher, née le à Paris, et morte le à Bruxelles, est l'épouse de l'écrivain français Victor Hugo et la sœur de Paul Foucher.
Amie d'enfance de Victor Hugo dès 1809 (son père Pierre Foucher, greffier au tribunal à Paris, est un ami des parents de Victor Hugo), elle l'épouse le , en l'église Saint-Sulpice, trois ans et demi après leurs fiançailles, malgré la réticence des parents respectifs et au grand dam du frère aîné de Victor, Eugène Hugo, qui en perd la raison.
Ils ont eu cinq enfants :
-
Léopold Victor Hugo ( - ) ;
-
Léopoldine Cécile Marie Pierre Catherine Hugo ( - ) ;
-
Charles Hugo ( - ) ;
-
François-Victor Hugo ( - ) ;
-
Adèle Hugo ( - ).
Délaissée par son mari bourreau de travail, elle entame en 1830 une relation amoureuse avec Sainte-Beuve, ami de Victor, tandis que ce dernier devient l'amant de Juliette Drouet en 1833, vivant une relation de 50 ans avec sa maîtresse officielle. Jalouse, Adèle Foucher s'éloigne de Sainte-Beuve pour se consacrer à ses enfants et aux intérêts financiers et littéraires de son mari. Elle rompt définitivement avec Sainte-Beuve en 1837. Mais ce double adultère engendre une haine tenace entre les deux anciens amis. Sainte-Beuve dans ses articles traite Hugo de « Polyphème » et de « Cyclope » ; ce dernier réplique en traitant celui-là de « Sainte-Bave ».
Elle accorde son amitié à Léonie d'Aunet, concurrente de Juliette Drouet dans les bras de son mari, et écrit Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie publié en 1863, grâce aux matériaux fournis par Victor Hugo.
Elle meurt d'une congestion cérébrale le , à 64 ans, lors d'un séjour à Bruxelles.
Elle est enterrée à Villequier, auprès de sa fille aînée Léopoldine (sa fille cadette Adèle reposera également à leurs côtés une quarantaine d'années plus tard). Victor Hugo alors exilé ne pourra suivre le cercueil de son épouse que jusqu'à la frontière franco-belge.
Adèle Hugo à Guernesey durant l'été 1862. Photographie d'Edmond Bacot (1814-1875). Paris, Maison de Victor Hugo.
Juliette Drouet, de son vrai nom Julienne Joséphine Gauvain, née le à Fougères et morte le , dans le 16e arrondissement de Paris, est une actrice française qui a été la compagne de Victor Hugo pendant près de cinquante ans.
Une enfant de milieu populaire
Juliette Drouet naît le et est baptisée le lendemain à l'église Saint-Sulpice de Fougères. Elle est la benjamine d'une famille de quatre enfants, Renée (1800-1885), Thérèse (1802-1814) et Armand (1803-1876). Sa mère, Marie Marchandet, née vers 1780, est fileuse. Son père, Julien Gauvain, né en 1777 à Saint-Étienne-en-Coglès, est un ancien chouan qui exerce depuis la profession de tailleur. Marié en 1799, le couple avait établi un atelier de couture au pied du château de Fougères.
Orpheline de mère quelques mois après sa naissance, de père l'année suivante, elle est placée comme son frère et ses deux sœurs en nourrice puis dans un couvent de Fougères, avant d'être élevée par un oncle, René-Henry Drouet, qui s'établit à Paris : elle y suit sa scolarité au pensionnat religieux des chanoinesses de Saint-Augustin à Saint-Mandé de 1816 à 1821.
Une carrière de comédienne contrariée
Elle devient, vers 1825, la maîtresse du sculpteur James Pradier. Elle a avec lui une enfant, Claire, qu'il reconnaîtra deux ans plus tard.
Sur le conseil de Pradier, elle commence en 1828 une carrière de comédienne au théâtre du Parc de Bruxelles, puis à Paris. Elle prend à cette époque le nom de son oncle. Actrice sans véritable talent, elle est sifflée par le public lors de la première de Marie Tudor le et voit son jeu éreinté trois jours plus tard par le Courrier des Théâtres. Cependant, elle est d’une beauté émouvante, et séduit bien des hommes, dont le comte Anatole Demidoff avec qui elle découvre un grand train de vie en Italie. Elle fut également la maîtresse de Scipion Pinel.
En 1833, alors qu'elle faisait une lecture du rôle de la princesse Négroni dans Lucrèce Borgia, Victor Hugo la remarque. En 1838, alors que le rôle de la reine dans Ruy Blas devait être attribué à Juliette, Madame Hugo écrit au directeur du théâtre, Anténor Joly : « Que mon mari, qui porte intérêt à cette dame, l'ait appuyée pour la faire entrer à votre théâtre, rien de mieux. » Mais, explique-t-elle, le talent de Juliette Drouet étant tenu en piètre estime par le public, la pièce risque d'en pâtir : « J'ai quelque espoir que vous trouverez moyen de donner le rôle à une autre personne. » La reine fut jouée par Louise Beaudouin.
Elle abandonne sa carrière théâtrale pour se vouer, en victime consentante de « l'éternel féminin d'imagerie d'Épinal », pour le reste de ses jours à son amant. Il exigera d'elle une vie cloîtrée, monacale, et ses sorties seront faites uniquement en sa compagnie.
Cependant, leur liaison est affichée et notoire, y compris de l'épouse du poète et de leurs enfants. À la mort de Claire, fille de Juliette, à l'âge de vingt ans, Victor Hugo mène le cortège funèbre avec Pradier, le père de la jeune défunte. Juliette n'a pas la force d'assister aux obsèques.
En 1852, elle accompagne son illustre amant dans son exil à Jersey, et puis en 1855 à Guernesey, mais sans partager son toit. Il lui loue une petite maison à portée de vue.
Malgré cette dévotion, Hugo la trompera, notamment avec Léonie d'Aunet, avec qui il entretiendra une liaison de 1844 à 1851, ou avec l’actrice Alice Ozy en 1847. Il la trompe aussi en , avec Blanche, la femme de chambre de Juliette. Celle-ci fugue le . Elle rentre cinq jours plus tard et obtient de Hugo des engagements de fidélité.
Le , pendant le siège de Paris, Victor Hugo s'attend au pire. Aussi laisse-t-il quelques instructions à ses enfants, dont : « Elle m'a sauvé la vie en décembre 1851. Elle a subi pour moi l'exil. Jamais son âme n'a quitté la mienne. Que ceux qui m'ont aimé l'aiment. Que ceux qui m'ont aimé la respectent. Elle est ma veuve. »
Elle lui écrit tout au long de sa vie plus de 22 000 lettres ou de simples mots, qui témoignent d'un réel talent selon Gérard Pouchain qui écrivit sa biographie en 1992. Dans sa dernière lettre, datée du , elle lui écrit : « Je ne sais pas où je serai l'année prochaine à pareille époque, mais je suis heureuse et fière de te signer mon certificat de vie pour celle-ci par ce seul mot : Je t'aime . »
Elle meurt le dans son habitation au 124 avenue Victor-Hugo (anciennement 130 avenue d'Eylau) à Paris. Elle est inhumée au cimetière Nord de Saint-Mandé près de sa fille Claire. L'entourage de Victor Hugo le dissuade d'assister aux obsèques.
« Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée,
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton cœur ma mémoire est fixée :
Le monde a sa pensée,
Moi, j'avais son amour ! »
— Épitaphe de Juliette Drouet (Dernière Gerbe de Victor Hugo).
Juliette Drouet à Bruxelles vers 1865.
Et si, maintenant, nous parlions de Jeanne HUGO, la petite fille de Victor HUGO... Elle va nous mener à un personnage intéressant !.
Victor HUGO avec ses petits enfants Georges et Jeanne, les enfants de Charles et de Alice Lehaene...
Jeanne et Georges HUGO
Léopoldine Clémence Adèle Lucie Jeanne Hugo ( - ) est née en Belgique pendant l'exil de Victor Hugo. Elle est la petite-fille du romancier, poète et homme politique français.
Jeanne Hugo est née à Bruxelles le 29 septembre 1869, troisième enfant du journaliste Charles Hugo et de Alice Le Haene. Son frère est l'artiste Georges Victor-Hugo. Ses grands-parents paternels sont respectivement l'écrivain et politicien Victor Hugo et Adèle Foucher. Elle est une arrière-petite-fille de Joseph Léopold Sigisbert Hugo et Sophie Trébuchet. Née à la fin du Second Empire français, Jeanne Hugo grandit dans une famille républicaine fidèle. Dans sa famille d'anciens loyalistes de la monarchie bourbonienne s'opposent aux Bonaparte. Elle est la nièce de Léopoldine Hugo, François-Victor Hugo et Adèle Hugo. Elle est aussi la tante de l'artiste Jean Hugo.
En 1871, le père de Jeanne meurt d'un accident vasculaire cérébral. Sa mère se remarie avec le journaliste et homme politique Édouard Lockroy. Victor Hugo n'approuve pas le nouveau mariage de sa belle-fille et prend la garde de Jeanne et de son frère, Georges. En 1877, Victor Hugo publie un livre de poésie intitulé L'Art d'être grand-père. Il meurt en 1885 en lui laissant un vaste héritage.
Jeanne Hugo devient une personnalité de la haute société parisienne; pendant la Belle Époque, sous la Troisième République française, les journaux la mentionnent fréquemment. Elle veille à la célébration du culte de son grand-père et est présente à toutes les manifestations en son honneur.
En 1891, Jeanne Hugo épouse le journaliste Léon Daudet, fils des écrivains Alphonse Daudet et Julia Daudet. Le mariage est célébré lors d'une cérémonie civile et sans célébration religieuse, par respect pour son grand-père, qui avait des opinions anticléricales convaincues. Le mariage est un événement majeur dans la société parisienne, attirant des foules de badauds. Ils divorcent en 1895 et Jeanne Hugo obtient la garde de son fils Charles Daudet, mais Léon Daudet, furieux que son fils fréquente l'École alsacienne, dont il craignait la "mauvaise influence" revendiqua sans succès devant la justice de le retirer à sa mère afin de lui donner un précepteur choisi par les Daudet . Par la suite Charles Daudet, élève de l'école des Chartes mais sans obtenir le diplôme de sortie, devint sous-bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
En 1896, elle épouse le scientifique et explorateur Jean-Baptiste Charcot. Elle divorce de Charcot en 1905 pour cause de désertion du domicile conjugal.
En 1906, Jeanne Hugo épouse Michel Negroponte, un officier de marine grec, dont elle était tombée amoureuse à seize ans. Cette fois le mariage est religieux – Jeanne s'est fait baptiser par un prêtre orthodoxe. Ils restent mariés jusqu'au décès du mari, le 1er avril 1914, à la suite d'une opération de l'appendicite .
Durant le premier conflit mondial, Jeanne Hugo-Negreponte s'engage comme infirmière dans un hôpital parisien et reçoit, pour services rendus, la médaille d'honneur des épidémies.
En 1927, après la mort de son frère, Jeanne se rend à Saint-Pierre-Port, à Guernesey pour faire officiellement don de la Maison Hauteville à la Ville de Paris. Hauteville avait été sa maison d'enfance lorsqu'elle vivait avec son grand-père en exil.
En 1933, un portrait peint par Giovanni Boldini, intitulé Madame Hugo et son fils, est exposé et sera souvent indiqué comme représentant Jeanne Hugo et son fils Charles. Il s'agit en fait de la première épouse de Georges Hugo, le frère de Jeanne, et de son fils, le futur peintre Jean Hugo.

Jeanne Hugo meurt le 30 novembre 1941 dans le 16e arrondissement de Paris. Elle est enterrée avec son troisième mari dans une chapelle en forme de petite église grecque au cimetière de Passy (14e division).
Fils de Charles Hugo, le premier fils de Victor Hugo, et de son épouse Alice Lehaene, Georges Victor-Hugo naît après la mort par méningite dans sa première année d'un premier enfant du couple lui aussi baptisé Georges.
À l'âge de 3 ans, il perd son père et est élevé par son grand-père Victor qui s'inspirera de cette expérience pour son livre L'Art d'être grand-père. Son parrain est le journaliste Henri Rochefort, ami du grand écrivain.
Il fait ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris et étudie la peinture au côté du peintre Ernest Ange Duez.
Il se marie en 1894 à Paris avec Pauline Ménard-Dorian. Leur fils, Jean Hugo fera lui aussi une carrière de peintre.
Ayant été matelot pendant les trois ans de son service militaire dans la Marine de guerre, il publie en 1896 un recueil de souvenirs à ce sujet, Souvenirs de matelot.
Il participe aux deux courses de classe 1-2 tonneaux aux épreuves de voile aux Jeux olympiques de 1900 à bord du Martha (il est référencé sous le nom de Charles Hugo dans les rapports olympiques). Il remporte la médaille d'argent à l'issue de la première course et la médaille de bronze à l'issue de la seconde.
Divorcé, il se remarie en 1901 avec Dora Charlotte Dorian (fille d'un député), cousine germaine de sa première épouse.
En 1902 il obtient de changer son nom en Victor-Hugo et signe désormais ses toiles Georges Victor-Hugo ou du monogramme G.V.H.
Lors de la guerre de 1914-1918, il s'engage - il a 46 ans - et en profite pour dessiner des scènes de tranchée qui seront exposées au musée des Arts décoratifs. Il est décoré de la Croix de Guerre avec citation à l'ordre de l'armée pour sa bravoure en tant qu'officier de liaison.
En février 1925, à 56 ans, Georges Hugo meurt d'une congestion pulmonaire, dans la misère et criblé de dettes, dans une chambre modeste au 2, rue de l'Élysée à Paris.
Madame Georges Hugo et son fils Jean par Giovanni Boldini.
Léon Daudet, né le dans le 4e arrondissement de Paris et mort le à Saint-Rémy-de-Provence, est un écrivain, journaliste et homme politique français.
Républicain converti au monarchisme, antidreyfusard et nationaliste clérical, député de Paris de 1919 à 1924, il fut l'une des principales figures politiques de l'Action française et l'un des collaborateurs les plus connus du journal du mouvement.
La bibliographie des œuvres de cet écrivain engagé est abondante puisqu’il est l’auteur de 128 ouvrages. Son œuvre de mémorialiste comprend six volumes de Souvenirs de 1880 à 1921, « prodigieux Souvenirs », selon Marcel Proust, qui ajoutait : « Les ressemblances entre Saint-Simon et Léon Daudet sont nombreuses : la plus profonde me semble l'alternance, et l'égale réussite, des portraits magnifiquement atroces et des portraits doux, vénérants, nobles ».
Origines
Léon Daudet est le fils aîné de l'écrivain Alphonse Daudet et de son épouse Julia Daudet née Allard, le frère de Lucien Daudet et d'Edmée Daudet, future Mme André Germain. Son père, écrivain renommé mais aussi homme enjoué et chaleureux, a beaucoup d'amis. Les réceptions du jeudi de Mme Daudet attirent de nombreuses personnalités du monde de la culture dans leur maison de Champrosay. « Fils d'un écrivain célèbre et qui avait non seulement le goût, mais la passion des échantillons humains, depuis le vagabond de la route jusqu'au plus raffiné des artistes, j'ai été en relation avec beaucoup de gens ». Aussi Léon fréquente-t-il dès son enfance des écrivains et des journalistes, les uns, comme Gustave Flaubert, visiteurs épisodiques, les autres, comme Edmond de Goncourt, presque membres de la famille. Maurice Barrès, Émile Zola, Édouard Drumont, Guy de Maupassant, Ernest Renan, Arthur Meyer, Gambetta, entre autres, marquent ses souvenirs d’enfance. Il est également ami de jeunesse de Marcel Proust, alors inconnu.
De la République à l'antidreyfusisme
Bien qu'ayant bénéficié, lors de ses débuts à Paris, de la protection de l'impératrice Eugénie et du duc de Morny, Alphonse Daudet se targue de sentiments républicains, qu'il communique à son fils. Les grands hommes, chez les Daudet, outre la figure tutélaire de Victor Hugo, sont successivement Gambetta et Clemenceau. Au soir de la victoire électorale du général Boulanger à Paris, le , Léon Daudet et ses camarades étudiants lancent à tue-tête, dans les rues du Quartier Latin, des slogans hostiles au général.
C'est à cette époque là que Léon Daudet aurait commencé à exprimer ses opinions antisémites[réf. souhaitée]. Son activisme antisémite commence dès 1886 par la lecture de La France juive, d'Édouard Drumont, que son père fait publier chez Flammarion et Marpon la même année. Dès lors, il le promeut au rang des grands génies de son temps. Eugen Weber parle d'une adhésion à la ligue antisémite dès la fin de la crise boulangiste, néanmoins sans citer de source.
Après de brillantes études au lycée Louis-le-Grand, où il reçoit l'enseignement du philosophe kantien Auguste Burdeau, qui a déjà été, à Nancy, le professeur de Maurice Barrès, et qui entreprend une carrière parlementaire et ministérielle, il entame en 1885, des études de médecine qu'il mène jusqu'au bout, thèse exceptée. Il voit de l’intérieur le monde médical et fréquente des sommités comme Charcot jusqu’à son échec au concours de l'internat, en 1891.
Le , à Paris, il épouse Jeanne Hugo, petite-fille de Victor Hugo (celle-là même que le poète a célébrée dans L'art d'être grand-père), sœur de son meilleur ami Georges Hugo, à la mairie du 16e arrondissement. « Trop de réclame autour de ce mariage », s'exclame Edmond de Goncourt. Le mariage est civil, Victor Hugo ayant défendu à sa descendance la pratique du mariage religieux. Son premier roman, L'Héritier, paraît en 1892, en feuilleton dans La Nouvelle Revue de Juliette Adam. En 1894, son expérience personnelle lui permet d'écrire Les Morticoles, caricature amère du monde médical, qui le fait connaître.
Son mariage lui a fait découvrir de l'intérieur le monde qui gravite autour de Hugo, le poète national : sa famille et le parti républicain. Le beau-père de son épouse est Édouard Lockroy, homme de gauche, député de 1871 à 1913, ministre de 1886 à 1899. Ils ont un fils, Charles Daudet (1892-1960), mais le ménage n'est pas heureux et, le , Jeanne quitte le domicile conjugal. Le divorce est prononcé l'année suivante. Jeanne Hugo épouse en secondes noces l'explorateur Jean-Baptiste Charcot, puis en troisièmes noces un capitaine grec, Michel Négroponte. Pour expliquer l'antiparlementarisme et l'antirépublicanisme de Léon Daudet, Eugen Weber a parlé de réaction contre le clan Hugo et de haine pour Lockroy. Cette thèse en vérité ne semble pas sérieuse : si, dans ses Souvenirs, spécialement dans Fantômes et Vivants, Léon Daudet exprime souvent un mépris violent pour les républicains, Lockroy fait exception, qu'il apprécie par plusieurs côtés. D'ailleurs, il explique d'où vient le républicanisme de sa jeunesse, bien avant d'entrer dans le clan Hugo ; c'était le résultat de son éducation : « J'étais élevé dans le respect, ou mieux dans la vénération de Hugo. Tous deux poètes, tous deux romantiques, tous deux républicains à la façon de 48, mes grands-parents maternels savaient par cœur Les Châtiments, La Légende des siècles, Les Misérables. Ils eussent mis à la porte quiconque se serait permis la moindre appréciation ironique sur L'Histoire d'un crime. Mon père et ma mère étaient dans les mêmes sentiments ».
Le 5 janvier 1895, quelques jours après le départ de Jeanne, Léon Daudet, accompagné de Maurice Barrès, assiste, pour le compte du Figaro, à la dégradation du capitaine Dreyfus. Il écrit notamment à son propos : « Il n'a plus d'âge. Il n'a plus de nom. Il est couleur traître. Sa face est terreuse, aplatie et basse, sans apparence de remords, étrangère à coup sûr, épave de ghetto ». Léon Daudet reste toute sa vie persuadé de la culpabilité de Dreyfus.
La publication de la brochure de Bernard Lazare, en , ne l'ébranle pas. Ce n'est pas le cas de tous, parmi son entourage. Le , il assiste au premier dîner des balzaciens, au cours duquel la rupture est consommée entre écrivains dreyfusards (Zola, France) et antidreyfusards (Barrès, Coppée, Bourget). Si Zola est encore de ceux qui, quelques jours plus tard, portent les cordons du poêle aux obsèques d'Alphonse Daudet, Léon le poursuit bientôt de sa haine, surtout après la publication du J'accuse. Alors qu'il est à même, plus tard, de reconnaître les vertus littéraires d'un Gide, d'un Proust ou d'un Céline, il ne cesse de dénoncer l'influence néfaste de Zola sur la littérature et s'obstine à le surnommer « le Grand Fécal ».
S'il est encore républicain, Léon Daudet s'affiche alors clairement comme nationaliste et clérical. Le , il assiste, avec sa mère, à la première réunion de la Ligue de la Patrie française, dont l'un comme l'autre ont été parmi les premiers adhérents. La même année, il entre dans la rédaction du Soleil, puis, en 1900, dans celles du Gaulois et de la Libre parole. Là, il se livre sans retenue au combat antidreyfusard et nationaliste, regrettant que ses appels à la résistance violente contre les ennemis de la Patrie et de la Religion ne soient pas suffisamment relayés par la presse dans laquelle il s'exprime. Ses attaques personnelles lui valent de multiplier les duels. Le premier l'oppose, en 1901, au député socialiste Gérault-Richard. En 1901 toujours, son antiparlementarisme s'exprime dans un ouvrage polémique : Le Pays des parlementeurs.
Émancipé de l'ombre tutélaire de son père, Léon Daudet est devenu un homme d'influence. Exécuteur testamentaire d'Edmond de Goncourt, il est chargé, en 1900, au terme d'un procès avec les héritiers de l'écrivain, de mettre sur pied l'Académie Goncourt, dont il est élu l'un des dix membres. Au printemps 1903, il entre dans le comité exécutif de la Fédération nationale antijuive d’Édouard Drumont.
En 1900, il est critique de théâtre au journal Le Soleil, collabore au Gaulois et à La Libre Parole. Il débute ainsi une carrière d'écrivain et de journaliste qu'il continue à un rythme enfiévré jusqu’à sa mort : il laisse environ 9 000 articles et 128 livres dont une trentaine de romans, une quinzaine d'essais philosophiques, des ouvrages de critique littéraire, des pamphlets (une dizaine),de l'histoire, et enfin ses Souvenirs, publiés avec succès de 1914 à 1921 qui restent son premier titre de renommée littéraire.
Bien qu'il connût déjà Charles Maurras et Henri Vaugeois, c'est sa rencontre en 1904 avec le duc d'Orléans qui décide de sa vocation monarchiste, vocation renforcée par son mariage, en 1903, avec sa cousine Marthe Allard, qui partage ses idées et dont le nom de plume est « Pampille ».
L'affaire des fiches (1904), suivie de l'affaire Syveton, dans laquelle il s'obstine à voir un assassinat, renforcent son engagement dans la politique réactionnaire et anti-parlementaire. En 1908, il est l'un des fondateurs, avec Charles Maurras, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, du quotidien L'Action française dont le financement est largement assuré par l'héritage que son épouse reçoit de la comtesse de Loynes, l’égérie de Jules Lemaître et de la Ligue de la patrie française, dont il fréquente le salon, qu'il mentionne notamment dans Salons et journaux publié en 1917. Il se bat en duel à plusieurs reprises a cette époque, par exemple contre le journaliste du Gaulois Gaston de Maizière en 1910, contre le romancier Nadaud en 1911 (car Daudet avait critiqué une pièce de Bernstein), la même année contre Georges Claretie, ami de Bernstein, contre Bernstein lui-même le 21 juillet, puis contre Henri Chervet et, avant la guerre, contre Paul Hervieu. Il devient éditorialiste et rédacteur en chef, puis codirecteur à partir de 1917, tandis que son épouse tient la rubrique culinaire sous le pseudonyme de « Pampille ».
Léon Daudet est dès lors une figure de la vie culturelle et politique : articles polémiques au style populaire, vif et amusant, charriant les injures, voire les appels au meurtre, mais aussi essais, livres d'histoire et romans se succèdent à un rythme soutenu. Le personnage est un colosse truculent, sanguin, pittoresque, mangeant, buvant (plusieurs bouteilles de bourgogne par repas), écrivant, discourant sans cesse. Celui qu'on surnomme « le gros Léon » défraye la chronique, autant par ses écrits que par les duels que lui valent ses insultes et les coups qu'il donne ou reçoit au cours de manifestations qui se terminent souvent au poste.
À partir de 1912, il entame une campagne dénonçant une prétendue infiltration des milieux des affaires et de la politique par des agents à la solde de l'Allemagne, campagne pour laquelle il produit de faux documents, ce qui lui vaut d'être condamné pour diffamation en 1920. Il continue cependant à répandre des accusations, souvent à tort, qui mènent à l'arrestation de Miguel Almereyda (affaire du Bonnet rouge et du Chèque Duval) pendant la Première Guerre mondiale en 1917, suivie de celles de Louis Malvy et de Joseph Caillaux, accusés de forfaiture et qu'il aurait voulu voir fusillés en compagnie d’Aristide Briand. Toutes ses allégations furent « entièrement réfutées ». Son livre L'Avant-Guerre, paru le , voit ses ventes passer de 12 000 exemplaires à 20 000 au début du conflit. Entre la fin de l'année 1914 et le début de l'année 1916, il s'en vend 50 000 exemplaires de plus. C'est par l'obstination de Léon Daudet que sera finalement poursuivie l'enquête contre Louis Malvy, accusé également par Clemenceau, et condamné au bannissement pour forfaiture.
Aristide Briand, onze fois président du Conseil, huit fois ministre des Affaires étrangères, est véritablement sa « tête de Turc », qui avait inspiré à Clemenceau ces mots : « Un cabinet qui parle de la guerre sans jamais la faire » et « un pur-sang (lui) ne peut faire attelage avec une grenouille ».
Briand personnifie aux yeux de Daudet « la nocivité de la démocratie » et justifie sa haine du régime républicain. Dans ses mémoires politiques, il ne cesse de le traîner dans la boue, le faisant passer pour une « gouape », voire un « maquereau » ou un « souteneur ». Il justifie ces injures par une affaire d'outrage à la pudeur commis au « pré de Toutes Aides », quartier de Saint-Nazaire, où Briand aurait trempé, et qui l'aurait fait condamner par le tribunal de Redon à un mois de prison avec sursis, le . Ce jugement aurait été confirmé par la cour d'appel de Rennes, le , avant d'être définitivement annulé par le tribunal de Poitiers, quelques années plus tard. Cette justification semble évidente dans un article du journal bonapartiste de l'époque L'Autorité (dont la devise était : « Pour Dieu, Pour la France »), interpellant tout à la fois Louis Lépine, préfet de police, Georges Clemenceau, président du Conseil, et dont le ministre de la Justice, lors de la parution de l'article en question, les 13 et , n'était autre qu'Aristide Briand lui-même.
De 1919 à 1924, il est député à Paris, le seul élu sur la liste « d'Action française et d'Union nationale », ayant été tenu à l'écart de la liste du Bloc national. Il est d'ailleurs le seul député à la Chambre qui a ouvertement fait part de ses convictions royalistes dans sa profession de foi. Même s'il estime plus tard avoir perdu là quatre ans et demi de sa vie, les occasions ne lui manquent pas d'animer les débats par ses boutades et ses invectives.
Il siège à la chambre dans le groupe des Indépendants de droite, un groupe parlementaire de vingt-neuf députés dominés par les sympathisants de l'Action française. En dépit de cette position isolée, il s'y fait le principal porte-parole des nationalistes et le fer de lance de l'opposition de droite aux gouvernements successifs, mettant à profit son talent de polémiste. Maître de l'apostrophe et de l'interruption où son sens de l'à-propos et sa verve caustique font merveille, il est redouté de ses adversaires politiques.
Sa première interpellation au gouvernement vise le premier gouvernement Millerand, dont il critique l'attribution du poste de Ministre de l'Intérieur au député radical Théodore Steeg. Daudet l'accuse d’être d’origine allemande et d’être le tuteur d’un enfant naturel dont les parents seraient Louis Malvy et Nelly Beryl, une espionne allemande. Dans le vote de confiance qui s'ensuit, de nombreux membres de l'Entente républicaine démocratique s'abstiennent, notamment en raison de l'intervention de Daudet. D'après Jean Garrigues, cette interpellation peut s'interpréter comme une revanche contre Steeg qui avait opéré à deux reprises la censure du journal L'Action française sous le premier gouvernement Poincaré. Dans tous les cas, cette attaque contre le cabinet d'Alexandre Millerand n'empêche les Indépendants de droite d'approuver globalement son action, notamment lors du rétablissement de l'ambassade de France près le Saint-Siège ou de la Conférence de Spa (1920) où Alexandre Millerand a tenu bon face à ceux qui, comme John Maynard Keynes, veulent le relèvement de l'économie allemande « reven[ant] à nous demander de refaire de nos propres mains le monstre qui se jettera encore une fois sur la France […]. Il importe plus que jamais de brider l'Allemagne […] à l'aide d'une politique militaire » selon Daudet.
Le second gouvernement Millerand n'échappe pas non plus à ses interpellations. Ainsi, le 2 mars 1920, après les grèves massives de 1920 ayant frappé la fonction publique et les cheminots, il l'interroge sur les « mesures préventives à prendre afin d’empêcher le retour des grèves politiques et révolutionnaires nuisibles au relèvement du pays », réclame que les étrangers suspects aux yeux de la sûreté générale soient arrêtés et demande l’interdiction du Journal du peuple, « journal de trahison bolchéviste ». Le Bloc national, s'il ne cautionne pas ces mesures extrêmes, vote néanmoins son ordre du jour (478 voix contre 74) qui demande au gouvernement d'instaurer une législation sociale pour prévenir le retour des conflits sociaux et qui comporte par exemple l’arbitrage obligatoire de l’État dans lesdits conflits.
Le 18 mai 1920, il félicite Alexandre Millerand pour son action contre les manifestations syndicales du 1er mai qu'il qualifie de « victoire contre l’ennemi de l'intérieur » et est à l'origine d'une nouvelle interpellation sur « les moyens que le Gouvernement compte employer pour mettre fin aux attentats révolutionnaires contre la nation dont le foyer est la CGT ». En effet, il dénonce le « complot à la fois allemand, bolchéviste et caillautiste » contre la France mené « en permanence » à la Confédération générale du travail, à L'Humanité et au Journal du peuple, avec l'appui des « banquiers, journalistes et politiciens révolutionnaires » au nombre desquels il compte le banquier Albert Kahn. Raoul Péret est obligé de suspendre deux heures la séance parlementaire car la gauche cherche à l'empêcher de finir son discours. Cela n'empêche pas Daudet de poursuivre dès la reprise des débats en soulignant « l'attentat contre la nation du 1er mai dernier » et le complot dont le « foyer principal est à la CGT avec des ramifications à Berlin, à Moscou et dans les journaux serfs de l'Allemagne et du bolchévisme ».

Le 30 décembre 1920, dans la discussion relative à l'entrée de la révolutionnaire allemande Clara Zetkin sur le territoire français, Daudet et de Baudry d'Asson prennent à partie le ministre Théodore Steeg. Le même jour, Léon Daudet interpelle le gouvernement dans les termes suivants : « pendant les trois premières années de la Guerre, le ministère de l'Intérieur [de Louis Malvy] a été aux ordres de l'ennemi » et demande à la cantonade « si nous allons laisser revenir ou travailler en France les mêmes députés allemands ou politiciens français à la solde de l'Allemagne qui nous ont coûté les morts ».
Le 11 janvier 1921 au Palais Bourbon, le député communiste Alexandre Blanc gifle Léon Daudet qui riposte par un coup de poing.

En janvier 1922, Aristide Briand se rend aux avis du Premier ministre britannique David Lloyd George, permettant à la conférence de Gênes de se tenir, non, comme le pense Daudet, dans le but avoué de négocier la réduction des réparations de guerre dues par l'Allemagne vaincue, mais surtout dans celui de reconstruire le système monétaire international qui ne repose plus sur l'étalon-or (Gold Standard) et fait fluctuer de façon nouvelle les parités monétaires. Le 10 janvier 1922, Léon Daudet demande au président de la République, Alexandre Millerand, le rappel du président du Conseil, alors à une conférence interalliée sur les réparations à Cannes. Se ralliant aux thèses de l'Action française, le Bloc national vote dans un bel ensemble la motion de Daudet à 249 voix sur 334. Millerand l'ayant désavoué, Aristide Briand donne la démission de son gouvernement le 12 janvier. Lorsqu'il tente de s'expliquer le 1er avril, Léon Daudet lui assène : « Il me sera permis de dire que peu d'éloquences auront coûté aussi cher à la France, pendant un an, que l'éloquence bien connue de l'accusé Briand, qui est en ce moment à la tribune. » et ses collègues Charles Ruellan, Eugène Magne, Henri de La Ferronnays, Jean Le Cour-Grandmaison, Pierre Jurie-Joly et Jean Ybarnégaray empêchent Briand de terminer son discours par leurs invectives. En parvenant à faire rappeler Raymond Poincaré, futur auteur de l'occupation de la Ruhr, à la Présidence du Conseil, c'est un succès parlementaire majeur qu’obtiennent Daudet et ses amis. Ce dernier fera d'ailleurs part, deux jours plus tard, de sa « confiance en la clairvoyance de l'actuel président du conseil [Raymond Poincaré], qui s'est rendu à Gênes sous la pression de la nécessité trouvée dans les bagage du ministère précédent ».
Le 15 juin 1923, Raymond Poincaré accorde un soutien partiel à l'Action française en déclarant que « certains extrémismes continuent de servir la Patrie ». En effet, la gauche et le centre avaient protesté quelques jours plus tôt après que les Camelots du Roi aient molesté Marc Sangnier, Maurice Viollette et Marius Moutet, trois personnalités politiques favorables au relèvement allemand. André Tardieu écrit alors dans L'Écho de Paris : « M. Daudet a été le vainqueur du jour parce que jugée selon le plan de l’Action française, la majorité de Poincaré n’est plus que la suite docile des royalistes ».
Il est battu aux élections législatives de 1924.
Léon Daudet lui-même relatera cette période dans Député de Paris, publié vers 1932.
En 1923, son fils Philippe, âgé de quatorze ans, fait une fugue, tente de s'embarquer au Havre pour le Canada, puis rentre à Paris, où il prend contact avec des milieux anarchistes. Quelques jours plus tard, il se suicide dans un taxi. Une lettre à sa mère annonçait son intention de mettre fin à ses jours. Léon Daudet affirme dans un premier temps que son fils est mort d'une méningite, puis, quand le suicide est rendu public, il refuse toujours de l'admettre, soutient que son fils a été assassiné et porte plainte pour homicide volontaire et complicité contre plusieurs hauts fonctionnaires de la Sûreté Générale, accusée d'être une police politique au service du régime républicain. Le procès ayant confirmé le suicide et conclu à un non-lieu contre les inculpés, Léon Daudet refuse le verdict. Une « enquête » est publiée jour après jour dans l'Action française. Accusant de faux témoignage un des principaux témoins, il est condamné pour diffamation en 1925 à cinq mois de prison ferme.
En 1927, ayant épuisé tous les recours et se disant victime d'une machination policière, Léon Daudet transforme pendant quelques jours les locaux de l'Action française en fort Chabrol avant de se rendre. Incarcéré à la Santé, il est libéré deux mois plus tard par les Camelots du roi qui sont parvenus, grâce à Charlotte Montard, ancienne standardiste aux P&T, à détourner les communications téléphoniques de la prison et déployant les dons d'imitateur de Pierre Lecœur, secrétaire général des Camelots du Roi, à faire croire à son directeur M. Catry que le ministre de l'intérieur Albert Sarraut lui ordonnait d'élargir discrètement Léon Daudet, Joseph Delest et, pour faire bonne mesure, le député communiste Pierre Sémard.
Suivent deux ans d'exil à Bruxelles, durant lesquels il continue sa collaboration avec le quotidien monarchiste et la publication effrénée d'essais, de pamphlets, de souvenirs et de romans. En 1929, il écrit que l'antisémitisme ne fait plus partie de sa personnalité :
« En ce qui concerne l'antisémitisme, il y a belle lurette que j'en suis détaché de toutes manières […] et que le développement de mon être intérieur m'a plutôt porté à essayer de comprendre Israël et la raison de ses coutumes et de leur persistance qu'à la maudire. Je ris quand j'apprends que des personnes me croient encore dans le même état moral vis-à-vis des fils de Sem qu'il y a trente ou vingt-cinq ans. […] Dans toute cette affaire de décomposition et de l'enjuivement de l'État français, c'est la démocratie qui est coupable et non le juif. Cela Drumont n'a jamais voulu le comprendre, pas plus qu'il n'a voulu admettre que la thèse des deux races, l'une envahissante — le Franc — l'autre envahie — le Gaulois — anéantie par Fustel de Coulanges, était une erreur. »
— Léon Daudet dans Paris vécu, rive droite
De retour à Paris après avoir été gracié, il reprend sa place au journal et participe activement à la vie politique : il dénonce la corruption du régime, il prédit la guerre, soutient le fascisme de Mussolini, mais redoute le relèvement de l’Allemagne et espère, lors de la manifestation du , la chute de la République (la « Gueuse »), dénonçant Camille Chautemps (démissionnaire de la présidence du conseil depuis quelques jours en raison de l'affaire Stavisky) comme le « chef d'une bande de voleurs et d'assassins ».
En décembre 1937, durant la guerre d'Espagne, il signe le Manifeste aux intellectuels espagnols en soutien à Franco. Sa mère meurt en à l'âge de 95 ans.
Il souhaitait depuis plusieurs années l'arrivée du maréchal Pétain au pouvoir lorsque la défaite amène, pour reprendre l'expression de Charles Maurras, la « divine surprise ». Mais l'occupation allemande désole cet antigermanique viscéral.
Il meurt d'une hémorragie cérébrale en 1942 à Saint-Rémy-de-Provence, dans le pays des Lettres de mon moulin. Sa tombe est visible au cimetière de Saint-Rémy.
Jean-Baptiste Étienne Auguste Charcot, souvent appelé Commandant Charcot, né le à Neuilly-sur-Seine et mort le en mer (à 30 milles au nord-ouest de Reykjavik), est un médecin, explorateur polaire français et un officier de la marine française.
Sportif, il fut champion de France de rugby à XV en 1896 et fut également double médaillé d'argent en voile aux Jeux olympiques d'été de 1900.
Les débuts
Né le à Neuilly-sur-Seine, Jean-Baptiste Charcot est le fils du médecin Jean-Martin Charcot, qui a laissé son nom à la maladie de Charcot. De 1876 à 1885, il fréquente l'École alsacienne, y pratique beaucoup le sport (boxe, rugby à XV, escrime). En classe de 5e, il fonde avec quinze camarades de classe les « Sans Noms », une société scolaire avec laquelle il organise en 1880 un des premiers, voire le premier, match scolaire de rugby à XV en France.
À cette même époque, il rédige les aventures d'un trois-mâts en Patagonie pour un petit journal illustré. L'été, il pratique la voile à Ouistreham.
De 1883 à 1887, il fait de nombreux voyages avec son père (pays de Galles, Shetland, Hébrides, îles Féroé, Islande, île Jan Mayen, Pays-Bas, Espagne et Maroc) et en garde une véritable phobie des pays trop chauds. En 1888, il accomplit son service militaire au 23e bataillon de chasseurs alpins en qualité de médecin auxiliaire.
En 1891, reçu au concours d'internat d'études de médecine, il fait, en qualité de médecin, un voyage en Russie avec son père.
En 1892, il achète son premier yacht (Daisy, un petit cotre qu'il rebaptise le Courlis), un sloop de 8,30 m avec lequel il apprend à régater. En 1893, son père, Jean-Martin Charcot, meurt d'un œdème du poumon. Jean-Baptiste fait construire par le chantier Bonnin à Lormont/Bordeaux son premier bateau qu’il baptise Pourquoi-Pas ? : il s’agit d’un cotre de 19,50 m (20 tonneaux). Cette même année, il est interne à l'hôpital de la Salpêtrière puis à l'hôpital Saint-Antoine à Paris.
En 1894, il fait une croisière de deux semaines. L'année suivante, il soutient sa thèse de doctorat sur L'atrophie musculaire progressive et devient docteur en médecine à la faculté de Paris, le . L'année de son doctorat, une infirmière de l'hôpital de la Salpêtrière meurt en couches en lui donnant une fille, Marie-Louise, surnommée Marion (1895-1927). Cette même année, il est également finaliste du championnat de France de rugby, au poste de pilier droit de l'Olympique, club qu'il a fondé avec des amis du Racing Club de France.
Le , il épouse Jeanne Hugo, petite-fille de Victor Hugo, divorcée de son ami d'études Léon Daudet. Cette même année, il est champion de France de rugby, toujours avec l'Olympique.
Il revend son bateau, qu'il remplace par un trois-mâts barque en bois de 26 m, le Pourquoi-Pas ? II. En 1897, il change de bateau, pour une goélette en fer de 31 m, avec moteur à vapeur, le Pourquoi-Pas ? III. En 1898, il remonte le Nil jusqu'à Assouan en compagnie du milliardaire Vanderbilt.
En 1899, séduit par les modifications et les améliorations apportées par le propriétaire intermédiaire, il rachète son ancien trois-mâts barque, le Pourquoi-Pas ? II, et va croiser dans les eaux britanniques.
En 1900, il est double médaillé d'argent aux Jeux olympiques de Paris dans l'épreuve de voile.
En 1901, il réalise des recherches nautiques, météorologiques et microbiologiques vers l'archipel des Shetland, les Hébrides et les îles Féroé.
En 1902, il est versé dans la réserve de la Marine nationale. Il acquiert une goélette en fer de 214 tonneaux (la Rose-Marine), réalise une croisière avec son épouse à l'île Jan Mayen. Puis il navigue vers l'Islande, franchit pour la première fois le cercle polaire arctique et approche des glaces.
Il a aussi acquis dans les années 1895-1900 un chalet en bois de style suisse dans la ville d'eau d'Aix-les-Bains, en Savoie.

En 1903, Jean-Baptiste Charcot fait construire à Saint-Malo un trois-mâts goélette de 32 mètres, Le Français. Pour suivre de plus près les travaux, il s'installe à proximité de Saint-Servan, dans une demeure dominant la Rance, au lieu-dit La Passagère. Il monte la première expédition française en Antarctique, qui hiverne sous le vent de l'île Wandel. Le , l'expédition quitte la péninsule Antarctique, après un hivernage sans encombre. Il s'agit du premier hivernage d'une expédition scientifique dans les Pôles après celui du belge de Gerlache sur la Belgica entre 1897 et 1899. Les objectifs scientifiques sont dépassés : 1 000 km de côtes découvertes et relevées, trois cartes marines détaillées, 75 caisses d'observations, de notes, de mesures et de collections destinées au Muséum national d'histoire naturelle. Le bateau est revendu à la marine argentine. Dès son retour en France, Charcot divorce et s'installe chez sa sœur Jeanne, avec sa fille Marion.

Le , il se remarie avec Élisabeth Marcelle Marguerite (Meg) Cléry (fille d'un célèbre avocat parisien, Léon Cléry), peintre qui l'accompagnera souvent dans ses voyages. Monique, sa deuxième fille et la première du couple, naît le . Il lance une nouvelle expédition antarctique et commence la construction du Pourquoi-Pas ? IV, bateau d'exploration polaire de 40 mètres, gréé en trois-mâts barque, équipé d'une machine à vapeur chauffant au charbon et comportant trois laboratoires et une bibliothèque.
En , Charcot part hiverner à l'île Petermann pour sa deuxième expédition polaire. De retour en , après un deuxième hivernage, l'expédition est riche en expériences scientifiques : des mesures océanographiques (salinité, sondage), des relevés de météorologie, une étude des marées, une étude du magnétisme, des collections de zoologie et de botanique confiées au Muséum et à l'Institut océanographique de Monaco. Il rapporte aussi des découvertes géographiques comme le tracé de la Terre Alexandre et une nouvelle terre, la Terre de Charcot. Les résultats de l'expédition, considérables, comprennent également le relevé cartographique de 2 000 km de côtes. Mais Charcot, victime du scorbut, revient considérablement affaibli.
En 1911 naît Martine (1911-1979), troisième fille de Jean-Baptiste Charcot. Il mène cette année-là une courte campagne océanographique en Manche. En décembre, il participe, avec le lieutenant de vaisseau Nicolas Benoit à la création des Éclaireurs de France, l'un des deux premiers mouvements de scoutisme en France — aujourd'hui Éclaireuses éclaireurs de France —, dont il est le premier président. En 1912, le Pourquoi-Pas ? IV devient le premier navire-école de la marine. De 1913 à 1936, il est président du Yacht club de France.
La demeure de Charcot en bord de Rance, non loin du cimetière à bâteaux de Quelmer (pour ceux qui connaissent !)=.
De 1914 à 1918, durant la guerre, Charcot est d'abord mobilisé dans la Marine, avec le grade de médecin de la Marine de première classe, et affecté à l'hôpital maritime de Cherbourg. En , il obtient de l'Amirauté britannique le commandement d'un navire spécialement étudié et construit par les Britanniques pour la chasse aux sous-marins. En 1916, il réussit à convaincre la marine militaire française de construire à Nantes trois bateaux pièges pour la lutte anti-sous-marine, armés par des équipages vêtus comme des marins civils de la marine marchande. Commandant du premier des trois bâtiments sortis du chantier baptisé Meg, il bourlingue pendant deux ans au large des côtes bretonnes et normandes sans hélas rencontrer de sous-marin allemand. Charcot termine la guerre avec les croix de guerre britannique puis française et une citation à l'ordre de l'Armée pour ses services de guerre.
De 1918 à 1925, Charcot, obtient, dans la réserve, successivement les grades d'enseigne de vaisseau, de lieutenant de vaisseau puis de capitaine de corvette avant d'être promu capitaine de frégate en 1923. Durant cette période, il assure avec son navire le Pourquoi-Pas ? IV des missions scientifiques dans le golfe de Gascogne, en Manche, dans l'Atlantique nord, en Méditerranée et aux îles Féroé, principalement pour des études de lithologie et de géologie sous-marine au moyen de dragages, dont Charcot a mis au point du matériel et des méthodes.
À partir de 1925, atteint par la limite d'âge, il ne peut plus commander le Pourquoi-pas ? — qui est commandé par l'officier de première classe des équipages Le Conniat. Bien évidemment, Charcot reste à bord en qualité de chef des missions. Il va effectuer de multiples navigations vers les glaces de l'Arctique. En 1926, il est élu membre libre de l'Académie des sciences et se voit confier une mission à la Terre de Jameson. Il explore la côte orientale du Groenland et rapporte une abondante récolte de fossiles et de nombreux échantillons d'insectes et de flore locaux.
En 1928, le Pourquoi Pas ? IV et le croiseur Strasbourg (ex croiseur allemand KMS Regensburg) vont à la recherche du gros hydravion français, un « Latham 47 » piloté par le lieutenant de vaisseau de Robien, disparu avec le grand explorateur norvégien Roald Amundsen, lui-même à la recherche du général italien Umberto Nobile, disparu en survolant le pôle Nord à bord du dirigeable Italia dont on est sans nouvelles. Les recherches resteront vaines pour retrouver Amundsen et Robien mais Nobile est retrouvé vivant avec une partie de son équipage.
En 1929, Charcot est reçu à l'Académie de marine.
À partir de 1930, il prépare l'année polaire internationale. De 1931 à 1933, il s'occupe de la définition de la mission, de l'implantation et de l'organisation de la station du détroit Scoresby avec le concours de scientifiques, des autorités danoises locales et de la main d'œuvre du pays. Il donne le commandement de son navire à Auguste Chatton. En 1934, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur. L'été 1934, il installe au Groenland la mission ethnographique dirigée par Paul-Émile Victor, qui séjourne pendant un an à Angmagsalik pour vivre au milieu d'une population d'Esquimaux. En septembre de cette même année, il co-fonde, avec le Muséum national d'histoire naturelle, l'aquarium et musée de la Mer de Dinard. En 1935, il revient chercher Victor et ses trois compagnons (Robert Gessain, Pérez et Fred Matter), puis va poursuivre l'établissement de la cartographie de ces régions. Le , un cyclone ravage les côtes de l'Islande et le bateau parvient à se réfugier dans un petit port.
En , de retour du Groenland, où il est allé livrer du matériel scientifique à la mission de Paul-Émile Victor qui vient de traverser l'inlandsis en 50 jours, après avoir rempli une mission de sondage, le Pourquoi-Pas ? IV fait une escale à Reykjavik le 3 du mois pour réparer la chaudière du bateau. Le commandant Charcot et son équipage appareillent par beau temps le pour Saint-Malo. Le une violente tempête cyclonique s'est levée et coule le Pourquoi pas ? IV sur les récifs d'Álftanes vers 5 h 30. Le bilan est de 23 morts, 17 disparus et un seul survivant : le maître timonier Eugène Gonidec, originaire de Douarnenez et surnommé Pingouin. Il racontera que le commandant Charcot, comprenant la destruction inévitable du Pourquoi-Pas ? IV sur les récifs, libéra de sa cage la mouette Rita, mascotte du bord. Le capitaine de frégate Charcot, avec à ses côtés le capitaine et officier des équipages de 1re classe Le Conniat et le maître principal pilote de la flotte Floury, restèrent à bord et coulèrent avec le navire, selon les plus pures traditions de la marine.
Jean-Baptiste Charcot, mort en mer, mais dont le corps est retrouvé, est enterré à Paris au cimetière de Montmartre, le après des funérailles nationales qui se déroulèrent à la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Le mémorial Charcot à St Servan St Malo
Léopoldine et son époux Charles Vacquerie, dessin d'Adèle Foucher, 1843, Paris, maison de Victor Hugo.